Il est de bon ton, lorsqu’on écrit une chronique, surtout si on n’a pas (encore) la reconnaissance du lectorat, de ne pas trop s’emporter. Peu importe le sujet dont on traite, une démolition en règle paraît toujours mieux qu’un enthousiasme délirant. Parce que l’enthousiasme, c’est la naïveté, et si on écrit une chronique, c’est qu’on a la capacité de sublimer nos premières impressions pour produire des textes construits, intellectualisés, et certainement pas des envolées lyriques et spontanées (c’est tellement vulgaire). Les critiques, les vrais, pas les écrivains qui vendent leur plume pour mettre du beurre sur leur pain, ont des opinions tranchées et réfléchies sur tout. Et ce ne sont pas, contrairement à ce que les mauvaises langues en diront, des artistes ratés. Que non. Ce sont des êtres surhumains qui, depuis leur plus tendre enfance, contemplent le monde d’un regard distancié et, justement, critique. Jamais ils ne se seraient abaissés à l’expression artistique, ce lamentable cirque. Car, franchement, qui sont ces narcissiques finis, les ârtistes ? Tout dans leurs oeuvres crie : « Regardez-moi ! », « Comprenez-moi ! », « Aimez-moi ! », « Détestez-moi ! » Par-dessus tout :
« Réagissez ! »
On pourrait continuer comme ça longtemps, quand on se laisse emporter à ne pas aimer ça vient tout seul. Il y a un plaisir à détester, et il s’avère étonnamment facile d’accoler toute une panoplie de clichés peu flatteurs à des artistes contemporains. Pourtant, c’est autre chose que de communiquer l’émotion d’une oeuvre, de partager ce qui nous a fait vibrer, sans toujours comparer, détailler, mettre en contexte avec le pourquoi du comment de la biographie du metteur en scène. Seule règle, qui n’est même pas la mienne (en fait, je suis un peu conne): « Je ne pourrais jamais écrire une critique que je n’assumerais pas devant l’artiste ». Pour quelqu’un qui n’a pas spécialement tendance à chercher la confrontation, c’est un beau défi. Et encore plus pour quelqu’un qui a plutôt tendance à admirer ceux qui ont le courage et l’ambition nécessaire pour créer et le montrer. Par contre, ceux qui se cantonnent dans un rôle d’intellectuel cynique au-dessus de tout, ceux qui s’identifient à une image d’intellectuel à béret qui fume des Gauloises et qui cite les grands penseurs aussi allégrement qu’infidèlement, ceux-là se méritent aisément la palme de l’antipathie. Je suis sûre que vous en connaissez vous aussi. Les oeuvres, elles, méritent d’être ressenties. Aimées, simplement.
Tout ça pour dire que suis un peu conne. Eh oui. Surtout si j’ai droit à une chronique, 500 mots de pure liberté, loin de la rigueur journalistique, de l’académisme, des notes, des cours, des finals, des papers. Là, je deviens vraiment sotte. Donnez-moi tout de suite un F. Fi de la rigueur, de la structure ! Que du plaisir (pour moi, en tous cas).