L’autre jour, j’écumais les librairies du Plateau, séduite par leur atmosphère d’authenticité, les bibliothèques de bois ancien et la promesse d’une ouverture culturelle. Seule ombre au tableau, je constatai une nouvelle fois l’absence de la moindre section « fantasie » (ou fantasy, mais non pas « fantaisie ») parmi les étagères chargées de livres. J’étais attristée, mais pas surprise : dans le meilleur des cas, la fantasie ne se retrouve qu’avec une pauvre étagère de 10 bouquins. C’est un genre souvent jugé comme inférieur, facile ou enfantin, très peu littéraire, quand la réalité est beaucoup plus riche. Cet article s’adresse à tous les sceptiques de la fantasie. Ceux qui ne croient pas en sa légitimité et ne connaissent pas sa profondeur ; j’en suis convaincue, ils passent à côté des plus beaux univers.
Commençons par une définition. La fantasie, du grec phantasia (l’imagination) est un genre littéraire relativement récent, qui émerge dans la littérature anglo-saxonne durant la seconde moitié du 19e siècle. J.R.R Tolkien, auteur du très apprécié Seigneur des Anneaux (1955) est aujourd’hui considéré comme un des pères fondateurs du genre, dont il a aidé à établir les normes.
La fantasie est un récit s’inscrivant dans un univers dont les règles sont définies par la magie et le surnaturel. Elle se distingue ainsi du « fantastique » où le surnaturel fait irruption dans univers réaliste pour en perturber les lois. On peut également différencier les sous-genres de la fantasie : la High Fantasy (univers totalement différent du nôtre) et la Low Fantasy (univers semblable à notre réalité mais dont la magie est partie prenante), dont Le Monde de Narnia et Harry Potter sont respectivement les œuvres les plus emblématiques. La confusion entre fantasie et fantastique est née dans le monde de l’édition francophone où la High Fantasy est associée à la fantasie, et la Low Fantasy au fantastique. Genre très versatile, la fantasie s’adresse autant aux enfants (Percy Jackson) qu’aux adultes (Le Trône de Fer) ; abordant les thèmes de l’aventure, de la romance, de la guerre… mais surtout de l’affrontement entre le bien et le mal.
L’omniprésence de la magie, qui rapproche la fantasie des contes de fées, pousse certaines personnes à lui refuser la profondeur intellectuelle des romans plus « littéraires ». Pourtant, la créativité dont fait preuve un auteur de fantasie est absolument remarquable. Il peut s’agir de la complexité des paysages, de la diversité de la faune et de la flore qui habitent les univers, en passant par des sociétés aux multiples cultures et langues (Tolkien a créé une véritable langue elfique que l’on peut apprendre!) ; ou bien d’inscrire des éléments surnaturels dans la complexité de notre univers, sans créer d’incohérence, mais au contraire, de telle façon que l’on croirait presque à leur existence dans notre monde.
Le travail de l’imaginaire n’est jamais aussi grand que dans la fantasie. Et pourtant, le détail et le temps nécessaires accordés à l’univers n’empêchent pas les auteurs d’aborder de réels thèmes sociaux, politiques ou même environnementaux. C’est notamment le cas du racisme dans le Seigneur des Anneaux : à travers des êtres fondamentalement différents (elfes, nains, faunes), bien plus dissociables entre eux que les êtres humains, les auteurs présentent ces différences comme des barrières entre les personnages que ces derniers feront peu à peu tomber. Cependant, la qualité de la fantasie qui m’a le plus saisie enfant, ce qui m’a fait ouvrir ces romans, c’est la possibilité d’un voyage. Une œuvre de fantasie emmène toujours son lecteur dans une épopée incroyable et offre un moyen d’échapper à l’ennui du quotidien. Les paysages merveilleux, les créatures étranges et les temporalités nouvelles que l’on rencontre permettent de se détacher de la vie, de l’univers commun et connu. Ce qu’offre la fantasie en particulier, c’est ce que recherchent beaucoup de gens dans leurs lectures : l’occasion de sortir de soi-même et voir plus loin.