Pure Pajamas (Drawn & Quaterly) rassemble entre autres les meilleures planches (en noir et blanc et en couleurs) du dessinateur ontarien, publiées dans le Mirror montréalais et dans le journal d’Halifax The Coast. Cette anthologie qui couvre dix années de travail permet de retrouver les personnages de Kevin, Ol’Simp, Chia-Man, etc., ces êtres sans pareil qui peuplent un univers pour le moins incroyablement psychédélique et démentiel.
D’étranges bonshommes dessinés d’une main de maître
Ça commence avec des personnages très originaux. Les formes sont bizarres, inconnues, et on s’interroge rapidement sur ces étranges êtres fantasmatiques et fantasmés. Les dessins sont particulièrement géniaux, riches en détails et en subtils clins d’œil, la séduction s’opère donc assez vite entre le lecteur et ce qui est effectivement un bel album. Ces minutieux dessins, derrière lesquels on devine des heures de travail, une immense imagination et beaucoup de plaisir à dessiner, participent à la richesse des planches sur lesquelles on peut s’attarder longuement avec plaisir. Toutefois, la surabondance de détails parfois trop difficiles à décrypter, même pour un œil averti, risque rapidement d’en décourager plus d’un. La densité des pages effraie un peu, car on ne sait pas nécessairement où regarder, sur quoi s’arrêter et on a souvent peur de justement rater l’essentiel… tout en se demandant ce qui est cohérent et réellement compréhensible dans cette plongée au cœur d’un imaginaire apparemment sans limites. Les pages en couleurs souffrent légèrement moins de cette profusion d’éléments, car les coloris variés permettent de se retrouver plus aisément sur la page.
Une absence de récit déconcertante
Si les dessins ne vous ont pas découragés, redoublez d’attention pour comprendre les anecdotes mises en scène, car les blagues qui les constituent sont parfois dures à suivre, tandis que l’humour semble de temps à autre trop décalé pour être efficace. La richesse visuelle des planches ne parvient pas toujours à rattraper une absence de cohérence narrative. L’univers créé par Marc Bell est certes fascinant mais encore faut-il savoir entrer dedans. Comprendre les histoires semble quelquefois complètement inutile, ce qui frustrera surement certains lecteurs avides de clarté. Pourtant, d’autres sauront se perdre dans une atmosphère allégorique et onirique originale interprétant le monde d’une façon bien personnelle et particulière.
Un véritable défi de lecture
Vu l’impressionnante complexité de Pure Pajamas, on pourrait bien, en refermant cet étrange album, douter de ce qu’annonçait le personnage de Marc Bell dans la planche d’introduction : cet album est de « the kind you might enjoy whiling away after a Saturday afternoon with, lying around in your PJ’s… nothing too serious ! » S’il est possible de se lancer dans cette lecture de manière innocente, gare aux non-initiés, il est plus ardu d’en sortir indemne. Vous pourriez bien vous perdre dans l’univers aussi difficile à décrire qu’à saisir, d’un dessinateur aussi fascinant que déconcertant.