La période de Noël est gourmande dans tous les sens du terme. Au sens culinaire, il n’existe sûrement aucun autre moment de l’année durant lequel nous mangeons autant, et autant de sucreries. Dans un sens plus figuré mais aux conséquences des plus concrètes, les vacances de fin d’année sont très gourmandes en énergie. Au cours de cette période de surconsommation et de gaspillage, notre empreinte carbone augmente inévitablement, ce qui contribue ainsi à l’accélération du réchauffement climatique. Si pour beaucoup Noël reste une fête religieuse, c’est désormais devenu essentiellement un évènement commercial. Comment pouvons-nous alors repenser notre manière de célébrer les fêtes de fin d’année ?
« Chaque Canadien jette 50 kg d’ordures pendant cette période, c’est-à-dire 25% de plus que le reste de l’année »
De la gourmandise à la gloutonnerie
Le constat est clair : Noël et le Nouvel an sont tout sauf écolos. Moments de retrouvailles en famille et de célébrations, les deux réveillons s’accompagnent de larges dépenses associées à une augmentation de la consommation. Dès le mois de novembre et les soldes de l’Action de grâce, les consommateurs se ruent dans les magasins pour faire leurs courses de Noël. L’achat massif de cadeaux, que ce soit des vêtements, des appareils électroniques ou des jouets en plastique, entraîne une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. D’ailleurs, les cadeaux s’achètent de plus en plus en ligne et sont livrés à domicile par des plateformes comme Amazon. Les émissions liées aux transports par les entreprises de livraison s’ajoutent aux déplacements de chacun qui se rend auprès de leurs proches pour les célébrations.
Par ailleurs, on ne peut pas penser aux fêtes de fin d’année sans parler de la hausse de la consommation alimentaire. Les plats de Noël traditionnels sont souvent gargantuesques et se déclinent de toutes sortes autour d’un seul leitmotiv : la viande. Au Québec, les plus réputés sont la dinde rôtie, la tourtière à base de viande hachée, le pâté à la viande, sans oublier le ragoût de boulettes et la Cipaille (de la viande en croûte). En plus de l’empreinte carbone élevée de la viande, représentant 15% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, ces grands repas festifs digne d’une page de fin de la bande dessinée Astérix et Obélix, conduisent à beaucoup de gaspillage et donc de nombreux déchets. L’organisme Zéro déchet Canada à Vancouver, avait établi en 2022 que chaque Canadien jette 50 kg d’ordures pendant cette période, c’est-à-dire 25% de plus que le reste de l’année. Les fêtes gourmandes, où l’on prend plaisir à manger pour le raffinement des plats, se transforment en fêtes gloutonnes tant la quantité prime sur la qualité. Il arrive même que l’on mange tant de chocolat, pains d’épices, bûches glacées que l’effusion de sucre nous rende malade.
Des pratiques contraires aux objectifs climatiques ?
En plus de nous donner une indigestion, la logique de Noël de l’abondance et de la profusion va à l’encontre des objectifs de sobriété globaux visant à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, afin de limiter le réchauffement de la planète. En 2022, le gouvernement canadien a adopté le Plan de réduction des émissions pour 2030, s’engageant à réduire les émissions « de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030 ». La hausse des émissions de gaz à effet de serre entraînée par le pic de consommation pendant la période des fêtes va donc dans le sens contraire de ces objectifs. Il semble urgent de revoir nos pratiques bien que beaucoup d’entre elles relèvent de la tradition. Souvent profondément ancrées dans nos cultures et sociétés, elles représentent un véritable défi à la lutte climatique. Réussirons-nous à nous en affranchir pour assurer un avenir durable ?
(Re)mettre l’amour au centre
À l’origine, Noël est une fête traditionnelle. Il s’agit d’une célébration païenne du solstice d’hiver et du renouveau de la nature et de la lumière. Elle est ensuite devenue une fête religieuse lorsqu’au 2ème siècle le christianisme a fixé la date du 25 décembre pour établir la naissance du Christ. La tradition de l’échange de cadeaux est née aux 18ème et 19ème siècle inspirée par les présents des Rois mages à Jésus. C’est après avoir été importée aux États-Unis qu’elle s’est petit à petit développée en fête commerciale après les Trente Glorieuses. Aujourd’hui, les entreprises se sont emparées des traditions pour produire des produits dérivés et faire un maximum de profits à partir de l’esprit généreux de Noël et de ses symboles.
Mais plus que la joie de recevoir des cadeaux et la dégustation des plats, le bonheur de Noël ne réside-t-il pas principalement dans les retrouvailles entre proches ? Pour Sophie, étudiante québécoise à McGill, le plus important à Noël, c’est « l’ambiance générale des fêtes avec les lumières de Noël, la musique, une joie et une excitation collective. C’est aussi les moments en famille, les rassemblements, le fait que les gens prennent vraiment le temps d’être ensemble et de partager ».
« Ce qui compte le plus, c’est le geste d’offrir plus que le cadeau »
Vers un Noël zéro-déchet ?
Souvent, certains cadeaux que l’on reçoit finissent au fond d’un tiroir de notre chambre, abandonnés avant même d’avoir eu une vie. Sophie confie que cela lui arrive de recevoir des cadeaux dont elle n’a pas besoin, ou qu’elle n’aime pas, lorsque des membres de sa famille plus éloignés sentent le besoin de lui offrir quelque chose, mais ne la connaissent pas assez pour connaître ses goûts. Cela représente alors du CO2 émis pour rien. Pour remédier à ce phénomène courant, il est nécessaire d’offrir différemment et d’offrir utile.
Ce qui compte le plus, c’est le geste d’offrir plus que le cadeau. En général, plus un cadeau est personnel, plus il plaît. Il existe pleins de manières de faire plaisir à quelqu’un tout en respectant l’environnement. Tout d’abord, plutôt que d’acheter du papier cadeau, il est plus écologique d’emballer les cadeaux dans du papier journal et le ruban adhésif peut être remplacé par une ficelle. Il existe également une technique japonaise – la méthode furoshiki – qui se sert de tissu pour emballer des cadeaux à la façon des origamis. Organiser des Noëls canadiens (Secret Santa) où chacun se voit assigner une personne à qui offrir un cadeau permet de réduire la quantité de produits consommés. La normalisation des cadeaux de seconde main, des cadeaux fait soi-même, ou des cadeaux utiles est essentielle pour un Noël plus responsable. Offrir des cadeaux immatériels comme une place pour un concert ou un spectacle, un abonnement à la salle de sport, représente également une bonne alternative. Bien qu’éphémères, ces cadeaux fabriquent des souvenirs indélébiles n’ayant pas de prix. Une autre option est d’offrir un don à une association. Nature Québec a lancé un appel aux dons pour les fêtes afin de financer ses projets de protection de l’environnement. Planetair propose également d’offrir un certificat de compensation carbone : un bon moyen d’avoir un impact positif à l’échelle individuelle.
Noël invite à la créativité. Quoi de mieux que de se transformer en artiste-bricoleur le temps des fêtes pour fabriquer les décorations, ou encore un sapin à partir d’emballages cartonnés et de branches, et de pommes de pin ramassées dans la nature ? Peu importe le débat sapin de Noël artificiel ou naturel, le sapin fait-maison restera toujours le choix le plus écologique ! Sinon le sapin de Noël en pot pouvant être replanté constitue une autre solution. Enfin, il est temps de revisiter les traditionnels plats de Noël pour les rendre plus végétariens et plus légers. Sur son compte Instagram, The Chef Tomy partage pleins de recettes végétales à vous en lécher les babines.
Des fêtes de fin d’année plus sobres, c’est une planète en meilleure santé, et en plus cela permet de faire des économies ! Alors s’il faut faire un vœu pour cette nouvelle année, faisons celui de futures traditions plus respectueuses de l’environnement.