Le soir, la Belle Province rêve… d’être encore plus belle. On a beau lui répéter : « Des atouts, vous en avez, mademoiselle, et non des moindres », ça ne suffit pas. Quelque chose lui manque. Ce je-ne-sais-quoi dont plein de belles (et moins belles) filles ont dû rêver elles aussi un jour ou l’autre. Alors depuis des années, tous les soirs avant d’aller se coucher, c’est le même rituel : la plus si jeune demoiselle s’observe longuement dans la glace et s’imagine en reine de beauté – maquillée, apprêtée, enfilant de hauts talons pour défiler fièrement sur le podium. Curieusement, ce n’est pas la couronne qui l’intéresse : elle la jetterait aux orties en devenant souve-reine. Non, ce dont elle rêve, c’est d’être souveraine !
En 2008, la Belle a eu l’occasion de commander un bon d’achat pour le cadeau rêvé : il lui aurait suffi de voter le 8 décembre pour le Père Noël, autrement dit le Parti québécois (PQ). Pourtant, quelque chose l’a retenue… Une fois de plus.
Serait-ce le Père Noël ? Alors que dans les enquêtes d’opinion, près de la moitié des Québécois francophones se disent toujours en faveur de la souveraineté, le PQ n’a obtenu que 29 p. cent des voix en 2007 (son plus mauvais score en quarante ans) et 35 p. cent lors des dernières élections. Le PQ, boulet de la cause souverainiste!? C’est en cas ce que soutient Marc Desnoyers sur le blogue de Real Clear World : « Il semble que ce soit le PQ qui tire la souveraineté vers le bas, et pas le contraire. » J’y vais de ma propre hypothèse : le PQ ressemble de plus en plus au père Hoover dans Little Miss Sunshine. Si vous n’avez pas vu le film, Richard Hoover est un père de famille américain qui tente désespérément de vendre son « Parcours vers le succès en neuf étapes », y compris à sa fille Olive, qui se rêve en reine de beauté et vient de décrocher une invitation à concourir pour le très sélectif titre de Little Miss Sunshine California. Le hic, c’est que Richard est un loser – un bon gars, mais un loser. Non seulement son « Parcours » ne tient pas la route, mais en plus ses conseils à Olive lui rappellent ses complexes plus qu’ils ne l’aident. Alors oui, peut-être que le PQ est en train de devenir un boulet pour la souveraineté, comme Richard Hoover en est un pour sa fille Olive. Mais il y a autre chose.
Le soir, en se voyant souveraine, la Belle rêve à la possibilité d’une île. C’est sa berceuse à elle : une île peuplée de Québécois libres et sauvages… Joli comme un mirage ! Dans La Presse du 24 novembre 2008, Marcelle Dubois confiait à propos de sa pièce Jam Pack (Théâtre d’Aujourd’hui): « C’est rassurant de rester dans la marge, la rébellion. De voir les autres comme des saboteurs d’identité. (…) Il est trop facile de créer un effet de petite île, une nouvelle masse, un nouveau “nous”, parce qu’on se comprend dans nos référents. » Rassurant, comme une berceuse. Trop facile, comme la possibilité d’une île. C’est pourquoi le matin venu la Belle oublie la berceuse et s’en va bosser comme tout le monde – sans île-usions.
En résumé, voilà mon explication : la Province a regardé Little Miss Sunshine et s’est reconnue en Olive Hoover. Gentiment, elle se moque du « Parcours vers le succès en neuf étapes » de son PQ de père, parce qu’au fond elle sait… ne plus avoir besoin d’être souve-reine pour être belle.