Montréal est connue pour être « la ville aux cent clochers ». Cependant, depuis les dernières années, la métropole québécoise se voit graduellement dépouillée de ses églises, celles-ci étant démolies ou se réincarnant dans des complexes d’habitation. Vous direz que ce changement dans le paysage urbain est raisonnable, que ces lieux de culte sont de toute façon de moins en moins fréquentés, que la vocation d’être prêtre ou sœur n’est plus aussi répandue et que l’argent serait mieux investi ailleurs – dans l’éducation, notamment, bien sûr. Notre patrimoine religieux n’est-il aujourd’hui qu’un ramassis de vieux édifices délaissés, reniés, oubliés ? N’y a‑t-il pas sous cette architecture surannée et au-delà de ses lourdes portes, un monde qui nous appartient ? Lequel, posez-vous ? Le passé.
Lorsqu’on la pose la question de ce qu’est la foi, on pense inévitablement au sacré, à la religion, à Dieu. Cependant, avant tout culte et toute divinité, la foi est croyance, « avoir foi en quelque chose », « avoir la foi ». C’est d’abord un sentiment de confiance, d’assurance, d’adhésion. Les deux racines latines de « religion », religare (relier) et religere (relire), expriment bien l’intention première de ces récits mythiques et mystiques. La religion était sensée relier les êtres humains et relire la vie –personnelle et collective, créer un sens aux événements fortuits. La religion était une histoire qui se transmettait de génération en génération, transmission de péripéties et de valeurs. Seulement, l’être humain s’est vu instrumentalisé au service de textes lus au pied de la lettre, d’un sens élevé à une vérité absolue et proférée par une entité divine. La mort s’est substituée à la vie, et la liberté de l’homme est écrasée sous la force d’une idole inhumaine.
Certains diront que la foi religieuse n’a été qu’une immense source de violence et que le monde se porterait mieux sans religion. Et les événements ne manquent pas de confirmer cette proposition. Toutefois, en temps de crise, la foi a également été indispensable pour la survie, intimement liée à des gestes de solidarité, de compassion et d’espoir. Ce mandat premier de la foi, d’union, se voit trop souvent écarté des décisions qui ont trait au patrimoine religieux. Comme si la réalité quotidienne ne se poursuivait pas dans ces espaces de culte, alors qu’autrefois ceux-ci pouvaient mieux éclairer le monde. Cette conception a créé une séparation entre la foi pour le futur et la foi en l’Homme.
La religion est enchâssée dans l’histoire et répond à des doutes et des attentes. Voltaire lui-même a dit : « Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer. » La société moderne est beaucoup plus laïque qu’autrefois, sans aucun doute, mais avec la disparition de ces lieux de foi, un certain sentiment d’appartenance s’est aussi éteint. Ce n’est pas pour rien si on remarque plusieurs personnes se rassemblant pour sauver l’église Très-Saint-Nom-de-Jésus et ses orgues, célébrant la canonisation de Frère André, ou participant au documentaire web interactif Sacrée montagne produit à l’ONF.
Ainsi, cette publication commune des journaux Le Délit et The McGill Daily sur le thème de la foi et ses différents rôles dans notre monde contemporain est, d’une certaine façon, symbole de deux solitudes moins marquées, d’une communion.