Les tambours et trompettes battaient la cadence de la solidarité vendredi le 16 septembre dernier. En effet, le rassemblement des grévistes, les employés de soutien syndiqués sous la bannière de MUNACA, avait déployé de nouvelles forces et semblait frémir d’une vigueur amplifiée grâce à des haut-parleurs hurlant de la musique revigorante.
Telle est l’ambiance au portail Roddick depuis la rentrée scolaire. Pourtant, au coin de Sherbrooke et University, c’est le calme plat. Aucun piquet de grève à l’entrée de la faculté de musique. Ici, ni tambour ou trompette pour réclamer la parité avec d’autres travailleurs du milieu universitaire à Montréal. Ironiquement toutefois, les étudiants qui y étudient sont autant victimes, sinon plus, du ralentissement administratif dû à la grève.
Les étudiants de deuxième cycle voient les moyens de pression comme une catastrophe : « Pour l’instant, je donne des cours de violon à McGill et je ne suis pas payée. Je prépare ma thèse de doctorat et je ne suis pas payée. Pour les doctorants qui vivent généralement de leurs bourses, c’est dur ! » L’étudiante, qui a désiré rester anonyme, ne peut en effet recevoir de bourse, car tout montant octroyé par l’université doit passer par l’administration de la faculté. Donc, pour l’instant, elle gratte le fond de ses tiroirs.
Pour Katherine Larson, la présidente du Music Undergraduate Students’ Association (MUSA), la plus grande inquiétude des étudiants, qu’ils soient de premier ou deuxième cycle, se situe dans la réorganisation de leurs concerts. « Pour tous ceux qui vont graduer, jouer dans une salle de classe ou un auditorium de petite taille n’est certainement pas adéquat pour des musiciens qui ont préparé leur performance pendant des années. » De plus, si les salles de pratiques restent ouvertes, il demeure compliqué d’organiser les horaires de pratique, spécialement pour les chanteurs et les pianistes.
La présidente rappelle que MUSA n’a pas pris de position officielle au sujet de la grève. « Le sentiment général dans la faculté de musique est la frustration. Quelques étudiants sont en colère, mais tout se dirige vers l’administration centrale (c’est‑à dire Heather Munroe-Blum) et non pas les administrateurs au niveau de la faculté. » Pour la violoniste doctorante anonyme, la grève se décrit comme « une série de petites frustrations accumulées qui, au final, deviennent très lourdes à supporter. »
La faculté de musique comprend aussi les laboratoires de « music-tech » du Centre for Interdisciplinary Research In Music Media and Technology (CIRMMT ). Eux aussi fonctionnent au ralenti depuis le 1er septembre. En effet, tous les techniciens de laboratoire sont présentement dans la rue et les étudiants qui ne maîtrisent pas parfaitement leurs matériels de labo ne peuvent à peu près rien commencer : « Il faut tout faire tout seul. Pour moi qui connais ce dont j’ai besoin, ça va, mais ceux qui commencent une grosse expérience sont foutus ! »
De l’autre côté de la rue, dans les laboratoires de musique électronique du 550 rue Sherbrooke, c’est la même histoire. « Ici, toutes sortes de petites choses n’avancent pas, faute de soutien technique » explique un jeune chercheur en pointant la lumière jaune-orange de l’imprimante qui n’a plus d’encre depuis une semaine. « Nous supportons les grévistes, mais toute cette situation est vraiment frustrante ! » ajoute l’étudiant qui souhaite rester anonyme.
Décidément, cette grève est un sujet très sensible. Au septième étage de la faculté de musique, tous les cadres présents se ferment comme des huitres à tout commentaire : « Tout doit passer par le biais des communications de McGill » répondent-ils au Délit qui se fait gentiment raccompagner à la porte. Les négociations continuent avec les grévistes et, d’après Katherine Larson, « McGill doit arrêter cette grève le plus tôt possible. Plus ça durera, plus ça se dégradera. »
Pour cette étudiante qui a, elle aussi, souhaité conserver l’anonymat, tous soutiennent les grévistes : « Vous pouvez être certain qu’il n’y a vraiment personne pour prendre en charge les tâches assignées aux absents. Rien ne fonctionne ! »
Les concertations se poursuivent ce jeudi, 22 septembre.
Les grévistes ne donnent pas de répit à l’Administration McGill : ils encouragent le bouchon de circulation à l’angle des rues Sherbrooke et McGill College en attirant l’attention de tous les passants et en ralentissant le passage des étudiants désireux de pénétrer le campus.