Amandine Hamon - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/amandine-hamon/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 24 Jan 2017 15:36:18 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.2 Les métaphores de l’inaccessible https://www.delitfrancais.com/2017/01/24/les-metaphores-de-linaccessible/ Tue, 24 Jan 2017 15:36:18 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27333 Le MBAM rend hommage à la photographe Leila Alaoui un an après sa mort.

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Le 18 janvier 2016, la talentueuse Leila Alaoui succombait à ses blessures, trois jours après les attaques terroristes de Ouagadougou. La photographe franco-marocaine avait trente-trois ans et était déjà admirée par beaucoup de ses collègues. À partir d’une observation critique du monde, Leila Alaoui s’exprimait par le portrait photographique et les vidéos documentaires. Elle avait travaillé pour Vogue et le New York Times, et se trouvait en mission pour une campagne sur les droits des femmes d’Amnistie Internationale lorsqu’elle a trouvé la mort. Un an après, le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) lui rend hommage en exposant sa série  «No Pasará», du 18 janvier jusqu’au 30 avril 2017.

Récit d’un désir de partir

Premier projet de l’artiste, cette série de vingt-quatre images, dont le titre rappelle les slogans antifascistes de la guerre civile espagnole, avait été commandée par l’Union Européenne en 2008. «No pasará» («vous ne passerez pas», ndlr) est un travail d’observation, presque anthropologique, de la jeunesse marocaine entre Béni Mellal, dans le centre du pays, et les villes portuaires de Nador et Tanger, sur le thème de l’immigration clandestine. Dans son travail, marqué d’humanisme et de poésie, Alaoui fait donc le portrait de jeunes Marocains qui ont les yeux pleins d’espoir et qui s’imaginent un Eldorado de l’autre côté de la Méditerranée. Elle nous donne ainsi l’occasion de regarder cette jeunesse dans les yeux.

L’exposition commence avec la photo d’un mur couvert de traces de main comme pour signifier l’humanité de ces individus qui longent les murs et traversent les frontières. On ne peut s’empêcher de renvoyer cette image à l’idée de la crise des réfugiés, au mur de Donald Trump et à la faillite européenne. Mais là, on se concentre sur des portraits de la jeunesse, laissant place à la naïveté et au rêve plutôt qu’à la politique et à l’agressivité. La photographe expose avec émotion cette volonté d’évasion, cette envie d’ailleurs sur fond de pauvreté et de misère.

La photographe expose avec émotion cette volonté d’évasion

Mal de mer

Un garçon assis sur un mur est pris en photo de dos, seul face à l’immensité de la Méditerranée. Des adolescents grimpent sur les ruines d’une forteresse qui surplombe la baie, comme s’ils étaient partis en éclaireurs pour préparer une éventuelle traversée. Ces jeunes, debout sur des murs en ruines, ont le regard rivé vers l’horizon, se demandant surement si une traversée leur offrirait une vie meilleure. Alors que les yeux enfantins qui se trouvent au centre de chaque cliché connotent l’espoir et l’innocence, d’autres éléments viennent symboliser l’emprisonnement et la méfiance. Des grillages abrupts, des barreaux de fer ou encore des tas d’ordures se posent comme les obstacles de ces jeunes, les empêchant d’aspirer à une vie meilleure.

Un jeune homme est allongé à l’avant d’une barque, une bouée de sauvetage posée sur la tête, le regard perdu dans le ciel. Il s’agit de l’un des trois harragas, brûleurs de frontière, que la photographe a suivi dans leur traversée, mais qui ont échoué et ont dû rejoindre les côtes marocaines. L’œuvre d’Alaoui est un documentaire photographique, pas un conte de fée enfantin avec une fin heureuse.

Au centre de ces images, c’est moins l’histoire racontée par l’artiste que les regards observés par la photographe que l’on doit retenir. Alaoui capture l’expression de ces visages en se focalisant sur les yeux de ses sujets. Une jeune fille à l’air mesquin sourit à l’objectif, et nous reste à l’esprit en sortant du musée. Alors, en marchant dans la rue Sherbrooke, on se demande: n’a‑t-on pas tous envie de s’évader, de partir et de s’envoler vers cette utopie qu’est l’Eldorado? 

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Un conte canadien, par Sasha Snow https://www.delitfrancais.com/2016/01/13/un-compte-canadien-par-sasha-snow/ https://www.delitfrancais.com/2016/01/13/un-compte-canadien-par-sasha-snow/#respond Wed, 13 Jan 2016 17:48:51 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24359 Le réalisateur du Jugement d’Hadwin présente son œuvre en entrevue avec Le Délit.

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Le dernier documentaire environnementaliste de Sasha Snow sortait en salles en décembre 2015. Inspiré par le roman de John Vaillant L’Arbre d’Or, le film de Sasha Snow film est le récit du combat du boisier Grant Hadwin contre la destruction de la forêt sur l’île Haida Gwaii, en Colombie- Britannique. Alors qu’Hadwin devient l’avocat de la préservation de sa forêt, sa voix ne se fait pas entrendre entendre et il décide un jour d’entreprendre un acte symoblique qui le fera finalement connaître. En abattant l’arbre d’or, un monument sacré pour le peuple Haida, Hadwin commet une offense tragique contre la communauté autochtone. Il est alors forcé de quitter l’île et connaît une fin tragique au cours d’un accident de kayak.


L.D: Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire un film d’après le roman de John Vaillant?

C’est Grant Hadwin qui m’a inspiré. Je l’ai trouvé fascinant. C’est quelqu’un à qui, au fond, je pouvais m’identifier. Pourtant, je n’avais jamais entendu parler de lui avant de lire le livre. Je pense que peu de gens connaissent son histoire car L’Arbre d’Or n’a eu qu’un succès modeste en Angleterre. J’ignorais même l’existence de l’île d’Haida Gwaii!

L.D: Qu’est-ce qui vous a inspiré dans la personnalité de Grant Hadwin?

C’est sa volonté d’innover. Nous avons tous plus ou moins conscience que nos actes ont des conséquences. Grant observait les conséequences de son travail plus profondément que le reste d’entre nous. Il ne voulait pas laisser passer le massacre forestier de la coupe à blanc. Cela lui tenait tant à cœur , qqu’u ’il a décidé de passer à l’action, (et de s’attaquer à beaucoup plus grand que lui, ndlr). J et je pense que c’est une décision qui aurait été difficile pour une personne lambda, ou en tout cas cela l’aurait étré pour moi. C’est une question importante : jusqu’où est-on prêt à aller pour défendre ses convictions? C’est une pensée question qui peut mettre mal à l’aise.

HadwinsJudgement1_2048
Sasha Snow

L.D: Dans une certaine mesure, donnez-vousessayez-vous de transmettre un avertissement par rapport à notre mode de vie actuel?

Oui, je voulais faire le récit de cette aventure tragique comme un mythe car il me semble que cette histoire restera toujours d’actualité. Tant que l’Homme marche sur Terre, il a une certaine capacité à faire plus de dégâts que de faire du bien. C’est le paradoxe de l’état chaotique dans lequel nous existons. Le combat d’Hadwin est une expression assez singulière de ce conflit interne qui, d’après moi, existe en chacun de nous. Hadwin n’a fait que tirer la sonnette d’alarme. Il était amoureux de sa forêt. En fait, j’ai réalisé que mon film était aussi une histoire d’amour quand je l’ai fait visionner par un ancien professeur de l’école de cinéma. Je ne l’avais pas vu depuis des années, et Qquand il a vu les documentaire, il s’est écrié : «Ah ben c’est une histoire d’amour!» En effet, et l’amour peut être douloureux : Hadwin voyait l’objet de son adoration se faire détruire par le fruit de son propre travail. Je pense que ça a provoqué beaucoup de peaine chez lui. Et puis, finalement, nous devrions tous être amoureux de nos forêts.

L.D: C’est une façon intéressante de comprendre la démarche d’Hadwin. Amoureux de la forêt, il tente de la protéger par un acte symoblique qui la détruit partiellement. Le peuple autochtone Haida, aussi amoureux de la forêt, est profondément blessé par cet acte criminel, n’est-ce pas?

Le peuple Haida avait une relation bien plus harmonieuse avec leur environnement, un type d’amour beaucoup plus sain. Hadwin était tiraillé entre deux mondes : l’un qui voit la nature comme un objet d’exploitation, et l’autre qui voit la nature comme une partie de son essence. Dans ses nombreuses lettres, Hadwin ne faisait qu’exprimer ce conflit pertpétuelperpétuel. Il a fini par attaquer le peuple qui défendait les mêmes valeurs que lui. Il y a une double perversité dans son acte.

L.D: D’ailleurs, votre documentaire regorge de parallèles et des paradoxes. Il y a d’abord la dimension mythique, mais aussi l’aspect documentaire du récit. Quel était l’intérêt de mélanger les genres?

C’était surtout un moyen pratique de faire le film sans Hadwin. Et puis, si j’avais utilisé seulement la forme documentaire, en utilisant par exemple les entrevues de personnes qui l’avaient connu, je pense que cela l’aurait fait paraître trop vide et absent. Grâace à la reconsitution reconstitution fictive, la représentation d’Hadwin permet au public d’avoir une idée plus complète de l’homme qu’il était. Il existe beaucoup de mépris envers les documentaires reconstitutifs car cela ne fonctionne pas toujours. Cela a marché dans mon cas. En plus, l’acteur ressemblement ressemble étrangement à Grant, et lorse lorsque que le spectateur voit la photo de l’homme à la fin du film, il y a un moment de confusion.

L.D: Pourquoi aimez-vous faire des documentaires documentalistesenvironnementalistes?

Je ne suis pas un documentariste environnementaliste, mais les questions liées à l’environnement m’intéressent énormément. Si je devais définir une style commun dans mes travaux de réalisateur, ce serait l’effort de permettre au public de s’identifier à des personnages qui ont accompli des actes à l’apparence irrationnels. Ceux qui sont passés pour des fous. En mettant le public à leur place, je veux montrer que c’est plus compliqué que ça. . J’ai déjà fait un film sur une femme qui avait tué son mari dans un village du Groenland, et un autre film sur un homme qui tente de tuer un tigre de Sibérie… Ce sont des choses qui sortent de ce que l’on conçoit comme «normal», mais lorsque l’on voit les documentaires qui leur sont consacrés, on se dit «attends une minute, j’aurais peut-être fait la même chose si j’avais été dans la même situation!». Si vous et moi travaillons dans l’industrie de la coupe à blanc, et si nous avions vu ce que Grant Hadwin avait vu, les âmes sensibles que nous sommes auraient certainement fait les mêmes choix. Il avait sûrement plus les pieds sur Terre que beaucoup d’entre nous. Malheureusement, comme tout documentaire, le film le simplifie le personnage de Hadwin en faisant impasse sur son passé psychiatrique et, son histoire familiale. Si le public veut en savoir plus sur Hadwmin, il faut lire L’Arbre D’Or!

L.D: Comment avez- vous conduit votre recherche, alors sachant que les événements ont eu lieu tant d’années en arrière?

Ce fut un assez difficile par rapport à mon film précédent, qui parlait des attaques de tigre dans un village de Sibérie, qui s’étaient déroulées au cours de deux semaines seulement. Je n’aivais pas eu trop de mal à trouver des témoins pour raconter l’histoire. Pour Grant Hadwin, il s’agissait de raconter l’hisoitre de la vie d’un homme, qui s’était déroulée dans toute la Colombie Britannique. IPar contre, il m’a fallu beaucoup de temps pour collecter les fonds nécessaires pour réaliser leà la réalisation du film. Pendant ce temps, j’ai trouvé des gens qui me raconteraient la vision de Grant par rapport à son acte. Sa femme n’a pas souhaité participer au film car il aurait réouvert une plaie qu’elle avait mis beaucoup de temps à fermer : la disparition de son mari, les recherches du corps ect… Il y avait aussi le problème du peuple Haida, et de sa représentation dans le film du point de vue d’un anglais blanc, tout à fait étranger à leur combat. Il y a eu beaucoup de suspicions envers moi et mon projet d’utiliser l’histoire de l’arbre d’or. J’ai tenté de les persuader que la fin justifiait les moyens et que le résultat pourrait être positif pour leur communauté. Il n’y a pas de consensus à propos de qui a le droit de raconter l’histoire. Je n’ai jamais réussi à avoir l’approbation de la totalité des autochtones, mais je suis parvenu à mettre les personnes qui avaient le plus d’influence de mon côté. Lors de la projection du film devant la population Haida, j’avais peur que le résultat leur déplaise. Après la séance, il y a eu un long silence, puis ils se sont levés dans l’ordre hiérarchique du clan. Ils ont se sont dirigés vers le chef de la communauté et lui ont communiqué chacun leur réaction au film. C’est la projection la plus intense à laquelle j’ai jamais assisté pour l’un de mes films!

l’ONF

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L’homme et la forêt https://www.delitfrancais.com/2015/11/28/lhomme-et-la-foret/ https://www.delitfrancais.com/2015/11/28/lhomme-et-la-foret/#respond Sun, 29 Nov 2015 01:37:45 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24319 Un documentaire qui retrace le combat du légendaire Grant Hadwin.

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Alors que la préservation de l’environnement n’était pas encore dans les consciences collectives, que la déforestation intensive n’attirait pas les inquiétudes et que le commerce international était en pleine émergence, un forestier de Colombie-Britannique a eu une épiphanie. C’est ce que relate Le jugement d’Hadwin, nouveau long-métrage du vancouvérois Sasha Snow. Produit par l’Organisation Nationale du Film (ONF), le film sera à l’affiche au Cinéma du Parc du 23 novembre au 3 décembre.

Le combat d’un forestier illuminé

Amoureux des arbres dans son travail, qui est de repérer les groupements d’arbres de la meilleure qualité possible pour la coupe à blanc, Hadwin est un ingénieur forestier qui voit sa forêt comme un univers parallèle magnifique. Témoin et complice de la destruction de l’écosystème de l’archipel Haida Gwaii, dont les arbres sont sacrés selon les traditions du peuple autochtone Haida, Hadwin réalise qu’il ne peut plus supporter le massacre. C’est bien un massacre que dépeignent les images tournées par Sasha Snow, comme s’il mettait en scène meurtre après meurtre, sauf que les corps qui s’étalent lourdement sur le sol sont d’énormes troncs centenaires. C’est à la vue de cette dévastation croissante que le forestier entreprend de s’attaquer au commerce boisier de la Colombie Britannique.

Le film est une reconstitution du combat d’Hadwin, de son quotidien d’ingénieur à l’achèvement de sa lutte, en passant bien sûr par l’épiphanie douloureuse qui fait partie de ce crime géant qu’est la coupe à blanc. Obsessif, fort, déterminé, Hadwin est présenté comme un surhomme par ses pairs. Pour le spectateur, l’homme oscille entre le héros et l’illuminé. C’est certainement parce qu’on ne nous laisse pas entrer dans sa tête: il ne parle jamais directement dans le film. Il exprime sa rage contre l’affront fait à la planète en écrivant des lettres à ceux qui sont au pouvoir, mais ne parvient jamais à être entendu. Snow a mélangé les entrevues avec des témoins qui ont connu Hadwin, mais aussi la fiction et la dimension mythique en mettant en parallèle la croisade solitaire du forestier que personne n’écoute avec les légendes du peuple Haida. Les deux dimensions finissent par se rejoindre de façon fracassante, autour du symbole mythique de l’arbre d’or, permettant de toucher profondément le spectateur. Sasha Snow parvient en fait à transformer le souvenir tragique d’un homme, qui s’est attaqué à beaucoup plus grand que lui, en conte prophétique touchant.

Sasha Snow fait un travail de mise en scène remarquable, d’abord par l’intelligence du récit, mais aussi et surtout en produisant des images à couper le souffle. L’archipel Haida Gwaii apparaît à la frontière entre l’immensité paisible de la Colombie Britannique et le Pacifique en constante agitation. L’archipel subit également les pressions du commerce international sur l’exploitation forestière et les traditions d’un peuple autochtone qui est là depuis des centaines d’années. Les dualités sont essentielles dans la formation des tensions qui rendent le film si profondément intense. Il n’est pas étonnant que Sasha Snow ait reçu le prix du cinéaste écologiste de la décennie des Green Planet Movie Awards en 2010.

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Aaron sur le chemin de l’école https://www.delitfrancais.com/2015/11/28/aaron-sur-le-chemin-de-lecole/ https://www.delitfrancais.com/2015/11/28/aaron-sur-le-chemin-de-lecole/#respond Sun, 29 Nov 2015 01:22:27 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24299 Un livre pour promouvoir une éducation durable et équitable.

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Aaron Friedland, ancien floor fellow de la résidence Gardner Hall, vient d’écrire un livre pour enfants, The Walking Schoolbus (Le bus qui marche, ndlr). Il organise aussi une campagne de levée de fonds pour améliorer l’accès à l’éducation dans une communauté retranchée de l’Ouganda. Après avoir obtenu son baccalauréat à McGill, Aaron Friedland a travaillé dans un organisme de recherche à la Barbade, et a beaucoup voyagé. Il est aujourd’hui en maîtrise d’économie à l’Université de Colombie ‑Britannique. Depuis son appartment à Vancouver, il a présenté son projet lors d’un entretien téléphonique avec Le Délit.

Le Délit (L.D): D’où venait votre motivation pour le projet de levée de fonds et comment avez-vous commencé à écrire le livre?

Aaron Friedland (A.F): Pour être honnête, le livre est venu avant le projet. J’ai commencé à écrire le livre il y a cinq ans en rentrant d’un voyage en Afrique du Sud et en Ouganda, où nous travaillions pour une mission humanitaire et où nous aidions à construire une aire de jeux pour une communauté appelée Abayuda. C’est une communauté dont l’école mélange l’enseignement des diverses croyances, notamment musulmane, chrétienne et juive. L’école se trouve dans le village Nabagoya. C’est une communauté incroyable. On a été les témoins directs de la pauvreté et des barrières au développement. Quand cette mission a touché à sa fin, j’ai repensé au travail que nous avions effectué et j’ai réalisé que nous avions vraiment bénéficié de cette expérience. Le groupe de personnes qui y est allé pour aider avait reçu tellement plus que ce qu’il avait donné. Bien sûr, nous avons fourni l’équivalent de plusieurs milliers de dollars d’infrastructure, mais nous en avons tiré beaucoup plus en termes d’expérience. Et le travail n’allait pas être durable dans le sens où il n’a pas pu être entretenu sur le long terme. Alors quand je suis rentré, après avoir parlé avec tous ces enfants qui marchent sur des distances incroyables pour aller à l’école, j’ai commencé à écrire ce livre pour enfants.

L.D: Avez-vous écrit le livre pour sensibiliser les gens?

A.F: Exactement, quand je compare l’éducation nord-américaine, celle que j’ai reçue, avec le combat des élèves sud-africains et ougandais pour se rendre à l’école, il y a une inégalité flagrante. Mon projet était donc important pour deux raisons. Je voulais lever des fonds pour que les enfants de ces communautés puissent avoir accès à l’éducation. Nous essayons de lever des fonds pour introduire trois bus dans cette communauté. Mais je voulais aussi faire comprendre aux élèves nord-américains le luxe dont ils bénéficient. Je voulais qu’ils sachent que l’accès à l’éducation est une chance, sans qu’ils se sentent coupables d’avoir tout ça. Surtout pour qu’ils n’oublient pas le privilège qu’ils ont.

L.D: L’aperçu que l’on a du livre sur le site internet est remarquable. Qui dessine toutes ces illustrations? Et qui sont ces deux enfants dont parle le livre?

A.F: Bien sûr, le site n’est qu’un aperçu du travail final. C’est ce que j’ai fait avant d’avoir les fonds pour créer le livre.  J’ai décidé de faire réaliser quelques illustrations. Le plan est de travailler, dans le futur, avec des dessinateurs et des élèves ougandais. Pour l’instant, je travaille avec un illustrateur que j’ai rencontré en ligne, qui vient d’Afrique du Sud.

Les deux enfants… J’ai rencontré beaucoup d’enfants qui pourraient avoir inspiré ces deux personnages. Mais la vérité, c’est que ces deux enfants sont fictifs et représentent ma vision de tous les enfants que j’ai rencontrés et leur désir d’avoir accès à l’éducation.

L.D: Que symbolise The Walking Schoolbus? Quelle idée représente-t-il?

A.F: L’idée derrière le titre et l’histoire est de montrer l’expérience et les luttes quotidiennes de ces enfants, c’est-à-dire non seulement les distances entre eux et l’éducation, mais aussi les dangers qu’ils rencontrent sur le chemin de l’école.  Ce que le bus symbolise finalement, c’est cette capacité des enfants à s’unir et à lutter pour cette cause réelle qu’est l’accès à l’éducation. En même temps, le bus représente l’accès. Quand on voit les pieds des enfants qui dépassent sous le bus, on s’arrête pour se poser des questions. C’est en fait pour représenter comment ces enfants vont vraiment à l’école.

L.D: Ce qui est intéressant dans votre métaphore, c’est qu’elle donne l’idée d’un véritable mouvement social à l’échelle de la nation et initié par des enfants. Pensez-vous que l’éducation est vraiment la clé du développement?

A.F: Oui, à cent pour cent. Surtout du point de vue de quelqu’un qui est en maîtrise d’économie. L’impact économique de la collaboration entre croyances m’intéresse énormément. Je pense que les attaques à Paris et les événements de ce dernier mois illustrent bien cette idée le manque d’éducation des gens les dirigent vers une idéologie extrémiste. D’après moi, le seul vrai moyen de réduire ces problèmes est d’éduquer nos jeunes de façon adéquate. Plus que simplement éduquer, il faut leur donner les moyens d’apprendre l’existence de diverses croyances dans la société. Je pense que les écoles monothéistes ne sont pas nécessairement une mauvaise chose, mais je voulais montrer que nous voulons soutenir un type d’éducation qui assure une paix durable et ce en facilitant l’accès à une école qui enseigne trois croyances différentes de façon simultanée. C’est beau de voir comment ces enfants coopèrent et c’est ce type d’éducation que je veux soutenir.

L.D: Dans votre biographie, vous écrivez que vous avez rédigé The Walking Schoolbus parce que vous vous voyiez incapable de changer le passé et que vous étiez dans l’espoir de faciliter un futur plus éclairé. Comment voyez-vous le futur?

A.F: Quand je vois mon expérience en Ouganda et en Afrique du Sud, et surtout l’image de l’apartheid, je pense que beaucoup de gens ont eu du mal à accéder à l’éducation, mais il y a eu aussi des gens qui sont complèment tombés dans les failles du système. Je suis dyslexique, et j’ai vu beaucoup de cas où les gens les plus éduqués et doués s’en sortaient parfaitement, alors que ceux qui avaient besoin d’assistance dans leur éducation, comme moi, ne recevaient aucun soutien.

En Inde, j’ai pu avoir un exemple de cette injustice lorsque des enfants pauvres nous parlaient en anglais et qu’on leur répondait en allemand pour ne pas avoir à leur refuser de leur donner de l’argent sans arrêt, et que des enfants indiens se sont mis à discuter avec nous en allemand. Cela m’a montré que les enfants les plus doués, ceux qui savent prendre avantage de l’éducation qu’ils reçoivent, réussiront bien mieux. Mais les nombreux élèves qui ont plus de mal avec le système académique et qui nécessitent des mécanismes de support, comme moi-même, sont ceux qui ne sont pas pris en compte dans nos sociétés sans services sociaux adéquats. Ce sont eux qui tombent dans les failles du système et qui ne sont jamais vraiment capables d’échapper à ce piège qu’est la pauvreté. Assurer l’accès à l’éducation, mais aussi améliorer concrètement l’éducation même est mon but principal. Je suis en train de collaborer avec des professeurs pour retravailler les programmes scolaires et renforcer l’apprentissage informatique.

Le futur, pour moi, sera de fournir les meilleurs services possibles pour les élèves des trois écoles avec lesquelles nous travaillons. En travaillant avec des écoles multiconfessionnelles, nous encourageons l’accès à l’éducation, mais aussi l’enseignement de la tolérance, et nous souhaitons surtout repousser les fondamentalismes religieux.

L.D: Que diriez-vous aux étudiants qui veulent ajouter leur grain de sel?

A.F: Depuis le mardi 24 novembre, les étudiants ont l’opportunité de participer à un concours pour nous accompagner lors d’un voyage tous frais payés en Ouganda. Ils auront l’opportunité de faire du volontariat dans l’école multiconfessionnelle et d’y enseigner l’anglais. C’est très intéressant, du point de vue du développement durable mais c’est aussi l’occasion de vivre une expérience incroyable. Pour entrer dans la compétition, il faut suivre deux étapes: donner cinq dollars à la campagne, puis publier une photo de soi à l’envers sur facebook ou instagram (ou simplement une photo retournée), en incluant le hashtag #TWSBflipaccess2ed et le lien de la campagne dans la description.

La démarche d’Aaron Friedland est un exemple de l’effet que peut avoir une production culturelle sur le développement durable, par la sensibilisation des populations privilégiées aux problèmes des autres, mais aussi par l’éducation qu’un livre offre. L’éducation, comme Aaron Friedland l’a affirmé, est la clé d’un développement plus équitable, durable, et promoteur de paix. Le message unificateur de The Walking Schoolbus semble nécessaire à l’heure où les croyances divergentes semblent diviser les populations, et où l’éducation semble être le seul moyen d’enseigner le respect et la tolérance.

Luce Engérant

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Opéra sous haute tension https://www.delitfrancais.com/2015/11/23/opera-sous-haute-tension/ https://www.delitfrancais.com/2015/11/23/opera-sous-haute-tension/#respond Mon, 23 Nov 2015 21:53:18 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24225 Alain Gauthier met en scène Elektra, en représentation à Montréal jusqu’au 28 novembre.

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L’Opéra de Montréal présentait samedi 21 novembre la première représentation d’Elektra du compositeur allemand Richard Strauss. Cette tragédie en un acte, créée en 1909 à Dresde, reprend la célèbre pièce du dramaturge grec Sophocle. Strauss avait écrit Elektra lors de sa première collaboration avec le poète et dramaturge Hugo von Hofmannsthal, dans un langage musical radicalisé, empreint d’un paroxysme de modernité et d’expressionisme musical. L’œuvre est marquée par la facilité caractéristique de son compositeur. Les décors sont sobres, mise à part l’immense statue qui surplombe la scène et qui impressionne – pour ne pas dire «intimide» – le public tout au long du spectacle.

Yves Renaud

C’est elle, l’énorme sculpture d’environ 2400 kilos en forme d’homme nu à moitié agenouillé, qui va donner sa grandeur à la pièce. Car on ne pouvait pas compter sur le jeu des servantes pour créer une dynamique entraînante, qui aurait peut-être permis à mon voisin de rester éveillé pendant la première moitié de l’acte – m’évitant ainsi de devoir dissocier les petites voix sopranos à faible portée de ronflements fainéants. Il faut l’avouer et c’est bien dommage: tout le début de l’histoire est joué de façon très lente, machinale. On n’a presque pas envie de lire les sous-titres qui traduisent l’allemand dans lequel papotent les servantes.

Ces dernières commentent le comportement d’Électre, jeune fille qui pleure la mort de son père, le roi Agamemnon. Jouée par la chanteuse soprano américaine Lise Lindstrom, celle-ci est, pour sa part, très convaincante. Ses cris endeuillés d’appel à une vengeance sanglante retentissent volontiers dans l’opéra en même temps qu’ils choquent sa sœur Chrysothémis, prude et fragile, jouée par une soprano allemande, Nicola Beller Carbone.

Yves Renaud

Les méchants de l’histoire, Clymnestre et Égiste, la mère hypocondriaque et son amant autoritaire, sont les meurtriers du roi. Agnes Zwierko (mezzo-soprano) est époustouflante dans le rôle de la mère malade et insatisfaite, coupable et égocentrique, criarde. De son côté, John Mac Master n’a que quelques courtes minutes pour convaincre les spectateurs, puisque le ténor ne fait qu’une brève apparition à la fin, lorsqu’il découvre en rentrant chez lui que l’on s’est vengé de l’assassinat du roi et que sa femme est morte. C’est le talentueux Alan Herd, baryton-basse, dans le rôle d’Oreste, frère d’Électre, qui se charge de venger Agamemnon. Oreste le ténébreux procure au public une joie démesurée lorsqu’il surgit de l’ombre, alors qu’on l’avait cru mort depuis le début, surprenant sa sœur qui ne le reconnaît pas du premier regard. Les retrouvailles sont touchantes, les voix mélangées dans les baisers fraternels font vibrer les entrailles des spectateurs.

Tandis que l’action se déroule sur scène à l’échelle humaine, la statue, qu’Électre fait tourner sur elle-même du début à la fin, se positionne en divine surveillante des actions de nos personnages mortels. Alors que l’on en observe les divers angles, on est toujours aussi choqué par sa grandeur, son imposante lourdeur et l’incroyable génie par lequel les techniciens Alain Gauthier, Victor Ochoa et Étienne Boucher réussissent à faire couler la lumière sur les formes du géant.

Chaque acteur est acclamé par les applaudissements du public, à la fin du spectacle, avec une petite préférence pour certains peut-être. Malgré un long début, ce fut tout de même un bon moment.

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Bond ne meurt jamais https://www.delitfrancais.com/2015/11/20/bond-ne-meurt-jamais/ https://www.delitfrancais.com/2015/11/20/bond-ne-meurt-jamais/#respond Fri, 20 Nov 2015 19:13:50 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24192 Dans Spectre, le passé revient hanter 007.

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Au moment de choisir son strapontin, on nourrit de grandes attentes (en avalant des poignées de maïs éclaté) et on se demande ce que nous a concocté Mendes entre le séduisant gentleman britannique et une nouvelle Bond girl française. Après le succès de Skyfall, en 2012, qui avait rapporté un milliard de dollars, une pluie de critiques élogieuses et deux oscars, la barre était haute pour le prochain James Bond, sorti le 6 novembre 2015 au Canada. C’est encore Sam Mendes qui a relevé le défi d’impressionner les spectateurs du monde entier, en réalisant Spectre, production de 240 millions de dollars présentée par les géants Sony, MGM et Eon Productions. Le vingt-quatrième épisode de la série cinquantenaire s’est doté d’un palmarès «tape-à‑l’œil»: Daniel Craig y joue aux côtés de Léa Seydoux, Monica Bellucci et Christoph Watlz.

L’idée de réveiller les morts de 007 n’est pas une innovation.

Mission nostalgie

Le poids du passé est excessivement lourd dans ce dernier opus, d’abord parce qu’il creuse dans la vie de Bond, déterre ses cadavres et ravive ses fantômes, mais aussi parce qu’il pose le progrès en principal antagoniste. La technologie est un danger pour Bond, mais aussi pour M et plus généralement pour la sécurité britannique, qui peine à s’adapter aux menaces terroristes digitalisées. Nostalgie du bon vieil espionnage et des gadgets de Q, qui ne fournit désormais que des Aston Martin. La première phrase du film est une inscription: «Les morts sont vivants», annonçant le thème funèbre de cet opus.

La franchise fidèle à elle-même

L’idée de réveiller les morts de 007 n’est pas une innovation, Skyfall jouait déjà avec le passé de l’agent et creusait jusqu’aux entrailles écossaises de son enfance. En revanche, dans Spectre, Craig peine à se montrer touché. Les émotions ne se font pas tellement ressentir, et le film est alors presque un echaînement de scènes sans trop de catharsis. C’est dommage car cela semble surtout mettre en évidence une redondance chez Sam Mendes, qui force à se poser la question: le cinéaste serait-il à cours d’idées? Il crée ici un méchant (Christoph Waltz), chef de tous les méchants du passé, et utilise le facteur mémoire pour donner un semblant de profondeur à son histoire. C’est presque trop facile et les inconditionnels du monument James Bond n’en seront pas duppes. Les muscles impressionnants de Daniel Craig et l’adorable et cynique Léa Seydoux viennent sauver la mise, formant le couple habituel de l’agent secret et de sa demoiselle en détresse.

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Le théâtre du réel https://www.delitfrancais.com/2015/11/17/le-theatre-du-reel/ https://www.delitfrancais.com/2015/11/17/le-theatre-du-reel/#respond Tue, 17 Nov 2015 17:40:48 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24168 Retour sur les Rencontres Internationales des Documentaires de Montréal.

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Train de vie

C’est un projet particulier qui trottait dans la tête du réalisateur Albert Maysles depuis les années 1960. Le cinéaste humaniste est décédé à 88 ans, en mars dernier, alors que son film venait d’être assemblé. Il voulait faire un documentaire sur les passagers des trains de longue distance. Co-réalisé par Lynn Ture, David Usui, Nelson Walker et Ben Wu, In Transit a alors été tourné sur la ligne Chicago-Seattle, un trajet de trois jours à travers plaines et montagnes, passant aussi par des exploitations pétrolières.

Présent à la projection, David Usui explique que dix personnes étaient présentes dans le train pour filmer et discuter avec les passagers. Le résultat, c’est une trentaine de personnages qui se livrent devant la caméra et racontent leurs vies parfois très compliquées. Quand on est dans un train pendant de si longues heures, «il y a un espace social, le temps se ralentit et les gens ont une sorte d’introspection en étant assis, ils regardent par la fenêtre et se demandent où ils en sont.» Le voyage est l’occasion d’une réflexion sur sa vie, mais aussi de partager des idées, des craintes et des pensées avec d’autres passagers. Tout cela en l’absence de complexes car ce sont des relations qui peuvent être éphémères, si on le veut. 

D’après son collègue David Usui, Albert Maysles a une capacité impressionnante à se connecter avec les gens, ce qui a permis d’établir de la confiance entre l’équipe de tournage et les passagers. Ils ont fini par obtenir quatre cents heures de tournage enregistrées, qu’il a ensuite fallu trier. Ce sont les récits des drames et des espoirs des américains moyens que les réalisateurs ont choisi de montrer.

In transit est un documentaire humaniste touchant qui nous transporte. En passant une heure devant le film, on a véritablement l’impression d’être dans le train, au beau milieu de l’Amérique du Nord. ‑Par Amandine Hamon

Courtoisie RIDM & Luce Engérant

Ne tirez pas sur Tim Horton

«Tout conflit est basé sur la tromperie»: c’est par cette citation du général chinois Sun Tzu datant du VIe siècle avant J.-C, que démarre Bring me the head of Tim Horton, un court-métrage loufoque signé Guy Maddin, Evan et Galen Johnson.

Au départ, l’idée était de filmer les coulisses du tournage de la dernière superproduction du réalisateur Paul Gross: une épopée remplie de soldats canadiens qui se retrouvent pris au piège au beau milieu de l’Afghanistan. Mais les trois larbins que sont Guy, Evan et Galen réalisent bien vite qu’ils ne pourront pas prendre le montage de ce documentaire promotionnel tout à fait au sérieux.

Le désert de Jordanie où les acteurs-soldats simulent une guerre contre les talibans afghans prend alors une toute autre tournure, à coups d’effets psychédéliques. On se retrouve face à des combats sur fond de musique de jazz, des filtres de couleurs primaires, des bruitages de jeux vidéo et même le gros plan d’une poule qui se promène au milieu de ce bazar.

Allongé dans le sable pour ne pas perturber les caméras du tournage, Guy Maddin se livre à des réflexions sur la vie, la mort et l’art: «Une palette de couleur, c’est une forme de poésie». Du sarcasme à la sottise, en passant par le carrément ridicule, Bring me back the head of Tim Horton déconstruit de façon un peu aléatoire les codes d’un genre de film peu enclin à la satire. ‑Par Céline Fabre.

C-Bring-Me-the-Head-of-Tim-Horton
Courtoisie RIDM & Luce Engérant

Champ de racaille

Le concept du «beau» retourne sa casquette au fur et à mesure que s’écoulent les images du documentaire Field Niggas. Alors qu’en 1963, Malcolm X établissait une distinction entre les esclaves des plantations («field negroes»,) et les esclaves mieux nourris et logés («house negroes»), le photographe et cinéaste Khalik Allah donne aujourd’hui un nouveau visage aux «esclaves des temps modernes».  Quarante ans plus tard, il arpente les rues de Harlem, ce district new-yorkais où la précarité ne prend jamais de vacances  – pas même pendant les nuits pluvieuses de l’été 2014, que les cinquante-neuf minutes du film capturent.

Le coin de la 125e rue et de l’avenue Lexington devient alors la scène d’un théâtre nocturne. Les sans-abris et trafiquants qui bordent ses trottoirs deviennent ses acteurs et ne font plus faire seulement partie intégrante du macadam. Assis par terre, un vieillard fixe l’objectif. Il explique qu’il porte toujours son bracelet de prisonnier, en souvenir. Un peu plus loin, une jeune fille récite un poème pendant que passe un bus de «house negroes» qui s’apprêtent à retrouver leur maison. Comme pour marquer une rupture entre nos a priori sur ces créatures de la nuit et le cours de leur pensée, les témoignages recueillis par Khalak Allah ne sont jamais livrés au spectateur directement. Leurs voix flottent au-dessus de gros plans à l’esthétique presque surréaliste tant les effets de flou nous transportent dans une autre dimension.

«À ton avis, qu’est-ce qu’il nous arrive quand on meurt?» demande le cinéaste à une femme qui se tient sur un terre-plein au milieu des voitures. Les nuages de fumée de cigarette sont omniprésents et à leur volupté naturelle s’ajoute une lenteur artificielle. «Je pense que c’est comme si l’on était encore présent, mais on n’est pas physiquement là». Nuages de cigarettes, ou plutôt de K2, drogue qu’ils expliquent avoir substitué à l’herbe car il paraît qu’on la dépiste moins facilement.

Des couleurs saturées, la noirceur de la nuit qui se mêle à l’intensité de ces visages: comme il est vrai que la beauté réside dans l’œil de celui qui la regarde. À la fin de la séance, il semblerait que celle que Khalik Allah donne à ces street negroes  ne soit pas tombée dans celui d’un malvoyant. ‑Par Céline Fabre

Courtoisie RIDM & Luce Engérant

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Un affront contre une culture https://www.delitfrancais.com/2015/11/16/un-affront-contre-une-culture/ https://www.delitfrancais.com/2015/11/16/un-affront-contre-une-culture/#respond Tue, 17 Nov 2015 04:25:01 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24058 Portrait du Bataclan, victime d’une des attaques du 13 novembre.

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En mitraillant le cœur du Bataclan, les terroristes du 13 novembre se sont attaqués à un symbole de la mixité sociale et culturelle parisienne. Classé monument historique, le théâtre est un lieu de métissage qui élève la voix de tous les style musicaux. D’Oasis à Snoop Dogg, Stromae ou encore Cesaria Evora.

Joyau architectural et symbole de la culture festive parisienne, il accueillait, le soir du drame, le groupe Eagles of Death Metal, à guichet fermé.

Amandine Hamon

Patrimoine de culture

Le Bataclan, c’est ce bâtiment de pierre à la façade colorée de jaune et de rouge, qui semble hors du temps. Bâti en 1865 par Charles Duval, «Le grand Café Chinois ‑Théâtre Bataclan», accueillait à l’origine des ballets et des numéros d’acrobatie. C’était  un music-hall et son nom «Bataclan» vient de l’opérette Ba-Ta-Clan de Jacques Offenbach (1955), une oeuvre inspirée par les tendances orientalistes de l’époque. Après une période de gloire, un rachat, une transformation en cinéma et un incendie en 1933, le bâtiment est partiellement détruit en 1950 puis fermé en 1969. Grâce à Joël Laloux, fils de la nouvelle propriétaire de la salle, le Bataclan développe une nouvelle programmation et finit par attirer des grands noms de la musique comme Lou Reed, qui y enregistrait son Bataclan ‘72. Espace de convergence des cultures musicales, de rencontres artistiques, mais surtout de détente, le Bataclan est une adresse parisienne populaire. Dans les années 1980, le théâtre était loin d’être un club bourgeois, puisqu’il était un lieu de rencontres pour les jeunes de banlieues qui s’intéressaient à la musique black française. Jamel Debbouze et Dany Boon y ont aussi donné certains de leurs one-man shows. Des artistes telles que Lianne La Havas et Louane étaient programmées pour le mois de décembre.

«Espace de convergence des cultures musicales, de rencontres artistiques, mais surtout de détente»

En entrevue avec le magazine Télérama le samedi 14 novembre, l’un des propriétaires, Dominique Revert, expliquait qu’il ne savait pas encore ce qui allait advenir de la salle de spectacle. «Un agent anglais m’a téléphoné ce matin pour me dire que si nous organisions un concert de soutien, tous ses artistes étaient prêts à venir.» Au lendemain du drame, en hommage à la salle, mais aussi aux victimes des attentats, un artiste inconnu s’est installé non loin du Bataclan avec un piano à queue marqué d’un symbole de paix. Comme un signe de soutien, mais aussi de lutte pacifique pour dire que la terreur ne fait pas taire la musique, le pianiste a joué Imagine de John Lennon, une chanson qui appelle à imaginer un monde où tout cela n’arriverait pas.

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Les avocats de la paix https://www.delitfrancais.com/2015/11/10/les-avocats-de-la-paix/ https://www.delitfrancais.com/2015/11/10/les-avocats-de-la-paix/#respond Tue, 10 Nov 2015 16:54:02 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23985 Quand le Canada était le chef de file de la résolution de conflits, par Garry Beitel.

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Diplômé de l’Université McGill en 1976, où il est aujourd’hui enseignant, le documentariste Garry Beitel présentera son nouveau film à l’occasion des Rencontres Internationales du Documentaire à Montréal (RIDM), la semaine prochaine. À la poursuite de la paix est un documentaire inspirant, dans lequel le réalisateur donne la parole à des professionnels en résolution de conflits et lutte contre la violence. Il nous emmène au Soudan du Sud, au Congo, et dans le nord de l’Irak, entre autres, pour nous montrer que conflit n’est pas seulement synonyme de violence, mais aussi de discussion, et que nous, citoyens occidentaux, avons aussi un rôle à jouer dans la promotion de la paix. Ce lundi après-midi, installé au café de la Cinémathèque Québécoise, Garry Beitel présente son œuvre au Délit.

Le Délit (LD): Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de faire un film sur ce sujet?

Garry Beitel (GB): Une collègue de l’ONF (Office National du Film du Canada) m’avait suggéré de faire un documentaire sur la paix, ce qui était un peu trop large. J’ai cherché, dans l’Histoire, le rôle du Canada dans la défense de la paix, et j’ai trouvé qu’il avait été l’un des premiers à inventer ce métier, ce rôle de médiateur, et que de nombreux Canadiens avaient décidé de s’engager.

LD: On imagine que cela pourrait être mal vu: des Occidentaux qui viennent s’immiscer dans les conflits locaux… Avez-vous reçu un bon accueil dans votre démarche documentaire?

GB: Nous avons été très bien reçus. Les gens ne voient pas les médiateurs comme des intrus, et ce n’est pas typique de la pensée occidentale de défendre la résolution pacifique des conflits. C’est plutôt des idées diffusées par Gandhi, Mandela, Martin Luther King. Et puis ces personnes qui viennent aider à la discussion n’arrivent pas là tout d’un coup, ils restent longtemps et travaillent progressivement avec les communautés. C’est un travail de longue haleine. Et ils sont joints par des médiateurs locaux, qui aident aussi à la discussion, comme UNHabitat au Congo. D’ailleurs, dans le film l’un d’eux dit  «j’ai une bonne nouvelle: nous avons un conflit!», ce qui montre que le vrai problème n’est pas le conflit en lui même, mais l’utilisation de la violence, qui peut escalader très vite. Et d’ailleurs ça a explosé entre des villages qui se disputaient la terre.

«J’ai une bonne nouvelle: nous avons un conflit!»

LD: Combien de temps avez-vous passé avec ceux qui témoignent dans votre documentaire? Pour vous aussi cela a dû être un travail de longue haleine.

GB: Je les connais depuis cinq ans, parce que je les ai contactés quand j’ai commencé ma recherche. On se parlait par courriel, Skype, ou par téléphone. Ensuite je suis allé les voir et je les ai suivis dans leur travail. Kye, l’éducateur, était au Népal quand il animait des groupes et des activités pour enseigner comment résoudre des conflits sans violence. Oumar, j’ai suivi son travail aussi, comme Tiffany au Soudan du Sud. Par contre, j’ai eu plus de mal avec Andrew parce que je ne pouvais pas suivre son travail, qui est secret. J’ai pu profiter de ses ressources d’images qu’il a accumulées pendant toutes ses années d’intervention.

LD: Vous indiquez au début du film le déclin du rôle du Canada dans la défense de la paix, surtout depuis les efforts du premier ministre Pearson. Parti du 1er rang, le Canada est aujourd’hui classé comme 68e membre des Nations Unies en tant que défenseur de la paix. Il a tendance à se ranger au côté des États-Unis dans l’intervention militaire. Est-ce que vous faites une piqure de rappel aux Canadiens, et même au nouveau gouvernment?

GB : Oui, au gouvernement. Je pense que les Canadiens ne sont pas représentés dans ce qu’ils veulent. Ils ont, en quelque sorte, été faits prisonniers. On ne peut pas revenir dans le passé, le monde a changé, mais on pourrait utiliser un pourcent des milliards de dollars que l’on consacre aux complexes militaires, à la formation des gens, à leur apprendre la discussion pour éviter l’affrontement. Il y a un nouveau métier, qui existe, dans les universités canadiennes notamment, et qui consiste à enseigner cette abilité à résoudre un conflit par d’autres moyens que la violence.

LD: C’est un message politique ça, non?

GB: Ah oui, c’est un message politique! Alors que les conflits ne veulent pas dire violence, qu’un conflit n’est pas un problème en soi, les gouvernments apportent encore plus de violence en intervenant de façon armée. Et ce n’est pas évident à comprendre. Quand on a tourné, on a assisté à des séances de discussions avec des gens qui ont vécu des choses horribles, et ce n’était pas facile pour eux de comprendre que la solution n’est pas de se venger, mais d’essayer de comprendre. Ça prend du temps, parce qu’ensuite, une fois qu’on a enfin rétabli une situation de paix, il faut la maintenir et surtout, apprendre aux gens à vivre de façon pacifique.

LD: Êtes vous pacfiste?

GB: Oui et non. J’utiliserais la violence si on m’attaque personellement. Je pense qu’il faut pouvoir renvoyer l’attaque. Mais je pense qu’il ne faut pas utiliser la violence pour se venger si on ne comprend pas vraiment les conséquences et le contexte.

LD: Votre film transmet un message important pour les jeunes. Quand sera-t-il accessible au public?

GB: La première projection sera celle de samedi (le 14 novembre, ndlr) et du 21 novembre pour les RIDM. Sinon, il sortira dans les salles au printemps.


Le film de Garry Beitel est innovant et encourageant dans la mesure où il se penche sur la solution plutôt que le problème. Au lieu de montrer la violence dans les pays en conflits, ou encore l’injustice de la victimisation des civils, le long-métrage fait parler ceux qui travaillent pour la paix. À la poursuite de la paix résonne comme la petite voix humaniste qui nous chuchote qu’on peut en faire plus. Celle-ci parviendra-t-elle à l’oreille de Justin Trudeau, lui ordonnant de s’inscrire dans la lignée de Lester Pearson? 

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Homo Touristus https://www.delitfrancais.com/2015/11/03/homo-touristus/ https://www.delitfrancais.com/2015/11/03/homo-touristus/#respond Tue, 03 Nov 2015 17:07:38 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23887 Jean-Philippe Lehoux partage ses souvenirs aventuriers au Théâtre du Rideau Vert.

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Le théâtre du Rideau Vert s’ouvre sur le monde en proposant la pièce Napoléon Voyage, mise en scène par Philippe Lambert et Jean-Philippe Lehoux. Auteur, comédien et compositeur diplômé de l’École nationale de théâtre, ce dernier a  remporté en 2013 la Prime à la création Gratien-Gélinas pour sa pièce L’écolière de Tokyo. Sur la scène de Napoléon Voyage, il n’y a que deux acteurs. Lehoux joue son propre rôle et Bertrand Lemoyne, lui, produit en direct la bande son du spectacle d’une voix qui transporte sur la mélodie douce des instruments. Le principe de l’œuvre de Lehoux, c’est tout simplement de raconter les souvenirs de ses derniers voyages en Bosnie, au Japon, en Angleterre, en Syrie, en Norvège et à Cuba. Il conte les expériences très personnelles qui ont rendu ces voyages si mémorables: des rencontres incongrues et des mésaventures qui feront pouffer le public pendant une heure et demie.

Monologue transporteur

Toute la pièce tourne autour du monologue du voyageur. Il explique pourquoi il est si attaché à ce désir masochiste de partir loin de chez lui, d’abandonner sa mère et ses habitudes confortables pour explorer des endroits plus ou moins beaux où il lui arrive parfois des choses peu désirables. C’est ce besoin de «sortir de moi-même pour mieux me retrouver», dit-il philosophiquement.

Le curieux qui voyage se prend typiquement pour un aventurier intrépide qui explore le monde, à l’image du légendaire Marco Polo, et n’admet jamais qu’il n’est qu’un touriste qui se promène avec un visa à durée déterminée. Jean-Philippe Lehoux fait ce constat peu glorieux lorsque, dans l’avion pour Cayo Coco (Cuba), il se rend compte qu’il n’a rien d’un Naopléon Bonaparte moderne. Ouvrant un magazine de voyage, il lit un article sur le grand homme qu’il admire et remplace le nom du héro par le sien, Lehoux, se positionnant déjà comme le grand voyageur qu’il voudrait être.

Joachim Dos Santos

Mépris du touriste apathique

Dans son œuvre, l’auteur maladroit et souvent angoissé se rappelle ses aventures et en profite pour se moquer des touristes français qu’il a aperçu lors de l’ascension d’une montagne syrienne. «Oh bah c’est pas le Mont-Saint-Michel hein!» imite le Québécois, avant d’expliquer que les touriste parisiens pressés sont en fait restés huit minutes sur le site historique avant de poursuivre la course qu’ils osaient appeler un voyage. Lehoux fait une critique hilarante du touriste moderne qui, ironiquement,  découvre son voyage en regardant ses photos de retour chez lui. 

Éthique du bon voyageur

Lehoux ajoute qu’il faut rencontrer les gens, passer du temps, même sur les lieux qui ne sont pas très connus, et s’imprégner de l’endroit que l’on visite. «Les gens habitent pas dans un musée là!» s’exclame-t-il pour démontrer que les Bosniaques ne pensent pas tous les jours aux cicatrices laissées par les guerres de Yougoslavie, qu’ils ont tourné la page.

Dans son monologue qui coule tout seul, Lehoux est accompagné par le chanteur et musicien Lemoyne, qui reprend des chansons de voyage assez «clichés» ajoutant une touche très agréable au spectacle et rappelant les films de roadtrip. Le musicien est un auteur, compositeur, interprète, multi-instrumentiste, arrangeur et réalisateur qui travaille dans le milieu culturel québécois depuis une vingtaine d’années.

Lehoux n’a pas eu besoin de nous montrer ses photos de vacances pour rendre compte de ses aventures. C’est ce qui rend la pièce si touchante, à l’heure où l’on suit plus souvent les périples de ses amis grâce aux photos Facebook que par leurs récits passionnés. 

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Chance, son d’amour https://www.delitfrancais.com/2015/10/27/chance-son-damour/ https://www.delitfrancais.com/2015/10/27/chance-son-damour/#respond Tue, 27 Oct 2015 17:54:42 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23757 La rappeur de The Social Experiment enflamme l’Olympia.

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Avec son groupe de musiciens talentueux, The Social Experiment, Chance the Rapper a déboulé sur la scène de l’Olympia pile à l’heure, ce mercredi 21 octobre. Sautillant comme une boule de nerfs, il a commencé par aboyer des vers en anglais, avant de se présenter. Il explique qu’il est heureux d’être à Montréal, qu’il se sent si proche du public qui se tient devant lui, qu’il a l’impression d’être en pleines retrouvailles familliales, d’où le nom de son spectacle: Family Matters (La famille est importante, ndlr). «Pourtant», admet-il, «je n’ai jamais rencontré aucun de vous!»

Rendez-vous galant ou concert de rap?

Complice de ses fans, le rappeur instaure dès les premières minutes un signal pour communiquer depuis le balcon et la fosse vers la scène: un cri aigu de loup signifira qu’on en veut encore.  Plein de bons sentiments, l’artiste offre un spectacle saturé de messages d’amour. Il se met à inventer une chanson dont les seules paroles seraient «I love you», et entraine le public avec lui. Emporté dans son propre hymne à l’amour, Chance poursuit en déclarant ses sentiments individuellement à chaque personne du premier rang. Il consacre ainsi cinq minutes, qui paraissent un peu longues, à dire «Je t’aime» au public, avant de reprendre son bombardement rythmique. Il enchaîne alors des pas de danse désarticulés que le public suit. Le son transcendant de la trompette accompagne la voix douce de Chance, créant un mélange agréable entre le rap, le hip hop, certainement une touche de jazz, et même de la soul.

Joachim Dos Santos

Explosion visuelle

Derrière les artistes, des écrans projettent des images en mouvement perpétuel, des paysages relaxants qui habillent les effets sonores. Des palmiers au vent, puis des vagues bleues, le soleil, l’espace plein d’étoiles, des flammes dansantes ou encore une salle de classe dessinée. Le résultat est plaisant parce que, comme un feu d’artifice, c’est une explosion de concepts, un bouquet d’ambiances. Même si Chance se trouve physiquement au milieu de la scène, il ne se place pas au centre de son propre spectacle. Il nous crie, à nous le public, de répéter que c’est notre spectalce. Puis il se dévoile en offrant une chanson qui parle de sa grand-mère, «Sunday Candy», peu avant de clore la soirée.

Ne me quitte pas

Tout spectacle ne se termine jamais vraiment exactement au moment où l’artiste se retire. Le public en réclame encore. Expert de l’expérimentation sociale, Chance connaît le peuple et a tout prévu. Les écrans affichent ainsi «Tu en veux encore?», question à laquelle le public acquiesce bruyamment, encourageant le rappeur à reprendre de plus belle. Celui-ci, en extase, cède aux spectateurs sa célèbre chanson «Cocoa Butter Kisses». Mais cette fois-ci c’est la dernière et il finit par remercier ceux à qui il a déclaré son amour pendant une heure et demie.

Qu’est ce que c’est bon d’entendre – pour une fois – du rap qui exprime l’amour et la tendresse envers l’inconnu. Génie social et artisan du vers, Chance a su séduire ses clients, ce soir. Il remettait ça les jours suivants à Philadelphie, puis New York. Toutefois, son album est accessible gratuitement sur iTunes pour ceux qui voudraient écouter des mots doux sur rythme de rap. La preuve que ce champ musical est aussi capable de parler d’amour. 

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«La contre-culture s’organise!» https://www.delitfrancais.com/2015/10/20/la-contre-culture-sorganise/ https://www.delitfrancais.com/2015/10/20/la-contre-culture-sorganise/#respond Tue, 20 Oct 2015 20:54:49 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23639 Retour sur trois événements d'un colloque pas comme les autres.

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Les Anarchives exposent les reliques d’une décennie turbulente. 

Elle donne le vertige, cette impression de déjà vu pendant la grève étudiante de 2012, qui rappelle étrangement aux Québecois sexagénaires les mobilisations de 1970. La crise d’octobre 1970, ça vous dit quelque chose? Ça devrait.

Le collectif des Anarchives fait revivre les années turbulentes du Québec en exposant leurs archives. Dans le cadre du colloque international «Contre-culture: existences et persistances» organisé par Simon Harel (UdeM) et Simon-Pier Labelle (McGill), la médiathèque Gaëtan Dostie accueillait vendredi 16 octobre le collectif, pour présenter les reliques d’une décennie mouvementée.

L’exposition Criez, créez ou crevez: contre-culture au Québec de 1955 à 1975 est installée dans une salle au deuxième étage de la petite médiathèque, dont les murs sont envahis de vieilles revues anarchistes, marxistes, féministes, ou encore de manifestes maoïstes. Pour mettre un peu d’ordre dans cette amas de papiers révolutionnaires, les trois jeunes représentants du collectif Anarchives ont présenté leur démarche lors de la conférence «Réflexion sur la contre-culture et les devenirs révolutionnaires», précédant le vernissage de l’exposition.

«C’est plus un bordel qu’une bibliothèque» me glisse l’un des trois «anarchivistes» avec un sourire en coin, alors que je tourne les pages de la vieille revue Mainmise. Avant la conférence, on s’attarde dans la salle d’exposition, saturée de journaux qui décrivent un désir de révolution anti-coloniale, anti-capitaliste, anti-patriarcale. En effet, on aperçoit des revues qui parles de drogues, puis de féminisme et de mouvements gais, et puis plus loin un article sur Mao et des revues sur des concerts de rock. Une affiche appelle «Québécoises debouttes!», une autre demande «la drogue, problème ou solution?», et d’autres encore annoncent le «méga-concert de Pink Floyd au Stade Olympique de Montréal».

Finalement, pour être vraiment certain d’avoir cerné le sujet, un article annonce «la contre-culture s’organise!»

La présentation commence par l’introduction de Gaëtan Dostie, qui explique pourquoi il organise un événement tous les 16 octobre, depuis 1971. C’est dans la nuit du 16 octobre 1970, à quatre heure du matin, que la police est venue le sortir de son lit pour l’emprisonner. Il s’est retrouvé dans une cellule côte à côte avec d’autre révolutionnaires, notamment Pierre Vallières, qui lui glissa le crayon avec lequel Gaétan écrivit le poème «peur d’élire» qu’il nous lit alors ce vendredi. Applaudit par la dizaine de conférenciers, Gaëtan se retire, ému.

Les fouilleurs d’archives se sont attaqués au monceau de revues de Gaëtan Dostie pour rendre le passé vivant, avec une présentation intéractive de la presse des années 1955 à 1975, expliquent-ils pendant la conférence. Les trois jeunes intellectuels expriment leur «aversion pour les morgues à passé»: ici, «on peut toucher, sans cacher l’usure du monde».

Ainsi, exposer les journaux d’une autre époque permet de se connecter avec ce qui s’y est passé mais aussi ceux qui y sont passés. Ces archives mettent en avant les erreurs du passé, qui paraissent aujourd’hui si évitables… En bref: elles dépeignent «ce beau bordel là qu’ont été les années soixante-dix au Québec», concluent les «anarchivistes».

En soufflant la poussière qui s’était installée sur ces reliques, les anarchivistes ont mis la main sur les manifestes de la contre-culture, qu’ils définissent pour nous lors de la conférence. C’est une «rupture productive et transhistorique qui rejette le mainstream» avancent-ils, qui a été influencée par l’émergence du rock aux États-Unis, mais aussi de partout où des gens se révoltaient contre le gâchis capitaliste. Ce fût l’époque où le drop out décrochage) social était commun, où l’on expliquait le fonctionnement des armes à feu révolutionnaires felquistes (militants du FLQ, Front de Libération du Québec, ndlr) dans des revues où l’on pouvait aussi trouver un tutoriel pour faire pousser sa propre marijuana. Ce sont des revues révolutionnaires telles que La Claque, Logos, ou Mainmise qui ont véhiculé cette contre-culture, et que nous avons maintenant l’occasion de feuilleter dans une vieille médiathèque à Montréal. ‑Amandine.


Contre-célébration

Nous étions le dimanche 27 avril 1975 quelque part à Montréal et une bande de jeunes organisait un marathon de poésie de musique, de 14h00 à 2h00 du matin. À la barre du micro défilèrent les poètes du futur, c’est à dire Josée Yvon, Allen Ginsberg, Denis Vanier, William Burroughs, et j’en oublie vingt-et-un — autant de héros du langage qui changèrent le visage et la voix de l’Amérique Nordique.

40 ans plus tard, samedi dernier, ils ont remis ça. Qui ça «ils»? Les poètes bien sûr, ceux de 75 et ceux d’aujourd’hui, en hommage aux anciens, c’est à dire de vassaux à seigneur, puisque la poésie n’est après tout que l’exploitation agricole d’un langage, c’est à dire d’une même terre, et que l’on plante toujours ses choux sur la parcelle d’un autre qui était là avant nous (c’est d’ailleurs l’unique explication que Zadig&Voltaire devrait faire de la phrase de Candide, «il faut cultiver son jardin»).

C’était donc à l’Escogriffe, bar sombre et obscur de la rue Saint-Denis, à droite du Quai des Brumes quand vous descendez vers Sherbrooke, merci, bienvenue, bonne soirée, toi aussi. À l’ombre d’une scène mal éclairée par des lueurs vaporeuses de Guinness, Maudite et autres bières noires, à l’ombre de la nuit, à l’ombre de la vie, à l’ombre de tout cela réuni, la parole a repris son cours impétueux. Fiat lux, et lux fuit. Catherine Lalonde d’abord, accompagnée de Shawn Cotton, pour la lecture d’un duo Josée Yvon/Denis Vanier aux accents solennels et intimes. Le ton est donné, posé, place au poème.

Pas besoin d’avoir lu Introduction à la poésie orale de Paul Zumthor pour savourer les phrases qui tombaient en grappe cette soirée-là, des bouches ivres de sang des parleurs et des parleuses du collège informel de la vie littéraire. Un trio de jazz libre était planté derrière le micro, qui servait de l’improvisation en masse pour qui désirait un petit fond sonore à mettre au pied de leurs imbuvables vers qu’ils nous forcèrent à avaler.

C’était bon, littéralement et dans tous les sens, j’aimerais en manger davantage. Plus de Raôul Duguay dans son manteau de fourrure pourpre, casque à cornes de caribou sur le chef, trompette en main, mots dans la bouche. Plus de Paul Chamberland, élégant comme un prince qui s’excuserait d’en être, nous liturgifiant sa dernière encyclique personnelle et universelle, qui recale le Laudato Si’ du père François aux dernières vulgarités. Plus de sœurs DAF endiablées de partout, louant la mort du Christ un soir d’Octobre 70 sur un air de Jean Leduc. Plus de Jean-Paul Daoust, qui reste le Christian Dior de la poésie québécoise, quoiqu’en dise les racontars, tendez les yeux vers l’étoile de Marylin, elle vous répondra que oui. Plus de Sébastien Dulude à cheval sur son Patrick Straram, dégainant le lasso de sa phrase avec l’allant d’un John Wayne partant mourir à Rio Bravo pour la première fois. Plus de Mathieu Arseneau, haletant, haleté, instoppable, instoppé, prenant François Charron en excès de vitesse et le reste de la salle avec. Plus de ça, rien contre ça, tout pour ça. – Joseph.

Luce Engérant

Culture underground

Sous le petit dôme de verre de la Médiathèque Littéraire Gaëtan Dostie, la docteure en musicologie Marie Thérèse Lefebvre a accordé les couleurs de sa chemise rétro au thème du colloque qu’elle vient présenter. «L’Underground musical au Québec dans les années 70», voilà un cadre qui  va faire défiler dans nos imaginaires une suite de noms de musiciens excentriques, poètes insolents, magazines culottés et autres ingrédients alternatifs de la contre-culture de toute une décennie. Une décennie dont l’héritage est bel et bien vivant.

La musique underground se démarque du reste de la bulle musicale de l’époque par son absence d’institutionnalisation.  Vers la fin des années 1960, tandis que la musique considérée comme overground (musique populaire ndlr) était subventionnée, enseignée et diffusée dans des émissions de radio, son obscur concurrent évoluait dans une démarche collective désordonnée, à l’ombre de toute forme d’autorité.

D’influence américaine, ce mouvement expérimental pose ses dalles sur les traces de John Cage, musicien absurde dont le «4’33’’ for piano» présente un pianiste assis, qui se prépare à entamer son morceau pendant… 4: 33 minutes.

La dimension politique des artistes de l’underground est omniprésente jusque dans les années 1970. Elle constituait une nébuleuse créative de groupes musicaux tels que le Quatuor de jazz libre dont le musicien Yves Charbonneau déclarait: «Avant d’être musicien, je suis révolutionnaire. Au lieu d’avoir une mitraillette, j’ai une trompette. Aux autres, je prêche la liberté en disant: jouez libre, vous aussi.» Cependant, peu à peu, la vigueur politique du mouvement s’est estompée pour se tourner vers une réflexion plus esthétique.

C’est cette recherche de qualité sonore qui encourage les artistes Patrick Straram et Claude Vivier à organiser l’évènement de rencontre musical: «Du Son sur Sanguinet» dont les concerts ont fait vibrer les murs de la salle Conventum, fondée en 1973 par le groupe du même nom. Même si cet événement tomba dans un vide médiatique – grève de la presse, arrêt de la revue Cucul chronique  – on pouvait lire dans la brochure de l’événement: «Une nouvelle musique indépendante, voilà ce que défendent les protagonistes du concert de ce soir. Des sons fascinants, une volonté profonde d’exprimer un univers sonore encore inconnu, l’expérience vivante de la création de nouveaux horizons pour la vie… pour le rêve.» ‑Céline.

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Medellín à Montréal https://www.delitfrancais.com/2015/10/06/medellin-a-montreal/ https://www.delitfrancais.com/2015/10/06/medellin-a-montreal/#respond Tue, 06 Oct 2015 16:46:10 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23404 Sicario: Denis Villeneuve s’incruste à la frontière mexicaine.

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Après avoir été présenté en sélection officielle au Festival International du Film de Cannes 2015, le nouveau thriller du réalisateur québécois sortait au Québec ce vendredi 2 octobre. Denis Villeneuve propose un film lourd d’action sur les cartels mexicains et leur relation avec les services de sécurité américains. Une œuvre de plus sur les trafiquants de cocaïne avec un angle de vue nord-américain qui ne permet qu’un seul aspect innovant: le rôle central d’une femme comme agent d’investigation. On suit alors l’histoire de Kate (interprétée par la charmante Emily Blunt), recrue du FBI envoyée à Ciudad Juárez pour gérer la guerre entre deux cartels.

Bien que soutenu par une solide distribution d’acteurs (Benicio Del Toro, Josh Brolin), une atmosphère constamment tendue par la violence du scénario et une précision  admirable, le film n’est pas parvenu à esquiver des allures de grosse production hollywoodienne. Cela explique certainement pourquoi le long-métrage est reparti bredouille de Cannes. Qualifié du «film le plus accompli de Denis Villeneuve sur le plan technique» par La Presse, Sicario laisse cependant Télérama dubitatif: «avait-on vraiment besoin d’un film de plus sur les cartels mexicains?».

Il semble que Denis Villeneuve ait tenté de justifier son choix thématique par un équilibre entre des scènes violentes saturées par une tension lancinante et des scènes de conflit psychologique marquées par les dilemmes moraux et éthiques des agents américains, surtout incarnés par Kate, la femme forte mais sensible, flic innocente au milieu des pourris. Pour nous toucher, le réalisateur a eu raison d’inclure, tout au long du film, des plans qui montrent le quotidien d’une famille de Ciudad Juárez dont le père est policier et la mère inquiète toute la journée. Leur jeune fils baigne dans une atmosphère de violence perpétuelle. Il trouve un jour le revolver de son père, qui le lui reprend immédiatement. C’est l’annonce que la vie du fils sera la même que celle du père: impregnée de la guerre des cartels, du sang versé par le trafic de drogue et finalement de la méfiance envers les Américains. Le plan qui clôt le film est un tableau qui dépeint le petit Mexicain en train de jouer au football sous un tonnerre lointain de fusillades. L’immersion dans la guerre des cartels est totale dans ces plans de vie journalière, plus qu’elle ne l’est lors les scènes d’intervention sensationalistes du FBI.

Richard Foreman

Le rôle du FBI, d’ailleurs, est entaché par la corruption, la manipulation pour que la guerre des cartels mexicains tourne à son avantage. On comprend vite que les services américains ne sont pas présents au Mexique pour faire cesser la violence, mais pour contrôler l’état de l’économie illégale. Mieux vaut le bon vieux monopole sous l’emprise d’un seul cartel plutôt que le chaos d’une guerre civile entre deux monstres.

Le jeu de Benicio Del Toro dans le maintien du suspens et de la tension est remarquable, bien meilleur que celui de Josh Brolin. Tout au long du film, mais en particulier lors d’une scène de filature en pleine autoroute bondée, le calme ressemble à du cristal qui menace de rompre en éclats au moindre coup de feu. Les voitures roulent au pas, le 4x4 blindé du FBI quelques mètres à la droite du véhicule rempli de sicarios (main d’oeuvre des cartels), leurs regards se croisent plusieurs fois puis les yeux de l’un des agents se posent sur l’arme mal dissimulée d’un Mexicain: feu d’artifice!

Somme toute, Denis Villeneuve a su enchaîner les explosions sans les rendre (trop) insupportables au public bien assis dans son fauteuil. C’est un thriller sans plus, et en même temps une œuvre marquante par sa rigueur formelle. On y entre sceptique et en ressort touché. 

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Sous les platines de Kaytranada https://www.delitfrancais.com/2015/09/19/sous-les-platines-de-kaytranada/ https://www.delitfrancais.com/2015/09/19/sous-les-platines-de-kaytranada/#respond Sat, 19 Sep 2015 20:43:25 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23001 La secousse Hippie Hip Hop fait vibrer la SAT.

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À l’occasion du festival PoP Montréal, série d’évènements organisés dans différents quartiers de la ville entre le 16 et le 20 septembre, l’artiste Kaytranada a offert un spectacle ébouillanté ce samedi 17 septembre, à la Société des Arts Technologiques. Précédé en première partie par les disc-jockey Gravez et Planet Giza, Kaytranada s’est fait attendre, sautant sur scène quelques minutes après 1h30 du matin, près à séduire le public avec des compilations déjantées.

Après une tournée intense en Europe, en Australie et en Amérique du Nord, l’artiste est de retour dans sa ville d’adoption, pour faire danser la foule au rythme vibrant de ses compilations funk-électro-rap ou «hippy hip hop», comme il les décrit lui-même. Originaire d’Haïti, le musicien a débuté sa carrière à Montréal lorsqu’il commença a mixer des sons du haut des ses 14 ans. Initié aux bases du métier de disc-jockey par son frère, Kaytranada a réussi à créer son propre style plaisant, délirant et dansant. La vidéo «At All» (2013) a eu un succès crucial pour l’artiste, le propulsant sur la scène internationale et lui donnant l’image d’un artiste polyvalent alliant le monde de la danse et le hip-hop en passant par le RnB.

Excellent danseur, en plein concert le musicien a enchaîné quelques pas désarticulés parfaitement en rythme avec ses créations, qui lui donnaient un air possédé, comme lors d’un rituel tant le rythme semblait sortir du corps de l’artiste. Certainement la danse fait partie de son rituel. La foule était également en mouvement perpétuel, transportée par les battements électroniques et la voix transcendante du jeune talent.

En représentation à Toronto le soir suivant, Kaytranada poursuit sa tournée et confirme sa position comme l’un des producteurs les plus importants du moment.

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Les maux du monde https://www.delitfrancais.com/2015/09/15/les-maux-du-monde/ https://www.delitfrancais.com/2015/09/15/les-maux-du-monde/#respond Tue, 15 Sep 2015 21:14:44 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=22970 Le marché Bonsecours accueille la dixième édition du World Press Photo.

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Emblème de la rentrée montréalaise, l’exposition annuelle World Press Photo offre, du 26 août au 27 septembre 2015, une fenêtre sur le monde. Qualifié par Le Devoir d’«électrochoc photographique», l’événement présente les photographies gagnantes de l’une des plus prestigieuses compétitions professionnelles au monde. Cette tradition a débuté  en 1955 à Amsterdam et on la compare aujourd’hui aux Oscars de la photo. Ce sont donc parmi 98 000 photographies soumises au jury par  5800 photographes venus de 130 pays que 150 photos gagnantes sont sélectionnées pour être exposées dans des centaines de villes et couper le souffle de ses milliers de visiteurs.

L’exposition frappe le visiteur de plein fouet parce qu’elle démontre des réalités qui semblent lointaines lorsqu’on entend parler aux actualités, mais qui deviennent soudain douloureusement proches quand on se tient devant une photographie. Le visiteur prend une claque, par exemple, lorsqu’il se retrouve planté devant une série sur les populations victimes du virus Ebola en 2014, œuvre qui valut au reporter Pete Muller le 1er Prix Reportages dans la catégorie «Information Générale».

Le visiteur est également subjugué par la série de clichés, signée Jérôme Severini qui  démontre les débris du vol MH70 tombés sur des maisons, détruisant le toît de certains habitants désolés. Les explications qui accompagnent les images font froid dans le dos. On imagine alors un corps toujours attaché à son siège tomber du ciel et atterrir dans sa cuisine. On avait entendu parler de ces épisodes choquants à la télévision pendant deux minutes tous les jours, puis les médias eurent d’autres chats à fouetter. Aujourd’hui, le spectateur montréalais prend son temps pour regarder la photo qui exprime parfaitement la misère de quelqu’un qui a perdu sa maison. Plus loin, une explosion géante immortalisée par l’objectif de Bulent Kilic pour l’Agence France Presse donne elle aussi des frissons. C’est l’épisode terrorisant de la prise de Kobané par les soldats islamistes, à la frontière turque. On se demande ce que faisait ce photographe inconscient si près de l’explosion. Et pendant quelques minutes, on a l’impression d’être à la place du photographe, témoin impuissant de la violence humaine. On est là pour faire un constat.

Grâce au cliché du photographe chinois Ronghui Chen, récompensé du 2e prix «Photos Isolées» en Sujets Contemporains, le public se retrouve face à face avec un travailleur chinois entouré de fumée rougeâtre et protégeant ses cheveux avec un bonnet de Noël. Il fabrique des décorations de Noël mais, d’après le commentaire, l’homme ne sait pas vraiment ce qu’est Noël. Son regard droit croise alors celui du Montréalais, qui se sent piqué d’une pointe de culpabilité. On se dirige alors vers la photo suivante. Le joueur de footbal Lionel Messi fixe la coupe dorée qu’il ne gagna pas l’année dernière dans le cliché de Bao Tailiang, qui remporte le 1er prix «Photos Isolées» pour les Sports.

Le 3e Prix des Projets à long terme est accordé au photographe chinois Lu Guang pour son enquête sur le développement et l’environnement en Chine. Une photo d’un homme en train d’enterrer un bébe dans un champ grisâtre et vide arrête le visiteur. Que peut-on ressentir d’autre que de la désolation quand on est témoin d’une telle scène alors qu’on en est pourtant si loin? On est mal à l’aise.

On est ensuite révolté par l’exposition annexe organisée par l’Oxfam-Québec à l’étage supérieur: débris au Népal immortalisés par Pascal Rousseau, ou encore la pauvreté et les inégalités sociales aux États-Unis mises en évidence par le reportage urbain de Tamy Emma Pepin. Pour finir, une exposition adjacente nommée Deadline par Will Steacy prévoit la fin de la presse écrite.

L’étudiant mcgillois qui assiste au World Press Photo en sort révolté et ambitieux de changer le monde qui va si mal. On a mal au cœur parce que l’on ne peut pas soigner tous les maux du monde. Pourtant la qualité spectaculaire des clichés et la mise en scène agréable et fluide de l’exposition sont inspirantes. Elle donnent envie de dénoncer.

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Le sexe des femmes https://www.delitfrancais.com/2015/03/31/le-sexe-des-femmes/ https://www.delitfrancais.com/2015/03/31/le-sexe-des-femmes/#respond Tue, 31 Mar 2015 18:55:27 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=22829 LOVE ME, Love My Doll remet en question les mythes de la féminité fantasmée.

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Les chercheuses féministes ont observé une sexualisation de la culture (Gill, 2007), typique du post-féminisme depuis les années 1990. L’exposition LOVE ME, Love My Doll exploite et dénonce cette standardisation des comportements et la création sociale du mythe d’une féminité fantasmée, définie par le plaisir de consommation. La Centrale, centre féministe fondé en 1974, expose la série de peintures de la jeune artiste Gabrielle Lajoie-Bergeron jusqu’au 10 avril.

Volontairement provocantes, les peintures de l’artiste interrogent la mince frontière entre la jeune fille et la femme, entre sujet et objet sexuel. Le titre de l’exposition est aussi le titre d’un documentaire de Nick Holt diffusé par la BBC en 2007 qui raconte les histoires d’hommes qui tombent amoureux de poupées de taille humaine. Dans une vidéo mise à disposition des visiteurs de l’exposition, l’artiste explique qu’après avoir vu ce documentaire, elle a souhaité réagir et exprimer la dualité qui existe entre l’épanouissement sexuel par lequel passe une jeune fille et l’objectification ou la domination sexuelle qu’une femme subit, que ce soit dans sa représentation médiatique ou dans la réalité.

La série LOVE ME, Love My Doll propose une représentation surprenante et déconcertante de jeunes filles entre l’innocence et la provocation. Cette image du corps féminin est soumise au regard du visiteur, qui perçoit une étroite limite entre l’objectification de la femme et la liberté de la jeune fille. La femme-objet est peinte comme une poupée prête à l’emploi tandis que la jeune fille épanouie maintient un regard perçant et défiant qui assure une indépendance et qui rend à la femme le contrôle de son corps. La dualité entre la domination et la liberté, l’innocence et l’objectification sexuelle, est flagrante dans la peinture d’une jeune fille blonde vêtue d’un juste-au-corps de gymnaste rose et blanc, à cheval sur un chevalet. Son corps est dévoué à la gymnastique, ce qui lui donne un air innocent et libre. Pourtant, la bouche de la jeune fille est peinte toute ronde, grande ouverte et vide, rappelant la bouche des poupées gonflables et donc l’objectification sexuelle. Comme un symbole de la sexualité féminine, un fruit peint quelques centimètres sous l’entre-jambe de la jeune fille vient rappeler la position sexuée de celle-ci.

Sur le mur d’en face on voit une femme, assise sur le sol, les yeux noirs, vides, l’air inerte et la bouche grande ouverte. C’est une poupée posée, dans une chambre, par son propriétaire. Sur le tableau suivant, une femme brune se tient debout, une cigarette à la main, les seins à l’air et le regard droit. Elle contrôle sa sexualité et semble défier quiconque oserait remettre son pouvoir en question.

Plus perturbant, un tableau plus petit représente le sexe féminin et les jambes d’une femme dont on ignore si elle est de chair ou de plastique. Le tableau métonymique n’indique que son sexe, et met en avant la réduction de la femme à son organe génital. Cette peinture, à la différence de L’origine du monde, célèbre tableau de Gustave Courbet (1866), ne représente pas le consentement mais plutôt la domination, car le sujet est représenté de dos.

C’est une idée provocante que la peintre a souhaité exposer. Elle dérange. Elle fait remarquer que l’on est habitué à une sexualisation de la culture qui chevauche cette limite très fine entre les différentes fonctions du corps féminin. Pour fil conducteur, l’exposition pose la question de la domination. Qui domine le corps de cette jeune fille? Qui domine sa sexualité? La réponse se trouve dans les yeux, la bouche, les symboles et autres indicateurs subtilement placés par l’artiste à l’intérieur de chaque tableau. La femme est-elle une poupée, une jeune fille ou simplement une femme épanouie et maîtresse de sa propre sexualité?

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L’art de transformer https://www.delitfrancais.com/2015/03/31/lart-de-transformer/ https://www.delitfrancais.com/2015/03/31/lart-de-transformer/#respond Tue, 31 Mar 2015 18:51:44 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=22821 Le MAC expose les œuvres de Simon Starling.

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Faut-il définir l’art comme une production esthétique ou technique, comme la recherche de beauté ou comme une construction méthodique? C’est avant tout le travail, le pouvoir de transformer et le charme poétique de la métamorphose que fait ressortir l’exposition Métamorphologie au Musée d’art contemporain de Montréal. Jusqu’au 10 mai 2015, le musée met à l’honneur les œuvres de Simon Starling, artiste anglais audacieux récompensé du prestigieux Prix Turner en 2005. L’artiste, né au Royaume-Uni en 1967, a étudié à la Glasgow School of Art, et vit désormais à Copenhague.

Sous le commissariat de Dieter Roelstraete du Museum of Contemporary Art de Chicago, Métamorphologie expose les outils des économies de production, de reproduction et de circulation des ressources, de l’énergie, des images et de la matière, en représentant la pierre, le calcaire, le marbre, le platine, l’argent, l’acier et le bois, qui sont au cœur de la démarche de Simon Starling. Photographies, sculptures, installations et images en mouvements sont présentées dans quatre salles successives afin de célébrer le travail de l’artiste, qui repose principalement sur la recherche et l’observation minutieuse de ce qui l’entoure. Il s’inspire de grandes figures de l’histoire de l’art du début du XXe siècle comme Henry Moore, Constantin Brâncuzi ou Marcel Duchamp, dont certaines œuvres sont aussi exposées.

Pour commencer, sont proposées cinq photographies d’une mine de platine Sud-Africaine, œuvre intitulée Une Tonne II. L’intérêt des épreuves se trouve dans le contraste entre la légèreté de la surface riche en platine tirée à la main et la complexité de l’ingénierie dont l’œuvre résulte. Le contraste apparaît également entre l’échelle colossale de la mine et la structure chimique délicate du procédé de tirage photographique ancien. Il est surprenant de trouver de la poésie dans la représentation d’une mine, et c’est ce charme intrigant qui attire l’œil curieux du visiteur. L’exposition se poursuit avec une série de trente-huit diapositives couleur qui représentent l’activité de bricolage sur une barque en pleine mer. La série porte le titre compliqué d’Autoxylopyrocycloboros (2006), dérivé du mot grec ouroboros, désignant le mythique serpent de l’alchimie qui se mord la queue, et inspire un sentiment d’autodestruction que s’inflige sans fin une société d’humains bricoleurs.

La salle maîtresse de l’exposition est composée d’installations et de sculptures surprenantes. Un projecteur montre le fonctionnement de la première calculatrice électromagnétique programmable, une voiture est suspendue sur un mur vertical, une sculpture représente un homme coupé en deux, puis il y a une photographie d’une roue de vélo déformée dans un atelier. Ce qui impressionne finalement dans cette immense salle, ce sont les matériaux bruts. Deux énormes blocs de marbre sont accrochés au plafond et pendent, immobiles. Plus loin, Bird In Space 2004, une plaque d’acier de deux tonnes produite en Roumanie est massivement posée contre un mur. Le réalisme frappant de ces œuvres rend compte des évolutions et des changements au niveau du transport des matériaux et des taxes à l’importation, faisant notamment référence à la hausse de la taxe sur l’acier importé imposée par George W. Bush en 2004.

Métamorphologie raconte l’histoire de l’art du XXe siècle, mais plus généralement celle des courant géopolitiques et socioéconomiques structurant le discours de l’art. L’exposition retrace l’histoire archéologique et anthropologique de ces matériaux transformés par l’homme dans son processus capitaliste d’exploitation. Réflexion sur le commerce mondial, Métamorphologie rappelle que l’art, c’est aussi une histoire de matériaux et d’argent.

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Le mythe du Feministan https://www.delitfrancais.com/2015/03/24/le-mythe-du-feministan/ https://www.delitfrancais.com/2015/03/24/le-mythe-du-feministan/#respond Tue, 24 Mar 2015 17:32:57 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=22712 La parité n’est toujours pas respectée en 2015.

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Deux semaines après la Journée internationale de la femme, il est temps d’examiner les inégalités sexuelles qui persistent sur le marché du travail québécois, et chez les politiques. En matière d’égalité des sexes, le Québec est la dernière province canadienne à avoir accordé le droit de vote aux femmes (en 1940), et aujourd’hui encore, la Belle Province peine à dépasser la barre des 30% de femmes, que ce soit en affaires ou en politique.

La Gazette des femmes publiait le 9 février un article dans lequel Chantal Maillé  comparait le cercle de personnes influentes du Québec au début de cette année 2015 à un boys club. Cette professeure de science politique et spécialiste en études des femmes à l’Université Concordia soutient que la parité ne semble pas être une priorité du gouvernement Couillard. Elle explique qu’il n’y a pas d’engagement ferme de la part des partis politiques pour atteindre la parité. «Avec Jean Charest, il y avait autant de femmes ministres que d’hommes, mais aujourd’hui, il existe un déficit de femmes ministres», déclare-t-elle. Même sous l’ère de Pauline Marois, «l’exemple de le femme qui a réussi, qui a brisé un plafond de verre pour cette génération de femmes», le conseil des ministres n’a jamais atteint la parité. Aujourd’hui, d’après un article de Marie Lachance publié dans la Gazette des femmes (9 février 2015), au Québec, les femmes représentent 17% des maires, 32% des conseillers municipaux et 27% des députés. Pour ce qui est des femmes autochtones, la Loi sur les Indiens a changé la donne en conférant plus de pouvoir aux hommes. D’après un article de Mélissa Guillemette (Gazette des femmes, 6 février 2015), 34% des élus aux 40 Conseils de Bande du Québec, qui exercent le pouvoir local, sont des femmes. La représentation des femmes en politique est donc loin d’être égale à celle des hommes. De sa 27e position au rang mondial en 2012 pour la proportion de femmes dans les parlements nationaux, le Québec est passé à la 48e place en 2014.

En affaires, selon une étude de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) (publiée en mars 2014 par Maude Boulet), le Québec n’a pas encore atteint la parité salariale, même si les femmes travaillant à temps plein y sont moins désavantagées par rapport aux hommes que l’ensemble des canadiennes, et ce sur toute la période de 1997 à 2012. Même si l’écart s’est rétréci dans les quinze dernières années, en 2012, dans la même profession, les femmes étaient toujours rémunérées en moyenne 10% de moins que les hommes. L’étude avance également que les femmes ont tendance à travailler moins d’heures et à être moins représentées dans les plus hautes sphères des entreprises. D’après Lilia Goldfarb, directrice du développement et des programmes au Y des femmes, une association de soutien pour les femmes à Montréal qui existe depuis 1875, les jeunes femmes qui sont entrées sur le marché du travail après leurs études dans les dernières années sont les moins touchées par les inégalités salariales. Elle ajoute que le Conseil du statut de la femme (CSF), censé faire avancer les choses, n’évolue pas dans un contexte facile, manque de financement, et donc ne fait pas un travail suffisant. Récemment, les dysfonctionnements du CSF ont poussé l’avocate Julie Latour à démissionner du Conseil. Elle dénonçait au journal Le Devoir (13 mars 2015) l’«asphyxie matérielle» et le «musèlement intellectuel» au sein de l’organisme, censé promouvoir les droits des Québécoises. L’avocate reprochait notamment au CSF d’avoir pris position en faveur de la loi 20 sans consulter ses membres, une loi qui manque de défendre les femmes médecins. Elle accusait ainsi le Conseil de cautionner un retour en arrière de la société québécoise, soixante-quinze ans après l’obtention du droit de vote pour les Québécoises. Le gouvernement encourage pourtant l’entrepreneuriat féminin, qui a plus que doublé dans les vingt dernières années, d’après le budget provincial pour 2014 et 2015 publié en juin 2014 par la Banque Nationale. Par le réseau Femmessor, le ministère des Finances et de l’Économie du Québec accorde un fonds central d’investissement d’un milliard cent-cinquante millions de dollars afin de soutenir les entreprises dirigées par des femmes.

Par ailleurs, la proportion de femmes dans l’éducation supérieure québécoise est en hausse. À l’Université McGill, dirigée par une femme, Suzanne Fortier, la seule faculté qui se trouve loin de la parité est la Faculté de génie, composée aux trois quarts d’hommes et un quart de femmes. Stéphanie Breton, l’ancienne présidente de l’association Promoting Opportunities For Women in Engineering [Encourager les opportunités pour les femmes en génie, ndlr] explique que le problème d’inégalité vient d’abord des mentalités. «Lorsqu’on intervient dans des écoles secondaires pour promouvoir les études de génie, on rencontre souvent des jeunes filles qui n’auraient jamais envisagé de devenir ingénieure, parce qu’on imagine toujours que ce secteur est réservé aux hommes. Une fois à McGill, l’inégalité n’est pas dérangeante», raconte-t-elle. Dans les livres de théorie mécanique ou de dynamique, les problèmes représentent quasiment toujours des hommes avec des casques ou des outils, puis des femmes avec des ballons. D’après l’ISQ, sur le marché du travail actuel, les professions en génie montrent un taux de présence féminine de 17%. Selon Stéphanie Breton, il existe une ségrégation dans les entreprises où les employés sont plus âgés (on lui a déjà demandé lors d’un stage si elle était là grâce à son père) alors que cette ségrégation se ressent moins dans les entreprises où la moyenne d’âge ne dépasse pas les 30 ans. «C’est en train de changer petit à petit», souligne-t-elle, notamment puisque la présidente de la Engineering Undergraduate Society [Association des étudiants de premier cycle en génie, ndlr] sera en 2015, pour la première fois, une femme. Dans les autres facultés, la répartition entre les femmes et les hommes parmi les élèves est proche de la parité. Il y avait, au dernier semestre, 58% de femmes inscrites pour 42% d’hommes en premier cycle. Cependant, alors que les femmes sont plus nombreuses en premier cycle et en maitrise, la tendance s’inverse au doctorat. Les hommes pousseraient plus loin leurs études.

Au Québec, les femmes ont donc encore du travail pour atteindre la parité. Que ce soit en politique ou en affaires, bien que leur participation soit en hausse, elles ne sont toujours pas justement représentées. L’absence de quotas en politique en est certainement une explication.

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Leçon pour une voix d’ange https://www.delitfrancais.com/2015/03/24/lecon-pour-une-voix-dange/ https://www.delitfrancais.com/2015/03/24/lecon-pour-une-voix-dange/#respond Tue, 24 Mar 2015 16:40:45 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=22686 La Leçon met en vedette Dustin Hoffman comme mentor d’un jeune prodige.

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Après avoir été présenté en première mondiale au Festival international du film de Toronto (TIFF) en septembre dernier, le film La Leçon prendra l’affiche au Québec le 27 mars prochain. Dernière œuvre du réalisateur québécois François Girard, qui avait déjà fait parler de lui avec Le Violon rouge (1998), ce film est une leçon de morale mettant en vedette Dustin Hoffman et Kathy Bates dans les rôles de mentors du jeune garçon turbulent mais prodige interprété par Garrett Wareing.

Leçon de morale

C’est l’histoire de Stet, onze ans, au Texas, dont la mère alcoolique meurt d’un accident de voiture et dont le père ne s’est jamais occupé autrement qu’en envoyant des chèques. L’enfant est doté d’une voix angélique et d’un talent musical exceptionnel, ce qui représentera son seul espoir de réussir. Il rencontre son père, riche et remarié, pour la première fois à l’enterrement de sa mère, puis se retrouve à auditionner pour être élève de la prestigieuse école National Boychoir. Manquant de volonté et d’entraînement, Stet n’est pas accepté et devient élève de l’école grâce à un chèque convaincant de son père, qui cherche à tout prix à se débarrasser de lui pour éviter que sa famille ne découvre son existence. Commence alors la leçon: leçon de musique, à travers chaque cours de solfège, mais surtout la leçon de vie, à travers la réussite par le travail acharné et l’encouragement des professeurs. L’enfant devient le meilleur soliste et obtient l’honneur de faire des tournées avec les meilleurs élèves de l’école. Les professeurs posent alors la réputation de l’école sur les épaules du jeune soprano lorsqu’ils lui demandent d’atteindre la plus haute note, «the high D», réussite suprême de Stet – qui marque la conclusion de sa leçon. Tous ses excès de comportement sont excusés et la fin est heureuse.

Clichés vides

Le scénario, signé Ben Ripley, multiplie les clichés et manque profondément d’originalité. Il semble que, pour mieux faire passer son message moraliste, il lui a fallu employer un schéma relationnel ultra-habituel: aucun mystère n’est entretenu et il est facile de tout deviner. Parmi ce que l’on pouvait souhaiter de pire à un enfant, le scénariste a pioché les problèmes de discipline, la mère alcoolique, la mort de celle-ci et finalement, le père absent, afin de lancer le film dans un registre pathétique et n’en marquer que plus clairement l’évolution du garçon. Pour démontrer que la persévérance récompense, le père accepte finalement de présenter son fils à sa famille, certainement après d’insupportables remords assez mal interprétés par l’acteur Josh Lucas. Stet doit aussi affronter le mauvais accueil de ses camarades choristes et la compétition avec Devon (Joe West), la vedette des sopranos. Tout au long du film, les deux solistes se disputent la reconnaissance de leurs mentors. Évidemment, tout est bien qui finit bien et Stet l’emporte. Dustin Hoffman interprète justement le mentor strict, au passé douloureux, et on devine immédiatement qu’il est devenu professeur après avoir raté son rêve de devenir un grand pianiste. Bienveillant, mais torturé par la frustration, le professeur est censé représenter la morale qui défend le travail sérieux et condamne la turbulence. À l’exception de Stet, les personnages, assez vides, sont de vrais stéréotypes, ce qui porterait à croire que le film est destiné à des enfants de huit à treize ans à qui le réalisateur tente de donner une leçon.

Voix angéliques

Ce qui rend malgré tout le film touchant ce sont les voix angéliques des choristes. Passionné par la musique et le cinéma, le réalisateur est un habitué des œuvres centrées sur la musique. Dans La Leçon, il met en scène les choristes de façon admirable et réussit à impressionner le public par l’harmonie et la précision artistique des chants. Ils apparaissent en premier lieu dans le gymnase de l’école de Stet, au Texas, et les voix de sopranos des jeunes garçons sont palpitantes, à en couper le souffle. La scène de chant la plus touchante se déroule dans la chapelle de l’internat, lorsque le mentor Carvelle (Dustin Hoffman) fait chanter les garçons en cercle autour de lui et obtient une harmonie aigüe parfaite et pénétrante. Le film permet aussi de faire découvrir le talent du jeune Garrett Wareing, qui joue le rôle principal et dont la voix est la clé du film. L’acteur passionné d’art, particulièrement de sculpture et de peinture, n’avait jamais chanté devant une caméra avant de tourner La Leçon. Le jeune acteur explique en entrevue avec Bonnie Laufer Krebs qu’il a souhaité exprimer ce que beaucoup d’enfants qui se trouvent dans une situation comme celle de Stet pouvaient ressentir. «J’ai travaillé dur pour que ma voix soit à la hauteur… ces garçons de chorale donnent vie à tant de beauté, cela m’a inspiré!» Dans la même entrevue, François Girard explique que «la musique est un langage puissant pour se connecter avec le spectateur, c’est une arme puissante pour les atteindre». C’est en effet seulement grâce à la beauté touchante du chant que le film fait passer des émotions.

Film à savourer en famille, La Leçon est satisfaisant et raconte l’histoire inspirante d’un garçon qui, ayant été mis à genoux par la vie et par ses camarades, va, grâce à ses mentors, devenir heureux par le travail et l’endurance. C’est l’équivalent, en version chant, de Karaté Kid, une leçon de vie par le sport, fabriquée selon les mêmes schémas.

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Des classiques pour la justice sociale https://www.delitfrancais.com/2015/03/17/des-classiques-pour-la-justice-sociale/ https://www.delitfrancais.com/2015/03/17/des-classiques-pour-la-justice-sociale/#respond Tue, 17 Mar 2015 16:43:20 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=22654 L’OSA joue Mozart et Beethoven pour promouvoir l’alphabétisation des Québécois.

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Le concert l’ABC de la Musique, c’est la musique classique qui s’engage pour lutter contre les inégalités sociales et l’éducation. Mercredi 11 mars, la Grande Bibliothèque (BAnQ) a prêté son grand Auditorium à la Fondation québécoise pour l’alphabétisation (FQA) et à l’Orchestre Symphonique de l’Agora (OSA), qui se sont associés pour défendre la cause de l’alphabétisation au Québec. En jouant une symphonie concertante de Mozart et la symphonie Eroica de Beethoven, l’OSA a choisi des valeurs sûres pour amasser des fonds.

Devant une salle remplie de moitié, les jeunes musiciens de l’OSA s’installent tranquillement sur la scène, puis un hôte introduit Salomé Corbo, la présidente d’honneur du concert et porte-parole du programme pour l’alphabétisation, qui explique l’envergure de sa cause au Québec: plus d’un million de Québécois peineraient à lire. La Fondation québécoise pour l’alphabétisation, fondée en 1990, cherche à promouvoir l’alphabétisation chez les adultes en distribuant des livres et en favorisant leur retour en formation. D’une façon poétique et quelque peu surfaite, la porte-parole dénonce les inégalités dont elle est témoin dans son travail avant de faire l’éloge de la lecture. «Ils ne peuvent pas lire leurs feuilles d’impôts, leurs contrats d’assurance, ou même une simple lettre d’amour», déplore Mme Corbo. Après sa longue introduction, Mme Corbo rend la scène à l’orchestre et surtout à Nicolas Ellis, jeune chef d’orchestre et pianiste, diplômé de McGill. Âgé d’une vingtaine d’années seulement, il est aussi le directeur artistique et le fondateur de l’OSA, qui est le premier orchestre du Canada à jumeler la musique classique et l’économie sociale. En effet, créé en 2011, l’OSA est un organisme à but non lucratif dont les concerts visent à amasser des fonds pour différentes causes humanitaires, environnementales ou sociales.

Intimité coquine avec Mozart

Le chef d’orchestre s’installe au clavecin et entame le premier mouvement de la symphonie concertante en mi bémol majeur K. 364 de Mozart. Écrit entre 1777 et 1779, ce chef‑d’œuvre de Mozart entre symphonie et concerto met en vedette deux solistes, rappelant le concerto grosso baroque. Sur trois mouvements, Allegro Maestoso, Andante puis Presto, pièce est jouée par vingt musiciens, joints par deux solistes et le chef d’orchestre au clavecin. Les deux solistes, Patrice Calixte au violon et Mathilde Bernard à l’alto (elle moins à l’aise que lui), se prêtent habilement à un jeu coquin aux résonances aiguës et au tempo enjoué en mariant le timbre du violon à celui de l’alto, notamment dans le lyrisme du second mouvement.

Cette symphonie laisse entendre certains traits stylistiques de la symphonie concertante viennoise, conservant la structure tripartite classique. Elle joue sur l’équilibre entre l’intimité et la grandeur que l’OSA a su trouver. Les solistes se font une bise après avoir fini leur délicat duo. Entracte.

Frissons chez Beethoven

Après une pause, la troisième symphonie de Ludwig van Beethoven est introduite avec un peu d’histoire. Nicolas Ellis explique que la symphonie Eroica a été écrite entre 1803 et 1804, dans un contexte militaire tendu, entre batailles franco-prusses, une admiration de Beethoven pour Napoléon et une Europe anxieuse. Salomé Corbo se donne un grand plaisir à lire, d’abord, des extraits d’une lettre de Beethoven, furieux à la nouvelle de l’auto-couronnement du Premier Consul. Elle raconte que Beethoven, désillusionné par Napoléon, a déchiré la première page de sa symphonie en criant qu’il ne serait qu’un «tyran comme les autres!» La page dut être recopiée et dédiée à quelqu’un d’autre. Ensuite, Mme Corbo enchaine avec une lettre de Ferdinand Ries, élève de Beethoven, qui dénonce les tensions politiques et les temps difficiles dans lesquels la symphonie Eroica est jouée chez les aristocrates. Colossale et tonnante, la symphonie marque un tournant et entame l’ère romantique. Elle évoque la lutte et la solution héroïque d’un conflit harmonique. À l’image de Napoléon, à qui Beethoven avait initialement dédicacé la symphonie, le chef d’orchestre dirige son orchestre comme on dirigerait une armée dans la bataille. Deux accords brefs et théâtraux en mi bémol majeur introduisent l’œuvre, avant la première exposition du thème principal «héroïque» aux violoncelles puis aux violons. Le deuxième mouvement est une marche funèbre qui rappelle les temps durs mentionnés dans la lettre lue par Salomé Corbo. Avec précision, malice et force, le chef d’orchestre assigne, entres autres, aux violons, aux altos, aux flûtes et aux clarinettes d’attaquer de front alors que les contrebasses et les cors suivent le rang, avec puissance. Au fond, les timbales tonnent sous la poigne d’un batteur hip, apprêté d’un costume noir et blanc et d’un chignon. Vibrante et grandiose, la symphonie Eroica achève les musiciens en trois mouvements, dont le dernier est d’une telle force qu’il supplante l’importance du premier. Leur performance donne des frissons. Après un peu moins de deux heures de représentation, sous les applaudissements et quelques «Bravo!», le chef d’orchestre salue le public, sort puis revient, remercie l’orchestre et s’en va.

Tous les dons seront versés au profit de la Fondation québécoise pour l’alphabétisation. Et Salomé Corbo de préciser qu’elle rêve que la FQA n’existe plus et que l’on n’ait plus besoin de son aide et que tout le monde sache lire. La porte-parole idéaliste remercie tout de même le public de donateurs, puis tout le monde s’en va. L’OSA s’engagera pour de nouvelles causes, et il est fortement conseillé d’aller le voir.

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