Tandis que la pandémie de COVID-19 bat son plein dans la Belle Province, avec plus de 8000 nouveaux cas et 159 décès la semaine du 20 novembre, le premier ministre François Legault a reconnu l’existence d’un autre grand danger : le réchauffement climatique qui menace, selon ses mots, « la survie de l’espèce ». Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a publié le 16 novembre le Plan pour une économie verte 2030 (PEV 2030) dans lequel il promet de remettre la province dans la bonne direction pour atteindre son objectif de 2030, soit une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5% par rapport à 1990. Ce plan, qui vise notamment l’électrification des transports, est cependant jugé insuffisant par certains organismes environnementaux. Pour cette raison, deux manifestations, à Québec et à Montréal, ont été organisées pour demander des mesures plus rigoureuses, spécifiées dans la Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité.
Un objectif pragmatique et réaliste
En 2009, l’Assemblée nationale avait fixé la cible de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2020 à 20% par rapport à 1990. Cette cible ne sera pas atteinte. Cependant, le plan du gouvernement reprend l’engagement de réduction de 37,5% des émissions de GES par rapport à 1990, adopté en 2015 par l’Assemblée nationale. Il mentionne aussi la possibilité d’un objectif de carboneutralité pour 2050 en fonction de l’évolution des négociations internationales. Malgré tout, le premier ministre reconnaît que le PEV 2030 ne permettrait que d’atteindre 42% de son objectif, soit une réduction de 16% des émissions de GES par rapport à 1990. Pour les 21,5% restants, le premier ministre compte sur les efforts du gouvernement fédéral et le développement de nouvelles technologies.
Les organisations ayant participé à l’élaboration de la Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité préconisent des objectifs plus ambitieux. S’appuyant sur les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), elles affirment que le véritable objectif devrait être de limiter le réchauffement à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle (avant 1850), ce qui correspond à l’objectif de l’Accord de Paris. Réduire d’ici 2030 les émissions mondiales de GES de 45% par rapport au niveau de 2010 et atteindre la carboneutralité d’ici 2050 signifierait une probabilité de 50% de limiter le réchauffement en deçà du seuil critique. Pour augmenter cette probabilité à 66%, il faudrait atteindre la carboneutralité dès 2040.
Capitalisme vert et transformation sociétale
Pour le gouvernement de la CAQ, le PEV 2030 s’inscrit dans une logique de relance économique verte. Tout au long de ce plan, le gouvernement souhaite combiner la lutte contre les changements climatiques à une maximisation des retombées économiques. Le plan met de l’avant que l’électrification de l’économie et notamment des transports améliorera la balance commerciale du Québec en limitant ses importations d’hydrocarbures. Le plan compte étendre l’expertise hydroélectrique du Québec aux autres énergies renouvelables comme l’hydrogène vert et les bioénergies, faisant ainsi de la province un chef de file dans le domaine de l’énergie renouvelable, et « la batterie du nord-est de l’Amérique ».
Dans leur Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité, les 85 organisations environnementales signataires stipulent que cette « croissance propre » serait « un mirage ». Le réchauffement climatique est avant tout un enjeu sociétal qui nécessite une transformation radicale du modèle économique du Québec pour réduire la consommation, affirment-elles. Pour remédier au réchauffement climatique, la feuille de route met de l’avant une économie sociale, locale et circulaire et conseille de placer plus de ressources sous gestion commune plutôt que sous le contrôle du marché.
Taxer ou ne pas taxer
Pour financer son plan, le gouvernement Legault compte s’appuyer sur les revenus du marché du carbone, à travers lequel le gouvernement québécois vend aux enchères des droits d’émettre des GES. Il compte aussi avoir recours à des investissements directs du gouvernement québécois, des investissements d’organes étatiques comme Investissement Québec ainsi que des investissements du secteur privé. Le gouvernement ne compte pas mettre en place de nouvelles taxes qui, selon lui, alourdiraient le fardeau des familles et nuiraient à la compétitivité des entreprises québécoises.
La Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité mettrait en place, au contraire, des mesures d’écofiscalité, pour punir les comportements les plus polluants et récompenser les plus écologiques. Ces nouvelles taxes seraient accompagnées de mesures de compensation pour ne pas exacerber les inégalités économiques. Les 85 organismes environnementaux suggèrent aussi, dans leur feuille de route, de nombreuses réglementations pour que les dépenses et investissements publics et privés soient évalués en fonction de leur impact environnemental et social.
Comparaison détaillée du secteur des transports
Le secteur des transports représente à lui seul 43% des émissions de GES du Québec. Le gouvernement et les organismes environnementaux accordent donc une grande importance à ce domaine. Les grandes lignes de leurs mesures sont détaillées dans ce tableau :
Adaptations politiques aux changements climatiques
Le PEV 2030 contient aussi quelques changements de nature législative et administrative, comme la création d’une loi pour le climat et l’augmentation des pouvoirs du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. La Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité préconise, quant à elle, une « Loi climat contraignante » incluant un budget carbone et une collaboration d’égal à égal entre le gouvernement du Québec et les peuples autochtones.
Tandis que le gouvernement poursuit la mise en œuvre du PEV 2030, prévoyant lancer une période de consultations sur l’aménagement du territoire, François Geoffroy, porte-parole de La Planète s’invite au Parlement a invité les manifestants à poursuivre leurs efforts de mobilisation. Il a annoncé la création prochaine d’un réseau des travailleuses et travailleurs pour la justice climatique, et a salué le travail d’autres organisations comme l’équipe du Grand Dialogue au Saguenay et Extinction Rébellion. Quand les conditions sanitaires le permettront, la Planète s’invite au Parlement entamera une tournée à travers le Québec pour parler de la Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité.