Je pense aux Français·es qui évoluent dans leur bain francophone
Une grande baignoire de céramique blanche et lustrée
Avec d’amusants canards en plastique anglophones
Je regarde mon paysage nord-américain
Les sapins coniques incolonisés
Ma langue molle arrachée, remodelée, battue au fer
La roche violente
Les grandes hémorragies de ma grammaire
Mon vocabulaire tous les jours au front
En première ligne avec ses voyelles victimes
Les poings pleins de couteaux
Les dents pleines d’acide
Ma gorge à la guerre sans congés payés
Ma voix retentissant une seule nuit en 70
Ma voix soldate des Amériques
Bardée d’acier
Je regarde par ma fenêtre
Les branches acérées se sont aiguisées sur des milliers de massacres
Ceux des Abénaki des Anishinabeg des Attikamekw
Ceux des idiomes des secrets linguistiques des e à la fin des mots
Dans le ciel en flammes l’incendie des rideaux de douche
La céramique de la baignoire qui fond devient neige
Les canards en plastique enflent et deviennent carnivores
Balisent de jaune les autoroutes du Nord
Dévalisent les dictionnaires à grands coups de bec
Laissent sur nos étagères de pauvres plaquettes à l’encre cheap
Je pense aux Français·es qui paient
Pour pailleter leurs organes d’exotiques calligraphies
Pour de la mousse de bain saveur glitter
Je regarde ma ville qui se parke au coin d’un pays
Pour ne pas gêner la circulation
Je regarde les gros chars qui smokent mon quartier
Ma ville qui s’abat se déracine se tronçonne
Timber ! Montreal city in flames.