Après un accueil chaleureux à la Mostra de Venise et un passage remarqué au Festival international du film de Toronto, le dernier opus de Jean-Marc Vallée, une coproduction Canada-France, arrive sur nos écrans. Le réalisateur de Liste noire (1995), C.R.A.Z.Y. (2005) et The Young Victoria (2009) propose cette fois une œuvre impressionniste plus grande que nature, qui entrelace deux récits non linéaires. Le premier, qui se déroule à Montréal en 2011, raconte l’histoire d’Antoine (Kevin Parent), un DJ et père de famille quarantenaire « qui a tout pour être heureux » : une carrière musicale internationale, deux filles magnifiques, une nouvelle amoureuse (Évelyne Brochu) qu’il aime passionnément et une ex attachante (Hélène Florent), amour de jeunesse et mère de ses enfants qui ne cesse d’espérer son retour. Le second récit, ancré dans le Paris de la fin des années 1960, relate quant à lui le destin d’une mère courage (Vanessa Paradis) qui élève seule son fils trisomique (Marin Gerrier). Des liens se tisseront peu à peu entre les deux histoires d’amour parallèles, n’ayant a priori qu’un seul point de liaison : la pièce musicale « Café de Flore » de Matthew Herbert.
Comme dans C.R.A.Z.Y., la musique, omniprésente, constitue un personnage à part entière. L’imposante trame sonore, composée de titres tantôt rythmés, tantôt planants et éthérés (Pink Floyd, Sigur Rós), participe sans doute de l’effet de séduction du film, auquel contribuent un montage ingénieux, un scénario original et une direction artistique sans faille. Kevin Parent, naturel, crédible et d’un sex-appeal certain, relève avec brio le défi d’un premier rôle au cinéma. Il forme d’ailleurs avec une Évelyne Brochu vibrante et d’un talent fou un couple attachant à la chimie palpable. Les scènes mettant en vedette Vanessa Paradis et Marin Gerrier, dans les rôles de Jacqueline et de Laurent, sont les plus attendrissantes et les plus percutantes du film. L’actrice-chanteuse se révèle surprenante et extrêmement convaincante dans son rôle de mère dévouée, protectrice, voire maladivement possessive, tandis que Gerrier fait preuve d’un charme et d’un naturel absolument désarmants.
Le film, s’il possède des qualités indéniables, n’est toutefois pas sans imperfections. On pourrait lui reprocher la narration trop normative et artificielle des premières scènes du film, puisqu’elle ne colle pas à l’ensemble, ainsi que l’inégalité entre les deux trames narratives, la trame parisienne étant d’une force dramatique supérieure à l’autre. L’agencement assez judicieux des deux récits crée néanmoins un film captivant, qui a le mérite de s’aventurer dans le surnaturel sans toutefois perdre l’attention et la confiance du spectateur. En résulte un film émouvant et troublant, qui nous hante longtemps après le visionnement.