Le 5 avril dernier, les médias étudiants de l’Université McGill ont été invités à prendre part à une table ronde en présence du nouveau Principal et Vice-Chancelier de McGill, H. Deep Saini. Le Principal Saini a pris ses fonctions le 1er avril dernier. Sa candidature avait été sélectionnée par un comité consultatif et approuvée de manière unanime par le Conseil des gouverneurs, avant d’être annoncée pour succéder à Pr Manfredi, le Principal par intérim, en novembre dernier.
Lors d’une réunion dans le bureau du Principal, les médias étudiants ont pu interroger Pr Saini pendant quarante cinq minutes. Le Délit a notamment pu lui poser des questions sur le désinvestissement, la place de la francophonie à McGill, la Réconciliation et le procès en cours avec les Mères Mohawks, l’insécurité alimentaire sur le campus, et enfin, son rôle et ses ambitions pour l’Université.
Replacer le dialogue au centre de la politique de McGill
Au moment de la nomination du Pr Saini, Le Délit avait interrogé Richard Gold – professeur titulaire à la Faculté de droit de McGill et membre du comité consultatif chargé de la sélection des candidatures – sur les enjeux auxquels devra faire face le nouveau Principal. Pr Gold avait alors dénoncé un « manque de confiance dans l’administration (tdlr) », et nous avait souligné que l’Université devrait y remédier par « une plus grande ouverture et un plus grand engagement auprès des étudiants, enseignants, personnel et diplômés ».
La promotion du dialogue a été au cœur des réponses de Pr Saini lors de l’entrevue. Interrogé sur sa conception des liens entre le corps étudiant et l’administration, il a répondu que « les étudiants sont la raison d’être de l’université » avant d’ajouter : « S’il y a une seule personne dans cette université qui est, soit timide à l’idée de parler au Principal, soit intimidée, je considérerais que c’est mon échec. »Pr Saini a insisté sur sa volonté de créer un « McGill ouvert, où chaque fois que je marche de ma place de stationnement à mon bureau et que je croise quelqu’un, on peut m’arrêter et me dire : “Monsieur le principal, nous voulons que vous sachiez ceci…” »
À propos des possibles réponses de McGill vis-à-vis des revendications des étudiants et des syndicats d’employés, le Principal a déclaré que « lorsque la communication est rompue, tout le reste l’est aussi ». L’Université doit selon lui « établir un dialogue ouvert sur tous les sujets. Cela ne signifie pas que nous serons toujours d’accord ou que nous trouverons toujours des solutions à tout, mais cela signifie que nous parlerons ouvertement et franchement de ces questions. »
« Les étudiants sont la raison d’être de l’université »
Principal Saini
Les thématiques abordées pendant l’entrevue
Lors de l’entrevue, un des premiers sujets qui a été abordé est le désinvestissement de l’université des énergies fossiles. Ce sujet a depuis quelques années beaucoup mobilisé les étudiants, dont le regroupement Divest McGill, fondé en 2012, qui n’a cessé de faire pression sur le Conseil des gouverneurs pour créer une politique de désinvestissement. Après plusieurs années de refus, l’organe décisionnel de l’Université a tout de même décidé de reconsidérer l’organisation de son agenda pour le désinvestissement. Le 20 avril prochain, le Conseil des gouverneurs décidera si les discussions pour le désinvestissement doivent être avancées, alors qu’elles sont aujourd’hui planifiées pour 2025.
Durant notre entrevue, Pr Saini s’est montré particulièrement préoccupé par la protection de l’environnement. Il a notamment affirmé que « c’est un sujet sensible à McGill, comme ça l’est pour moi, et comme ce devrait l’être pour notre société », avant d’ajouter que « les universités sont des chefs de file de l’opinion publique et qu’il nous revient de diriger de manière exemplaire ». Il nous a confié que dès qu’il serait totalement opérationnel dans ses nouvelles fonctions, il mettrait en place les mesures nécessaires pour « évaluer la méthode la plus efficace que McGill puisse adopter [pour la protection de l’environnement, ndlr], et que si cela devait passer par le désinvestissement, alors l’Université allait envisager cette option ». Pr Saini a conclu en précisant : « Nous ne voulons pas seulement désinvestir : l’idée est d’avoir un impact plus profond, et non pas de simplement cocher des cases. »
Cette table ronde a aussi été l’occasion d’aborder le thème de l’inclusion des peuples autochtones. L’Université McGill étant située sur des terres autochtones non cédées, la nécessité d’inclure davantage et de mieux représenter les peuples autochtones est une priorité pour le Principal Saini. Lors de l’entrevue, le Principal a affirmé qu’il ne faut pas seulement se préoccuper de la cause autochtone par les mots, mais qu’il faut aussi mettre en place des actions. Pr Saini a souligné sa volonté « d’amener McGill plus haut et au devant par l’inclusion de tous ». Pr Saini a ensuite parlé de son expérience passée, lorsqu’il était Principal de l’Université de Canberra en Australie, de 2016 à 2019. Il a expliqué qu’il avait alors mis en place des mesures importantes afin d’accélérer l’inclusion des peuples indigènes. Il avait notamment élaboré des objectifs d’inclusion proportionnelle à la population nationale. En 2016, au début de ses fonctions, « moins d’un pourcent des étudiants de l’Université de Canberra étaient indigènes », et à son départ en 2019, ils représentaient environ 2%. Pr Saini se considère expérimenté dans les politiques d’inclusions, et il faut selon lui « comprendre et traiter le sujet de la bonne manière plutôt que de simplement espérer qu’il sera traité ».
« Nous ne voulons pas seulement désinvestir : l’idée est d’avoir un impact plus profond, et non pas de simplement cocher des cases. »
Principal Saini
Enfin, Pr Saini a fait part au Délit de sa vision de la place du français à McGill : « Les deux langues ne sont pas en conflit selon moi, et je pense que c’est une force pour McGill en comparaison avec les autres universités francophones. » Il a pu souligner l’importance de « jouer un rôle d’éducateur et de garder un lien avec le Québec […] En même temps, nous avons une responsabilité en tant qu’université anglophone de garder ce caractère anglophone, car c’est ce facteur qui attire le plus grand nombre d’étudiants, de professeurs et de chercheurs étrangers ».
Bien que Pr Saini ait pris ses fonctions le 1er avril dernier, il a affirmé être pleinement au fait des enjeux présents sur le campus de l’Université. Il a ajouté qu’il allait désormais s’intéresser en profondeur à ces enjeux et annoncer ses priorités pour McGill d’ici trois à six mois.