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Los Angeles en proie aux flammes

Comprendre la catastrophe : témoignages d’étudiantes américaines.

Stu Doré | Le Délit

Au moment où l’Organisation météorologique mondiale déclare l’année 2024 comme la plus chaude jamais enregistrée, une nouvelle catastrophe climatique balaye Los Angeles. Depuis le 7 janvier, la ville californienne est ravagée par d’immenses incendies, contraignant des dizaines de milliers de personnes à évacuer. À la date du 16 janvier, au moins 24 décès ont été confirmés. Selon le California Department of Forestry and Fire Protection, plus de 40 000 hectares ont brûlé et plus de 12 845 structures réduites en cendres. Les incendies ont détruit de nombreux quartiers huppés, notamment Pacific Palisades entre Santa Monica et Malibu, dont le feu n’est toujours pas circonscrit. Depuis son déclenchement le 7 janvier, l’incendie d’Eaton, dans le nord-est de la ville, a ravagé le quartier historique d’Altadena et des pans entiers de Pasadena. Plus d’une semaine après le début des incendies, la région brûle toujours, attestant des conséquences de la crise climatique.

Un cocktail explosif

Alors que l’origine des incendies reste sous investigation, plusieurs facteurs se sont conjugués pour créer les conditions idéales à des feux d’une telle ampleur. La région californienne a vécu un été exceptionnellement chaud, marqué par une sécheresse persistante. En décembre, les températures étaient nettement supérieures aux moyennes saisonnières, et les précipitations quasi inexistantes. Depuis le mois d’octobre, l’État de la Californie a enregistré seulement quatre millimètres de pluie, aggravant une situation déjà critique. Ces conditions climatiques ont transformé la végétation, desséchée par les vagues de chaleur de 2024, en une biomasse hautement inflammable. 

« Dire que les incendies en Californie sont uniquement des catastrophes naturelles, c’est donc oublier l’impact majeur des activités humaines dans leur intensification »

Ce qui a finalement valu à ces incendies le titre de « plus vastes et dévastateurs de l’histoire de la Californie », selon les mots du président américain Joe Biden, sont les vents violents, avec des rafales atteignant jusqu’à 160 km/h. Ces vents ont transporté des braises, accélérant l’avancée des flammes à différents points de la ville. 

Ces facteurs naturels ont été exacerbés par des choix humains. La pression démographique, notamment la crise du logement, a poussé la ville de Los Angeles à construire massivement dans des zones à haut-risque d’incendies. De nombreuses habitations, souvent en bois, ont été bâties à l’orée des forêts, augmentant leur vulnérabilité. La Californie illustre ainsi parfaitement l’accentuation des phénomènes météorologiques extrêmes et leurs interactions avec les décisions d’aménagement urbain, créant un terrain favorable à des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et destructrices. 

Dire que les incendies en Californie sont uniquement des catastrophes naturelles, c’est donc oublier l’impact majeur des activités humaines dans leur intensification. Avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les signaux d’alarme se multiplient. Le milliardaire américain, qui n’a pas hésité à qualifier le dérèglement climatique de « canular », soutient sans détour les industries du pétrole, du gaz et des énergies fossiles. Les choix politiques du président républicain, loin de ralentir le réchauffement climatique, aggravent les sécheresses et, par conséquent, les risques d’incendies dévastateurs. Avec une telle direction, l’avenir de la planète semble tracé : nous nous dirigeons rapidement vers une catastrophe planétaire.

Témoignages d’étudiantes montréalaises originaires de Los Angeles 

En entretien, Camille Ting, étudiante à l’Université Concordia, originaire de Los Angeles, revient sur son expérience en tant qu’ habitante du quartier de Pasadena, dont le nord a été sévèrement touché par le feu Eaton. Elle déplore : « Tout est soit détruit, à moitié brûlé ou inhabitable. Je connais 50 personnes qui ont perdu leur maison. Tout le monde connaît quelqu’un qui a tout perdu. »

« Les vents étaient anormalement forts », confie Camille Ting. « Le courant a été coupé et tout s’est déclenché très vite. » Ses parents, convaincus que les médias exagéraient la réalité des incendies, ont refusé d’évacuer leur maison. Pour des locaux d’une région habituée aux feux saisonniers, cette réaction semblait presque naturelle. Pour Camille, il était clair que cette fois-ci, les événements prenaient une tournure exceptionnelle : « Je savais que ce n’était pas comme ce qu’on avait déjà vécu auparavant ». Alors que les flammes se rapprochaient dangereusement de leur maison, Camille et sa famille ont finalement pris la décision d’évacuer. Ils ont trouvé refuge chez une amie. Elle décrit les scènes qu’elle a vues comme « apocalyptiques, la qualité de l’air était terrible. On traversait les flammes et on voyait le quartier brûler dans le rétroviseur », raconte-t-elle.

« Tout est soit détruit, à moitié brûlé ou inhabitable. Je connais 50 personnes qui ont perdu leur maison. Tout le
monde connaît quelqu’un qui a tout perdu »
Morgan Bories, étudiante à McGill

Camille se souvient avec émotion de la solidarité de la communauté « Le Pasadena Community College a organisé une incroyable collecte de dons. Le campus était transformé en un centre de dons de type service à l’auto. Tous les habitants venaient pour donner tout ce qu’ils avaient. » L’étudiante californienne témoigne : « Il y avait tellement de générosité et d’amour, dès le lendemain des premiers incendies, alors même que les feux n’étaient toujours pas contrôlés. »

Morgan Bories, étudiante en économie à l’Université McGill, a passé la majeure partie de sa vie dans le quartier de Los Feliz, à Los Angeles. Lors du déclenchement des incendies, alors qu’elle se trouvait à Montréal, ses parents ont décidé d’ouvrir les portes de leur maison à ceux qui avaient tout perdu, leur quartier étant situé à une distance relativement sécuritaire des flammes. 

Tout comme Camille, Morgan a évoqué l’histoire de son ancienne directrice d’école, très appréciée, dont la maison a été détruite par les flammes, pour souligner la solidarité qui s’est manifestée face à la tragédie. « Un GoFundMe a été lancé par un élève, et de nombreux dons ont afflué de la part d’élèves actuels et anciens, ainsi que des enseignants. Plus de 40 000 dollars ont été amassés en deux jours. La communauté peut vraiment se rassembler face à une catastrophe », souligne-t-elle. 

Un avenir incertain 

Pour Morgan, « assister à une catastrophe d’une telle ampleur, capable de provoquer autant de destruction en une seule journée, y compris dans des quartiers riches et influents, a été un électrochoc pour beaucoup. Cela a notamment éveillé les consciences de ceux qui considéraient le réchauffement climatique comme un problème distant, auquel ils pensaient pouvoir échapper. » Morgan et Camille insistent désormais sur la nécessité et l’urgence de transformer cet électrochoc en actions concrètes. Après les catastrophes climatiques de 2024, dont les ouragans Helene et Milton en Floride, ou encore les incendies de forêt au Canada, il devient évident qu’aucun endroit n’est réellement à l’abri des conséquences du dérèglement climatique. Avec des désastres climatiques appelés à se multiplier dans les années à venir, la nécessité d’agir devient de plus en plus pressante. Cependant, l’inaction politique à grande échelle jette une ombre inquiétante sur l’avenir de la planète.


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