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Entrevue avec la maison d’édition Les coins du cercle

Étudiant le jour, éditeur la nuit : une maison d’édition accessible.

Les coins du cercle

Lundi 30 septembre dernier, j’ai retrouvé deux des fondateurs de la nouvelle maison d’édition Les coins du cercle. Ils m’ont accueillie autour d’un petit déjeuner pour discuter de leur bijou entrepreneurial, de leurs ambitions et de littérature. La maison d’édition est composée de trois éditeurs : Alice Leblanc, Kenza Zarrouki et Mattéo Kaiser. Animés par leur passion, ils reviennent dans cet entretien sur leur projet dont le but est de faire rayonner la communauté des écrivains et des lecteurs, en deux mots : créativité et accessibilité.

Les coins du cercle Franco-marocaine, Kenza Zarrouki a déménagé à Montréal pour compléter ses études à l’UdeM. Aujourd’hui, elle poursuit sa scolarité à la maîtrise en études internationales, avec une spécialité en études européennes. Souvent contrainte de lire des revues académiques, elle reste passionnée de littérature, notamment les romans explorant la condition humaine. Kenza aime découvrir de nouveaux ouvrages pour analyser les différentes méthodes de pensée, qui lui permettent d’aborder le monde sous un nouvel angle. « L’un de mes processus de réflexion sur la vie en général, mais aussi sur mes propres émotions, passe par l’écriture et la lecture. [C’est] intime de publier un ouvrage, et il est important que l’auteur se sente à l’aise et en confiance : c’est mon rôle dans cette maison d’édition. »
Les coins du cercle Québécois de naissance, Mattéo Kaiser a grandi dans un système d’éducation francophone tout au long de son parcours académique. Il complète actuellement une maîtrise en littérature comparée, et rédige sa thèse sur la dépersonnalisation à l’UdeM. Ses études lui ont offert un tremplin dans le monde de la rédaction et de la correction. Il est guidé par la créativité et le désir de donner une chance à tous de publier. « J’aimerais justement pouvoir rendre [le monde de l’édition] un peu plus populaire pour faire en sorte que les gens aient envie de se faire publier, aient envie de partager leurs pensées globalement, puis de les proposer au marché intellectuel. »
Les coins du cercle Alice Leblanc, Montréalaise, fait partie du collectif « NOUS » qui étudie la santé mentale des jeunes au Québec, et travaille en tant qu’attachée politique pour le député de Jean-Talon, Pascal Paradis. En janvier 2024, elle publie et édite son premier recueil de poésie Jeune et Vivante chez Les coins du cercle. Alice y décrit son ressenti de jeune femme dans la société québecoise. Sa collègue Kenza salue sa créativité : « C’est un cri du coeur sincère et sensible. C’est très apprécié d’avoir ce genre d’oeuvres-là dans notre société », souligne-t-elle.

Philippine d’Halleine (PH) : Qui êtes-vous et en quoi consiste votre projet d’édition ?

Kenza Zarrouki (KZ) : Cela fait maintenant un an que nous avons officiellement créé notre entreprise, mais l’idée existait bien avant. À l’origine, nous voulions simplement créer un cercle de lecture, un espace où passionnés et débutants pouvaient échanger autour de différents ouvrages. Puis, nous avons conclu que nous voulions aller plus loin.

Mattéo Kaiser (MK) : Notre inspiration vient de notre désir de rendre accessible le monde de l’édition aux jeunes dans la vingtaine et aux adolescents en leur proposant des services de conseils pour l’édition de leurs travaux francophones. Notre travail consiste en une relecture littéraire, toujours selon un même axe : garder l’essence du style de l’auteur pour que le travail de son texte demeure le sien.

PH : Votre projet a donc évolué d’un cercle de lecture à une maison d’édition. Comment cette transition s’est-elle effectuée ?

MK : Tout a commencé lorsque Alice a souhaité publier son livre. C’est en février dernier que nous avons organisé une soirée de lancement, qui s’est avérée un vif succès. Nous avons ensuite entrepris les démarches pour lancer notre maison d’édition. Lors de cette soirée, j’ai vu quelque chose de beau ; l’image du littéraire est bien trop souvent celle d’une personne recluse, qui lit seule dans son coin. Ce genre de soirée permet de constater le côté plus social de la lecture.

KZ : Au début, après avoir consulté des membres de notre entourage, nous nous sommes demandés si ce n’était pas un projet trop ambitieux. Finalement, seul le processus administratif aurait pu nous faire reculer. Je pense que c’est une très bonne manière pour nous, à titre individuel, d’en apprendre le monde de l’entrepreneuriat.

PH : Comment faite-vous pour gérer le financement ?

KZ : Pour l’instant, nous ne correspondons pas aux critères pour obtenir les subventions du Québec parce qu’il faut détenir au moins deux ans d’existence ainsi que quatre publications à notre actif, en vue de prouver notre stabilité, notamment pour ce qui est de nos projections à long terme. Pour l’instant, toutes les dépenses sont à nos frais personnels. Nous avons un site internet qui sera disponible dès la semaine prochaine, sur lequel il sera possible de se procurer les livres, ce qui régulera nos dépenses.

PH : Quels sont vos objectifs d’ici les prochains mois, voire les prochaines années ?

KZ : Sur le court à moyen terme, nous travaillons déjà sur trois ouvrages qui seront publiés cet automne, et un quatrième pour l’hiver 2025. C’est une belle première lancée.

MK : La priorité est de recevoir suffisamment de manuscrits pour que l’on puisse commencer à fournir nos services. Pour une maison d’édition, l’objectif, c’est d’imprimer des livres, de voir, devant nous, le produit final. Il y a quelque chose de valorisant là-dedans. C’est du carburant.

PH : Comment se déroule le processus de l’envoi d’un manuscrit ?

KZ : Il y a d’abord une prise de contact où nous rencontrons l’auteur, puis nous discutons de ses ambitions et de ce qu’il ou elle veut partager. Il y a évidemment un contrat écrit, qui protège nos intérêts et ceux de l’auteur. Nous organisons des rencontres bi-mensuelles – dépendamment du travail nécessaire – pour discuter de l’oeuvre et de ses points d’amélioration. Nous sommes trois éditeurs à participer à la correction du livre. Ainsi, chacun peut offrir ses conseils de façon constructive. Ce à quoi nous nous attendons, c’est que l’auteur soit capable d’accepter les commentaires et critiques, qu’elles soient positives ou négatives, afin d’assurer le bon déroulement du processus.

PH : Selon vous, quelle est la principale différence entre votre maison d’édition et celles qui sont plus établies ?

MK : Nous offrons une accessibilité et un soutien aux jeunes auteurs. L’objectif est de leur offrir une plateforme pour les aider à faire leurs premiers pas dans le milieu de l’édition, en respectant des valeurs comme la liberté d’expression. Nous proposons aussi des services de révision de textes, de correction, et d’analyse créative, en vue d’essayer de développer le scénario ou l’histoire, s’il y a lieu.

PH : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes auteurs ?

MK : La créativité est la capacité humaine la plus élevée, selon moi. Vraiment, c’est ce qui nous permet de vivre et de nous adapter. Sans elle, nous n’en serions pas là. Quand tu commences à créer, et que tu oses aller jusqu’au bout, tu vois à quel point c’est bénéfique. C’est une expérience très épanouissante. Si tu as envie de te sentir bien : crée. 

KZ : Comme le dit Mattéo, la créativité est un cri du coeur que nous avons tous à l’intérieur de nous. C’est par l’expression et l’appréciation des arts, qu’on peut se retrouver à s’élever sur tous les aspects de notre vie. Je dirais : élevez-vous autant que vous le pouvez.

Pour en savoir plus sur la maison d’édition Les coins du cercle, vous pouvez visiter leur site internet, accessible dès maintenant.

Les coins du cercle
Mattéo publie son premier livre cet automne. Nous en avons discuté en primeur lors de notre entretien.

ATOUÇEUKILISENCORE sortira en novembre, un ouvrage qu’il décrit comme léger, mais profond. Ce recueil de réflexions personnelles est assez loin d’un style académique, mais plutôt une invitation à la réflexion accessible, qui mêle humour et philosophie au quotidien. Ce n’est ni un roman traditionnel, ni un essai classique. Au fil des pages, Mattéo souhaite briser la barrière entre l’auteur et le lecteur, en instaurant un dialogue libre et spontané à travers ses écrits. Il encourage ainsi chacun à lire à son propre rythme, sans la moindre pression : « Mon livre, tu peux le lire où tu veux, l’abandonner un moment et le reprendre plus tard. C’est un acte libre : fais-en ce que tu veux. »

L’écriture d’ATOUÇEUKILISENCORE a débuté pendant la pandémie, une période pendant laquelle l’écriture était un moyen d’échappatoire du confinement pour beaucoup. Influencé par les travaux de Dany Laferrière, le livre capture une pensée journalière, à travers un style personnel, québécois et universel à la fois. Le titre, un jeu de mots sans espace, souligne la spontanéité face aux règles strictes de la langue. « Le titre représente aussi ce langage parfois malmené qu’on utilise au quotidien, un clin d’oeil à notre rapport décomplexé au français. Mais à travers cela, il y a du fond et du soin. » Ce faisant, Mattéo nous plonge dans son esprit, tout en laissant au lecteur la liberté d’y entrer ou d’en sortir à sa guise.


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