Lorsqu’un des membres de l’équipe éditoriale nous est revenu avec un formulaire qui devait attester de ses études universitaires, nous avons d’abord bien ri. Étudiant étranger, il avait demandé que le formulaire soit traduit pour l’administration française. La feuille, on ne peut pas réellement parler de texte, car si peu est rédigé, était minée de fautes. Puis, en moins d’une semaine, d’autres erreurs de traduction à travers le campus nous ont sauté aux yeux, et la situation est devenue alarmante. Comment l’Université McGill procède-t-elle aux différentes traductions ?
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La réponse n’a pas été facile à trouver. Après plusieurs échanges avec Pascal Zamprelli, responsable des relations avec les médias, qui lui-même ne connaissait pas la réponse, nous avons pu nous entretenir avec les personnes concernées. Différentes personnes, parce que McGill n’a pas de politique ou de procédure unique, et encore moins un bureau central qui se charge des nombreuses traductions vers le français faites sur le campus ou pour l’université.
Une seule personne, Karine Majeau, chef au Service de traduction, est responsable de tous les communiqués, rapports et autres publications officielles de l’administration liées aussi au recrutement ou à l’admission. Celle qui travaille depuis six ans pour l’université délègue certaines traductions moins prioritaires à des pigistes lorsqu’elle ne peut tout faire seule. Les activités, les facultés et les départements s’occupent eux-mêmes de leurs documents à traduire.
À la bibliothèque McLennan, les traductions vers le français sont plus répandues et de meilleure qualité. Depuis un an, la signalisation est bilingue et toutes les brochures sont traduites au fur et à mesure des mises à jour et des nouvelles impressions. La personne récemment engagée aux communications se débrouille très bien en langue française selon Carole Urbain, directrice adjointe au Service à la clientèle de la bibliothèque de sciences humaines et sociales, de droit et de gestion. La bibliothèque offre également des visites guidées et des cours de formation en français. Madame Urbain mentionne toutefois que certains étudiants préfèrent le service en anglais, car s’ils sont venus à McGill, c’est surtout pour pratiquer et perfectionner leur anglais.
Pour l’ancienne directrice, Janine Schmidt, accroître le bilinguisme dans les services offerts était un objectif important. Nous n’avons pu parler à la directrice actuelle, Colleen Cook, rentrée en fonction la semaine dernière, mais Carole Urbain dit ne pas croire qu’un pas en arrière ne sera fait. Malgré les efforts, celle-ci affirme que « la barrière de la langue » existe toujours dans la communauté universitaire. Toutefois, elle souligne qu’il est satisfaisant et agréable de pouvoir échanger avec d’autres bibliothécaires, chacun ayant sa façon de faire.
Comment se fait-il alors que nous ne puissions nous faire servir en français à chaque fois ? Lynne Gervais, vice principale adjointe aux ressources humaines, explique que, quant à l’embauche, un degré fonctionnel de bilinguisme est requis que depuis environ dix ans. Les employés embauchés avant cette politique ne sont donc pas tenus d’apprendre le français, sauf dans le cas d’un renouvellement de contrat. Elle assure que l’université encourage son personnel à suivre un programme de francisation, mais que celui-ci n’est pas obligatoire. Ceci est navrant à constater quand on pense que certains de ces anciens employés ont un contact fréquent avec les étudiants et le grand public et peuvent même être la meilleure personne ressource –si on maîtrise bien l’anglais.
À titre légal, l’Université McGill n’est pas contrainte à certains articles de la loi 101 et que les services offerts ou documents traduits en français sont faits dans « le bon vouloir » de la direction, rappelle la Commission aux affaires francophones (CAF) de l’AÉUM. Ainsi, un budget précis serait alloué à cet aspect ; mais de combien est-il ? Nous l’ignorons. La CAF, qui défend les droits des étudiants francophones, et qui leur a permis de remettre tous leurs travaux en français (cette politique doit être imprimée par les professeurs sur tous les plans de cours), explique qu’elle encadre et travaille dans l’intérêt des étudiants francophones, mais qu’elle n’a pas nécessairement d’influence sur la politique officielle de l’administration.
L’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM) a une vision singulière sur la question. Le président de l’AÉUM, Zach Newburgh, avait affirmé, dans une entrevue au Délit publiée le 9 mars avant la fin des élections, que « les étudiants francophones [avaient] été négligés et [qu’il] voulait changer cela ». Quant aux traductions actuelles, Zach Newburgh commente : « L’administration de McGill devrait être apte à communiquer aussi bien en anglais qu’en français. Il est embarrassant de remarquer que les communications en français sont souvent de qualité médiocre ; on devrait en avoir honte et tenter d’améliorer la qualité de notre expression dans les deux langues officielles du Canada. »
Pour en revenir à notre premier objet, Janice Johnson, gestionnaire des services et des opérations au Point de service, confirme que les employés sont bilingues, que des traducteurs font partie du personnel et que les formulaires sont traduits manuellement (et non par traducteur automatique tel Google Translate). Une employée du Point de service nous a pourtant affirmé que de tels services de traduction y étaient inexistants. Il semble alors difficile d’expliquer toutes les erreurs que nous retrouvons dans le formulaire mentionné en début d’article. Si « l’erreur est humaine » comme le dit Madame Johnson, peut-on alors parler de négligence ? S’il y avait en effet des traducteurs, et si le formulaire avait été relu, plusieurs –sinon toutes– les erreurs auraient ainsi pu être corrigées.
Si certains services et départements font des efforts importants pour offrir aux étudiants francophones des ressources en langue française de qualité, d’autres montrent leur inaptitude ou leur inintérêt en ce qui concerne le bilinguisme à l’Université McGill.
Ainsi, à chaque erreur que vous rencontrez sur des documents ou des enseignes, que ce soit dans votre faculté, au Point de service, aux Services de santé, aux bibliothèques, à la librairie ou autres lieux sur le campus, ou encore dans un courriel officiel, nous vous encourageons à le signaler aux personnes concernées. Le bilinguisme, et l’image de marque de notre université, ne pourront qu’en bénéficier.