C’est un véritable carnage sur la scène ! Les uns sont pendus, les autres étranglés, fusillés, ou poignardés. Les corps gisent, cependant les morts ne le sont jamais vraiment : ici, chacun·e est à son tour victime et bourreau. Depuis la pénombre de la salle, les dix danseur·se·s semblent par moments ne former qu’un seul corps, qui s’agite et tournoie au rythme des balles dans ce qui s’apparente à un étrange ballet, à la fois comique et effrayant.
En représentation du 2 au 5 novembre derniers au théâtre Maisonneuve, le spectacle Double Murder, du chorégraphe anglo-israélien Hofesh Schechter, réunit deux pièces en apparence diamétralement opposées : The Clowns, une pièce qui fait partie du répertoire de la troupe depuis 2016, et The Fix, créée pour l’occasion. Avec la première, le chorégraphe, connu pour faire passer des messages forts, explore avec brio la place de la violence dans les sociétés modernes. La seconde, qui se présente comme un exutoire à cette violence, peine à briller dans son ombre.
« Le chorégraphe, connu pour faire passer des messages forts, explore avec brio la place de la violence dans les sociétés modernes »
Folie meurtrière
Si l’on dit que le ridicule ne tue pas, celui d’Hofesh Schechter, en revanche, semble plutôt sanglant. Portée par la musique originale du chorégraphe, The Clowns propose une critique déjantée de l’omniprésence de la violence dans nos vies quotidiennes. Les danseur·se·s, habillé·e·s de costumes que l’on croirait tout droit sortis du costumier de Radio-Canada , sont animés d’une folie meurtrière. Il·elle·s passent leur temps à s’entretuer, dans un esprit de joie et de célébration. Véritable cirque, cette chorégraphie empreinte d’humour noir brouille les frontières entre danse et mime. Faisant preuve d’une grande théâtralité, les interprètes adoptent des expressions faciales effrayantes, visibles depuis un siège au huitième rang. Et pourtant, en dépit de son extravagance, The Clowns sonne juste.
Panser les blessures
En contraste, The Fix apparaît plus portée vers l’intime, mais peut-être aussi plus effacée après l’intensité des Clowns. Finis les costumes grotesques et les pantomimes meurtrières, place aux T‑shirts amples et aux embrassades. The Fix, comme son nom l’indique, vient panser les blessures laissées par son prédécesseur. Cependant, quelque chose semble ne pas coller dans l’effet d’ensemble.
Après avoir été témoin de l’imagerie effrayante explorée pendant près d’une heure dans la première partie, difficile de baisser la garde et d’ouvrir grand ses bras pour accueillir les danseur·se·s dans une étreinte – puisque que ceux·lle·s‑ci se promènent à travers le public à la recherche de spectateur·rice·s à enlacer. Après le ridicule assumé de la première partie, cette seconde moitié opte pour un ton plus sérieux. Elle se présente comme une lueur d’espoir, un retour à la paix après les effusions de sang. Si la chorégraphie en elle-même est magnifique, face au ton satirique et noir qui l’a précédée, son message d’espoir un peu niais apparaît presque comme un défi – ou une raillerie ?- au·à le·a malheureux·se spectateur·rice qui oserait y croire.