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Pourquoi « Le Choix » ?

Cette année, 4,1 milliards de personnes ont été appelées à voter (à travers des élections locales, législatives ou présidentielles) dans 68 pays, dont le Brésil, la France, le Pakistan, la Russie, le Sénégal, l’Indonésie et l’Inde, sans oublier les États membres de l’Union Européenne. Dans moins de dix jours, les États-Unis s’ajouteront à cette liste. Ces élections américaines nous invitent à redéfinir la notion du choix, non plus simplement comme un droit établi, mais comme un privilège : une liberté de disposer de notre propre corps, de définir notre identité, et de tracer notre avenir.

Au Canada, la démocratie est perçue comme un acquis depuis plusieurs décennies, et la possibilité de choisir – dans tous les domaines – peut nous sembler banale, ou apparaître comme une évidence. C’est un privilège que nous avons souvent tendance à sous-estimer. Dans les pages de cette édition spéciale, Le Délit a choisi d’explorer la question du choix, sous toutes ses facettes : Qu’est-ce que le choix ? Sommes-nous réellement libres de choisir ? Ces choix importent-ils ?

Le choix et sa réalité

Si le choix est un pilier de la démocratie, il ne garantit pas pour autant que nos décisions en matière de gouvernance aient un impact réel. Dans nombre des pays évoqués plus haut, les élections ne servent souvent qu’à donner une illusion de liberté, le choix étant parfois manipulé afin de légitimer des régimes profondément totalitaires. C’est le cas en Russie, où nous avons pu observer une fois de plus cette année la traditionnelle mise en scène électorale qui prend place tous les six ans.

En revanche, nul besoin d’aller jusqu’en Russie pour comprendre que le choix n’est pas immuable. Même dans les sociétés dites démocratiques et libérales comme le Canada ou la France, le choix est parfois bafoué. En effet, si le droit de vote symbolise la liberté de choix dans une démocratie, il ne garantit pas pour autant que les décisions prises par les citoyens en matière de droits fondamentaux sont respectées. La question du consentement apparaît ici en filigrane, car pour qu’une démocratie soit légitime, elle doit non seulement respecter la volonté des citoyens dans l’urne, mais aussi dans les choix personnels et intimes qu’ils consentent à faire dans leur vie. L’autonomie corporelle, en particulier le droit à l’avortement, est au cœur de cet enjeux. Elle repose sur le principe que chaque individu doit pouvoir consentir librement en ce qui concerne son corps. Or, dans un contexte politique où certains élus tentent de restreindre ce droit, le choix démocratique devient un instrument de contrôle social ; les individus n’ont plus la liberté d’exercer un consentement réel, mais sont soumis à des décisions politiques qui empiètent sur leur liberté personnelle. Ainsi, le choix, censé être un pilier de la démocratie, devient alors une arme qui peut être utilisée pour contrôler des populations, et l’autonomie corporelle, un champ de bataille où se joue la liberté individuelle des citoyens.

Le choix et l’identité

Faire des choix correspond à questionner les plus profondes racines de notre identité : chaque choix que nous faisons, redéfinit un peu plus qui nous sommes, les valeurs que nous portons dans nos cœurs et les personnes que nous sommes amenés à devenir. C’est en quelque sorte une rencontre avec nous-même, une manière de s’apprendre, de se découvrir. Cette définition de l’identité par les choix que nous faisons s’applique aussi au Délit. Chaque semaine, l’identité du journal est remise en question lorsque nous décidons des thématiques, et de la manière dont nous allons les aborder. Nos pages témoignent donc de notre identité.

En tant qu’étudiant·e·s, les petits et gros choix que nous faisons au quotidien influencent parfois directement qui nous serons dans un, trois, ou cinq ans. Cela crée une anxiété qui est sans doute familière pour beaucoup d’entre nous à McGill.

Il est néanmoins important de ne pas oublier que quel que soit les choix que nous ayons faits (dans notre parcours académique, nos relations amicales ou encore amoureuses), qu’ils aient été bons ou mauvais, tous ont contribué à forger notre identité, et les personnes que nous sommes devenues aujourd’hui.

Choisir de ne pas choisir

Depuis quelques années, de nombreux sujets de politique internationale ou nationale ont marqué, clivé et polarisé les sociétés. Cela est en partie dû aux nouveaux moyens de communication et aux réseaux sociaux qui, en proposant un accès instantané (mais pas forcément qualitatif, ni factuel) à l’information, appellent simultanément à la prise de position. Ce besoin constant de se prononcer peut en submerger certain·e·s. D’un autre côté, refuser de prendre position peut sembler être une solution facile, surtout quand une position claire pourrait provoquer des conflits ou des critiques. Cependant, ne pas prendre position peut aussi être vu comme une forme de soutien indirect ; en ne s’opposant pas activement, on laisse à d’autres le soin de faire avancer la cause.

Il est louable, et même essentiel pour la vitalité de la démocratie, que chacun puisse se positionner et agir pour faire entendre son opinion. Mais il est tout aussi légitime de ne pas se sentir obligé de prendre position sur chaque thématique. Il est naturel de reconnaître que certains sujets nous échappent ou ne nous concernent pas directement. Si les individus jouissent de cette liberté, il en va autrement pour les États et les gouvernements. Lorsque l’humanité et l’avenir de la planète sont en jeu, ces derniers ne peuvent pas rester passifs, et choisir de ne pas choisir. 

Préserver la liberté de choisir

Les prochaines élections américaines sont cruciales, car leurs répercussions politiques, sociales et humanitaires dépasseront largement les frontières des États-Unis. Si nous refusons de prendre parti dans ces élections parce que nous tenons à notre relative « neutralité », la rédaction du Délit rappelle néanmoins à ses lecteurs et lectrices de réfléchir à la préservation des valeurs fondamentales de liberté, d’égalité, et de respect d’autrui. Le Délit est attaché à la liberté de chacun·e de décider de son avenir et de son corps, et il est essentiel de faire des choix qui protègent cette précieuse liberté sur le long terme. 


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