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« L’existence c’est la résistance »

Cérémonie d’ouverture du Mois de l’histoire des Noir·e·s à l’hôtel de ville de Montréal.

Ema Sedillot Daniel

Ce jeudi 30 janvier a eu lieu la cérémonie d’ouverture du Mois de l’histoire des Noir·e·s à l’hôtel de ville de Montréal, ayant comme thème cette année « Tout ce que nous sommes » (All that we carry). Cet événement a été marqué par de nombreuses interventions importantes, dont celles de l’ancienne gouverneure générale Michaëlle Jean, le ministre délégué de l’économie et de la lutte contre le racisme Christopher Skeete, le ministre provincial de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Jean-François Roberge et bien d’autres. La soirée a été soulignée par la remise de prix aux lauréats de cette année, des personnes reconnues comme étant des sources d’inspiration pour les communautés afro-descendantes montréalaises. La soirée a aussi été marquée par le dévoilement du nouveau timbre de Postes Canada mettant en lumière l’esclave montréalaise Marie-Josèphe Angélique.

Une soirée touchante

L’hôtel de ville, désormais ouvert au public pour des expositions ainsi que pour la visite de certaines de ses pièces, a été restauré et modernisé au cours de la dernière année. Environ une centaine d’invités furent accueillis par un duo musical. La salle où se déroulait l’événement était à la hauteur de l’ampleur et de l’importance de ce dernier : le lieu était grandiose, avec des murs et planchers en marbre, des chandeliers et de hauts plafonds. La soirée a débuté par le discours marquant de Martine Musau Muele, présidente du conseil municipal, qui a rappelé l’importance du Mois de l’histoire des Noir·e·s au nom de la mairesse Valérie Plante. Cette dernière, absente lors de l’événement, avait tout de même fait une apparition quelques heures plus tôt pour la signature des lauréats dans le livre d’or de la ville. Enfin, le nouveau timbre a été dévoilé dans le cadre d’une collection commémorative mettant en avant la figure de Marie-Josèphe Angélique, un symbole de résilience de l’esclavage canadien. La récéption s’est poursuivie avec la prise de parole des deux représentants de l’édition de cette année, l’actrice francophone Penande Estime et l’animateur anglophone Ian Thomas. Leurs discours inspirants ont souligné l’importance de la représentation des communautés noires dans les médias et leur rôle de modèles pour les jeunes générations. Thomas a évoqué l’impact de la mort de George Floyd comme un événement collectif pour les Afro-descendants et la société dans son ensemble, en affirmant : « L’histoire des Noirs est notre histoire (tdlr). » Il a ensuite repris les paroles du philosophe politique Jean-Paul Sartre, déclarant que « L’existence, c’est la résistance. »

La Table Ronde du Mois de l’Histoire des Noir·e·s a été présidée par M. Michael P. Farkas, et sa directrice générale Mme Nadia Rousseau, qui ont partagé un message de mobilisation face à l’absence de budget pour la lutte contre le racisme, sous la responsabilité du ministre Christopher Skeete. Ils ont également souligné l’importance de l’histoire des communautés noires comme une partie intégrale de l’histoire collective. Cette soirée mémorable s’est conclue par la remise des prix aux 12 lauréats, dont trois ont été ou sont associés à l’Université McGill, que ce soit actuellement ou dans le passé : Wendell Nii Laryea Adjetey, Ayanna Alleyne et Désirée Rochat.

Marie-Josèphe Angélique : une flamme de résistance

Un des moments marquants de la soirée a été le dévoilement du timbre à l’image de Marie-Josèphe Angélique, qui met en lumière l’injustice tragique qu’a subi cette femme afrodescendente au 18e siècle. Née au Portugal sous le nom d’Angélique, elle a été vendue à plusieurs reprises avant de franchir l’océan Atlantique. Elle est arrivée à Montréal en 1725, à l’âge de 20 ans, en tant qu’esclave du marchand français François Poulin de Francheville. Durant ses neuf années en tant qu’esclave à Montréal, elle a mis au monde trois enfants, tous décédés avant l’âge de cinq ans, et a été rebaptisée Marie-Josèphe. Bien que l’histoire de résilience d’Angélique ait débuté dès sa naissance, elle a pris un tournant majeur en 1733, lorsqu’elle est devenue la propriété de Thérèse de Couagne de Francheville. Quand elle apprend qu’elle a été vendue à un acheteur de Québec, qui envisage de la revendre dans les Antilles, elle réclame aussitôt sa liberté. Sa propriétaire refuse. Le 10 avril 1734, un incendie ravage la ville de Montréal. En moins de trois heures, 45 domiciles, ainsi que l’Hôtel-Dieu, sont réduits en cendres. Le lendemain, des rumeurs se propagent en ville, accusant Marie-Josèphe et son amant Claude Thibault, un travailleur blanc, d’avoir mis le feu au grenier de sa maitresse sur la rue Saint-Paul. En raison des lois en vigueur en Nouvelle-France, Marie-Josèphe est présumée coupable jusqu’à preuve du contraire. Son procès dure plus de cinq mois et rassemble plus d’une vingtaine de témoins, qui l’accusent d’avoir déclenché l’incendie dans une tentative d’évasion. Elle maintient son innocence, mais est cependant jugée coupable, condamnée à mort et torturée jusqu’à ce qu’elle confesse. Le 21 juin 1734, elle est pendue en place publique. Toujours aujourd’hui, personne ne connaît le véritable déroulement de la soirée d’avril 1734. Toutefois, l’histoire de Marie-Josèphe Angélique illustre une résilience exceptionnelle face à l’esclavage et à l’injustice raciale dans l’histoire du Canada. En raison de sa tentative de fuite et de sa revendication de sa propre liberté, elle devient un symbole de résilience.

Un mois à ne pas manquer

Plusieurs activités auront lieu au cours du mois à travers Montréal dans le but de promouvoir l’histoire des communautés noires au Québec et dans le monde. Plusieurs de ces activités seront gratuites ou abordables, parfaites pour accueillir les étudiants, que ce soit pour célébrer le mois ou en apprendre davantage sur l’histoire des communautés afro-descendantes. L’organisme de la Table Ronde et ses collaborateurs accueillent chaleureusement tout le monde. Leur programmation est remplie d’événements culturels diversifiés, musicaux, sportifs, éducatifs, sociaux, pour tous les membres de la famille. Le programme complet est disponible sur le site de la Table Ronde du Mois de l’Histoire des Noir·e·s. Il est aussi important de mentionner que nous avons aussi au sein de la communauté McGilloise plusieurs associations qui célèbrent les contributions des personnes noires dans la société canadienne, et qui luttent contre la discrimination : Black Student Network (BSN), Black Access McGill, Black History Month McGill.


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