Le jeudi 28 septembre, devant le portail Roddick de l’Université McGill, a eu lieu une manifestation contre la Loi 96, portant sur la langue officielle et commune au Québec. La manifestation a été organisée par le comité spécial contre la Loi 96, une organisation ayant pour but d’informer le public québécois sur la Loi 96 et sa juridiction. Le comité est actuellement en pleine bataille juridique devant les tribunaux afin de renverser la Loi 96. La manifestation s’est déroulée de 11h à 13h et était constituée d’une trentaine de manifestants pourvus de pancartes ainsi que de bénévoles distribuant des pamphlets décrivant la Loi et ses obstacles pour les Québécois.
La Loi 96 en bref
La Loi 96, adoptée le premier juin 2022 à l’Assemblée nationale, est une loi modificatrice qui réforme la Loi 101, aussi connue sous le nom de la Charte de la langue française. Cette dernière, adoptée en 1977 par le gouvernement de René Lévesque, a fait du français l’unique langue officielle au Québec et a imposé l’enseignement en français à tous les immigrants, sauf aux enfants dont l’un des parents a étudié dans une école anglophone dans le système scolaire québécois. En 2022, le gouvernement du premier ministre François Legault a souhaité renforcer le statut du français au Québec et dans toutes les sphères de services publics, en adoptant la Loi 96 qui réforme la Charte de la langue française.
Grâce à la Loi 96, le français devient le dénominateur commun entre tous les habitants du Québec. L’État a maintenant l’obligation d’offrir tous ses services publics aux citoyens uniquement en français, sauf exception les laissant être servis en anglais. Le système scolaire est lui aussi assujetti à cette Loi, puisque les cégeps anglophones sont maintenant dans l’obligation d’offrir trois cours supplémentaires en français, et sont, depuis septembre, limités à 30 854 étudiants cumulés. Cette Loi est, selon le gouvernement Legault, une façon concrète de protéger la langue française et de permettre davantage de cohésion entre les habitants du Québec par l’usage d’une seule et même langue.
Le dilemme de la Loi 96 pour les Québécois
La Loi 96 renforce le statut du français au Québec en rendant obligatoire l’usage du français au sein des services offerts par le gouvernement à tous les citoyens à quelques exceptions près : les immigrants arrivés il y a moins de six mois, les communautés autochtones, les personnes éligibles à l’enseignement en anglais, et quelques autres. Il est donc ici question des interactions dans les hôpitaux, dans les centres de services automobiles, dans les boîtes vocales téléphoniques, et tant d’autres.
Thea Borck et Olivia Bernath, deux bénévoles du comité spécial contre la Loi 96 présentes à la manifestation du 28 septembre, ont partagé les motivations de leur implication dans le comité. Thea Borck explique que, selon elle, la problématique des services uniquement en français limitent certaines minorités linguistiques : « Ce projet de loi vise en réalité
à vous empêcher d’accéder aux services essentiels dont vous avez besoin. (tdlr) » Elle donne pour exemple les étudiants étrangers à McGill et les personnes âgées qui ne maîtrisent pas tout à fait le français, qui sont contraints de recevoir des services de santé en français malgré les obstacles que cela leur apporte.
« Le problème avec le projet de Loi 96, c’est qu’il tente de passer outre la Charte fédérale. »
Thea Borck
Le débat constitutionnel
Les moyens d’adoption de cette Loi ont aussi été source de polémique puisqu’elle a nécessité l’utilisation de l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés par le gouvernement Legault lors de son adoption en 2022. Aussi connue sous le nom de la clause dérogatoire, elle permet aux institutions politiques fédérales, provinciales et municipales d’adopter des projets de lois contournant certains droits protégés par la Charte pour une durée de cinq ans, et de ce fait, d’éviter des recours judiciaires. La Loi 96 a ainsi été adoptée à l’aide de la clause dérogatoire par mesure préventive afin d’éviter des mesures judiciaires qui pourraient empêcher son adoption. Le ministre de la justice Simon Jolin-Barrette s’est exprimé sur l’usage de cette clause, la qualifiant de nécessaire lorsque le français est en danger, car selon lui « ce n’est pas aux tribunaux à définir le contrat moral, le contrat de vivre-ensemble, c’est aux élus de l’Assemblée nationale à le faire ».
« Cette Loi est, selon le gouvernement Legault, une façon concrète de protéger la langue française et de permettre davantage de cohésion entre les habitants du Québec par l’usage d’une seule et même langue »
Thea Borck explique que selon elle : « Le problème avec le projet de Loi 96, c’est qu’il tente de passer outre la Charte fédérale. » Les deux jeunes femmes ont donc entretenu que l’usage de la clause dérogatoire par le gouvernement Legault afin d’adopter cette Loi est pour eux considérée comme inconstitutionnelle, et consiste en une grande problématique, qui est une raison de plus pourquoi le Comité Special Task Force est actuellement devant les tribunaux afin de renverser cette Loi.
Où en sommes-nous maintenant ?
Le gouvernement québécois est dans une situation difficile en tentant de protéger la langue française par l’ajout de mesures linguistiques contraignantes qui exercent une pression sur les Québécois. De la Loi 101 à la Loi 96, les exigences augmentent monumentalement envers les citoyens, les entreprises privées et les organismes gouvernementaux afin de permettre davantage de cohésion entre les citoyens par l’usage d’une seule et même langue.