Le Canada doit être le seul pays au monde qui se demande qui est son chef d’État : est-ce la gouverneure générale Michaëlle Jean, la Reine du Royaume- Uni ou bien le Premier ministre Stephen Harper ? C’est le débat qui s’est tricoté sur la scène politique canadienne cette dernière semaine. D’un côté, Michaëlle Jean semble dire qu’elle est chef d’État, ou du moins qu’elle l’est de facto puisqu’elle représente la Reine au Canada. De l’autre côté, Stephen Harper soutient que c’est la Reine qui est le chef d’État, nonobstant le fait que la gouverneure générale est sa représentante canadienne.
Le chef d’État est la personne qui occupe le poste le plus élevé dans la chaîne hiérarchique d’un pays ; il peut être tout puissant. Nous n’avons qu’à souligner le rôle marqué du Président des États-Unis dans la prise de décisions. En revanche, le chef d’État peut aussi revêtir un rôle uniquement symbolique. C’est le cas de la Reine du Royaume-Uni, par rapport au Parlement britannique. En l’espèce, on dira que c’est le chef du gouvernement qui détient le « vrai » pouvoir politique. Ne seraitce que sur papier, c’est toujours la Reine qui détient le pouvoir ultime au Royaume- Uni –quoiqu’elle ne l’exerce pratiquement jamais.
Par contre, rien n’est sûr au Canada à ce niveau. Les monarchistes disent que c’est la Reine qui occupe le poste de chef d’État et que la gouverneure générale n’est que sa représentante au Canada. Les fédéralistes, si on peut se permettre l’expression, soutiennent que la gouverneure générale est le véritable chef d’État. Un véritable bordel discursif qui, à mon avis, ne change rien en pratique. Dans cette controverse, il reste que le Canada se laisse voir comme un pays qui a de la difficulté à se comprendre luimême. Heureusement, la solution est très simple : la réponse à ce débat, sans conteste d’ailleurs, se retrouve dans la Constitution. Qui l’eût su ?
C’est bien simple. Monarchiste ou pas, la constitution dit de manière claire, précise et sans équivoque que la Reine occupe le rôle de chef d’État. La Constitution est même plus claire sur le rôle de la gouverneure générale : elle ne fait qu’administrer le gouvernement au nom de la Reine. Problème réglé. Alors pourquoi ce grand débat fait-il autant de bruit sur la scène politique ? Y a‑t-il des motivations politiques derrière ces causeries ? Ou bien les chefs de gouvernement canadiens sont-ils simplement incapables de lire la Constitution du Canada ?
Je suis convaincu que nos chefs sont capables de lire, et de comprendre, bien sûr, la Constitution du Canada. Il ne faut pas un doctorat en droit pour comprendre que c’est la Reine du Royaume-Uni qui occupe officiellement le poste de chef d’État du Canada. Il faut tout simplement savoir lire. Mais déterminer si le fait que la Reine soit le chef d’État et qu’elle détienne officiellement le pouvoir ultime au Canada est une chose positive ou négative, ça c’est débat tout autre.
La gouverneure générale semble tout de même croire qu’elle est plus qu’une administratrice au nom de la Reine. Le lecteur se rappellera peut-être l’enthousiasme dont Michaëlle Jean a fait preuve lorsque son rôle a pris de l’importance devant la demande de prorogation du parlement de Harper l’hiver dernier. En réalité, l’autorisation de la gouverneure générale était plutôt une formalité pour le gouvernement. Bref, Mme Jean attend donc peut-être encore un peu d’«action » sur la scène politique pour pouvoir « pleinement exécuter son mandat ». Il faudra se retourner vers Stephen Harper ; une autre prorogation pourra peut-être calmer les esprits.