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Billets d’humeur

Les pelleteurs de nuages

Le militantisme à McGill n’a pas d’égal. Bien peu d’universités nord-américaines peuvent se targuer d’avoir tant de militants ayant à coeur les enjeux mondiaux. À preuve, mardi dernier au coeur du campus, on assistait à un die-in qui semblait tout droit tiré des années soixante-dix.

Enfin, que je me suis dit, un peu d’action printanière ! J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une manifestation pour le droit des cyclistes sur le campus. C’aurait été une bonne cause, proche de la réalité étudiante mcgilloise. Je dois dire qu’il est toujours surprenant de voir de l’action sur le campus ; les stéréotypes liés à notre chère université me font souvent douter du niveau de conscience de la gent estudiantine mcgilloise face à la société qui l’entoure. Pourtant, les questions débattues à McGill ne manquent pas.

Parmi les causes auxquelles les Mcgillois ont été sensibilisés cette session-ci, on retrouve bien évidemment le conflit israélo-palestinien, lequel, vous vous rappellerez, a suscité une controverse sans pareille sur le campus, les droits humains au Zimbabwe, pour lesquels ; si je me souviens bien, une manifestation a été organisée devant les Roddick Gates, et tout récemment, le droit aux médicaments génériques pour les séropositifs en Afrique.

Ce que je déplore ici n’est pas tant l’implication et la prise de position sur des causes internationales, mais plutôt l’absence de militantisme pour des causes qui regardent la vie étudiante en tant que telle.  La question des frais de scolarité qui a secoué toute la province à quelques reprises, who cares ? Les mcgillois, dans leur grande majorité, n’en ont rien à faire. Même chose pour le français à McGill qui, même quarante ans après McGill français, occupe toujours un statut  précaire comme nous l’a rappelé à chaque semaine l’Association des étudiants en arts par la médiocrité de ses traductions en langue française. Et je ne relève ici que les exemples les plus flagrants. On s’explique facilement les raisons de ce désintérêt : l’étudiant mcgillois typique vient d’une famille anglophone relativement fortunée, n’a pas à se soucier de ses frais de scolarité et se contrefiche de la deuxième langue officielle du Canada. Mais pourquoi ces étudiants se sentent-ils davantage interpellés par des questions qui ne sont même pas près de les concerner ?

McGill est une université d’envergure internationale, me direz-vous, et c’est tout à fait vrai.

Il est donc primordial que les étudiants de McGill soient conscients des enjeux mondiaux. Toutefois, il me semble qu’un équilibre serait tout indiqué et que les questions relatives à la vie universitaire, tout comme les enjeux provinciaux et fédéraux, devraient trouver leur place dans l’ordre du jour, ce qui augmenterait d’autant plus les chances pour la voix  étudiante d’avoir un poids.

Ne vous méprenez pas, je ne veux pas ridiculiser le militantisme ni la défense de causes de toutes sortes. Je crois qu’il est noble de défendre une cause qui nous tient à coeur et que trop peu de gens osent sortir de leur zone de confort dans l’espoir de changer les choses.  Mais sérieusement, pensez-vous qu’une manifestation étudiante à Montréal parviendra à changer le cours de l’histoire en Afrique ? Permettez-moi d’en douter.

Je crois que, fondamentalement, il est beaucoup plus facile de militer pour une cause à laquelle personne de votre entourage ne peut s’opposer et pour laquelle vous ne risquez rien. Après tout, n’est-il pas plus agréable de pelleter des nuages que de la terre ?

À quand la manifestation en faveur des droits des animaux au Brésil ? Je l’attends avec impatience.


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