On l’a dit et redit, Montréal est à la traîne dans la gestion de ses déchets. Malgré la cible fixée en 1998, visant à ce que 60 p. cent des matières résiduelles produites dans la province soient recyclées, la métropole ne passait guère au-delà des 22 p. cent en 2007. Ce taux est d’autant plus décevant que l’ensemble du Québec avait à ce stade réussi à détourner 40 p. cent de ses déchets des sites d’enfouissement. Qu’une ville comme la nôtre puisse être affligée d’un classement mondial qui ferait verdir les métropoles les plus polluantes n’aura guère fini de faire couler l’encre.
Cependant, d’ici 2012, Montréal entend bien redorer son blason en allégeant son sac vert des 60 p. cent tant attendus. La question du compostage devrait notamment être attaquée avec plus d’efficacité, depuis qu’a été obtenu, le 17 février, un consensus municipal sur la technologie à adopter pour procéder à la récupération des matières organiques. Cette démarche importante consiste à choisir la valorisation dite biologique, au lieu de la gazéification. Cela implique le compostage à ciel ouvert ou en milieu fermé des résidus, une option qui devrait, selon Le Devoir, permettre de faire passer la facture prévue de 850 à 300 millions. L’échéance, initialement fixée à 2018, a été avancée à 2012.
Le compostage permet de réacheminer des matières résiduelles organiques vers l’agriculture sous forme d’engrais naturels, et présente une alternative à l’enfouissement. Si Montréal ne valorise aujourd’hui que 8 p. cent de ses résidus compostables, d’autres villes canadiennes telles que Halifax et Edmonton sont depuis plusieurs années dotées de programmes de compostage avancés et qui ont fait leurs preuves. La Suède offre elle aussi, et ce depuis 20 ans, un modèle exemplaire de réduction systématique des matières organiques. La région de Montréal se sait donc pressée de faire un saut considérable, et l’entente passée entretient l’espoir, non seulement de rattraper le retard, mais de dépasser l’objectif des 60 p. cent.
La question se pose toutefois de savoir pourquoi ce même objectif avait été fixé en 1998–2008, alors que la communauté métropolitaine n’était pas même encore équipée d’un plan de récupération des matières organiques. Il est non moins surprenant que, malgré la piètre performance des années passées, certains acteurs soient en faveur d’une révision à la hausse des ambitions. De fait, à l’annonce du projet de Plan directeur de gestion des matières résiduelles de l’agglomération de Montréal 2008–2012, le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement avait rédigé un mémoire intitulé « Trop peu, trop tard ». D’autres organismes reprochaient au projet de maintenir nos 10 ans de retard.
Irrités par l’incapacité de la métropole à atteindre ses objectifs, les groupes environnementaux soucieux de rattraper le temps perdu semblent hâter l’obtention d’objectifs peu réalistes. Les acteurs municipaux, soucieux quant à eux de s’assurer le soutien public en marquant leur engagement environnemental, sont disposés à établir ces cibles élevées, sans pour autant évaluer leur potentiel de réalisation dans le temps imparti. Il existe un manque de clarté sur la manière dont sont déterminées les normes qui guident nos actions environnementales. Entre les objectifs qui séduisent (à raison, certes) et ceux qui servent d’outils à l’action, un juste milieu semble devoir être défini. Le 17 février, un consensus a vu le jour, mais nous demandons à voir un échéancier clair qui énonce les étapes d’exécution. Il en va de même pour l’ensemble de la politique de gestion des déchets.