Quel dur retour de vacances vous devez avoir ! La session d’hiver est sans contredit la plus pénible, ne serait-ce qu’à cause de la température qu’il fait à Montréal. En fait, c’est comme si le froid de janvier rendait impossible l’euphorie qui s’empare du campus lors de la rentrée d’automne, alors que les Montréalais vivent leurs derniers jours d’été. Bien sûr, il y a aussi le fait que l’université ne soit pas envahie par une horde de freshmen hyperactifs qui ne demandent qu’à boire de la bière jusqu’à ce qu’ils expulsent leurs tripes par les voies nasales. Toutefois, je pense que cette morosité est aussi due au fait que, pour la grande majorité d’entre nous, les vacances des Fêtes sont tout sauf reposantes.
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Prenons, si vous le voulez bien, mon exemple : quatre soupers de Noël en famille, suivis d’un souper d’amis, sans oublier bien sûr un souper supplémentaire avec l’âme sœur. À ce moment-là, la grande quantité de mousseux, de vin rouge, de fromage et de foie gras ingurgitée a déjà atteint des sommets vertigineux, mais ce n’est pas fini. Ensuite, il y a, évidemment, le repas du réveillon, suivi de la traditionnelle débauche dionysiaque de la nuit du 1er janvier, elle aussi arrosée de mousseux de diverses qualités. Le lendemain matin –vers 14h-15h– c’est au tour du brunch, même si on a du mal à croire que nos œufs Bénédictines vont rester en place au fond de notre estomac. Le soir même, c’est re-vin, re-fromage et re-foie gras avec la famille. Le 2, on ne fait rien et même ça, ça demande encore trop d’effort. Finalement, le 3 on se dit qu’il faudrait quand même profiter de son congé, en allant voir un film, par exemple. Évidemment, qui dit cinéma, dit popcorn !
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Et là, le lendemain matin, on est censé se pointer sur le campus, repasser devant la bibliothèque dans laquelle on avait presque emménagé deux semaines auparavant, aller à un cours très souvent inutile, et tout ça avec entrain?! Oubliez la hausse des frais de scolarité. Pour le bien de votre corps, la prochaine cause des étudiants de McGill doit être le réalignement des dates des vacances sur celles des universités francophones.
Sur une plus grande échelle, et aussi bien pour le bonheur de nos papilles gustatives que pour le respect de tout ce que nous mangeons ou buvons pendant les Fêtes, je propose qu’on mette en place de nouvelles règles très claires. Règles qui viseraient à éviter tout excès des bonnes choses durant une trop courte période de temps pendant l’année. L’excès, toutefois, pourrait être permis une journée par type de denrée dans une période donnée. Ainsi, le 24 décembre, ce serait la journée mangeons-du-foie-gras-jusqu’à‑ce-qu’un-troisième-foie-nous-pousse-dans‑l’estomac. La pertinence de commencer par cette journée se trouvant justement dans le fait que ce foie éphémère nous permettrait de mieux filtrer les surplus d’alcool ingurgités. Le 25 serait le jour du mangeons-du-fromage-jusqu’à‑ce-que-nos-poitrines-en-deviennent-des-pis. Et le 31 s’appellerait non plus la Saint-Sylvestre, mais la Saint‑j’ai-tellement-bu-de-vin-effervescent-que-je-ne-sais-plus-faire-la-différence-entre-du–Veuve-Clicquot-et-ce-mousseux-hongrois-à-12-dollars.
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Maintenir le statu quo en place condamnerait les générations futures à nous imiter : manger et boire de bonnes choses à l’excès, sans plaisir. Pour éviter ceci, il faut donc appliquer ces nouvelles règles, ou bien déplacer la nouvelle année au 1er juillet. Mais non ! C’est vrai, c’est déjà la fête du déménagement…
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Comme preuve que j’ai fait autre chose que manger durant les Fêtes, je partage ici avec vous quelques lignes d’un texte paru le 28 décembre dans le prestigieux quotidien Le Monde, portant sur la place qu’occupe la gastronomie dans l’identité nationale et la société en général. L’auteur traite évidemment du cas de la France, mais le tout pourrait s’appliquer un peu partout en Occident, voire ici, au Québec.
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Livré aux médias, l’homme gastrofabriqué ne découvre rien, n’a pas droit à la nourriture sacralisée. Sur le petit écran, le défi héroïque de concurrents, consiste, sous l’œil de censeurs, à respecter des codes culinaires. Au risque d’être excommuniés. Passe pour le côté ludique ; mais il s’apparente à un dressage, les émissions à un foyer de rééducation.
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Josée Di Stasio et Ricardo ne seraient ainsi pas sœur ni curé, comme je l’avais dit dans ma dernière chronique, mais plutôt de grands rééducateurs de notre société.
À dans deux semaines, depuis Barcelone. D’ici là, bonne rentrée !