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Sci-fi poutine

En août dernier, au 67e colloque mondial de science-fiction Anticipation 2009, votre dévoué Délit est allé à la recherche des racines et de l’histoire de SF québécoise.

  Des embûches qui ont marqué son avènement jusqu’à la couverture médiatique qui a contribué à son envol, la science-fiction québécoise a su se tailler une place importante dans la Belle Province. Le Délit vous rapporte l’histoire que les panélistes d’Anticipation 2009 ont transmise aux participants.

« À part Jules Verne, les auteurs de SF du Québec ne se sont pas vraiment tournés vers la littérature française pour s’inspirer », lance Jean-Louis Trudel, écrivain et professeur d’histoire à l’Université d’Ottawa. En fait, les Québécois qui ont œuvré dans la SF au 19e siècle se sont plutôt inspirés de leurs conditions de vie ardues et ont laissé leur imagination inventer un futur meilleur. « En 1880, on imaginait des technologies plus avancées et de nouveaux chemins de fer ; on voyait même la région du Saguenay devenir une métropole dynamique de trois millions d’habitants ! », poursuit Trudel. Dans les années 1920, la SF québécoise développe peu à peu une forme qui lui est propre : sa voix est très politisée, souvent indépendantiste, et truffée de symboles religieux témoignant de l’autorité de l’Église catholique. Les changements politiques et culturels qui ont marqué le Québec au 20e siècle n’ont pas manqué de nourrir la créativité des auteurs de SF d’ici : on n’a qu’à penser au Refus Global, qui appelait au changement et au renouveau, et à la Révolution tranquille, qui a invité les Québécois à repenser leur identité. « On a alors vu une explosion de littérature fantaisiste, notamment sous la plume d’Yves Thériault », raconte Trudel.

C’est la télévision qui sera en partie responsable de la popularisation de la science-fiction dans la province. Dans les années 1950 et 1960, Radio-Canada diffuse des émissions telles que Cosmos 2001 et Opération Mystère, ainsi que des séries SF destinées aux enfants. Le doublage de Star Trek en français accentue également la popularité du genre. Puis, vers la fin des années 1970, un fanzine créé par le professeur Norbert Spehner au Cégep Édouard-Montpetit en 1974 devient une revue littéraire : Requiem, qui changera plus tard de nom pour Solaris. On verra aussi apparaître en 1979 le magazine Imagine, une publication ambitieuse qui s’est vue contrainte de fermer ses portes vers la fin des années 1990. « Avec un seul magazine, on avait toujours cette impression de ghetto. Avec deux magazines et des fanzines, on sentait qu’il y avait une certaine permanence pour la SF québécoise », explique Trudel. Toujours en 1979, la première convention de science-fiction québécoise a lieu à Chicoutimi. La convention Boréal récompense encore aujourd’hui les meilleures plumes fantaisistes de la province.

« Mais les critiques littéraires se sont longtemps distancés de la SF », raconte Esther Rochon, qui a publié ses premiers écrits dans les années 1960. « Ils avaient peur des étiquettes. » Yves Meynard, qui écrit de la SF depuis 1986, ajoute : « Il y a certainement eu des temps difficiles ; ceux qui publiaient les magazines de science-fiction se souciaient peu de notre travail. Mais avec le temps, au fil des conventions Boréal, avec la création de la maison d’édition Alire, et avec l’arrivée de nouveaux auteurs, on peut dire qu’on a pris notre place. Les auteurs plus jeunes l’ont vraiment plus facile que nous. » Parmi les plus jeunes auteurs présents à l’atelier, Éric Gauthier se réjouit de pouvoir bénéficier des communiqués de presse diffusés par Internet, des relations plus rapprochées avec les médias et de l’existence de nombreux événements littéraires. Il croit également que le Québec constitue toujours un bon endroit pour écrire de la SF : « Je suis confiant que de la bonne science-fiction peut être écrite ici, et à propos d’ici. »


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