Anouchka Debionne - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/a-debionne/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 27 Nov 2024 19:33:40 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.1 Notre chez-nous terrien https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/notre-chez-nous-terrien/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56713 Voyage sur la Terre avec Julie Payette, astronaute canadienne.

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Le « chez-nous », peut prendre plusieurs échelles : sa maison, sa ville, sa province, son pays, sa culture ou même sa langue. Toutes ces échelles se confondent lorsqu’on considère un sentiment d’appartenance commun à tous : celui d’être humain, sur une même planète. Nous faut-il voyager dans l’espace pour nous sentir homo sapiens? Dans son livre publié en 1987, le philosophe Frank White met des mots sur l’expérience de voir notre planète de l’extérieur : « l’effet de surplomb. » Celui-ci, défini par le blog de l’Agence spatiale canadienne comme « une expérience intense qui mène à avoir une meilleure appréciation de la Terre et de son apparente fragilité » a été repris dans de nombreuses recherches. Le sentiment d’humilité et d’émerveillement qui en découle pourrait être un moyen de promouvoir des comportements pro-environnementaux. Le Délit s’est donc entretenu avec l’astronaute canadienne Julie Payette, qui a réalisé deux voyages en orbite autour de la Terre à bord de la Station spatiale internationale en 1999 et 2009.

Le Délit (LD) : Quelles sont les premières sensations que vous avez ressenties lors de vos premiers instants dans l’espace?

Julie Payette (JP) : Pendant le lancement, on est très occupé parce qu’on doit se rendre dans l’espace à bord d’une fusée, alors on ne regarde pas forcément la Terre défiler sous nos pieds. Mais lorsqu’on arrive là-haut, on porte son premier coup d’œil sur la surface de la Terre, à seulement 400 km de nous. C’est comme une bille de marbre sur fond d’infini. Une myriade de bleus, de blancs, de bruns, de verts. Depuis la Station spatiale internationale, on perçoit la Terre comme une courbe couverte d’une mince couche, comme une pelure d’oignon bleu qui représente son atmosphère. Depuis la Terre, le ciel nous paraît bleu lorsqu’il fait beau parce qu’on est à l’intérieur de cette petite bande bleue. Dès qu’on en sort avec un véhicule spatial, la vraie couleur du ciel dans tout l’Univers est le noir. Les étoiles ne scintillent pas, elles sont très claires, car leur lumière n’est pas brouillée par la couche de l’atmosphère. Puisqu’un tour de la Terre dure 90 minutes, on passe une partie en orbite de jour et une partie en orbite de nuit. C’est extraordinaire. On a déjà un attachement à la planète avant de partir mais il devient plus clair lorsqu’on revient sur Terre parce que c’est la seule planète que l’on connaît pour l’instant et le seul endroit où on peut vraiment vivre.

LD : Est-ce qu’il y a un sentiment d’irréalité quand on regarde la Terre depuis l’espace?

JP : La lumière qui émane de la Terre est fantastique. Dans les périodes d’orbite de nuit, on voit où est la vie, autant avec les volcans et les éclairs qu’avec les lumières des villes. J’ai eu la chance de voir les villes d’Europe s’illuminer lors de mon deuxième vol, alors que le crépuscule devenait nuit. La péninsule italienne est particulièrement repérable, grâce à sa forme de botte. On voyait les villes s’illuminer, d’abord Gênes, puis Rome, Naples, le sud de l’Italie, les côtes de la Méditerranée. Les villes se trouvent principalement sur les côtes, alors leurs lumières en dessinent les contours. On voit aussi les contrastes depuis l’espace. Par exemple, on peut voir le rouge de l’Etna, volcan reconnaissable grâce à la forme de botte de l’Italie. Cet immense spectacle à nos pieds qui change constamment et qui n’est jamais le même à chaque orbite témoigne que notre planète est vivante, et c’est très rassurant.

LD: À la suite de vos deux expéditions, qu’est-ce qui a changé dans votre rapport à la Terre?

JP : Les gens pensent que l’on en revient bouleversé, chamboulé, complètement changé. Moi, je vous dirais que ce n’est ni mon expérience, ni celle que j’ai pu entendre de mes collègues. On revient très fiers d’avoir participé à ces missions, d’avoir eu la chance d’explorer, d’aller dans l’espace, de travailler là-haut. On était déjà convaincu que la Terre était importante, car sa faune et sa flore en font le seul endroit où l’on peut vivre pour l’instant. On doit donc bien s’en occuper en prenant des décisions collectives parce que ni la Terre ni le climat et la biodiversité ne connaissent de frontières. On doit travailler ensemble pour maintenir les joyaux qu’elle nous procure et la chance qu’elle nous donne de vivre ici. Mais c’est une conviction qui était déjà là avant notre voyage dans l’espace.

C’est comme une bille de marbre sur fond d’infini. Une myriade de bleus, de blancs, de bruns, de verts.

LD : Est-ce que vous retrouvez ces sentiments d’émerveillement sur Terre?

JP : Tout à fait. C’est personnel, mais je m’extasie régulièrement devant la beauté de la nature. On vient de passer un automne formidable au Canada. C’est une féerie chaque année, surtout lorsqu’on monte dans le Nord, et qu’on voit cette forêt multicolore se dérouler sous nos yeux. Ce sont des sentiments que je retrouve quand je plonge le long de murs marins ou quand je me rends au sommet d’un pic de montagne. Il est facile, je crois, de s’émerveiller et d’avoir conscience que nous habitons un joyau.

LD : Vous avez photographié l’Est canadien depuis l’espace. Y avez-vous reconnu votre chez vous?

JP : Je me rappellerai toujours lorsque j’ai vu Montréal pour la première fois, il y a 25 ans, lors de mon premier vol. Ça m’a fait chaud au cœur parce que j’avais une deuxième montre sur mon bras qui était à l’heure de l’Est sur laquelle j’ai pu lire « 5h du matin ». Je savais que chacun était dans son lit en train de dormir. J’ai senti l’appartenance à ma communauté. En tant qu’astronautes, nous étions émerveillés de voir les sites de lancements de fusée depuis l’espace. Je me rappelle survoler celui des fusées russes, qui est au Kazakhstan. On a la même excitation lorsqu’on voit celui de Kennedy Space Center à Cap Canaveral, parce que c’est de là qu’on a été lancé et c’est là où l’on va revenir. C’est fou à dire, mais c’est comme une connexion personnelle. J’espère que de plus en plus de gens iront dans l’espace et qu’il y aura des poètes, des chanteurs, des artistes, des écrivains et des gens qui savent mettre des mots sur cette magnifique planète qu’on habite. de plus en plus de gens iront dans l’espace et qu’il y aura des poètes, des chanteurs, des artistes, des écrivains et des gens qui savent mettre des mots sur cette magnifique planète qu’on habite.

LD : Quelle est la chose la plus intéressante ou la plus surprenante que vous ayez apprise sur l’espace depuis que vous êtes devenue astronaute?

JP : Lors des deux dernières décennies, on a complètement réécrit les livres d’astronomie parce qu’on a découvert des choses incroyables. Lorsque Pluton a été découverte, on pensait que ce morceau là-bas, loin de l’orbite de Neptune, était la neuvième planète de notre système solaire. Plus nos instruments nous ont donné la capacité de voir plus loin et mieux, plus on s’est aperçu que Pluton n’était qu’un objet parmi des milliers d’autres similaires dans une ceinture d’astéroïdes, appelée Kuiper. On a dû enlever son étiquette de planète, car des milliers d’objets là-haut sont solides, terrestres, et il aurait alors fallu déclarer 1 500 planètes dans notre système solaire. Les découvertes en astronomie sont récentes, et révolutionnaires. On a découvert il y a seulement 30 ans qu’il y avait d’autres systèmes solaires, composés d’exoplanètes. On découvre de nouveaux systèmes solaires tous les jours. D’un autre côté, on peut photographier des galaxies autres que la nôtre mais on ne peut pas photographier la nôtre parce qu’on est dedans. Il y a beaucoup à apprendre sur qui nous sommes dans ce domaine.

Cet immense spectacle à nos pieds qui change constamment et qui n’est jamais le même à chaque orbite témoigne que notre planète est vivante, et c’est très rassurant.

LD : Est-ce que vous vous sentez minuscule parfois?

JP : Mais c’est ce que nous sommes. Nous sommes un grain de poussière dans cet immense Univers observable depuis nos télescopes, nos sondes et nos véhicules qu’on envoie. Mais on n’a rien vu, on n’est jamais allé sur une autre étoile, c’est beaucoup trop loin. L’espace est immense, on sait que l’Univers a environ 13,7 milliards d’années, donc on a du chemin à faire. Finalement, on est totalement minuscule, certains diraient « insignifiant ». J’utilise ce mot strictement lorsqu’on parle de comparer notre galaxie à tous les autres objets qui existent dans l’Univers. Si on compare notre système solaire à la quantité infinie d’autres systèmes solaires, on est en effet insignifiant. Mais lorsqu’on regarde toute la vie que permet un seul de ces soleils, le nôtre, sur Terre, en lui donnant de la lumière et donc de l’eau liquide, notre soleil n’est pas insignifiant du tout. Ce système a permis notre existence. La petitesse de notre présence dans l’Univers est une perspective de regard, plutôt que quelque chose d’inquiétant.

LD : Auriez-vous un moment particulier de votre mission qui vous a paru inoubliable à partager?

JP : Je vous dirais que l’arrivée à la Station spatiale internationale est impressionnante. Lors de mon premier vol, j’y suis allée à ses tout débuts, lorsque la station était aussi petite qu’un satellite. Deux modules seulement, personne à bord. Mais la deuxième fois, 10 ans plus tard, la station spatiale était presque en fin de construction et elle était de la grosseur d’un terrain de football avec tous ses panneaux solaires, six personnes à bord et différents modules. Un des moments forts de mon expédition a été notre arrimage, parce qu’on est une petite navette spatiale, avec sept personnes à bord, qui s’accroche à cette énorme infrastructure.

LD : Est-ce que vous avez participé à la construction du centre?

JP : Mes deux missions étaient des missions de construction. Lorsque je vais dans des écoles parler aux jeunes, je leur dis toujours que je suis un travailleur de la construction spatiale. J’étais opératrice de grues et de vaisseaux spatiaux. Je suis très fière de cette Station spatiale internationale. Là- haut dans l’espace, depuis bientôt 25 ans, des gens de différentes cultures travaillent ensemble tous les jours, sept jours par semaine, 24 heures par jour. On a des centres de contrôle aux États-Unis, à Moscou, en Europe, au Japon, et un petit centre de contrôle ici à Montréal pour le bras canadien. On entend rarement dire que ça va mal : les gens collaborent et travaillent ensemble pour faire avancer la connaissance.

LD : Si vous pouviez concevoir votre propre mission ou destination spatiale, où iriez-vous et que feriez-vous?

JP : Je serais très heureuse d’embarquer dans la prochaine mission Artemis II, qui l’année prochaine devrait décoller de la Terre pour faire le tour de la Lune en orbite. Ça va faire plus de 50 ans que nous ne sommes pas retournés si proches de la Lune avec des gens à bord. On a envoyé des sondes, mais personne n’y est retourné depuis 1972. Il y aura un Canadien à bord, Jeremy Hansen. La mission Artemis II a pour but de tester la capsule et les manœuvres pour se rendre aussi loin, et elle est un préalable à la mission Artemis III qui prévoit envoyer des astronautes marcher sur la Lune.

LD : Est-ce qu’on a des choses à chercher sur la Lune?

JP : La Lune est l’endroit où les humains ont été le plus loin. Lorsque vous voyez une photo où on voit la surface de la Lune et la Terre comme un petit point au loin, je dis que c’est la photo de tourisme la plus éloignée qu’on n’ait jamais prise. On a définitivement un intérêt à retourner sur le sol lunaire, entre autres près du pôle Sud de la Lune parce qu’on sait grâce à nos sondes qu’il y a possiblement de la glace dans les cratères au pôle Sud qui ne sont jamais exposés à la lumière du Soleil. Si cette glace est faite d’eau, elle pourrait nous fournir en H2O et en oxygène. On aimerait bien un jour, plusieurs pays ensemble, installer une base sur la Lune pour apprendre à vivre sur un astre inhospitalier, sans atmosphère, pour nous préparer un jour à faire la prochaine étape dans l’exploration humaine qui serait d’aller sur une autre planète. Mars est la prochaine destination. C’est compliqué parce que Mars n’est pas sur la même orbite que la Terre, ce qui fait que les deux planètes ne sont pas toujours alignées. Ce sera donc un long voyage de plusieurs années, qui serait rendu possible en se préparant d’abord avec une base lunaire. Artemis II va faire le tour de la Lune et revenir sur Terre, ce qui est une étape importante pour se rendre à l’objectif de créer cette base.

LD : Quelle serait la première chose que vous feriez si vous posiez le pied sur la Lune?

JP : Regarder si je peux apercevoir la Terre. J’imagine. Mais on ne la voit pas tout le temps. C’est comme nous, ici sur Terre, on ne voit pas toujours la Lune.

LD : C’est quoi, votre chez-vous?

JP : Je pense que j’ai beaucoup d’appartenances. J’ai des appartenances à ma ville, à mon pays, à mon continent, au fait que je fais partie des homo sapiens. Je dis souvent en rigolant que je suis une extraterrestre parce que j’ai eu la chance d’être à l’extérieur de la Terre pendant quelques jours, pendant mes deux missions. Mais je reste une habitante de la planète Terre. Je la partage avec des milliards de personnes.

L’astronaute n’omet pas qu’en 50 ans d’observation depuis l’espace, les effets de la pollution sont
rendus de plus en plus visibles. La grande majorité de ceux qui reviennent de leur un voyage à bord de la Station spatiale internationale deviennent porte-parole des effets dont ils ont témoigné : les déversements pétroliers, la fonte des glaciers, et l’érosion des berges. Bien que l’on puisse prendre des photos de l’espace depuis des satellites, « quand c’est un humain qui regarde et raconte, l’impact est souvent plus grand », conclut l’astronaute canadienne.

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Nos bibliothèques du futur https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/nos-bibliotheques-du-futur/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56598 Le Centre des collections de McGill débarrasse McLennan de ses livres.

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Depuis octobre 2023, les livres de la bibliothèque de McLennan disparaissent petit à petit. C’est un vide auquel il faudra s’habituer : ces ouvrages ont à présent trouvé refuge dans un entrepôt. Chacun a une place bien enregistrée, parmi les 95 092 bacs manipulés quotidiennement par des robots. Fini l’expérience du rayonnage, l’emprunt d’un livre se fait désormais sur la plateforme Sofia, un système interbibliothèquaire utilisé depuis des années par les bibliothèques de McGill. Afin d’en savoir plus, Le Délit a interrogé la doyenne des bibliothèques de McGill, Guylaine Beaudry, et visité le Centre des Collections situé à 45 minutes du centre-ville, guidé par le directeur associé du bâtiment.

« Ça finit par coûter cher, de conserver les ouvrages imprimés sur le campus, et on n’a plus assez de place pour les étudiants qui étudient dans ces espaces »

Guylaine Beaudry, doyenne des bibliothèques de McGill

Le vestige McLennan

En revisitant l’histoire des bibliothèques universitaires, Guylaine Beaudry souligne l’importance des projets de rénovation pour adapter nos espaces à nos besoins actuels. « Le rayonnage dans les bibliothèques tel qu’on le connaît aujourd’hui ne date que depuis la fin de la seconde guerre mondiale » explique la doyenne. « Avant, les grandes bibliothèques universitaires avaient un “magasin”, comme dans les musées, où s’entreposaient les livres jusqu’à ce qu’on ait besoin de les sortir pour les prêter ou les exposer. Les architectes ont pensé ces espaces pour l’entreposage de livres, pas pour l’expérience du public. »

Aujourd’hui, seulement 8% des collections imprimées sont consultées à McGill, soit une baisse de 90% en 30 ans. La consultation numérique a quant à elle dépassé celle papier, et le budget s’est lui aussi adapté : selon la doyenne, 95% du budget des bibliothèques est alloué aux ressources numériques. « Ça finit par coûter cher, de conserver les ouvrages imprimés sur le campus, et on n’a plus assez de place pour les étudiants qui étudient dans ces espaces » revendique-t-elle. Ainsi, la préservation de la collection générale de 200 ans de travail académique à McGill tient de la responsabilité des bibliothèques. Elles doivent assurer des conditions optimales pour leur conservation : une luminosité réduite, une humidité à 40% et une température de 18 degrés. Cependant, l’évolution de l’utilisation des espaces laisse les étudiants dépourvus de lieux pour se rencontrer, étudier, et créer.

Bibliothèque du XXIe siècle

Le projet de rénovation de la bibliothèque McLennan, FiatLux, en cours de conception depuis 2014, réimagine l’espace pour les étudiants qui veulent y étudier dans le silence autant que pour ceux qui veulent débattre de leurs idées pour un projet d’équipe. « La bibliothèque est un des rares lieux à Montréal où les étudiants peuvent travailler en silence ; et où d’autres viennent pour discuter et travailler en collaboration, dans une ambiance qui ressemblerait à un bistrot », imagine Dr. Beaudry.

Celle-ci réimagine ce que pourrait être une bibliothèque dans la vie des étudiants : « Entre les espaces de silence et “bistrot”, il y a les salles de travail en collaboration, les salles pour pratiquer ses présentations, des espaces pour faire des balados, et expérimenter avec la visualisation des données, des espaces sans Wi-Fi pour minimiser les distractions. » Le but de la bibliothèque est de créer un espace social « fait pour les humains, pas pour les livres », ironise-t-elle.

Anouchka Debionne | Le Délit

Afin de résoudre la question du manque d’espace, McGill s’est inspiré de ce qui se fait dans les autres universités : des centres de collections, bâtiments extérieurs aux bibliothèques de l’université, où sont entreposées les collections et où les livres peuvent être commandés par les étudiants et les employés des institutions académiques. Ça ressemble étrangement aux « magasins » de l’époque, mais on exporte ces magasins pour adapter nos espaces du centre-ville pour les utilisateurs. Cinq universités en Ontario partagent un même centre de collections, dont celles de Toronto et d’Ottawa. Bien qu’elle ait tardivement ouvert son centre en juin 2024, l’Université McGill est la première à y avoir plus de robots que d’employés.

« Nos critères étaient de trouver un lieu à moins d’une heure du centre-ville qui entre dans notre budget », renseigne la doyenne. La construction du centre a ainsi commencé en mars 2022 à Salaberry-de-Valleyfield, à 50 minutes en voiture du centre-ville et à 25 minutes du campus MacDonald. « Les déplacements de livres se font quotidiennement par camions électriques », assure Dr. Beaudry.

Une « usine de connaissances »

Le Délit a visité le centre de collections à Salaberry-de-Valleyfield, accueilli par Carlo Della Motta, directeur associé du centre, et Mary, la superviseure de la bibliothèque du centre. Le bâtiment est divisé en deux grandes unités : l’une est un grand espace de cotravail pour les cinq employés à temps plein, où sont reçus les retours de livres. « Ici, » montre Carlo Della Motta en désignant une grande salle vide avec seulement deux, trois tables, « on entreprend des petites réparations si les matériaux du livre tombent, et ensuite ils peuvent retourner dans l’entrepôt ».

« Nous avons reçu environ 20 000 livres par jour du centre-ville, dont le code-barre était numérisé dans les bacs, puis les bacs ont été insérés dans la grille. Ce processus a duré environ six à sept mois »

Guylaine Beaudry, doyenne des bibliothèques de McGill

Passé deux ensembles de portes, on entre dans un entrepôt où se dresse un mur rouge, derrière lequel s’échafaudent 95 092 bacs contenant 2,4 millions de livres. Les livres proviennent des collections de McLennan et Redpath, ainsi que du gymnase Currie où étaient entreposés les livres de la bibliothèque Schulich lors de ses rénovations de 2019 à 2023. Les robots sont disposés sur des rails juste au-dessus de caisses empilées qui forment un mur de plusieurs mètres de haut. Ils se déplacent pour soulever des bacs afin d’en atteindre d’autres, et faire descendre la caisse qui contient le livre commandé. Les robots sont programmés pour mener un travail d’équipe : chacun à son poste, deux peuvent bouger du nord au sud de la grille, et deux bougent d’est en ouest. Ainsi, les quatre robots orientés vers le sud sont ceux qui peuvent prendre un bac et le livrer au port. Quant aux deux robots orientés vers le nord, leur principale responsabilité est de pré-trier les bacs pour les quatre autres robots. Le personnel cherche ensuite le livre dans le bac, le sort et le traite pour l’envoyer au centre-ville. La fonction du robot se limite donc à récupérer le bac qui se trouve à l’intérieur de la grille. Le reste du travail est effectué par le personnel de la bibliothèque.

Anouchka Debionne | Le Délit

Les livraisons ont commencé en octobre 2023. « Nous avons reçu environ 20 000 livres par jour du centre-ville, dont le code-barre était numérisé dans les bacs, puis les bacs ont été insérés dans la grille. Ce processus a duré environ six à sept mois », souligne Carlo Della Motta. « On travaille avec trois systèmes indépendants : AutoStore, qui a créé le système automatisé de récupération des caisses et qui localise les caisses et contrôle les robots, le système Dematic, qui suit l’inventaire des livres dans les bacs, et enfin le système interbibliothèques Sofia, utilisé par les utilisateurs pour commander les livres » explique le directeur associé du centre. Ce genre d’entrepôt est d’habitude utilisé par les industries qui entreposent des marchandises. Il a séduit McGill comme une alternative aux autres centres de collections plus traditionnels, qui se font d’habitude avec des chariots élévateurs ou des assistants virtuels. Pour l’instant, les deux personnes interrogées ne connaissent que deux autres lieux au monde qui utilisent cette technologie pour entreposer des documents : le FBI, et un centre d’archives à Abu Dhabi. « Depuis notre mise en service en juin, notre moyenne est d’environ 850 livres commandés par semaine », renseigne Carlo Della Motta. « On s’occupe aussi d’envoyer des livres pour être scannés dans le centre, qui nous sont ensuite retournés. »

Certification faible impact

Le centre de collection a été certifié LEED GOLD (Leadership de conception en énergies et environnement, tdlr) pour ses efforts en termes d’utilisation des ressources énergétiques comme l’électricité et d’aménagement intérieur et extérieur pour les cinq employés qui viennent quotidiennement sur place. « Nous avons un bac à compost, nos meubles viennent du campus du centre-ville et nous avons gagné la certification Pelouse Fleurie pour notre engagement envers la biodiversité de la ville de Valleyfield. On n’utilise pas de pesticides, pas d’engrais, pas de dérogation. Il y a un certain nombre de plantes endémiques nécessaires pour obtenir la certification », raconte Carlo Della Motta. Le bâtiment est fourni d’une salle de conférence, d’une cuisine, et même d’une douche, pour ceux qui voudraient venir à vélo au travail. Les robots chargés avec des batteries de voiture électriques, eux, consomment en 24 heures ce que consomme un aspirateur branché durant 30 minutes.

« Le but de la bibliothèque est de créer un espace social fait pour les humains, pas pour les livres »

Projet de rénovations retardé

Le Centre des Collections a accueilli les premiers livres à Salaberry-de-Valleyfield en octobre 2023 afin de vider la bibliothèque McLennan pour le début des travaux en 2025. « C’est seulement après avoir déplacé les livres que le projet de rénovation a été mis en pause » informe Carlo Della Motta. Les travaux, retardés dû à « une augmentation des coûts dans la construction », ont été impactés par l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants hors Québec. La doyenne Dr. Beaudry précise : « c’est certain que ça a contribué, parce que c’est la santé financière de McGill qui a été touchée, et la capacité d’emprunt de notre Université ». Les plans de rénovation sont actuellement retravaillés afin de rentrer dans le budget. La doyenne précise que les étagères de McLennan resteront vides et ne seront pas démantelées tout de suite : « Pour le moment, on a confiance que d’ici au printemps, on saura où on s’en va. Si l’on démantèle les rayons et qu’on crée des espaces avec les moyens qu’on a, on risque de devoir tout changer à nouveau au printemps, quand on aura plus de visibilité sur la poursuite des travaux. »

Anouchka Debionne | Le Délit

Le futur du centre

Le centre ne restera donc pas seulement un entrepôt durant les travaux, et compte d’ailleurs accueillir les collections d’autres universités. Selon Carlo Della Motta, « lorsque d’autres bibliothèques, comme la bibliothèque d’Études islamiques, le campus MacDonald ou celle de l’École de musique commenceront à manquer d’espace, nous devrons mettre en place des protocoles et des procédures pour qu’elles puissent déplacer des documents ici. Nous ne sommes pas encore au maximum de notre capacité ». Le centre de Collections accueille actuellement 2,4 millions de livres, et la doyenne mentionne qu’ils prévoient le retour de 400 à 500 000 livres dans la bibliothèque McLennan. « On se pose la question en discutant avec les étudiants mais aussi avec les professeurs : de quelles collections a‑t-on besoin au centre-ville? » S’y retrouveront sûrement les livres qui ont été empruntés récemment, les nouveaux livres achetés par l’Université et ceux qui figurent sur les syllabus des professeurs.

Ainsi, les bibliothèques sont des espaces dans lesquels les étudiants passent un grand pourcentage de leur temps : le centre de Collection est une première étape vers l’adaptation de nos bibliothèques pour nos besoins numériques du XXIe siècle.

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Remettre les femmes à leur place https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/remettre-les-femmes-a-leur-place/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56338 Carrière ou famille : un choix trop souvent genré.

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Eilearwah Rizqy, députée québécoise, a relancé un débat sociétal majeur à travers sa déclaration à l’Assemblée il y a plusieurs semaines : « Aujourd’hui, je n’annonce pas ma démission. J’annonce simplement que je ne reviens pas en 2026, car moi, personnellement, je n’arrive pas à tout conjuguer. » Concilier carrière professionnelle et vie de famille est un vrai dilemme, et ne semble pas être un choix personnel pour beaucoup de femmes. Entre les attentes des superwomen qui arrivent à tout combiner, les stigmatisations sur les femmes sans enfants, et le jugement porté à celles qui restent à la maison, il semblerait que tous ces choix portés par les femmes deviennent un poids sur leurs épaules. Mais quels sont les facteurs qui influencent ce choix? Comment choisir entre prioriser sa carrière ou sa famille? Ou alors comment arriver à concilier les deux?

Différents milieux

Il y a encore des grandes différences entre les milieux à prédominance masculine et féminine : ces derniers ont été le théâtre de luttes sociales qui ont permis aux femmes de gagner en flexibilité au travail pour pouvoir répondre à l’appel de leur vie de famille. Jessica Riel, professeure à l’UQAM en études féministes et bien-être au travail, soulève les différences de la réalité des femmes dans les milieux à prédominance masculine et ceux à prédominance féminine. « Dans les milieux masculins, c’est très difficile de penser avoir un horaire différent. Je parle des métiers où les horaires commencent avant les heures de la garderie et se terminent après les heures de garderie, comme le secteur de la construction qui a parfois des quarts de travail de douze heures. » Dans les milieux de l’éducation et des centres de la petite enfance, où la majorité des employées sont des femmes, « il y a une certaine flexibilité pour gérer des choses familiales au travail, faire des appels pendant les pauses avec le médecin ou la maison », ajoute Dre Riel. « Il y a aussi des mesures, gagnées par les syndicats, pour que les employées gardent leur ancienneté au retour de congé de maternité. » Ce sont les combats syndicaux des milieux féminins qui ont permis des mesures adaptées à la conciliation de vie de famille et vie de travail des employées, « ce dont les hommes pourraient aussi bénéficier », défend la professeure.

La différence avec les milieux à prédominance masculine se remarque aussi à l’embauche, notamment par des remarques discriminatoires quant au choix d’avoir des enfants. Dre Riel raconte : « Lors de mes recherches, nous avons obtenu des témoignages de femmes qui se sont fait offrir un poste à condition de ne pas avoir d’enfants avant d’avoir trois ans d’ancienneté. » Ana de Souza doctorante à l’Institut d’études religieuses de McGill, remarque que ces commentaires ne semblent pas s’appliquer à part égale aux deux sexes : « Je pense que lorsque [les patrons, ndlr] voient des pères avec de jeunes enfants, ils ne supposent pas que le congé de paternité va affecter leur travail de manière significative. »

La peur que l’efficacité d’une femme au travail soit affectée par ses enfants motive ses collègues à confier des tâches à d’autres collègues masculins, lorsqu’ils en ont le choix. C’est la pénalité causée par la maternité (« motherhood penalty »). « Nous pensons, même inconsciemment, que cette femme a peut-être un enfant, ou alors qu’elle en aura un dans le futur », précise Darren Rosenblum, professeur·e à la faculté de droit de McGill, et spécialisé·e dans les démarches prises par les entreprises pour favoriser la diversité et l’égalité des genres. Cette pénalité semble s’atténuer lorsque la femme atteint la quarantaine, mais les différences hiérarchiques se font toujours ressentir.

« Si vous avez de l’aide, ou si vous faites appel à quelqu’un d’autre, si vous ne le faites pas de vos propres mains, vous n’êtes pas une aussi bonne mère »

Ana de Souza, doctorante à l’Institut d’études religieuses de McGill

La place du congé familial

Au Québec, le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) finance le congé à hauteur de 70% du salaire : quatre mois pour la mère, cinq semaines pour le deuxième parent et une banque commune de 32 semaines à se partager au choix. Dre Riel constate que le congé parental commun est généralement attribué à la mère : « C’est souvent la travailleuse qui a un plus petit salaire que le père de l’enfant, donc c’est légitime que ce soit elle à qui revient le congé. C’est absurde, car ça reproduit les rôles sociaux. » Ana ajoute que le « choix » que fait la femme de rester à la maison s’étend au-delà du congé parental : « Disons que le coût de la garde d’enfants est égal ou supérieur au salaire de la femme, et que son mari gagne plus. La carrière en vaut-elle vraiment la peine? »

Eileen Davidson

Les pays scandinaves, quant à eux, mettent en place des politiques qui encouragent le partage plus égalitaire de la responsabilité parentale. « Dans les pays scandinaves, si le deuxième parent prend aussi son congé parental, la famille reçoit beaucoup plus de compensations », explique Darren Rosenblum. « Ça encourage notamment les hommes à être présents dès le début de la vie de l’enfant et à bâtir un monde où il est typique, voire même obligé, pour les hommes qui ont des nouveaux-nés de prendre congé. » Montrer l’exemple grâce à cette démarche, c’est la décision qu’a prise le ministre de la Défense finlandais, Antti Kaikkonen en 2022, lorsqu’il a pris son congé de paternité pendant deux mois à l’occasion de la naissance de son deuxième enfant. « Je crois que quelque chose qui a eu un grand effet dans les pays scandinaves, c’est quand les dirigeants, qui sont des hommes, prennent leur congé comme ils doivent le faire », affirme Rosenblum. Dans le cas de Kaikkonen, en effet, l’impact fut d’autant plus retentissant, car la Finlande, en pleine négociation d’adhésion à l’OTAN, traversait une situation politique critique.

Cependant, Ana de Souza souligne que le congé n’est pas nécessairement vécu de la même manière par les deux parents, puisque la femme doit récupérer physiquement de l’accouchement : « Le simple fait d’accorder du temps [aux hommes, ndlr] ne permet pas d’égaliser les chances, car la relation à la parentalité est très différente. »

« Personne ne devrait avoir à choisir entre sa carrière et ses enfants. Personne ne devrait avoir à se prouver Superwoman »

Jessica Riel, professeure à l’UQAM en études féministes

Le sacrifice de la santé

La conciliation de la garde d’enfants avec un emploi du temps de travail se fait au détriment de la santé des femmes, surtout dans les métiers où elles ont l’option de travailler la nuit. « Il y a des femmes qui préfèrent travailler la nuit pour pouvoir voir leurs enfants, alors qu’on sait que le travail de nuit trouble les rythmes de sommeil, prédispose au cancer du sein et pose d’autres risques sur la santé », déplore Dre Riel. « Les besoins de souplesse pour la conciliation travail-famille se font surtout pressants lorsque l’enfant a entre zéro et cinq ans, avant qu’il ne rentre à l’école. » Une triste ironie semble parcourir le secteur de la santé : les plus jeunes travailleuses sont en « bas de la hiérarchie » et sollicitées par leur supérieur à travailler la nuit. Ce sont également elles qui sont plus enclines à avoir de jeunes enfants, et elles se trouvent dans la tranche d’âge la plus à risque pour le cancer du sein.

Elles ont également permis d’obtenir le droit au « retrait préventif » visant à ce que les travailleuses enceintes ne soient pas exposées à des risques chimiques ou ergonomiques. Ce droit, enchâssé dans la Loi sur la santé et sécurité du travail, concerne surtout les postes où la travailleuse est debout, dans les secteurs alimentaires et manufacturiers. « Si l’employeur n’est pas en mesure de faire des changements pour accommoder la travailleuse par rapport à ce qui est indiqué dans le certificat médical du médecin, il doit la retirer de son poste pour ne pas qu’elle soit exposée à ces risques-là, et lui attribuer un autre poste du même niveau de compétence. S’il n’est pas en mesure de le faire, la femme est retirée du travail et elle reçoit une indemnité qui équivaut à 90% de son salaire », explique Dre Riel.

Culpabilité du « lien maternel »

Attribuer un congé parental aux femmes davantage qu’aux hommes pourrait provenir de l’instinct sociétal du « lien maternel », qui se construit tout au long de la grossesse : « La femme (en supposant qu’elle ait été enceinte) est beaucoup plus impliquée dans l’existence de l’enfant. Ce lien s’exprime différemment chez l’homme, et cela le pousse à travailler plus dur pour obtenir des promotions et essayer de fournir davantage de revenus. Mais je pense que parce qu’elle est plus impliquée dans la vie quotidienne de l’enfant et qu’elle en est la source physique, la femme a tendance à penser qu’il est de sa responsabilité de gérer les enfants », affirme Ana de Souza. Cependant, selon elle, cette logique reposerait en partie sur l’intériorisation de l’existence de ce lien maternel, qui serait encouragée par la société : « Je pense qu’il y a une tendance sociétale à faire culpabiliser les femmes. Si vous avez de l’aide, ou si vous faites appel à quelqu’un d’autre, si vous ne le faites pas de vos propres mains, vous n’êtes pas une aussi bonne mère ».

Le susdit lien maternel est sujet aux controverses, puisqu’il apparaît plus comme une invention de la société pour justifier l’absence de l’homme dans l’éducation directe de ses enfants, et non pas comme un phénomène propre au genre féminin. Au Canada, les luttes féministes ont permis de rendre les centres de la petite enfance accessibles à tous, afin d’accorder aux mères le temps de travailler. Des listes d’attente existent cependant partout au Québec à cause de la saturation des centres, empêchant la réinsertion des femmes sur le marché du travail. L’organisme à but non lucratif Ma place au travail a organisé une grève d’occupation cet été devant l’Assemblée nationale pour manifester au gouvernement l’urgence de la situation.

« Il faut créer une société qui lie moins le fait d’être parent au sexe biologique, et imaginer un monde où les femmes ne sont pas nécessairement obligées d’être le parent primaire »

Darren Rosenblum, professeur·e à la faculté de droit de McGill

Le modèle du travailleur idéal

« Je pense que le système dans lequel nous évoluons a été conçu selon des normes qui ne fonctionnent ni pour les femmes, ni pour les hommes », énonce Dre Riel. « Elles s’inscrivent dans un modèle du travailleur idéal, qui est disponible tout le temps, qui n’a pas d’enfant, ou qui a une femme qui s’en occupe. Cela fait en sorte que le milieu professionnel n’est pas adapté pour une conciliation travail-famille saine. » La culture de la performance aurait un impact direct sur les caractéristiques qu’une femme se doit de combiner, aux yeux de la société : « Je pense que l’image de ce qu’est une “bonne” femme a beaucoup évolué », explique Ana de Souza. « Aujourd’hui, il s’agit d’avoir une carrière, des enfants et d’être en pleine forme. Je voudrais que la culture devienne plus saine, ce qui aiderait les femmes à se sentir moins obsédées et plus à l’aise avec qui elles sont, plutôt que d’encourager des pratiques mauvaises pour la santé. »

« Avoir un équilibre, ce n’est pas juste pour les femmes et/ou les hommes, ça devrait être pour tout le monde », ajoute Dre Riel. « Personne ne devrait avoir à choisir entre sa carrière et ses enfants. Personne ne devrait avoir à se prouver “ Superwoman ”. Il y a quelque chose à repenser au niveau de la place du travail [dans la société, ndlr], des conditions de travail, mais aussi de la performance attendue, et ça passe par une reconsidération de la “norme”. »

La place des hommes

Les changements sociétaux et culturels ne peuvent se profiler sans la participation active des hommes, d’abord en tant que pères, et dans leurs postes politiques et d’entreprise. Ana ne doute pas de la motivation masculine à établir ces changements, puisqu’ils sont eux aussi impactés par le problème de la conciliation du travail et de la famille : « Je pense qu’ils devraient être motivés parce que cela va au-delà de l’intérêt personnel ; la plupart des personnes ayant des enfants en bas âge veulent que la vie soit plus facile, ce qui inclut la santé mentale de son ou sa partenaire. » Rosenblum appuie ce constat : « Il faut créer une société qui lie moins le fait d’être parent au sexe biologique, et imaginer un monde où les femmes ne sont pas nécessairement obligées d’être le parent primaire. »

Le chemin vers une conciliation travail-famille reste complexe, mais d’abord faut-il s’assurer que ce choix demeure féminin, et non pas sociétal. Les rôles sociétaux offrent des modèles à suivre, celui de la femme qui s’occupe des enfants ou celle qui gère tout à la fois, ou encore la « femme à chat sans enfants » comme le dit Vance, le vice-président du candidat à l’élection présidentielle américaine. « C’est le choix de chaque femme d’avoir des enfants ou pas, c’est tout autant le choix de chaque femme de prendre son congé ou pas et d’être parent comme elle le veut », conclut Rosenblum. « Si une femme veut continuer à travailler, c’est vraiment à elle seule de le décider, ce n’est pas à nous [la société, ndlr] et ce n’est pas au grand public de juger. Il n’y a qu’une personne qui peut prendre ces décisions, et il s’agit d’elle-même. »

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Alléger son empreinte sans faire de choix https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/alleger-son-empreinte-sans-faire-de-choix/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56349 Quand nos biais nous aident à mener des comportements pro-environnementaux.

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On est souvent en faveur des options vertes, des actions qui minimisent notre impact sur l’environnement : recycler, privilégier les transports en communs, moins prendre l’avion, et ainsi de suite. Pourtant, les actions que l’on mène réellement sont souvent moindres que nos intentions. De nombreuses barrières psychologiques, comme des biais inconscients, ralentissent ou empêchent notre passage à l’action. Ces barrières nous amènent à adopter la mentalité « qu’il est déjà trop tard ». Certains finissent par se retirer de cette lutte sous prétexte que « ça ne sert à rien de continuer ». Pourtant, cet état d’esprit ne fait que nuire à l’environnement et à ceux qui font des efforts.

Et si une façon d’alléger à la fois sa charge mentale et son empreinte environnementale n’était pas de se battre contre les biais freinants, mais de réduire le nombre de situations où ils pourraient nous influencer?

Ai-je un impact?

L’impact des actions pro-environnementales que l’on entreprend au quotidien n’est pas évident à visualiser. À moins que la décision ne soit de jeter l’emballage de notre bonbon d’Halloween sur le trottoir ou dans la poubelle, il est difficile de voir et de réellement comprendre les conséquences de nos gestes. Dr Ross Otto, chercheur en psychologie à McGill, étudie les différentes influences de notre milieu sur nos décisions : « Les gens pensent-ils vraiment que l’on peut changer les choses de manière appréciable ? Je pense que c’est l’une des choses les plus difficiles pour amener les gens à changer leurs comportements. (tdlr) »

Chaque individu a des biais cognitifs, qui sont des déviations de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité. Le chercheur en psychologie environnementale Robert Gifford, de l’Université Victoria, a regroupé les biais qui régissent l’inaction climatique sous forme de liste de « Dragons », à comprendre comme des forces puissantes et destructrices. Un de ces biais est la perception de notre manque de contrôle et d’efficacité personnelle dans les actions individuelles pour l’environnement. Est-ce qu’un régime végétarien va vraiment changer le monde? Bien que ses impacts soient connus et sous-estimés, un régime végétarien à lui seul demande beaucoup de maîtrise de soi au quotidien (par exemple, refuser de la viande à un repas ou au restaurant). Les inconvénients et les bénéfices à court terme semblent peser plus que ceux à long terme. C’est un des problèmes avec la crise climatique : on avance dans le flou, on sait quelles actions sont bonnes à poser mais on ne peut pas en voir les conséquences positives.

Une loi, moins de choix

Un autre « Dragon de l’inaction climatique » important est celui de l’incertitude : « Quand on n’est pas sûr des actions à entreprendre, on hésite, et l’hésitation c’est de l’inaction. » En politique, lorsque la crise n’est pas immédiate, beaucoup de facteurs viennent freiner une prise de décision radicale. Le Dr Ross Otto soulève que l’hésitation politique à agir pour préserver l’environnement est la plus néfaste. « Pourquoi le gouvernement fédéral hésiterait-il, par exemple, à essayer de réduire les activités liées aux combustibles fossiles ou à l’extraction en Alberta? Les politiciens sont élus, et le passage à l’action pour l’environnement peut être dangereux politiquement. » soulève Dr Otto. « Imaginez que le gouvernement du Québec dise : “Plus de camions à diesel.” Ce serait incommode et dispendieux pour beaucoup de monde, et ce serait un grand risque politique. C’est selon moi le type d’hésitation qui a le plus de conséquences. Je pense que le mieux qu’on puisse faire, c’est adopter des lois pour que l’on n’ait plus que le choix d’agir tous dans le même sens. » Les lois, les règles et les guides sont des manières d’éviter d’être confronté à un choix. Le fait d’adopter une façon de faire régulière peut alléger la charge mentale associée à l’action environnementale. Un exemple de règle à appliquer dans sa vie quotidienne pourrait être de privilégier la marche au lieu de prendre la voiture si le temps de trajet pour arriver à une destination est de moins de 30 minutes à pied.

Surcharge et abstraction

Robert Gifford aborde aussi le sujet de l’engourdissement environnemental par l’un de ses « Dragons ». C’est un dragon à deux têtes. D’une part, un engourdissement peut se produire lorsque nous recevons des messages très fréquents sur le changement climatique ou l’environnement, et qu’on s’habitue au message plutôt que de l’écouter activement. D’autre part, cet engourdissement peut se manifester par une abstraction des aspects lointains du changement climatique qu’on ne peut pas identifier ou qui n’ont pas d’impact immédiat. Pour illustrer la première « tête », on pourrait prendre l’exemple des catastrophes naturelles. Le sujet revient souvent dans les nouvelles, que ce soit à cause d’événements récents (comme les ouragans ayant eu lieu cet automne sur la côte est des États-Unis) ou de prédictions environnementales. La surcharge d’informations et leur similarité peut nous habituer à celles-ci, et on finit par ne plus accorder la même attention aux informations. Pour illustrer la deuxième « tête », on pourrait encore une fois reprendre l’exemple des catastrophes naturelles de plus en plus intenses. Au Québec, on a la chance d’être moins affectés par ces événements qu’ailleurs dans le monde. Pourtant, on sait qu’éventuellement, dans un avenir relativement proche, on le sera. Puisqu’on ne sait pas exactement à quoi s’attendre ni quand cela va se produire, on s’engourdit.

Stu Doré | Le Délit

Les mesures COVID

En politique, ne pas donner le choix semble garantir la prise d’action. La pandémie fut révélatrice de la rapidité à laquelle les changements de comportements peuvent s’opérer à grande échelle : le couvre-feu à 20h, ne plus se retrouver en groupe, porter un masque dans tous les espaces intérieurs. Le professeur souligne que la situation du « ici et maintenant » a poussé les gouvernements à agir. Bien que la crise était incertaine et que l’efficacité des mesures n’était pas connue, les gouvernements sont passés à l’action. « La différence avec la prise d’action climatique, c’est que le gouvernement a dit : “Voilà ce que nous devons faire maintenant”. Il n’y avait plus de choix. Dans une large mesure, les gens y ont adhéré. Je pense que les effets obtenus [la baisse des cas, ndlr] étaient observables à court terme. » Le professeur Otto souligne que les crises porteuses d’action nous montrent que les politiciens sont capables d’agir quand ils y mettent les moyens : « Je pense que le côté optimiste de la chose est que si l’on confronte des organisations, des gouvernements ou des personnes à une crise suffisamment importante, cela montre qu’ils sont capables d’agir. »

« L’inaction est plutôt due au fait que ces actions ne sont pas encore des habitudes de vie »
Ross Otto, professeur en psychologie à McGill

Réglages « par défaut »

Et si l’on acceptait que nous sommes des êtres qui agissent majoritairement par habitude, souvent paresseux, et qui acceptent largement les conditions qui leur sont imposées? Peut-on changer les réglages « par défaut » des fournisseurs d’énergie par des options plus vertes pour éviter l’effort du choix? Une étude menée en Allemagne a trouvé que la présentation de l’information a un grand impact sur la perception du choix et la prise d’action environnementale. Bien que la plupart des citoyens se disaient en faveur de l’électricité verte, les foyers étaient automatiquement alimentés par le fournisseur conventionnel en Allemagne, qui utilise du charbon et des centrales nucléaires. Lorsque le fournisseur a prodigué de l’électricité verte « par défaut », très peu de foyers s’y sont opposés. Ces résultats ont été justifiés par ce que représente un réglage « par défaut » : il peut être interprété comme une recommandation des fournisseurs, et soulage les gens d’un choix malaisant au vu de sa connotation morale (faire quelque chose de « bien » pour l’environnement).

Le pouvoir de l’habitude

« Dans le cas des actions pour l’environnement, ce n’est pas que les gens ont trop de choix entre les actions à poser, l’inaction est plutôt due au fait que ces actions ne sont pas encore des habitudes de vie », remarque le Dr Otto. Prendre l’habitude de toujours se déplacer en vélo (ou en Bixi) pour aller à ses cours évite de se demander si on veut prendre la voiture.

« Selon les théories d’apprentissage de base, ajuster un comportement nécessite de se débarrasser des déclencheurs de la situation qu’on veut changer. C’est une manière de changer les habitudes d’addiction, par exemple. Prenez quelqu’un qui a l’habitude de conduire alors qu’il [serait mieux pour l’environnement, ndlr] de ne pas le faire. Je pense que si vous modifiez tout son environnement, il sera forcé de réévaluer les actions et les résultats associés aux options. Les changements peuvent s’opérer à petite échelle, comme mettre ses clés de voiture dans un endroit ennuyeux qui se trouve de l’autre côté de la maison. Quand vous partez, c’est peut-être un exemple tiré par les cheveux, mais vous pourriez être enclin à penser : “Ok, maintenant, quelle est la séquence d’actions que je dois prendre pour aller au travail?” » Cela permet, selon le Dr Otto, de ralentir les actions qui ne sont pas bénéfiques pour l’environnement, de les rendre légèrement pénibles, jusqu’à ce que le comportement change. On pourrait imaginer un café où il faille faire la file pour demander une boisson dans une tasse à usage unique, et en faire encore une autre pour payer. Si l’on y apportait sa propre tasse, on n’aurait à faire la file qu’une seule fois!

Par exemple, dans le cadre de la diminution des déchets afin d’atteindre le Zéro Déchet à McGill d’ici 2030, il sera nécessaire de changer nos habitudes de consommation. Chaque tasse de café jetable qui peut être évitée est une avancée vers cet objectif commun. Même si ce n’est pas facile de devoir penser tous les jours à prendre une tasse réutilisable, c’est en se conditionnant qu’on arrive à transformer cela en une habitude au quotidien. Les habitudes sont difficiles à bâtir, et difficiles à défaire. Si chaque jour on se « programme » à prendre sa tasse réutilisable avant de partir et qu’on l’apporte au café pour qu’elle soit remplie, on n’aura plus besoin de tasses jetables. Lorsqu’on ne se crée pas d’habitudes, ces petites choses, qui s’accumulent rapidement, deviennent trop difficiles à mettre en œuvre au quotidien. Il y a une forte efficacité dans le fait de mettre en place des habitudes. Il existe également des barrières : aller acheter une de ces tasses sur son temps libre, et ensuite se souvenir à chaque fois du geste de la mettre dans son sac, jusqu’à ce que l’habitude se crée. Il y a toujours un coût initial à l’établissement d’une habitude, mais c’est toujours un excellent investissement, qui rapporte des bénéfices dont on profite à long terme.

Ne pas faire de choix revient essentiellement à choisir de toujours vivre de la meilleure manière possible pour ne pas nuire à l’environnement. Cela peut paraître difficile à atteindre et à maintenir, mais si l’on décortique le mode de vie environnemental idéal, on remarque que c’est une accumulation d’habitudes qui le bâtissent. Ces habitudes s’apprennent avec le temps et l’expérience, et il ne faut pas s’attendre à changer son mode de vie en quelques jours seulement.

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Horizon 2035, un tri à la fois https://www.delitfrancais.com/2024/09/25/horizon-2035-un-tri-a-la-fois/ Wed, 25 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55964 Enquête sur les réussites et freins sur la route du zéro déchet à McGill.

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Dans les 70 bâtiments fréquentés par plus de 40 000 étudiant·e·s et employé·e·s, les poubelles se remplissent au même rythme que les têtes « forgées par McGill » : des emballages de nourriture, de café, des papiers, des maquettes d’architecture, des chaises cassées ou encore des matières de laboratoire. « Qui n’a pas retrouvé une tasse de café dans les trois poubelles de tri?! », ironise le Dr Grant Clark, professeur du cours de Gestion des détritus organiques au campus Macdonald. Selon un sondage mené par le Bureau de développement durable de McGill et communiqué au Délit par sa directrice, seulement 33% des étudiant·e·s sont au courant des objectifs du projet Zéro Déchet 2035 et de neutralité carbone 2040 de l’Université. Ce pourcentage n’est pas totalement alarmant, mais les objectifs sont ambitieux et les erreurs de tri et le manque de bennes de compost dans les bâtiments y sont des freins. Continuer la mise en place de mesures infrastructurelles sans éduquer les cerveaux qui devront les utiliser ne permettra pas d’atteindre ces objectifs. À l’échelle d’une communauté diversifiée regroupant étudiant·e·s et employé·e·s, tant locaux·les qu’étranger·ère·s, faire avancer tout le monde d’un même geste peut s’avérer être un casse-tête.


En s’entretenant avec la directrice du Bureau de Durabilité de McGill, Shona Watt, le professeur de sciences environnementales, Dr Grant Clark, ainsi que la conseillère d’orientation du Département de géographie, Michelle Maillet, Le Délit tente de démystifier les freins aux pratiques de recyclage à McGill.

« Les déchets organiques, qui représentent 40% des déchets résiduels, se décomposent dans les décharges et deviennent une source importante de méthane »

Dr. Grant Clark, professeur en Gestion des déchets organiques à McGill

Le compost comme angle d’attaque pour le zéro déchet

Contrairement à ce que suggère son nom, le zéro déchet ne signifie pas que l’on ne pourra plus rien jeter à McGill. La certification internationale du zéro déchet est attribuée aux entreprises et communautés qui réacheminent 90% de leurs déchets hors des décharges et des incinérateurs – en éduquant la population et en offrant des solutions de recyclage et de compost. L’enfouissement des déchets ou leur combustion étant une source importante de méthane, un gaz à effet de serre 30 fois plus polluant que le dioxyde de carbone, ce but s’inscrit dans l’objectif de McGill d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2040.

Le Dr Grant Clark explique l’importance du compost pour réduire la quantité de déchets dans les décharges et l’impact de leurs émissions. « Lorsqu’ils sont acheminés dans les décharges, comme celle de Terrebonne pour l’agglomération de Montréal, les déchets sont entassés en montagne que l’on recouvre d’argile. Les déchets organiques, qui représentent 40% des déchets résiduels, se décomposent sous l’argile et deviennent une source importante de méthane. Pour diminuer son émission, ils doivent être séparés du reste des déchets et traités en contact avec l’oxygène (tdlr). » Le méthane étant un gaz à effet de serre que la plupart des gouvernements, dont celui du Canada, visent à réduire, le compost est une alternative privilégiée qui est graduellement mise en place par d’autres institutions et municipalités du pays. Le Dr Clark explique les enjeux liés au mélange des déchets organiques et généraux : « Nous avons besoin d’une séparation claire entre les flux de déchets organiques et autres déchets, car ils se contaminent l’un et l’autre lorsqu’ils sont en contact. Si des déchets généraux se retrouvent dans le bac de compost, celui-ci sera contaminé de déchets qui ne se décomposent pas, et, à l’échelle microscopique, pourra être contaminé de plastiques qui se retrouveront dans les sols fertilisés par le compost. Si les déchets généraux sont contaminés par des déchets organiques, ils produiront plus de méthane, comme expliqué plus tôt ».

« Encourager des milliers d’étudiant·e·s, de professeur·e·s et de membres du personnel très occupé·e·s à réduire et à trier de manière réfléchie leurs déchets quotidiens sur le campus est un véritable défi »


Shona Watt, Directrice du Bureau de développement durable à McGill


Pratiquer ce que l’on prêche

En 2024, McGill réachemine 45% de ses déchets hors des décharges, via son système de recyclage et de compost. L’installation de stations de triage dans plusieurs bâtiments et sites extérieurs du campus a été le mandat principal de sa stratégie de réduction et de réacheminement des matières résiduelles 2018 – 2025. Shona Watt, directrice associée au Bureau de la durabilité de McGill, informe des actions entreprises ces cinq dernières années : « Depuis 2018, nous avons installé plus de 715 stations de tri des déchets à flux multiples dans des emplacements centraux à travers 27 bâtiments universitaires majeurs. Depuis l’introduction du flux de compostage, la quantité de déchets organiques collectés est passée de 0% des déchets collectés en 2015 à 7% en 2022 ».

Cependant, l’installation de poubelles de tri prend du temps et certains bâtiments en sont encore dépourvus. Michelle Maillet, conseillère d’orientation du Département de géographie, déplore le manque de compost dans le pavillon Burnside, qui accueille pourtant des étudiant·e·s en programme de Développement durable, sciences et société. « On est une institution qui fait de la recherche de haut niveau sur ces enjeux-là, c’est frustrant de ne pas pouvoir pratiquer ce que l’on prêche. » Le Dr Grant Clark ajoute que face à une poubelle à deux flux (général et recyclage, sans compost), il est préférable de jeter les ustensiles « compostables » dans le bac général, car ils ne sont pas faits de matériaux recyclables. « S’ils sont mis dans la poubelle de recyclage, ils seront simplement triés à nouveau, ou ils contamineront le matériau recyclable et diminueront sa qualité globale ou conduiront à son rejet ».

Michelle Maillet ne se sentirait pas légitime de promouvoir son programme en Développement durable, sciences et société sans participer à son échelle à une transition vers le zéro déchet. Faute de poubelles compost dans le pavillon Burnside, elle a elle même créé et imprimé des affiches pour renseigner sur les endroits où trouver les bennes de compost sur le campus.

Lors de l’événement d’orientation de son département, elle a dû également elle-même repasser derrière le tri des déchets mené par les étudiant·e·s. « On a été certifié événement durable par le bureau de développement durable de McGill, on m’a donné des bacs de compost, mais les déchets étaient mélangés dans chaque bac », raconte ‑t-elle. Cela soulève une autre problématique : celle du manque d’éducation et de renseignements immédiatement disponibles proche des flux de tri.

Enjeux d’une communauté étudiante diversifiée

« Encourager des milliers d’étudiant·e·s, de professeur·e·s et de membres du personnel très occupé·e·s à réduire et à trier de manière réfléchie leurs déchets quotidiens sur le campus est un véritable défi » confie Shona Watt. Le site de McGill offre une base de connaissance sur le gaspillage qui permet d’apprendre les pratiques de séparation des déchets, et de mettre à l’épreuve ses capacités avec un test. On peut facilement se rendre compte, par nos propres erreurs, qu’il y a encore un fossé dans les connaissances. « Personne ne va sur le site web de McGill chaque fois qu’il a besoin de jeter quelque chose à la poubelle » soulève Michelle Maillet. McGill offre pourtant de nombreuses ressources d’apprentissage et de renseignement sur ses pratiques de tri de déchets. Shona Watt mentionne le module étudiant de durabilité, un cours qui « inclut une étude de cas sur les déchets et une activité sur comment faire des choix réfléchis sur le rejet de ses déchets ». Ce module permet d’avoir des crédits extra-curriculum, qui peuvent être mis en avant sur le CV. Shona Watt mentionne également les ressources médiatiques mises en place par le Bureau de développement durable de McGill, dont l’application Ça va Où et le compte Instagram @sustainmcgill, qui publie dans ses stories à la une des conseils pour trier les différentes composantes des tasses de bubble tea, de café, de contenants de repas à emporter ou encore d’agrafes dans le papier.

« Il y a des fonds qui sont disponibles pour faire bouger les choses, notamment le FPD qui pourrait financer des affiches plus claires au-dessus des poubelles »


Michelle Maillet, conseillère d’orientation du Département de géographie

Une communauté aussi diversifiée que celle de McGill peut également devenir un enjeu à la participation active de tous. « Les gens à McGill sont originaires de pleins d’endroits et de cultures dans le monde, et ne savent pas nécessairement comment trier à Montréal », rappelle Michelle Maillet. « Il y a beaucoup de monde à McGill : est-ce que tout le monde se soucie des enjeux du zéro déchet, ou plus largement, de la durabilité? » questionne le Dr Grant Clark. « L’éducation est une grande partie de la solution, et la mise en application de règles aussi. McGill devra dépenser beaucoup de temps et d’argent pour motiver l’ensemble de sa communauté, investir dans ses établissements et poser des instructions claires. » Le professeur mentionne un des problèmes qui peut survenir lorsqu’on essaye de changer les habitudes de vie d’une communauté aussi large : « Des villes ont déjà mis en place des amendes aux ménages qui ne respectent pas les tris de poubelles. Comment savoir à McGill qui a fait quoi? » Il mentionne aussi qu’il serait idéal mais bien futuriste de reposer sur une technologie qui ouvre les poubelles en fonction du déchet scanné.

Des solutions pour s’engager

Michelle Maillet rappelle que le Fonds des projets durables (FPD) est accessible et disponible pour que les étudiant·e·s entreprennent des projets pour le campus, là où ils sentent qu’il manque d’alignement avec les objectifs de durabilité. « Il y a des fonds qui sont disponibles pour faire bouger les choses, notamment le FPD qui pourrait financer des affiches plus claires au-dessus des poubelles. », dit-elle. Le Fonds des projets de durabilité est un des plus grands fonds de son genre au Canada, estimé à un million de dollars. Financé au moyen de 55 cents par crédit par étudiant·e, il a permis le développement du projet Zéro Déchet 2035 dans les salles à manger de résidences à hauteur de 100 000$, transformant leurs formules pour des buffets « à volonté » et le nouveau projet de 400 000$ de gestion des déchets de laboratoires. Le Dr Clark mentionne également qu’il est impératif d’uniformiser le type de matériaux des emballages distribués. « On devrait regarder en amont dans la chaîne de consommation et changer les produits utilisés. Si tous les contenants et ustensiles étaient compostables, il y aurait moins d’erreurs au moment du tri! » s’engoue-t-il.

Une enquête difficile à mener

Un des objectifs du plan d’action 2020–2025 de la neutralité carbone 2040 est de renseigner la communauté et son gouvernement sur les pratiques responsables. Cependant, l’Université manque parfois de transparence sur les problèmes liés au développement de ses stratégies. Lors de son enquête sur la réalisation des objectifs de chacune des unités responsables, Le Délit s’est fait redirigé à de nombreuses reprises. Le Département des bâtiments et terrains, responsable de la collecte des déchets, ainsi que le Service de logement étudiant et hôtellerie n’ont pas voulu se prononcer autrement que par le biais du Bureau du développement durable – et ce dernier a rassemblé des informations disponibles sur le site. Aucune réponse n’a été apportée à la question de comment les erreurs de contamination sont gérées par le Département des bâtiments et terrains.

L’Université est avant tout un espace où chacun·e peut trouver sa place pour essayer de construire son monde idéal, pour ensuite le traduire dans ses gestes du quotidien. Instaurer ces bonnes habitudes sur des jeunes adultes entraînera leur conscientisation pour la vie et « forgera » des acteurs qui dirigeront entreprises et municipalités. La mise en oeuvre de l’objectif zéro déchet peut être améliorée, notamment avec des affiches plus claires sur toutes les stations de poubelles et des modules obligatoires de test des connaissances sur le tri. Le Dr Clarke salue néanmoins les initiatives : « Bien qu’ils ne seront probablement pas respectés, les objectifs de 2035 ne sont pas inutiles. C’est important de se les fixer pour commencer quelque part ». Cela n’empêche pas l’Université de devoir montrer plus de transparence à sa communauté quant aux lacunes de ses avancements, et à la façon dont ses déchets sont triés au quotidien.

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Ses yeux m’ont rappelé les tiens https://www.delitfrancais.com/2024/09/18/ses-yeux-mont-rappele-les-tiens/ Wed, 18 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55818 Mettre en pause l’actualité au World Press Photo.

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La 17e édition de l’exposition internationale du World Press Photo présente les 24 gagnants des photos et projets multimédias les plus marquants de l’année 2023. Sous les projecteurs du Marché Bonsecours, elle souligne la persévérance, le courage et l’empathie de photojournalistes originaires des cinq continents, qui ont su retranscrire un portrait douloureux et résilient de l’humanité. Les photos exposées immortalisent la persévérance en temps de guerre et de maladie, et célèbrent ceux qui se battent pour la démocratie et la biodiversité. Cette année, pour la première fois en 25 ans, un Québécois se démarque dans le palmarès des lauréats avec la photo du pompier Thomas Dagnaud, capturée lors des incendies forestiers de l’été 2023. Retour sur une exposition loin des notifications et des breaking news.

REPENSER NOTRE BOULIMIE MÉDIATIQUE
L’exposition World Press Photo est une occasion de se détacher de l’urgence médiatique pour accéder à une compréhension approfondie de l’actualité. Les journalistes lauréats sont pour la plupart des photographes locaux, qui assurent la couverture des événements marquants de leur pays ou de leur région. Ils retranscrivent par leur art leur culture et ses dynamiques, tout en partageant une réalité « sous-jacente » à l’actualité dépêchée dans les grands médias. Ainsi, le photographe Eddie Jim dépeint la montée des eaux dans le Pacifique à l’échelle d’une vie humaine : celle d’un grand-père et son petit-fils submergés dans l’eau, à l’endroit-même du littoral où ce premier pouvait marcher quarante ans plus tôt.

Lutter, ne pas sombrer © Eddie Jim, The Age/ Sydney Morning Herald

REPLACER L’INDIVIDU AU COEUR DE L’ACTUALITÉ
Chaque portrait invite son spectateur à entamer une relation avec l’individu qu’il représente : c’est un lien intime, unique, curieux, qui suscite une profonde empathie. Le photographe est le médiateur d’une rencontre, celle du spectateur « privilégié » avec le « héros » de la photo. L’essence des photos de l’exposition semble reposer dans la transmission des émotions universelles du deuil, de la douleur, du courage et de l’émerveillement – bien au-delà de la simple transmission des faits. C’est dans l’humanité que l’on trouvera de l’empathie, et c’est avec celle-ci que les photographes semblent appréhender la réalité qui les entourent. La photo de l’année de l’exposition représente une femme palestinienne qui tient le corps de sa nièce de cinq ans, décédée après la frappe d’un missile israélien à Gaza le 17 octobre 2023. Cette photo donne une autre dimension aux chiffres de victimes transmis dans la presse. Parfois, un seul regard suffit pour comprendre l’ampleur de la catastrophe.


Ailleurs, Mesut Hancer, un père de famille turc, ne lâche pas la main de sa fille à la suite du tremblement de terre dans le sud de la Turquie en février 2023. Victime de l’effondrement de la maison de sa grand-mère, elle est décédée à l’âge de 15 ans. Le contexte socio-politique, explicité sur l’affiche à côté de chaque photo de l’exposition, appuie l’injustice de la situation : le nombre démesuré de victimes est en partie dû aux immeubles construits avec des matériaux de piètre qualité au profit d’entrepreneurs frauduleux.

La douleur d’un père © Adem Altan, Agence France-Presse
Une femme palestinienne serre le corps de sa nièce © Mohammed Salem, Reuters

UN JOURNALISME MILITANT ET COURAGEUX
Les photos lauréates sont le fruit du travail laborieux et risqué de journalistes qui se détachent de la transmission de faits d’actualité en épousant le quotidien de ceux qui les vivent. Certains projets à long terme permettent de capturer une réalité vécue sous différents angles. Alejandro Cegarra a choisi de documenter le parcours de migrants illégaux à bord de La Bête, un train qui traverse le Mexique pour rejoindre les États-Unis. Ce dernier, réputé dangereux, compte de nombreuses victimes tombées du train ou kidnappées par des cartels. Le photographe humanise ainsi ceux qui subissent au premier rang les diverses crises mondiales qui les amènent à fuir leur pays. La photo à gauche représente Ruben et Rosa, migrants vénézuéliens et du Honduras, tombés amoureux lors de leur voyage migratoire pour les États-Unis. Les projets, au-delà de faits d’actualité, saluent aussi la résilience et la persévérance humaine.

Les deux murs © Alejandro Cegarra, The New York Times/ Bloomberg

UN PRIX POUR LES FEUX QUÉBÉCOIS
Le photographe Charles-Frederick Ouellet a capturé ce cliché du pompier Theo Dagnaud scrutant l’horizon pour s’assurer que les patrouilles de pompiers ont quitté les lieux, et qu’il peut délimiter cette zone comme étant « contrôlée », en juillet 2023. Cet été-là, la saison des incendies a brûlé trois fois plus de terres que d’habitude. Le jury a précisé avoir été impacté par la représentation d’une bataille impuissante contre les changements climatiques, avec la composition de la photo qui paraît représenter un monument. C’est la première fois en 25 ans qu’un Québécois gagne le prix prestigieux du World Press Photo.

Une journée dans la vie d’une équipe de pompiers au Québec © Charles-Frederick Ouellet, pour The Globe and Mail, CALQ

Plus qu’une expo, le World Press Photo influence le regard de quatre millions de visiteurs dans 60 villes chaque année. Cette capacité de représentation humaine peut également être saluée dans le documentaire Human du photojournaliste français Yann-Arthus Bertrand, qui permet de plonger nos yeux dans ceux du reste du monde.

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Écocide en temps de guerre https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/ecocide-en-temps-de-guerre/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55340 L’environnement, une victime silencieuse et collatérale des guerres.

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Entre 1961 et 1971, pendant la guerre du Vietnam, 80 millions de litres d’un « agent orange », puissant herbicide, sont envoyés depuis les avions militaires américains sur les forêts vietnamiennes pour y décimer les végétaux et les ennemis Vietcong qui s’y dissimulent. Trois générations plus tard, les enfants des régions touchées naissent encore avec de lourds handicaps, et l’ensemble de la chaîne alimentaire de la zone est contaminée. Depuis la prise de conscience des effets extrêmes des crimes écocides dans le temps d’une guerre, l’article 55 de la convention de Genève, traité qui régit le droit international de la guerre, établit que « la guerre sera conduite en veillant à protéger l’environnement naturel contre des dommages étendus, durables et graves ». La Convention entend prévenir, par exemple, la pollution de puits nécessaires à la survie des populations comme stratégie militaire. Ni les États-Unis, ni la Russie n’ont signé cet article. Les guerres menées contre les populations en Ukraine et à Gaza comptent déjà des victimes humaines par dizaines de milliers et des millions de déplacés qui se logent et se nourrissent dans des conditions humanitaires alarmantes. Alors que le risque sanitaire de la pollution du territoire expose la population d’un pays en guerre à d’importants dangers, il est nécessaire de comprendre et prévenir les impacts transgénérationnels des bombardement et des destructions massives infligés pendant une guerre.

Intoxication par la terre et l’eau
Comme les images de la guerre l’illustrent, les dommages sur l’environnement sont multiples. Les émissions militaires, dont les émissions de gaz à effet de serre de leurs outils (avions, tanks, bombes) et la destruction des sites touchés (puits de pétrole, industries chimiques et infrastructures des eaux usées) formeraient le quatrième plus gros pollueur mondial, derrière les ÉtatsUnis, la Chine et l’Inde – soit près de 5.5% des émissions globales. La pollution aux métaux lourds est particulièrement alarmante, puisqu’ils se dégradent très mal et polluent les nappes phréatiques. Cela met en danger la biodiversité de la région, la santé des populations qui en consomment l’eau, et la contamination des champs qui en sont irrigués.

À Gaza, le territoire est très urbanisé et dépend d’infrastructures souterraines pour son approvisionnement
en eau potable. En voulant stratégiquement démanteler le réseau souterrain du Hamas, Israël a bombardé
toutes les infrastructures de traitement des eaux usées, de l’eau potable et des égouts, touchant près de 55% des infrastructures hydrauliques dans l’enclave palestinienne après un mois de guerre, selon l’ONU. Au moins 100 000 mètres cubes d’eaux usées sont déversés chaque jour sur la terre ferme ou dans la mer Méditerranée à cause des dommages infligés aux infrastructures. Comme les installations qui permettent de traiter les ordures ont elles aussi été endommagées ou détruites, les déchets solides sont déposés un peu partout, ce qui accroît le risque que des substances dangereuses s’infiltrent dans le sol poreux et éventuellement dans l’aquifère. « Même si l’on survit aux bombardements, à la malnutrition, on ne survivra pas à la pollution de l’eau et de la mer », explique Bisan, une journaliste de Gaza.

Gestion des déchets
Il faudra des années pour évacuer les 23 millions de tonnes de débris après la destruction d’immeubles résidentiels et autres propriétés dans la bande de Gaza, a indiqué vendredi l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Les composantes des bâtiments détruits, telles que les peintures au plomb et l’amiante qui vont se dégager des débris auront des répercussions sur le long terme, notamment la pollution des nappes phréatiques et de la mer.

Les bilans de l’Ukraine
Plusieurs chercheurs se sont penchés sur les conséquences des offensives russes en Ukraine, et ont estimé des chiffres alarmants : 20% des aires naturelles sont détruites ou impactées par la guerre, et plus de 600 espèces animales sont mises en danger. La plus grande centrale hydroélectrique du pays à Zaporijia a été touchée par les bombes russes dans la nuit du 20 au 21 mars 2024. La catastrophe environnementale de la destruction du barrage de Cacova le 6 juin 2023 peut valoir à Moscou une plainte pour écocide devant les juridictions ukrainiennes et internationales. Bien que ces tribunaux n’aient pas d’impact sur les décisions politiques et judiciaires russes, le terme écocide aura peut-être pour conséquence de condamner plus justement un pays pour les destructions et abus de temps de guerre.

Centre d’excellence pour le changement climatique et la sécurité à Montréal
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) tente de contrôler l’impact des écocides en temps de guerre. Depuis l’Accord de Paris, elle n’oblige pas, mais recommande fortement aux pays de déclarer leurs émissions dûes à leurs activités militaires. Seulement une poignée de pays publient le strict minimum requis par les directives de l’ONU en matière de rapport. De nombreux pays avec de grandes armées ne publient rien du tout. L’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) ouvrira un Centre d’excellence pour le changement climatique et la sécurité à Montréal, qui réunira des acteurs militaires et civils pour « mettre en place les capacités requises et les pratiques exemplaires et contribuer à l’objectif de l’OTAN de réduire l’incidence de nos activités militaires sur le climat ». L’OTAN entend sensibiliser ses États membres, s’adapter aux changements climatiques et en limiter les effets. Étant donné le manque de transparence militaire des États-Unis, plus gros acteur de l’OTAN, l’écocide ne semble pas encore être pris en considération à la juste valeur de ses conséquences désastreuses

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Scènes de cinéma… au théâtre https://www.delitfrancais.com/2023/10/25/scenes-de-cinema-au-theatre/ Wed, 25 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52991 Courville, ou l’enchaînement de décors grandeur nature.

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Pour aller voir Courville, présentée du 12 septembre au 15 octobre au Théâtre du Nouveau Monde, il faut laisser derrière soi ses attentes d’un théâtre classique de Molière. On plonge plutôt dans un univers grandeur nature, avec des marionnettes géantes, des jeux de lumière et un enchaînement audacieux de décors dignes du grand écran!

Courville se démarque par ses personnages principaux qui ne sont pas des comédiens, mais des marionnettes à taille humaine. Leurs voix sont portées par le talent d’un seul interprète, Olivier Normand, tandis que trois marionnettistes habillés
de noir manient habilement les personnages. La cohésion entre les mouvements et les répliques permet de comprendre facilement les conversations entre les personnages : l’acteur offre des tons de voix et des accents propres à chacun, correspondant au langage corporel des pantins. La finesse du jeu des accents québécois et anglophone reflète d’ailleurs pertinemment notre société bilingue.

La pièce dresse le portrait de Simon, un garçon en proie à la phase sombre de l’adolescence, dans la petite ville de Courville. La sexualité, la cohabitation avec sa mère et son oncle qu’il déteste et les traumatismes de l’enfance sont les pistes d’exploration du spectacle. Ce n’est pas tant l’originalité de l’histoire que l’ingéniosité des décors qui rend la pièce mémorable. Le metteur en scène, Robert Lepage, et le directeur de création, Steve Blanchet, ont réussi un coup de maître : proposer une dizaine de tableaux différents, en utilisant la structure d’une maison à deux étages. Le plafond du sous-sol se « baissait » pour devenir le sol d’un nouveau décor. L’ambiance est construite pour recréer des situations au plus proche de leur réalité, avec les contraintes du théâtre. Par exemple, la piscine est représentée par une projection mouvementée d’eau, avec des effets de vaguelettes et un nageur qui fait ses longueurs.

Courville offre beaucoup de talents combinés sur un seul projet, et il aurait été bon de susciter plus d’empathie pour le personnage de Simon. Il semble que ces thèmes de l’adolescence ont déjà été explorés à de nombreuses reprises, et qu’ils ne sont pas assez approfondis pour justifier les trois heures d’attention demandées au spectateur. L’audace de la mise en scène de la pièce est toutefois à saluer.

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« Le silence, c’est la violence » https://www.delitfrancais.com/2022/11/09/le-silence-cest-la-violence/ Wed, 09 Nov 2022 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49764 Les manifestations en soutien aux femmes iraniennes continuent.

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Le samedi 29 octobre dernier avait lieu à Montréal une nouvelle manifestation en soutien aux femmes iraniennes, qui continuent leur lutte contre le régime théocratique autoritaire en Iran. Depuis le décès de la jeune Iranienne Mahsa Amini, survenu le 16 septembre dernier à Téhéran, les Iranien·ne·s ont pris la rue pour demander la fin de ce régime, et leurs manifestations ont été violemment réprimées par les forces de l’ordre. La lutte des femmes iraniennes a trouvé un fort écho à l’international. Au Canada, des manifestations de soutien ont lieu depuis plusieurs semaines. La semaine dernière, l’une d’entre elles a même été rejointe par le premier ministre du Canada Justin Trudeau. La manifestation montréalaise de samedi dernier, qui comptait près de 500 personnes, avait lieu devant l’Université McGill et s’étendait le long de la rue Sherbrooke. Le Délit s’est rendu sur place.

Anouchka Debionne | Le Délit

Des manifestant·e·s sont vêtu·e·s de toges blanches tachées de rouge, symbolisant les victimes de violences du gouvernement iranien. Il·elle·s portent au centre la photo de Mahsa Amini et lèvent leurs mains en signe de protestation et de soutien.

Anouchka Debionne | Le Délit

Les manifestant·e·s brandissent une affiche portant le slogan «Femme, vie, liberté (Women, Life, Freedom)». Un peu plus loin, sur le long de la clôture qui ceinture l’enceinte du campus de l’Université McGill, les manifestant·e·s tiennent une longue affiche sur laquelle on peut lire «Non à la République islamique (No to the Islamic Republic)».

Anouchka Debionne | Le Délit

Le slogan des manifestations «Femme, Vie, Liberté» en Iran faisait écho ici à Montréal. L’organisation était remarquable: les manifestant·e·s laissaient la place aux piéton·ne·s sur le trottoir pour les interpeller avec leurs panneaux, sur lesquels on pouvait lire «Il·elle·s tuent des enfants (They kill children)», «Le silence, c’est la violence (Silence is violence)» et «Cessez de serrer leurs mains ensanglantées (Stop shaking their bloody hands)». Les manifestant·e·s invitaient également les passant·e·s à se renseigner et à signer des pétitions d’Amnistie internationale.

Anouchka Debionne | Le Délit

Une ligne de manifestant·e·s s’était formée le long de la rue Sherbrooke. Chacun·e brandissait un panneau, un drapeau iranien ou une affiche montrant le visage et le témoignage d’individus ayant observé la violence infligée par le gouvernement iranien. La plupart des personnes ainsi représentées étaient des jeunes de 16 à 18 ans, tué·e·s ou emprisonné·e·s pour avoir «manqué de pudeur» selon le gouvernement iranien.

→ Voir aussi: « Femme, vie, liberté ! »

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