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Le bleu du caftan : une douceur palpable

L’amour simple et rafraîchissant pour le second long-métrage de Maryam Touzani.

Laura Tobon | Le Délit

Récipiendaire du prix de la critique dans la section Un certain regard du Festival de Cannes 2022, Le bleu du caftan (2022) immerge le spectateur dans l’intimité d’un couple marié composé de Halim, un tailleur de caftans tenant une boutique dans la médina de Salé, interprété par Saleh Bakri, et sa femme Mina, qui est atteinte d’un cancer, jouée par Lubna Azabal. Dans son second long-métrage, Maryam Touzani dépeint le quotidien du couple rythmé par un amour platonique, mais inconditionnel, celui qui unit un homme habité par ses pulsions homosexuelles réprimées et la femme qu’il a choisie d’aimer. Le regard de la réalisatrice se pose d’abord sur leur vie de couple, dans sa plus grande sincérité, puis sur le triangle amoureux qui naît avec l’arrivée de Youssef, le nouvel apprenti de Halim.

L’histoire dépeint un binôme vivant une tendresse et une complicité non charnelles. Grâce à Youssef, Halim renoue avec sa sensualité, avec une certaine pudeur, éloignée de toute vulgarité. Ce sont les non-dits – les mains qui s’effleurent, les peaux qui se touchent et les doigts qui s’entrelacent – qui guident la navigation des relations complexes entre les personnages. Malgré l’attraction platonique régnant au sein du couple d’Halim et Mina, le toucher reste un vecteur clé de la relation qu’entretient Halim avec sa femme malade. Grâce aux visuels réfléchis, le spectateur peut laisser son instinct parler, son imagination jouer avec les images, sans besoin qu’on lui dicte tout ce qui se trouve sous ses yeux.

Dans Le bleu du caftan, les symétries créées par Maryam Touzani donnent lieu à un film balancé, sans artifices,
loin de requérir le décryptage de codes cinématographiques complexes. Seulement trois lieux – le hammam, l’atelier et la maison – et trois personnages – Halim, Mina et Youssef –, qui forment un triangle amoureux étonnamment harmonieux, créent une symétrie forte et intrigante. L’utilisation de trois lieux reflète le triangle amoureux, et la simplicité brute de ce choix fait la force du film.

« Seulement trois lieux […] et trois personnages […] forment un triangle amoureux harmonieux qui créent une symétrie forte et intrigante »

Quoique le film puisse sembler à première vue n’être qu’une étude du désir réfréné, on y trouve des symboles évoquant le cycle, la circularité de la vie et du quotidien, qui soulèvent les thèmes de la mort, de l’amour et du travail acharné. De façon répétée, Mina mange des clémentines qui finissent par pourrir, comme ce que le cancer inflige à son corps. Le caftan bleu sur lequel Halim travaille tout au long du film rappelle le temps qui passe, et la fin inévitable. Grâce aux symbolismes si naturellement enchâssés au récit, le spectateur est incité à réfléchir aux thèmes abordés et à garder en tête la fatalité du sort de Mina, sans pour autant que cela alourdisse les dialogues qui demeurent légers et joueurs.

Ce qui fait la beauté du film, c’est son honnêteté sensible et sa mise à nu de thèmes comme l’amour platonique, la sexualité, et la maladie, mais toujours abordés avec beaucoup de tact. Bien que lent au début, le film de Maryam Touzani nous présente avec grâce un couple inhabituel, qui s’aime malgré tout et qui vit un quotidien insolite, sans pour autant sembler irréaliste.


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