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Des coupes budgétaires majeures annoncées par McGill

À quoi doit-on s’attendre pour l’avenir de l’université ?

Jade Lê | Le Délit

Le 7 février, l’Université McGill a tenu une assemblée générale, ouverte à tous·tes ses étudiant·e·s et employé·e·s, pour aborder sa situation financière préoccupante. Confrontée à un déficit budgétaire qui atteindra 15 millions de dollars lors de l’exercice fiscal de 2025, l’administration procèdera à une correction budgétaire majeure de 45 millions de dollars dès la prochaine année, un effort colossal qui nécessitera des ajustements à tous les niveaux de l’institution.

L’impact de cette décision a été immédiat et profond au sein de la communauté mcgilloise. L’assemblée budgétaire a suscité une vague d’inquiétude chez les étudiant·e·s et au sein des corps administratif et professoral, ces dernier·ère·s se trouvant en première ligne des mesures d’ajustement. Pour le président de l’université, Deep Saini, il n’y a toutefois pas d’autre choix pour que McGill maintienne son niveau de prestige et d’excellence.

Afin d’apporter des clarifications et de répondre aux préoccupations des membres de la communauté universitaire, l’administration de McGill a organisé une séance de questions et réponses le mercredi 12 février. Toutefois, de nombreuses interrogations subsistent quant aux conséquences concrètes des coupes budgétaires sur le long terme, et aux choix qui seront faits pour assurer la viabilité financière de l’établissement.

Des ressources étudiantes en péril

L’université n’a pas encore annoncé de coupures définitives, mais les étudiant·e·s redoutent une détérioration des conditions d’apprentissage et un accès limité aux outils académiques indispensables à leur réussite. À mesure que l’université poursuit l’élaboration de son plan budgétaire, la communauté étudiante demeure en attente
de solutions qui garantiraient le maintien d’un environnement propice à l’excellence académique.

Éveline*, étudiante en philosophie, exprime sa déception quant aux solutions avancées par l’université. « Ces mesures auront nécessairement un impact négatif sur la qualité de l’éducation », déplore-t-elle. Elle s’inquiète particulièrement de la proposition d’allonger les horaires de cours en soirée et de la suppression de certains abonnements à des revues académiques en bibliothèque, deux points abordés lors de la séance de questions et réponses. De son côté, Belinda*, étudiante en biologie et sciences informatiques, remet en question la répartition des ressources, pointant du doigt les salaires de certains membres de l’administration qu’elle juge excessifs.

Lors de l’assemblée générale, le président Saini a toutefois tenté de rassurer les étudiant·e·s face
à ces inquiétudes : « Je veux être clair sur ce point : notre plus grande priorité est de vous offrir la meilleure éducation, avec le moins de perturbations possible. (tdlr) » Malgré cette déclaration, de nombreux étudiant·e·s restent sceptiques, craignant une baisse de la qualité des cours et une surcharge de travail pour les enseignant·e·s restant·e·s.

Inquiétude au sein du corps des salariés

L’impact des mesures budgétaires sera encore plus significatif pour les membres de l’administration et du corps académique de l’université. Puisque la masse salariale représente environ 80% des dépenses de l’institution, cette dernière estime qu’elle n’aura pas d’autre choix que de réduire les effectifs administratifs, ainsi que ceux des professeur·e·s et des auxiliaires d’enseignement. Ces suppressions de postes risquent de créer une pression accrue sur le personnel restant, qui devra, par conséquent, assumer des charges de travail supplémentaires.

Selon l’administration, cette restructuration pourrait entraîner entre 250 et 500 suppressions de postes. Afin d’atteindre cet objectif, l’administration compte principalement sur l’attrition des employé·e·s, c’est-à-dire de laisser partir ceux·celles qui souhaitent quitter leur poste sans les remplacer, sauf si leur remplacement est jugé absolument nécessaire. Cependant, cette approche seule ne suffira probablement pas à combler le déficit. Christopher Manfredi, provost et vice-recteur principal aux études, a donc indiqué de manière prudente que des licenciements seraient presque inévitables.

L’annonce de ces réductions de personnel a suscité de nombreuses préoccupations parmi les employé·e·s de McGill. L’université avait très peu d’informations à partager pour rassurer le corps professoral. Fabrice Labeau, vice-recteur de l’administration et des finances, a expliqué : « Nous essayons d’être aussi transparents que possible, mais nous n’avons pas plus de renseignements à donner pour l’instant. Nous reviendrons vers vous dès que possible. »

Une crise générale des universités canadiennes ?

De nombreuses universités canadiennes sont confrontées à des défis budgétaires similaires, en raison de problèmes structurels liés aux finances, à l’évolution démographique et aux politiques gouvernementales. Si McGill doit composer avec un déficit de 15 millions de dollars pour l’exercice fiscal de 2025, Christopher Manfredi souligne que d’autres établissements sont en proie à des difficultés encore plus marquées : l’Université Queen’s affiche un déficit de 36 millions, tandis que l’Université de Waterloo doit faire face à un déficit colossal de 75 millions de dollars.

En plus de ces défis partagés, la situation de McGill est aggravée par des décisions spécifiques du gouvernement du Québec, plus particulièrement par les mesures annoncées à l’automne 2023. La hausse des frais de scolarité pour les étudiant·e·s canadien·ne·s provenant d’autres provinces et pour les étudiant·e·s internationaux·les a suscité des inquiétudes quant à l’attrait de l’université pour ces publics. Ces augmentations pourraient entraîner une diminution des inscriptions, ce qui affecterait directement les revenus de l’institution. Néanmoins, Deep Saini a tenu à relativiser l’impact de ces décisions gouvernementales, affirmant que « l’université n’a pas atteint ce point de déficit uniquement en raison des choix du gouvernement ».

Quel avenir pour l’université ?

L’Université McGill mise sur une transformation majeure afin de se rendre plus efficace, moderne et résiliente. Le plan Horizon McGill, annoncé lors de l’assemblée générale du 7 février, repose sur une analyse approfondie des activités de l’université afin de déterminer quelles initiatives sont essentielles et lesquelles pourraient être optimisées ou abandonnées.

Comme l’a résumé schématiquement Deep Saini : « Nous devons cesser de faire les choses qui n’ont pas d’importance, et cesser de faire les choses qui en ont moins. Pour les choses que nous devons absolument faire, nous devons trouver un moyen de les faire mieux et plus efficacement. » L’avenir de McGill dépendra en grande partie de sa capacité à mettre en œuvre ces réformes tout en maintenant son engagement envers l’excellence et l’accessibilité.

*Noms fictifs


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