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Substitut de gréviste

McGill contourne-t-elle la loi pour combler les postes des syndiqués de MUNACA ?

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Le 4 octobre, donnant suite au rapport de l’enquêteur du Ministère du travail, la Commission des Relations du Travail (CRT) rejette la demande d’ordonnance provisoire faite par MUNACA au sujet de l’emploi de briseurs de grève par l’Université McGill, une pratique illégale au Québec. Michael Di Grappa, Vice-président Administration et Finances à McGill se dit « très content de savoir que McGill avait raison, [ayant] en tout temps suivi toutes les lois ».

Le 23 septembre, suite à une demande de MUNACA, Thomas Hayden, enquêteur du ministère –le même qui, en 2008, révélait que l’université violait le code du travail en utilisant des briseurs de grève lors du conflit de travail avec les Auxiliaires d’Enseignement– produit un rapport faisant part de violations à l’article 109.1 du code du travail. Le rapport stipule que, sur 105 employés non académiques rencontrés sur le campus de l’université, 15 employés remplissaient, de façon illégitime, des tâches incombant aux employés de MUNACA en grève.

Parmi ces 15 employés, la plupart sont membres de l’Association des Employés de Soutien de l’Université McGill (AMUSE, jeune syndicat représentant les employés occasionnels à McGill) en négociations concernant une première convention collective. De par cette absence de convention collective, les membres de l’AMUSE ne bénéficient pas d’une description spécifique de leurs tâches, du lieu de leur travail ou du nombre d’heures à travailler.

Camille Chabrol
Plutôt, dans la nature même de leur travail, les « occasionnels », selon l’annexe cinq de la convention collective de MUNACA, sont embauchés pour « alléger la charge de travail » voire « remplacer [les] salariés réguliers ».

De plus, ladite annexe ne mentione en aucun cas le procédé à appliquer en cas de grève. Pour ces raisons, l’annexe cinq semble être en grande partie responsable de la décision rendue par la CRT de rejeter la demande d’ordonnance provisoire.

Les demandes pour la prochaine convention collective étant d’ores et déjà déposées, une révision de l’annexe est maintenant hors du pouvoir de MUNACA. Par contre, les employés occasionnels étant maintenant syndicalisés par AMUSE, ces derniers seront bientôt munis d’une convention collective qui pourrait régulariser leur situation d’emploi et corriger cette situation.

Le verdict de la CRT selon lequel McGill ne remplace pas les travailleurs de MUNACA illégalement ne semble pas nécessairement vouloir dire que l’université ne contourne pas la loi pour les remplacer. Le président de l’AMUSE, Farid Attar, pense que « la façon dont l’université gère son travail non académique lui permet de fonctionner comme à l’habitude ». Le Délit s’est entretenu avec une étudiante de première année, engagée par l’université en tant qu’assistante bibliothécaire deux jours seulement avant que la grève soit déclarée. Selon Farid Attar, cette situation n’est pas un cas isolé : « l’université a engagé un grand nombre d’employés occasionnels en se préparant pour la grève et ceux-ci travaillent plus d’heures qu’à l’habitude ». Un constat qu’AMUSE envoie régulièrement, sous forme de rapports, à MUNACA. Selon Kevin Whittaker, président de MUNACA, une autre méthode utilisée par McGill pour contourner la loi serait d’identifier certains postes sous l’appellation « managerielle » –pouvant remplacer légalement les employés en grève– alors qu’ils ne le sont pas réellement.

D’un autre côté, les ressources disponibles pour les enquêtes du Ministère du Travail semblent ne pas être suffisantes. Pour conduire une enquête plus en profondeur, monsieur Whittaker pense que plus d’un enquêteur serait nécessaire ; sachant que pour l’instant « seulement une mince partie de la population a été considérée lors de l’enquête ». Cette affirmation est soutenue par le document officiel émis par la CRT, notant que l’enquêteur n’a couvert que « 5% du campus pendant son enquête ». Farid Attar pense aussi qu’il « serait important de revoir les ressources allouées aux enquêteurs dans les conflits de travail ». En fait, au ministère, on explique que la seule ressource disponible pour les enquêteurs est de « faire le parcours des lieux suite à une autorisation d’accès à l’établissement faite par l’employeur ».

À propos des conclusions divergentes entre le rapport de l’enquêteur du ministère et la décision rendue le 4 octobre par la CRT, Kevin Whittaker ajoute que « le problème réside au cœur de la CRT ». Selon lui, il est peu probable que l’université puisse fonctionner tout en suivant la loi, alors que 1700 de ses employés réguliers sont en grève. Selon lui, le véritable impact de l’absence de ces membres se fera sentir pendant la période d’examens et d’inscription pour la session d’hiver et il compte « enquêter de très près durant cette période ».

La décision de la CRT n’est pas définitive. Monsieur Attar pense que « McGill n’est pas pour autant libérée de tout soupçon ». MUNACA, de son côté, annonce qu’elle compte contester la décision de la CRT et qu’elle continuera à enquêter « sur d’autres cas de briseurs de grève portés à [leur] attention par [leurs] membres et [leurs] alliés quotidiennement ». Par contre, étant donné la conjoncture actuelle, il semblerait que McGill réussisse à naviguer sous un couvert légal.


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