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Hausse des frais de scolarité pour les étudiants non québécois

De nouvelles mesures pour rééquilibrer le réseau universitaire.

Rose Chedid | Le Délit

Le 12 octobre dernier, le ministre québécois de la Langue française, Jean- François Roberge, a révélé lors d’une entrevue avec La Presse les principaux points de son plan d’action pour l’avenir de la langue française : un rééquilibrage du réseau universitaire et une hausse de la promotion du contenu québécois dans l’industrie culturelle. Parmi eux, une mesure a particulièrement fait réagir : l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants non québécois pour financer le réseau universitaire francophone.

Le déséquilibre du réseau universitaire québécois

Cette série de mesures s’inscrit dans le mandat du groupe d’action pour l’avenir de la langue française formé en janvier dernier. Ce groupe, composé de six ministres québécois, déposera son plan d’action à la mi-novembre. Si ces mesures sont votées à l’Assemblée nationale, plus de 50 modifications additionnelles viendront s’ajouter aux dispositions adoptées dans la Loi 96 en juin 2022.

Le ministre a justifié l’augmentation des frais de scolarité aux étudiants non québécois par la nécessité de rééquilibrer le réseau universitaire : « Il y a un grand déséquilibre entre le réseau francophone et anglophone. » Le ministre s’appuie sur les chiffres de la répartition des étudiants québécois et non québécois dans le réseau universitaire. Si 80% des québécois sont inscrits dans une université francophone, il en va autrement pour les étudiants canadiens et internationaux, répartis équitablement entre les universités francophones et anglophones.

« Si on veut changer le profil linguistique de Montréal, arrêter le déclin [du français, ndlr] à Montréal, il faut s’intéresser à la question du rééquilibrage des réseaux universitaires. »

Ministre Roberge

En effet, sur les 54 000 étudiants étrangers au Québec en 2022, plus de 20 000 fréquentent l’une des trois universités anglophones ; McGill, Bishop’s et Concordia, contre environ 34 000 pour les 17 universités francophones. Une asymétrie que le groupe d’action sur l’avenir de la langue française entend corriger.

Jean-François Roberge a affirmé à La Presse : « C’est beaucoup de personnes qui viennent au Québec, qui fréquentent une université anglophone et qui bien souvent s’expriment en anglais au quotidien », dit-il. « Si on veut changer le profil linguistique de Montréal, arrêter le déclin [du français, ndlr] à Montréal, il faut s’intéresser à la question du rééquilibrage des réseaux universitaires. »

Les mesures à venir

Lors d’une conférence de presse organisée le 13 octobre dernier, le ministre Roberge et la ministre de l’Enseignement supérieur du Québec, Pascale Déry, ont apporté des précisions aux mesures annoncées. Les droits de scolarité des étudiants enrôlés dans le premier et le deuxième cycle professionnel seront soumis à une tarification minimale.

Les étudiants venant d’autres provinces que le Québec verront leurs frais de scolarité annuels doubler, passant de 9000$ à 17000$, et ceux des étudiants étrangers atteindront un minimum de 20 000 $. Ces mesures devraient s’appliquer dès la rentrée d’automne 2024 pour les nouveaux étudiants. Ceux déjà inscrits dans une université québécoise ne seront pas impactés par ces hausses avant 5 ans.

Le ministre Roberge a cependant annoncé une série d’exemptions : les étudiants français et belges bénéficiant d’une entente internationale avec le Québec, ainsi que les étudiants inscrits dans le deuxième et le troisième cycle universitaire de recherche ne seront pas visés par ces mesures.

Ces mesures devraient aussi permettre de rééquilibrer les dépenses de la province destinées aux étudiants des autres provinces. En effet, la tarification à 17 000 $ correspond au coût de leur formation pour le gouvernement du Québec. L’État québécois prévoit ainsi récolter 110 millions de dollars et les réinvestir dans le réseau universitaire francophone afin de « freiner le déclin du français ».

La réaction de McGill

Contactée par Le Délit, l’Université McGill nous a partagé la réaction du principal de l’Université, Pr Deep Saini. Le principal se dit « très déçu de l’annonce qu’a faite le gouvernement du Québec ». Selon lui, « les mesures annoncées aujourd’hui auront, et ce, à long terme, une incidence majeure sur l’économie québécoise. » Il faut selon lui consolider le système universitaire québécois dans sa totalité : « Le Québec compte 19 excellentes universités, et chacune d’entre elles joue un rôle qui lui est propre et qui répond aux vastes besoins des Québécois et des Québécoises. L’Université McGill demeure déterminée à collaborer avec le gouvernement et avec ses partenaires afin de consolider le système universitaire québécois et à tabler sur les forces uniques de chacun. »

Dans sa déclaration officielle transmise au Délit, l’Université déclare : « Nous nous inquiétons des répercussions que pourrait causer la hausse des droits de scolarité […] En effet, un tel changement pourrait considérablement nuire à la capacité de l’Université McGill d’attirer et de retenir les talents. »


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