Quatorze danseurs, sept femmes et sept hommes, font leur apparition. Ils courent vers une chaise inoccupée placée sur le devant de la scène, la saluant chacun à leur manière. Tout rappelle l’absence d’Alain Bashung, qui devait être assis sur cette chaise pendant toute la durée du spectacle. Les circonstances en auront décidé autrement : la star à qui l’on doit notamment Gaby oh Gaby, Le vertige de l’amour et Play blessures, enregistrés avec Gainsbourg, a été emportée par un cancer le 14 mars 2009. Il aura tout de même collaboré avec Gallotta à l’élaboration du spectacle, prêtant notamment sa voix à la narration, redonnant vie à l’album mythique de Gainsbourg sur lequel se fonde toute la chorégraphie.
Se rendant un beau jour chez « Max coiffeur pour hommes », un journaliste à scandales tombe éperdument amoureux de Marilou, une « shampooineuse » qui lui brisera le cœur et le conduira au meurtre. Cette histoire d’amour tragique est celle de L’Homme à tête de chou, portée par les danseurs de Gallotta légèrement vêtus, rassemblés tantôt en groupe, tantôt en couple, démultipliant le drame raconté par Bashung. Ce récit embaume le sexe et la démence, une violence teintée d’amour et de désespoir.
Pourtant, si cet album de Gainsbourg est on ne peut plus fidèlement adapté, il n’en reste pas moins que la nostalgie l’emporte. La froide simplicité du décor, une certaine retenue des danseurs qui se laissent emporter par la musique plus qu’ils ne vivent l’histoire : tout semble rappeler que l’époque de Gainsbourg et de Bashung, celle qui laissait vraiment place à l’insolence, est révolue. La sexualité est partout, la violence teinte l’atmosphère, et pourtant rien ne choque, si ce n’est la nudité, pour les plus sensibles. La passion qui ronge le journaliste et la jalousie extrême que fait naître Marilou restent narrées plus qu’elle ne sont exprimées. Difficile, me direz-vous, de transmettre des sentiments aussi intimes et puissants, alors que plus de quatorze personnages évoluent sur scène. Et justement. Une telle disposition rend hommage à la grandeur des deux disparus et au rock qui se dégage de leurs œuvres plus qu’elle ne raconte une histoire.
À quelques reprises, lorsque le rythme ralentit ou que plusieurs danseurs quittent la scène, le spectateur peut constater toute l’étendue du talent de Gallotta, la beauté de sa chorégraphie qui se perd parfois dans un effet d’entraînement et bascule dans une simplicité répétitive. Le spectacle a pourtant été très bien reçu en France et saura plaire au public d’ici, car il ressuscite en l’espace d’une heure la musique, les textes et la voix de deux rebelles très appréciés. Voilà, en somme, ce qu’on attend réellement de lui.