Le semestre touche à sa fin et pour nombreux d’entre nous à McGill, il est enfin temps de retrouver nos amis proches, notre famille et notre foyer. En tant qu’étudiants qui se sentent parfois coincés entre deux villes, deux provinces ou même deux continents, nous nous demandons souvent : qu’est-ce qu’être à la maison ? Où nous sentons-nous chez nous ? S’agit-il de souvenirs de famille ou d’enfance ? Est-ce un lieu ou une communauté ? Pour notre dernière édition de l’année, The Daily et Le Délit vous proposent donc une édition commune sur le thème Chez nous, ou Home en anglais.
Traduire le mot « Home » en français sans perdre son caractère réconfortant et chaleureux n’a pas été une mince affaire. « Home » est un terme complexe qui a de multiples significations et qualités aux yeux de chaque individu ; cela en fait un thème riche à explorer dans le cadre de ce numéro spécial.
En français, nous avons pris la décision de traduire « Home » en « Chez nous » plutôt que « Chez soi ». Afin de rejeter une connotation d’individualité, nous avons volontairement remplacé le pronom « soi » par « nous », car nous pensons qu’un « chez-nous », aussi personnel soit-il, est quelque chose de partagé, qui se construit en communauté. Le « chez nous », souvent considéré comme un lieu physique, peut également être une communauté à laquelle on s’identifie, un groupe de personnes dont les valeurs nous correspondent, ou même un passe-temps qui nous rend profondément heureux. Peu importe ce que l’on considère comme un « chez-nous » ; tangible ou non, il s’agit d’un espace de confort, où chacun peut se retrouver. Ce « safe place » (espace sûr, tdlr), dans lequel vous pouvez être pleinement qui vous êtes, peut également être considéré à une échelle plus large. La société à laquelle nous appartenons, aussi imparfaite soit-elle, est, d’une certaine manière, notre « maison », notre « chez nous ». À travers ces 24 pages, nous nous interrogeons donc sur la signification du mot « home » et tentons de répondre à la question « qu’est ce que le chez-nous ? »
Bien que tout le monde mérite un chez-soi sûr, nous reconnaissons que c’est aujourd’hui loin d’être le cas. Dans le monde, 120 millions de personnes sont forcées de quitter leur foyer en raison de conflits, de violences, de génocides et de catastrophes climatiques. Parallèlement, le sentiment anti-immigration grandit partout en Europe et en Amérique du Nord. Avec l’élection récente de Donald Trump, de nombreuses personnes qui se considèrent chez eux aux États-Unis depuis des années sont désormais confrontées à une menace accrue d’être expulsées vers un endroit totalement inconnu. Au Canada, le premier ministre Justin Trudeau a récemment annoncé une réduction du nombre d’immigrants entrant au pays. Le Québec a également suspendu deux voies majeures vers la résidence permanente. Ces mesures empêcheront d’innombrables personnes de trouver un logement et de poursuivre une vie meilleure au Canada.
Il est essentiel de reconnaître que le Canada, où beaucoup d’entre nous ont trouvé un foyer, est construit sur le génocide et le déplacement des peuples autochtones par les colonisateurs européens et l’État canadien. L’Université McGill est également complice. Pas plus tard que la semaine dernière, un groupe de femmes Kanien’kehà:ka se sont rassemblées pour planter un pin blanc, symbole de paix pour le peuple Haudenosaunee, sur le lower field de McGill, situé sur des terres Kanien’kehà:ka non cédées. Les organisateurs voulaient partager les enseignements Kanien’kehà:ka sur la paix avec les peuples autochtones et non-autochtones vivant sur cette terre. La plaque de bois à côté du jeune arbre indiquait que « cet arbre de la paix est un symbole de la solidarité du peuple Kanien’kehá:ka entre les étudiants de McGill et de Concordia qui ont établi un campement pacifique ici en 2024 au nom de la justice pour la Palestine et tous les peuples de notre planète (tldr) ». Le lendemain matin, McGill a confirmé au Daily que l’Université avait retiré l’arbre.
Du Petit Portugal au Quartier chinois en passant par le Village, Montréal est une plaque tournante pour diverses communautés, diasporas et cultures. À notre époque, se retrouver en communauté est plus important que jamais. En tant qu’étudiants, nous impliquer ainsi nous permet de jouer un rôle majeur dans l’évolution de notre chez-nous vers le monde dans lequel nous voulons vivre. En même temps, nous devons faire preuve de solidarité avec les personnes du monde entier qui se voient refuser leurs droits et lutter pour l’avenir de nos semblables et de notre planète. C’est notre « home », notre « chez-nous », et nous n’en aurons pas d’autre.