Pour cette édition spéciale sur le sport, Le Délit a eu la chance de discuter avec Siphan Lê, un photographe passionné qui s’est spécialisé dans la photographie sportive en parallèle de son métier d’ingénieur. Il a pu répondre à nos questions et nous a également partagé certains de ses clichés favoris.
Le Délit (LD) : Tout d’abord, d’où te vient cet intérêt pour la photographie ?
Siphan Lê (SL) : Cette passion me vient principalement de mon père, qui amenait toujours avec lui son appareil photo Nikon FE ainsi que deux ou trois objectifs. Lorsque j’ai commencé mes études, je me suis inscrit au club de photographie de mon école. C’est là que j’ai appris à manipuler ce boîtier ainsi que les techniques de développement argentique en salle noire. J’ai alors fait mes premiers pas en photographiant la ville dans laquelle j’étudiais, ainsi qu’en documentant les événements qui avaient lieu dans mon école d’ingénieur à Angers. À cette époque, j’étais l’un des rares étudiants à posséder un appareil photo et j’étais donc celui qui documentait les événements du quotidien universitaire, dont de nombreux événements sportifs. Cet intérêt pour la photographie ne m’a jamais quitté et j’ai continué ce hobby après mes études.
LD : Pourquoi le sport en particulier ?
SL : Pratiquant moi-même de nombreux sports, comme le triathlon – discipline mêlant course à pied, vélo, et natation – j’ai été amené à photographier les différentes activités et compétitions auxquelles participait mon club. D’amateur, je suis passé au statut de professionnel, bien que cela reste une pratique que j’effectue en parallèle à mon travail principal. Mon réseau de connaissances m’a amené à être souvent sollicité pour photographier des événements sportifs. Ce même réseau m’a aussi permis d’obtenir les accréditations nécessaires pour accéder à des compétitions plus prestigieuses
LD : En quoi la photographie sportive est-elle un exercice différent de la photographie de paysages ou de portraits ? Comment arrives-tu à capturer le dynamisme de tes sujets ?
SL : La particularité de la photographie sportive vient du fait que nous ne pouvons pas répéter les poses. Les photos sont prises au 1/1000 de secondes : nous pouvons considérer que nous disposons d’un millième de secondes pour pour prendre le cliché qu’il nous faut. Pour ce faire, la partie repérage est essentielle. Il faut savoir anticiper quels seront les mouvements des athlètes, où ils passeront, et aussi prédire la lumière à ce moment-là. Il faut aussi parvenir à se placer en conséquence pour les épreuves de course à pied, qui sont parfois étendues sur plusieurs kilomètres, pour avoir un maximum de photos exploitables. Bien entendu, les réglages de l’appareil doivent être prêts et je dois pouvoir me fier entièrement sur les capacités du focus automatique, bien plus efficace que l’œil humain.
LD : Quelles sont les difficultés particulières associées au fait de photographier des athlètes ?
SL : Il faut garder à l’esprit que les athlètes gagnent leur vie en partie grâce au Prize-Money (primes) de la compétition, mais aussi beaucoup grâce à leur image. Ces derniers sont donc très pointilleux sur les clichés que l’on publie d’eux et demandent souvent un droit de regard. Par ailleurs, il faut savoir gérer avec les commanditaires et leur club, qui veulent souvent pouvoir gérer la communication autour des athlètes et embauchent parfois un photographe officiel avec qui on se retrouve parfois en compétition indirecte.
LD : Enfin, peux-tu me parler des projets sur lesquels tu as travaillé ces dernières années ?
SL : Récemment, j’ai découvert de nombreuses courses à pied et autres compétitions de natation. Plus particulièrement, j’ai travaillé sur un projet qui me tenait à cœur : la composition d’un ouvrage documenté regroupant une vingtaine d’athlètes et d’entrevues, dont l’objectif était de mettre en avant l’intégration des communautés LGBTQ+ dans le sport. Dans le cas de ce livre, nous avons non seulement fait des entrevues avec des athlètes homosexuels, mais un ensemble d’athlètes de haut niveau, quelle que soit leur orientation sexuelle, afin de leur demander quel était leur regard sur la difficulté d’être queer dans le monde sportif. L’ancienne ministre des sports, Roxana Maracineanu (voir photo 5), a également pris part à ce projet et était très enthousiaste à l’idée de contribuer à cet ouvrage et de communiquer à ce sujet. L’ensemble des photos prises a ensuite été exposé dans le hall de la mairie de Paris ainsi que dans le cadre d’ une exposition itinérante. Cet ouvrage était la commande de la fondation FIER, qui organise notamment les Gay Games à Paris.