La Noce est une histoire mille fois racontée : un rassemblement de famille, un soir de mariage, qui tourne au vinaigre. Malheureusement, dans la mise en scène de Gregory Hlady, c’est aussi pour le public que les choses se gâtent.
Famille et amis sont conviés à célébrer l’heureux événement avec les nouveaux mariés (Stéphanie Cardi et Frédéric Lavallée) lors d’un souper. La noce commence dans l’allégresse : on boit, on mange, on rit. On fait la fête autour d’une grande table ronde, sous les regards bienveillants de la mère (la savoureuse Danielle Ouimet) et du père (l’impassible Denis Gravereaux). Cependant, les pulsions qui habitent les invités font rapidement surface. Cris, pleurs, élans charnels incestueux, attaques surprises : eros et thanatos mènent une lutte acharnée sur scène, au milieu d’une sorte d’hystérie collective. La comédie fait place à l’absurde. Tous les excès semblent permis.
C’est là que se trouve le problème de la pièce. La Noce, œuvre de jeunesse de Brecht, est un texte plutôt mince que Gregory Hlady tente de psychanalyser. Il en déterre le sous-texte pour lui inventer un inconscient. Chaque réplique est donc chargée de sous-entendus, soi-disant là pour mettre à nu les tensions qui hantent les personnages. Le rythme du récit est fragmenté, comme si Hlady avait soumis le texte à des électrochocs dévoilant les névroses des personnages. L’exercice est louable, mais on perd malheureusement vite intérêt pour ce qui se révèle une séance de défoulement sans véritable fil conducteur. Visiblement, le travail du metteur en scène n’arrive pas à faire oublier que le texte manque de tonus.
Une belle énergie anime cependant les comédiens qui jouent le jeu de l’exploration des pulsions avec intensité. Leur harmonie est palpable, ce qui sert la dynamique cathartique que le metteur en scène a voulu créer. On remarquera en particulier la performance de Paul Ahmarani, dont le costume militaire fait écho aux dérives qu’a connu l’Europe après la Première Guerre mondiale.
Les comédiens évoluent dans une vaste salle à manger au décor minimal dont les meubles, les chaises et les tables se brisent les uns après les autres. Cela fait écho à l’état vulnérable des personnages, entraînant rapidement la comédie vers un genre plus cruel où tous les coups sont permis. Des projections de poissons nageant dans un aquarium occupent le mur arrière de la scène. Ces poissons, ce sont un peu les personnages, qui, dans un monde sans issue, finiront dévorés par leurs pulsions, au grand soulagement des spectateurs.