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Comment sauver l’espèce humaine en s’amusant

1. S’engager pour l’environnement sur les réseaux sociaux.

Juliette Elie | Le Délit

Une de mes premières rencontres avec la question environnementale a été à travers le jeu Eco Ego, sur la plateforme Friv. La première fois que j’y ai joué, je n’en comprenais pas vraiment le but. J’avais environ sept ans, et je n’avais pas la patience de lire la description du jeu ; je cliquais simplement sur le bouton « Play ». Je me suis rapidement retrouvée à faire tomber les feuilles d’un arbre à cause du réchauffement climatique, à polluer une rivière avec de l’eau de vaisselle souillée et à asphyxier un petit personnage ressemblant à une gousse d’ail à cause du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. J’ai abandonné. Des années plus tard, après avoir reçu une meilleure éducation environnementale, j’ai décidé d’y revenir. Cette fois, je comprenais l’objectif. Voulant réussir, j’ai appris et répété les actions favorables à l’environnement. Le but du jeu, décrit sur la page d’accueil, était simple : « Quelque chose de confortable pour 👤. Quelque chose de confortable pour 🦋🦅🐌🌷. Réfléchis bien à tes choix dans le jeu et dans la vie ! Temps imparti : six minutes (tdlr) ». La limite de temps visait à simuler le sentiment d’urgence qu’on ressent face à la crise climatique.

Ce n’est pas un hasard si on dit qu’on apprend mieux en s’amusant. Le plaisir favorise l’ouverture d’esprit, une curiosité accrue, une diminution de l’anxiété, et stimule la créativité ainsi que l’innovation, tout en facilitant l’application des notions acquises. Eco Ego s’inscrit dans une panoplie de méthodes ludiques pour sensibiliser à la cause environnementale. Les jeux, les concours, les mèmes (memes) et même l’humour sont des outils aussi amusants qu’efficaces pour sauver la planète. Ils inspirent des comportements plus écologiques et réduisent les inquiétudes concernant l’engagement environnemental, rendant ce dernier plus accessible et attrayant.

Se mettre au défi

Il y a quelques années, quand on éduquait mon chien, j’ai appris le concept du renforcement positif. Il s’agit d’une méthode pour encourager les comportements positifs en offrant une récompense lorsque ceux-ci sont adoptés. L’idée est que l’ajout d’un stimulus agréable augmente la probabilité que le comportement souhaité soit répété. C’est un concept qui s’applique aussi aux humains, avec des récompenses adaptées, bien sûr (pas de croquettes pour moi, merci).

Les concours, compétitions et simples défis pour la cause environnementale sont un bon moyen d’inciter la participation des gens. C’est aussi une manière de récompenser les gagnant·e·s et/ou participant·e·s, de mettre en valeur leur apport à la cause, et de les encourager à poursuivre leurs efforts. J’ai parlé dans mon dernier article de deux exemples de défis lancés à la population, le No Mow May et le Défi pissenlit, qui visaient à retarder la tonte des pelouses pour laisser plus de temps aux pollinisateurs de profiter de la végétation. Au printemps 2024, le Cégep Saint-Jean-sur-Richelieu a lancé le concours intercollégial « Deviens l’écho responsable de ton domaine d’études », qui invitait les étudiant·e·s à créer une capsule d’influence (un Reel sur Instagram ou une vidéo sur YouTube) à propos d’un enjeu environnemental lié à leur domaine d’études. Les étudiant·e·s avaient la possibilité de remporter des prix allant jusqu’à 1 000$.

« Le plaisir favorise l’ouverture d’esprit, une curiosité accrue, une diminution de l’anxiété, et stimule la créativité ainsi que l’innovation, tout en facilitant l’application des notions acquises »

Des mèmes pour la planète

De plus en plus d’organisations agissant pour la protection de l’environnement publient sur leurs réseaux sociaux des mèmes, ces images rigolotes reprises à l’infini, accompagnées de texte ironique auquel on peut s’identifier. Pour ma part, je suis abonnée au compte Instagram de Greenpeace Québec, champion de la sensibilisation grâce à l’humour viral. Greenpeace Québec, à travers les mèmes, pratique l’autodérision, ce qui rend l’organisation plus accessible et proche de son public. Les mèmes nous permettent de connecter avec des gens qui pensent comme nous et de créer un sentiment d’appartenance à la cause environnementale. L’utilisation du format du mème permet aussi de rejoindre un public plus large en améliorant la visibilité de la cause sur les réseaux sociaux, grâce à la nature variante et virale de ce type de contenu. Au-delà de la consommation de mèmes, leur création semble tout aussi amusante. Je me suis donc essayée à l’exercice (voir mon mème environnemental ci-haut).

Aussi drôles soient-ils, ces mèmes servent à diffuser un message important : la crise environnementale n’est pas une blague. L’absurdité de la situation est telle qu’il vaut mieux en rire, car si les mises en garde n’ont pas mené à l’action, peut-être que l’humour le fera.

Protéger l’environnement n’a pas à être une tâche sérieuse et monotone. En intégrant des éléments ludiques dans notre approche de la durabilité, on peut non seulement rendre l’engagement écologique plus attrayant, mais aussi plus efficace. On peut créer quelque chose de confortable pour 👤🦋🦅🐌🌷.

Eileen Davidson | Le Délit


2. Rencontre avec l’humoriste Dhanaé A. Beaulieu.

Il y a quelques semaines, je suis allée voir le Gong Show au Bordel Comédie Club. C’est une soirée humoristique où des amateur·trice·s de monologues comiques (stand-up) se succèdent sur scène, chacun·e disposant de trois minutes pour faire rire le public, sans se faire interrompre par le son du gong. Un jury composé de trois humoristes expérimenté·e·s évalue la qualité des blagues et de la prestation du participant. Après chaque numéro, les juges commentent de manière humoristique la performance en donnant des critiques directes et hilarantes, des conseils, ou des félicitations.

J’ai rencontré Dhanaé A. Beaulieu, acteur et humoriste québécois, qui était sur le jury pour la première partie du Gong Show. Ses blagues percutantes sur la crise environnementale m’ont particulièrement marquée et ont inspiré cet article.

Le Délit (LD) : Pourquoi as-tu choisi d’intégrer le sujet de l’environnement dans ta carrière d’humoriste ?

Dhanaé A. Beaulieu (DAB) : C’est surtout pendant la pandémie que j’ai réalisé que les sujets que je devais aborder devaient être seulement les sujets qui m’intéressaient vraiment, parce qu’au final, quand je suis sorti de l’École [nationale de l’humour, ndlr], je pense que j’essayais d’aller chercher un public qui n’était pas le mien. Je parle de ce que je connais, finalement.

LD : Quel effet souhaites-tu avoir sur ton public quand tu fais des blagues sur l’environnement ?

DAB : Ça dépend du public. Quand je sais que le public n’est pas impliqué en environnement, c’est plus une façon de planter une graine dans leurs esprits sur un sujet qu’ils ne comprennent peut-être pas. J’essaie d’être le plus rassembleur possible, puis de faire des blagues qui ne ridiculisent pas le mouvement écologiste. Si c’est la première fois qu’ils sont exposés au sujet de l’environnement, tant mieux que ce soit dans un show d’humour, parce que ça sera associé à quelque chose de positif. Quand je présente mon show solo, le but c’est vraiment d’enfoncer le clou. Je n’hésite pas à être un peu plus caustique, si on veut !

LD : Quels ont été tes projets préférés en lien avec l’environnement ?

DAB : Pour mon spectacle solo, en 2022, j’ai obtenu une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec pour faire un voyage dans l’Ouest canadien et visiter des forêts anciennes afin d’inspirer mon spectacle. C’est dur à battre ! Je suis content de travailler aussi avec le média Unpointcinq, qui est le seul média indépendant se concentrant uniquement sur les questions environnementales au Québec. Ils me proposent de faire des sketchs pour leur Tiktok, parce que Meta bloque toutes leurs nouvelles sur Facebook et Instagram. Je participe aussi à Feu vert, l’émission à Radio-Canada qui parle des questions environnementales. J’y fais des chroniques tous les mois. C’est vraiment un beau projet.

LD : Tu as dit qu’il n’y a pas beaucoup d’humoristes qui parlent d’environnement. Penses-tu que ce nombre augmentera au cours des prochaines années ?

DAB : Oui. J’espère, en tout cas ! Chaque année, j’organise un spectacle sur cette thématique et j’y invite d’autres amis humoristes à venir faire un numéro qui parle de l’environnement. Je me dis que plus il y a de gens qui montrent que ces numéros peuvent être accessibles pour un large public, probablement que plus de gens vont vouloir en faire aussi. Pour l’instant, je peux te dire que je connais presque tous ceux qui ont des numéros sur l’environnement, mais j’ai hâte au jour où je ne pourrai plus te nommer les noms des personnes qui font des numéros de ce type.

LD : Penses-tu que l’humour pourrait être perçu comme une façon peu sérieuse de traiter les questions environnementales, et qu’il pourrait ainsi nuire à la cause ?

DAB : Si tu ridiculises le mouvement, je pense que ce n’est pas une bonne idée. Au lieu de rire un peu du mouvement, ris plutôt de toi, de tes travers. Si le fond de ta pensée, c’est qu’il faut en faire plus pour l’environnement, si tout le monde comprend où tu loges, à mon avis, il n’y a pas de problème.

LD : Quel conseil donnerais-tu aux gens pour qu’ils prennent du plaisir dans la protection de l’environnement ?

DAB : Il faut trouver quelque chose que tu aimes faire. Moi, j’avais besoin de quelque chose de concret, un peu pour combattre mon éco-anxiété, puis pour avoir l’impression que j’agis vraiment. Je me suis dit que je pourrais planter des arbres. Alors j’ai mis de l’avant des projets pour planter des arbres sur le terrain de ma coopérative d’habitation à Hochelaga. Pour moi, c’était amusant, parce que j’aime travailler dans la terre. Il faut juste trouver un projet qui nous parle.

Pour rire, apprendre, et être au courant des projets de Dhanaé Audet-Beaulieu, vous pouvez suivre sa page Instagram, Facebook ou Tiktok @dhanaebeaulieu.


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