Capucine Valton - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/capucine-valton/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Mon, 02 Dec 2024 23:06:05 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.1 Rendez-vous en planète inconnue https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/rendez-vous-en-planete-inconnue/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56701 Peut-on envisager un futur « chez nous » dans l’espace?

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Ce lundi 18 novembre, The Exploration Company (TEC), société spatiale franco-allemande, a annoncé le montant du financement accordé au développement du service de transport cargo européen à destination de la Station Spatiale Internationale (SSI). La levée de fond de 150 millions d’euros est avant tout stratégique pour l’Europe, qui n’a pas de module lui permettant d’accéder à l’ISS en toute autonomie, contrairement à ses homologues américains, russes et chinois, qui disposent respectivement des capsules Dragon, Soyouz et Shenzhou. Le vaisseau spatial financé, nommé Nyx Earth, est supposé être opérationnel en 2028.

Une compétition spatiale modérément impactée

Avec ce projet, les Européens ont pour but de s’affranchir de leur dépendance vis-à-vis des Américains, ce qui implique une certaine hausse de la compétition spatiale, notamment sur le marché des vaisseaux spatiaux. Cependant, cette menace pour les acteurs spatiaux est limitée, puisque comme l’affirme Upasana Dasgupta, professeure spécialisée dans le droit de l’espace et membre de l’Institut de droit aérien et spatial de McGill, l’Europe est moins efficace en ce qui concerne lesprisesdedécision:« Il y a un certain push and pull (pousser-tirer) qui se déroule entre les pays Européens, et certains disent que le marché Européen est très fragmenté. À moins que cette fragmentation disparaisse, ils ne peuvent pas concurrencer au même niveau que les Américains, (tdlr). »

De plus, les objectifs poursuivis par les puissances spatiales sont différents : « Le marché spatial Européen se concentre sur des activités très niches, notamment la durabilité spatiale », souligne Prof. Dasgupta. Les acteurs du projet Nyx Earth ont en effet pour but de concevoir un vaisseau spatial entièrement réutilisable, une mission en accord avec leurs activités tournées vers la protection environnementale spatiale. L’engin disposerait d’un bras articulé dont le but serait de nettoyer l’espace des débris qui l’encombrent actuellement.

Pour ces raisons, la « menace » européenne sur le marché spatial est faible : « les Européens ne peuvent pas grandir de manière exponentielle comme les États-Unis », affirme Prof. Dasgupta. « Ils en ont les capacités et le talent, mais ils n’ont pas l’argent ni l’efficacité. »

Une exploration critiquée et risquée

Encourager la compétition spatiale reste sujet aux débats, notamment en ce qui concerne la question des débris spatiaux : « Depuis que Spoutnik est allé dans l’espace, les pays ont négligemment laissé les parties des fusées dans la “litière” spatiale », explique Prof. Dasgupta. « Si on laisse de tels débris, ils vont entrer en collision et créer davantage de débris qui ont plus de chances de toucher des objets spatiaux opérationnels et les rendre inutilisables. »

L’absence de précisions dans les traités internationaux, qui sont les principaux régulateurs des activités spatiales, s’ajoute au problème. Le Traité de l’Espace, qui réunit plus de 112 signataires, définit la plupart des lois concernant la gouvernance spatiale sur les corps célestes, comme la Lune, mais reste vague en ce qui concerne le reste de l’espace. Prof. Dasgupta souligne notamment l’ambiguïté de l’Article 4 : « Il explique que l’on ne peut pas placer des armes conventionnelles sur la Lune et tous les autres corps célestes. Mais l’article ne dit rien à propos du reste de l’espace, et certains pays ont donc testé leurs armes pour détruire les satellites défaillants, ce qui crée des débris. »

Il y a des guerres en 2024, on se bat encore pour des territoires, donc comment peut-on être prêt pour réunir l’humanité dans cette aventure unificatrice?

En ce qui concerne l’exploration sur Mars, Dr Richard Léveillé, professeur associé au Département des sciences de la Terre et des planètes de McGill, explique que l’exploration d’une potentielle zone habitable par un engin terrestre entraînerait des risques de contamination : « Certaines régions sont considérées spéciales parce que ce sont des endroits qui pourraient contenir de la glace ou de l’eau souterraine, donc qui pourraient peut-être aujourd’hui supporter la vie. On sait que c’est presque impossible de stériliser une fusée, donc la réglementation dit que pour le moment, on ne va pas dans ces régions-là, tant qu’on ne peut pas être plus certain qu’on ne va pas contaminer les potentielles traces de vie. »

De plus, Prof. Dasgupta affirme qu’il y a un certain devoir de l’humanité à apprendre de ses erreurs passées, notamment la colonisation des territoires, qu’il y ait présence de vie ou non : « la colonisation en ce sens est différente de celle perpétrée par les Européens sur Terre, puisqu’il y a des chances que nous ne trouvions aucun être-vivant dans l’espace. Mais cela veut-il dire que nous avons le droit de changer cet environnement et d’estimer que tout est à notre disposition pour le coloniser? »

Coopérer dans un contexte incertain et instable

Sur le plan scientifique, les explorations récentes sur Mars donnent des résultats peu conclusifs quant à la probabilité que la vie ait déjà été présente : « Il faut faire la différence entre possibilité de vie existante ou de vie ancienne, ce sont deux questions assez différentes », explique Dr Léveillé. « On sait que Mars aujourd’hui est très peu propice à la vie ; au niveau des conditions qui existent en ce moment, il n’y a pas vraiment d’eau liquide à la surface, il fait très froid et sec, mais on sait que dans le passé il y avait des lacs. C’était une planète différente qui aurait pu abriter la vie, mais le fait de trouver des traces d’eau ne démontre pas forcément qu’il y ait pu avoir de la vie ». Quant aux missions destinées à explorer des corps célestes probablement capables d’accueillir la vie existante, elles restent confrontées à des limites technologiques : « Pour ce qui est de la vie actuelle, peut-être qu’il y a d’autres endroits comme Europe ou Encelade, des lunes avec des océans sous la glace, qui pourraient être peut-être plus propices à la vie », affirme Dr Léveillé. « Sauf qu’on en connaît encore moins sur ces endroits parce qu’ils sont plus loin. »

De plus, la situation géopolitique actuelle crée des doutes concernant la possibilité future de parvenir à une collaboration internationale : « Nous vivons dans une période très conflictuelle avec beaucoup de polarisation », déplore Dr Léveillé. « Il y a des guerres en 2024, on se bat encore pour des territoires, donc comment peut-on être prêt pour réunir l’humanité dans cette aventure unificatrice? Je garde espoir, mais nous ne sommes peut-être pas prêts. »

Cependant, l’existence de la station spatiale internationale rappelle, selon Prof. Dasgupta, que la coopération scientifique et les tensions diplomatiques ne sont pas incompatibles : « Il existe évidemment des différences idéologiques entre les pays, mais même avec cela, la SSI existe. Elle existe au moment où nous parlons, alors qu’il y a la guerre en Ukraine, et pourtant, la Russie et les États-Unis collaborent ensemble dans la station. »

Bien que L’ISS représente un espoir de coopération spatiale, son arrêt définitif est prévu par la NASA d’ici 2031, notamment en raison de son obsolescence et des coûts élevés liés à sa maintenance. Il reste donc à déterminer si un régime de gouvernance internationale peut réellement être défini et accepté par tous, puisque la collaboration semble inévitable, si l’Humanité veut accomplir une nouvelle fois un projet d’une telle envergure.

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La sélection d’actus du Délit https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/la-selection-dactus-du-delit-6/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56611 ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES AMÉRICAINES: LE « RETOUR DE DONALD TRUMP » Ce mercredi 6 novembre, l’ex-président républicain Donald Trump a été élu 47e président des ÉtatsUnis, signant son retour à la Maison Blanche. Avec un total de 312 grands électeurs, Trump a dépassé le seuil des 270 nécessaires à la victoire, face à la candidate démocrate… Lire la suite »La sélection d’actus du Délit

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ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES AMÉRICAINES: LE « RETOUR DE DONALD TRUMP »

Ce mercredi 6 novembre, l’ex-président républicain Donald Trump a été élu 47e président des ÉtatsUnis, signant son retour à la Maison Blanche. Avec un total de 312 grands électeurs, Trump a dépassé le seuil des 270 nécessaires à la victoire, face à la candidate démocrate Kamala Harris qui a remporté 226 voix. Les acteurs clés de cette élection étaient les sept États pivots (swing states), caractérisés par leur tendance à basculer d’un camp à l’autre à chaque élection, et ce de manière imprévisible. Ensemble, ils comptabilisaient 88 des grands électeurs, et représentaient un enjeu crucial pour les deux candidats. Les résultats des votes en Arizona et au Nevada, attendus ce samedi, ont confirmé la victoire de Trump dans les sept États clés.

Donald Trump a été félicité par de nombreux dirigeants internationaux. Compte tenu du contexte géopolitique, la réaction de certains représentants était impatiemment attendue par la communauté internationale. Côté européen, le président ukrainien Zelensky espère obtenir l’aide des États-Unis pour aboutir à une « paix juste ». Côté russe, Poutine a félicité Trump pour sa victoire ce jeudi, se disant prêt à reprendre contact avec la Maison Blanche. Finalement, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a chaleureusement félicité Donald Trump pour sa victoire, la qualifiant du « plus grand retour de l’Histoire (tdlr) ».

Lors de son discours officiel, le futur président des États-Unis a affirmé vouloir « mettre fin aux guerres », déclaration dont les actions associées sont attendues par les autres pays dès le début du mandat de Trump, le 20 janvier 2025.

Eileen Davidson | Le Délit

CONGÉDIEMENT INATTENDU DU MINISTRE DE LA DÉFENSE EN ISRAËL

Le mardi 5 novembre, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a annoncé le limogeage de son ministre de la Défense Yoav Gallant. Cette déclaration survient dans un contexte géopolitique plus instable que jamais pour le pays toujours engagé dans plusieurs opérations militaires à Gaza et au Liban, nécessitant la mobilisation constante de l’armée.

Nétanyahou justifie cette décision par l’érosion de sa relation avec Gallant, dans une situation où « la confiance est plus que jamais requise entre le premier ministre et son ministre de la Défense ». Ces propos témoignent d’une augmentation des divergences entre les deux hommes sur plusieurs sujets. Concernant les otages détenus dans la bande de Gaza, notamment, M. Gallant avait plaidé pour une trêve avec le Hamas afin d’obtenir leur libération, tandis que le premier ministre priorise avant tout l’anéantissement du mouvement palestinien.

Ce vendredi 8 novembre, Gallant a officiellement laissé sa place à l’ancien ministre des Affaires étrangères, Israel Katz. Nétanyahou justifie ce choix en expliquant que leurs positions sont alignées dans le domaine militaire, ce qui permettra de résoudre les conflits avec son prédécesseur.

L’annonce a déclenché des manifestations à Tel Aviv dès mardi soir, pour protester contre le limogeage de Gallant et pour prier son successeur de prioriser la libération des otages à Gaza. Le président israélien Isaac Herzog, quant à lui, qualifie ce renvoi comme « la dernière chose dont l’État d’Israël a besoin », compte tenu du manque d’unification au sein du pays.

L’OTAN FAIT PRESSION SUR OTTAWA AU NOM DE LA DÉFENSE COLLECTIVE

Eileen Davidson | Le Délit

Le gouvernement canadien a annoncé ce vendredi 8 novembre vouloir prendre des « mesures efficaces » concernant l’atteinte des 2% de dépenses militaires promis à l’OTAN, cible fixée en 2006. Le premier ministre Justin Trudeau, ainsi que les 32 autres pays membres, se sont engagés à atteindre l’objectif de dépense de 2% du PIB alloué à la défense collective, principe fondateur de l’alliance atlantique.

Cependant, jusqu’ici, le Canada fait partie des huit pays qui n’ont pas atteint la cible. Trudeau subit la pression des alliés pour contribuer de manière égale à cet effort économique, et la prise de mesures accélérée du gouvernement canadien pourrait être influencée par la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles, bien que cette hypothèse ait été niée par le ministre de la Défense canadien Bill Blair. En effet, Trump avait averti par le passé que les États-Unis ne viendraient pas en aide aux pays qui ne respectaient pas la cible de 2%.

Pour le moment, le Canada conserve un retard de 0,42% avec l’objectif final. Combler cet écart impliquerait une hausse des dépenses militaires canadiennes jusqu’ à 81,9 milliards de dollars d’ici 2032–2033, un montant deux fois plus élevé que celui fixé pour 2024–2025, mais atteignable selon le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux.

Le premier ministre Justin Trudeau s’est entretenu ce jeudi 7 novembre avec le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, afin de réaffirmer l’engagement du Canada pour atteindre les dépenses attendues pour la défense militaire. Malgré cette promesse, le gouvernement canadien est toujours appelé par Rutte et les autres pays membres à se présenter avec un plan clair concernant la manière d’atteindre cette cible, qui n’a pas été clarifié pour le moment.

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SOS d’un activiste en détresse https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/sos-dun-activiste-en-detresse/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56471 La France est-elle la planche de salut attendue par Paul Watson?

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Cela fait un peu plus de trois mois que le militant écologiste Paul Watson est incarcéré dans la prison de Nuuk, au Groenland. Il a été arrêté le 21 juillet 2024, alors qu’il était en route pour intercepter un baleinier japonais et faisait escale sur le territoire autonome danois. La cause de son arrestation découle du mandat d’arrêt déposé en 2012 par le Japon à son égard, via l’Organisation internationale de police criminelle, Interpol. Le pays l’accuse de conspiration d’abordage et plus généralement de blocage volontaire des routes empruntées par leurs baleiniers. L’affaire reprend de l’ampleur après la demande de Watson d’obtenir le droit d’asile, puis la nationalité française au président Emmanuel Macron ce 24 octobre. À travers ces deux requêtes, l’activiste tente d’éviter l’extradition au Japon après la fin de son emprisonnement, prévue le 13 novembre.

Paul Watson, défenseur des baleines

L’activiste américano-canadien est connu pour avoir fondé l’association Sea Shepherd, une Organisation Non Gouvernementale (ONG) déployant des méthodes de lutte à grande échelle pour la protection des océans et de la vie marine. Depuis la création de l’association en 1977, Watson s’est battu pour dénoncer la chasse à la baleine, en s’interposant sur les lieux de pêche pour en empêcher l’activité, notamment face aux baleiniers japonais. Les tensions entre l’ONG et Tokyo ne font qu’augmenter depuis quelques années, particulièrement depuis la collision entre un navire nippon et un voilier Sea Shepherd en 2010, dont Watson est tenu responsable par les autorités japonaises. Depuis son lieu de détention, Paul Watson affirme que cette requête d’extradition sur le territoire japonais ressort plus du domaine politique que judiciaire, car le militant est devenu un symbole « gênant » pour les autorités japonaises et danoises.

Une extradition contestée

Le Japon est l’un des seuls pays qui pratique encore à ce jour la chasse aux baleines, avec la Norvège et l’Islande. Le pays avait pourtant adhéré à la Convention baleinière internationale créée en 1986, qui avait pour but d’interdire la chasse commerciale de la baleine, notamment par la création de deux sanctuaires dans les océans Indien et Austral. Cependant, après avoir contourné ces interdictions en justifiant la nécessité d’activités scientifiques, le Japon s’est finalement retiré de la Convention en 2019. De plus, les conditions d’extradition sont questionnées par la Fondation Captain Paul Watson (CPWF), puisque la notice rouge d’Interpol – l’avis international émis par le Japon aux autres pays membres afin d’appréhender Paul Watson plus facilement – a été rendue confidentielle par l’archipel nippon. Autrement dit, Paul Watson ne figurait plus visiblement sur la liste des notices rouges lorsqu’il a accosté au Groenland, lui faisant croire que le mandat d’arrêt contre lui n’était plus en vigueur. On parle ici d’instrumentalisation des notices rouges d’Interpol, une pratique contre laquelle le Parlement européen s’est positionné dans le passé en dénonçant cette dérive comme une violation des droits de l’Homme. De plus, selon Me (Maître) Juliette Chapelle, avocate au barreau de Paris, le fait que la notice ne soit plus visible pourrait représenter un motif d’annulation de la demande d’extradition formulée il y a plus de 10 ans.

« Selon Paul Watson, le vrai “pirate” demeure le Japon qui continue d’exercer la chasse à la baleine, pratique pourtant déclarée illégale par la Cour internationale de justice de la Haye en 2014 »

Deux bouteilles à la mer lancées à la France

Le 16 octobre 2024, l’activiste a fait une première demande de droit d’asile à la France, un choix qui n’a pas été fait au hasard. Étant donné que le pays possède la deuxième plus grande interface maritime mondiale, il a comme devoir de se présenter comme pilier dans la préservation des milieux marins, ce qui inclut indirectement la protection du fondateur de Sea Shepherd. Ce choix repose également sur le lien affectif que Paul Watson éprouve envers la France, qu’il considère comme « son port d’attache ». Cependant, comme l’explique la ministre française de la Transition écologique, la demande de droit d’asile en France ne peut être formulée que par des individus étant déjà situés sur le territoire français, condition que Watson est dans l’incapacité de remplir pour le moment. Si une exception pouvait être envisagée, les chances demeurent incertaines, étant donné l’issue de la demande de droit d’asile formulée par Julian Assange en 2021. La France avait rejeté la demande du lanceur d’alerte australien alors qu’il tentait d’éviter l’extradition aux États-Unis, après avoir libéré des informations confidentielles concernant des activités diplomatiques et militaires américaines sur son site WikiLeaks. Les circonstances de son incapacité à pouvoir se trouver sur le territoire français n’étaient, selon les autorités françaises, pas assez exceptionnelles pour faire entorse à la règle régissant le droit d’asile. Bien que le contexte entourant l’emprisonnement de Watson ne soit pas identique à celui d’Assange, le facteur clé reste sa libération.

En ce qui concerne la demande de nationalité française formulée huit jours plus tard, le 24 octobre, une disposition du code civil français permet qu’à titre exceptionnel, et seulement par décret du ministre de l’Intérieur, la nationalité française puisse être accordée à des personnes ayant des liens particuliers ou contribuant de manière significative à la société française. Dans le cas de Paul Watson, cette contribution est environnementale. Selon Me François Zimeray, l’un des avocats de Watson, la demande a des chances d’aboutir puisqu’elle est juridiquement possible. Pour le moment, la requête est toujours en révision.

Une position française délicate

Ayant le deuxième plus grand taux d’importation d’Asie, le Japon est un partenaire commercial essentiel pour la France, et revêt une importance stratégique dans la région indo-pacifique. Ce lien a été renforcé par la signature d’un pacte de sécurité et de défense ce 1er novembre, qui tente de consolider les domaines de sécurité et de défense entre le Japon et l’Union Européenne. Si la France décide de protéger le militant, il est probable que les relations entre les deux pays se refroidissent, et que des représailles soient attendues du côté japonais, que ce soit sur le plan diplomatique, ou plus indirectement, à travers des régulations commerciales.

En ce qui concerne l’opinion publique, son soutien envers Paul Watson est visiblement exprimé lors des manifestations organisées pour exiger la libération de l’activiste, notamment celle du 4 septembre 2024 sur la place de la République à Paris, avec un slogan scandé par tous et partout : « Sauver les baleines n’est pas un crime ». Une pétition a été signée par plus de 388 000 personnes, dont des écologistes et des figures politiques, et une musique a même été créée en soutien au militant, Le Dernier mot. Le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot affirme que la cause défendue par l’américano-canadien est « juste et noble », et qu’elle est partagée par la France.

Un avenir incertain

L’emprisonnement de Watson doit prendre fin le 13 novembre 2024, mais la suite reste pour le moment incertaine. En effet, si la nationalité française était acceptée, elle ne garantirait pas pour autant la non-extradition au Japon, ce qui laisse l’avenir de Paul Watson entre les mains des autorités danoises. « Il faut que les Danois se positionnent et comprennent que ce que cet homme subit est totalement disproportionné par rapport à ce qu’on l’accuse d’avoir fait, qu’il n’a pas commis », affirme Me Zimeray. Paul Watson a d’ailleurs déclaré que « si [la justice danoise] [l]’envoie au Japon, [il] y mourrait », compte tenu des conditions d’emprisonnement particulièrement sévères auxquelles il s’attend sur le territoire japonais. Me Zimeray estime qu’une décision d’extradition de la part du Danemark reviendrait à « violer leur propre Constitution ». Les avocats de Watson ont promis de saisir la Cour Suprême danoise, voire la Cour Européenne des Droits de l’Homme si l’extradition a lieu. Selon le militant, le vrai « pirate » demeure le Japon qui continue d’exercer la chasse à la baleine, pratique pourtant déclarée illégale par la Cour internationale de justice de la Haye en 2014. Comme le cite la chanson créée pour lui, si justice est accordée pour Paul Watson, « le dernier mot, c’est la mer qui l’aura ».

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Remettre les femmes à leur place https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/remettre-les-femmes-a-leur-place/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56338 Carrière ou famille : un choix trop souvent genré.

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Eilearwah Rizqy, députée québécoise, a relancé un débat sociétal majeur à travers sa déclaration à l’Assemblée il y a plusieurs semaines : « Aujourd’hui, je n’annonce pas ma démission. J’annonce simplement que je ne reviens pas en 2026, car moi, personnellement, je n’arrive pas à tout conjuguer. » Concilier carrière professionnelle et vie de famille est un vrai dilemme, et ne semble pas être un choix personnel pour beaucoup de femmes. Entre les attentes des superwomen qui arrivent à tout combiner, les stigmatisations sur les femmes sans enfants, et le jugement porté à celles qui restent à la maison, il semblerait que tous ces choix portés par les femmes deviennent un poids sur leurs épaules. Mais quels sont les facteurs qui influencent ce choix? Comment choisir entre prioriser sa carrière ou sa famille? Ou alors comment arriver à concilier les deux?

Différents milieux

Il y a encore des grandes différences entre les milieux à prédominance masculine et féminine : ces derniers ont été le théâtre de luttes sociales qui ont permis aux femmes de gagner en flexibilité au travail pour pouvoir répondre à l’appel de leur vie de famille. Jessica Riel, professeure à l’UQAM en études féministes et bien-être au travail, soulève les différences de la réalité des femmes dans les milieux à prédominance masculine et ceux à prédominance féminine. « Dans les milieux masculins, c’est très difficile de penser avoir un horaire différent. Je parle des métiers où les horaires commencent avant les heures de la garderie et se terminent après les heures de garderie, comme le secteur de la construction qui a parfois des quarts de travail de douze heures. » Dans les milieux de l’éducation et des centres de la petite enfance, où la majorité des employées sont des femmes, « il y a une certaine flexibilité pour gérer des choses familiales au travail, faire des appels pendant les pauses avec le médecin ou la maison », ajoute Dre Riel. « Il y a aussi des mesures, gagnées par les syndicats, pour que les employées gardent leur ancienneté au retour de congé de maternité. » Ce sont les combats syndicaux des milieux féminins qui ont permis des mesures adaptées à la conciliation de vie de famille et vie de travail des employées, « ce dont les hommes pourraient aussi bénéficier », défend la professeure.

La différence avec les milieux à prédominance masculine se remarque aussi à l’embauche, notamment par des remarques discriminatoires quant au choix d’avoir des enfants. Dre Riel raconte : « Lors de mes recherches, nous avons obtenu des témoignages de femmes qui se sont fait offrir un poste à condition de ne pas avoir d’enfants avant d’avoir trois ans d’ancienneté. » Ana de Souza doctorante à l’Institut d’études religieuses de McGill, remarque que ces commentaires ne semblent pas s’appliquer à part égale aux deux sexes : « Je pense que lorsque [les patrons, ndlr] voient des pères avec de jeunes enfants, ils ne supposent pas que le congé de paternité va affecter leur travail de manière significative. »

La peur que l’efficacité d’une femme au travail soit affectée par ses enfants motive ses collègues à confier des tâches à d’autres collègues masculins, lorsqu’ils en ont le choix. C’est la pénalité causée par la maternité (« motherhood penalty »). « Nous pensons, même inconsciemment, que cette femme a peut-être un enfant, ou alors qu’elle en aura un dans le futur », précise Darren Rosenblum, professeur·e à la faculté de droit de McGill, et spécialisé·e dans les démarches prises par les entreprises pour favoriser la diversité et l’égalité des genres. Cette pénalité semble s’atténuer lorsque la femme atteint la quarantaine, mais les différences hiérarchiques se font toujours ressentir.

« Si vous avez de l’aide, ou si vous faites appel à quelqu’un d’autre, si vous ne le faites pas de vos propres mains, vous n’êtes pas une aussi bonne mère »

Ana de Souza, doctorante à l’Institut d’études religieuses de McGill

La place du congé familial

Au Québec, le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) finance le congé à hauteur de 70% du salaire : quatre mois pour la mère, cinq semaines pour le deuxième parent et une banque commune de 32 semaines à se partager au choix. Dre Riel constate que le congé parental commun est généralement attribué à la mère : « C’est souvent la travailleuse qui a un plus petit salaire que le père de l’enfant, donc c’est légitime que ce soit elle à qui revient le congé. C’est absurde, car ça reproduit les rôles sociaux. » Ana ajoute que le « choix » que fait la femme de rester à la maison s’étend au-delà du congé parental : « Disons que le coût de la garde d’enfants est égal ou supérieur au salaire de la femme, et que son mari gagne plus. La carrière en vaut-elle vraiment la peine? »

Eileen Davidson

Les pays scandinaves, quant à eux, mettent en place des politiques qui encouragent le partage plus égalitaire de la responsabilité parentale. « Dans les pays scandinaves, si le deuxième parent prend aussi son congé parental, la famille reçoit beaucoup plus de compensations », explique Darren Rosenblum. « Ça encourage notamment les hommes à être présents dès le début de la vie de l’enfant et à bâtir un monde où il est typique, voire même obligé, pour les hommes qui ont des nouveaux-nés de prendre congé. » Montrer l’exemple grâce à cette démarche, c’est la décision qu’a prise le ministre de la Défense finlandais, Antti Kaikkonen en 2022, lorsqu’il a pris son congé de paternité pendant deux mois à l’occasion de la naissance de son deuxième enfant. « Je crois que quelque chose qui a eu un grand effet dans les pays scandinaves, c’est quand les dirigeants, qui sont des hommes, prennent leur congé comme ils doivent le faire », affirme Rosenblum. Dans le cas de Kaikkonen, en effet, l’impact fut d’autant plus retentissant, car la Finlande, en pleine négociation d’adhésion à l’OTAN, traversait une situation politique critique.

Cependant, Ana de Souza souligne que le congé n’est pas nécessairement vécu de la même manière par les deux parents, puisque la femme doit récupérer physiquement de l’accouchement : « Le simple fait d’accorder du temps [aux hommes, ndlr] ne permet pas d’égaliser les chances, car la relation à la parentalité est très différente. »

« Personne ne devrait avoir à choisir entre sa carrière et ses enfants. Personne ne devrait avoir à se prouver Superwoman »

Jessica Riel, professeure à l’UQAM en études féministes

Le sacrifice de la santé

La conciliation de la garde d’enfants avec un emploi du temps de travail se fait au détriment de la santé des femmes, surtout dans les métiers où elles ont l’option de travailler la nuit. « Il y a des femmes qui préfèrent travailler la nuit pour pouvoir voir leurs enfants, alors qu’on sait que le travail de nuit trouble les rythmes de sommeil, prédispose au cancer du sein et pose d’autres risques sur la santé », déplore Dre Riel. « Les besoins de souplesse pour la conciliation travail-famille se font surtout pressants lorsque l’enfant a entre zéro et cinq ans, avant qu’il ne rentre à l’école. » Une triste ironie semble parcourir le secteur de la santé : les plus jeunes travailleuses sont en « bas de la hiérarchie » et sollicitées par leur supérieur à travailler la nuit. Ce sont également elles qui sont plus enclines à avoir de jeunes enfants, et elles se trouvent dans la tranche d’âge la plus à risque pour le cancer du sein.

Elles ont également permis d’obtenir le droit au « retrait préventif » visant à ce que les travailleuses enceintes ne soient pas exposées à des risques chimiques ou ergonomiques. Ce droit, enchâssé dans la Loi sur la santé et sécurité du travail, concerne surtout les postes où la travailleuse est debout, dans les secteurs alimentaires et manufacturiers. « Si l’employeur n’est pas en mesure de faire des changements pour accommoder la travailleuse par rapport à ce qui est indiqué dans le certificat médical du médecin, il doit la retirer de son poste pour ne pas qu’elle soit exposée à ces risques-là, et lui attribuer un autre poste du même niveau de compétence. S’il n’est pas en mesure de le faire, la femme est retirée du travail et elle reçoit une indemnité qui équivaut à 90% de son salaire », explique Dre Riel.

Culpabilité du « lien maternel »

Attribuer un congé parental aux femmes davantage qu’aux hommes pourrait provenir de l’instinct sociétal du « lien maternel », qui se construit tout au long de la grossesse : « La femme (en supposant qu’elle ait été enceinte) est beaucoup plus impliquée dans l’existence de l’enfant. Ce lien s’exprime différemment chez l’homme, et cela le pousse à travailler plus dur pour obtenir des promotions et essayer de fournir davantage de revenus. Mais je pense que parce qu’elle est plus impliquée dans la vie quotidienne de l’enfant et qu’elle en est la source physique, la femme a tendance à penser qu’il est de sa responsabilité de gérer les enfants », affirme Ana de Souza. Cependant, selon elle, cette logique reposerait en partie sur l’intériorisation de l’existence de ce lien maternel, qui serait encouragée par la société : « Je pense qu’il y a une tendance sociétale à faire culpabiliser les femmes. Si vous avez de l’aide, ou si vous faites appel à quelqu’un d’autre, si vous ne le faites pas de vos propres mains, vous n’êtes pas une aussi bonne mère ».

Le susdit lien maternel est sujet aux controverses, puisqu’il apparaît plus comme une invention de la société pour justifier l’absence de l’homme dans l’éducation directe de ses enfants, et non pas comme un phénomène propre au genre féminin. Au Canada, les luttes féministes ont permis de rendre les centres de la petite enfance accessibles à tous, afin d’accorder aux mères le temps de travailler. Des listes d’attente existent cependant partout au Québec à cause de la saturation des centres, empêchant la réinsertion des femmes sur le marché du travail. L’organisme à but non lucratif Ma place au travail a organisé une grève d’occupation cet été devant l’Assemblée nationale pour manifester au gouvernement l’urgence de la situation.

« Il faut créer une société qui lie moins le fait d’être parent au sexe biologique, et imaginer un monde où les femmes ne sont pas nécessairement obligées d’être le parent primaire »

Darren Rosenblum, professeur·e à la faculté de droit de McGill

Le modèle du travailleur idéal

« Je pense que le système dans lequel nous évoluons a été conçu selon des normes qui ne fonctionnent ni pour les femmes, ni pour les hommes », énonce Dre Riel. « Elles s’inscrivent dans un modèle du travailleur idéal, qui est disponible tout le temps, qui n’a pas d’enfant, ou qui a une femme qui s’en occupe. Cela fait en sorte que le milieu professionnel n’est pas adapté pour une conciliation travail-famille saine. » La culture de la performance aurait un impact direct sur les caractéristiques qu’une femme se doit de combiner, aux yeux de la société : « Je pense que l’image de ce qu’est une “bonne” femme a beaucoup évolué », explique Ana de Souza. « Aujourd’hui, il s’agit d’avoir une carrière, des enfants et d’être en pleine forme. Je voudrais que la culture devienne plus saine, ce qui aiderait les femmes à se sentir moins obsédées et plus à l’aise avec qui elles sont, plutôt que d’encourager des pratiques mauvaises pour la santé. »

« Avoir un équilibre, ce n’est pas juste pour les femmes et/ou les hommes, ça devrait être pour tout le monde », ajoute Dre Riel. « Personne ne devrait avoir à choisir entre sa carrière et ses enfants. Personne ne devrait avoir à se prouver “ Superwoman ”. Il y a quelque chose à repenser au niveau de la place du travail [dans la société, ndlr], des conditions de travail, mais aussi de la performance attendue, et ça passe par une reconsidération de la “norme”. »

La place des hommes

Les changements sociétaux et culturels ne peuvent se profiler sans la participation active des hommes, d’abord en tant que pères, et dans leurs postes politiques et d’entreprise. Ana ne doute pas de la motivation masculine à établir ces changements, puisqu’ils sont eux aussi impactés par le problème de la conciliation du travail et de la famille : « Je pense qu’ils devraient être motivés parce que cela va au-delà de l’intérêt personnel ; la plupart des personnes ayant des enfants en bas âge veulent que la vie soit plus facile, ce qui inclut la santé mentale de son ou sa partenaire. » Rosenblum appuie ce constat : « Il faut créer une société qui lie moins le fait d’être parent au sexe biologique, et imaginer un monde où les femmes ne sont pas nécessairement obligées d’être le parent primaire. »

Le chemin vers une conciliation travail-famille reste complexe, mais d’abord faut-il s’assurer que ce choix demeure féminin, et non pas sociétal. Les rôles sociétaux offrent des modèles à suivre, celui de la femme qui s’occupe des enfants ou celle qui gère tout à la fois, ou encore la « femme à chat sans enfants » comme le dit Vance, le vice-président du candidat à l’élection présidentielle américaine. « C’est le choix de chaque femme d’avoir des enfants ou pas, c’est tout autant le choix de chaque femme de prendre son congé ou pas et d’être parent comme elle le veut », conclut Rosenblum. « Si une femme veut continuer à travailler, c’est vraiment à elle seule de le décider, ce n’est pas à nous [la société, ndlr] et ce n’est pas au grand public de juger. Il n’y a qu’une personne qui peut prendre ces décisions, et il s’agit d’elle-même. »

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L’évolution du conflit Israël-Hezbollah https://www.delitfrancais.com/2024/10/02/levolution-du-conflit-israel-hezbollah/ Wed, 02 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56116 Une surenchère de violence inarrêtable.

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Depuis l’attaque aux bipeurs et talkies-walkies de la semaine dernière, l’armée israélienne a intensifié ses frappes de missiles, désormais quotidiennes, sur le territoire libanais. L’escalade du conflit a nécessité l’intervention plus affirmée de puissances étrangères comme l’Iran. Pour rappel, le mardi 17 et mercredi 18 septembre, des centaines d’appareils de communication appartenant à des membres du Hezbollah ont simultanément explosé. À Montréal, des manifestations ont été organisées mercredi et samedi en soutien aux populations palestinienne et libanaise.

Une escalade meurtrière

L’armée israélienne revendique l’explosion des bipeurs, et les offensives ont depuis redoublé d’intensité entre Israël et le Hezbollah. Un cap inédit a été atteint ce lundi 23 septembre, avec des bombardements faisant plus de 500 morts et 1 835 blessés sur le territoire libanais. Depuis le début du conflit, le 7 octobre 2023, cet épisode est le plus meurtrier parmi les affrontements impliquant le Liban. Autant de frappes de part et d’autre de la frontière israélo-libanaise n’avaient pas été observées depuis la guerre de 2006. Le conflit qui opposait Israël et le Hezbollah il y a maintenant 18 ans avait été déclenché par un raid transfrontalier du Hezbollah sur le territoire israélien et avait duré près de 30 jours, entraînant la mort d’environ 1 600 libanais. Le Hezbollah n’avait à l’époque pas été sanctionné, malgré l’intervention de la communauté internationale, menée par les États-Unis.

« Nous avons déjà affaire à deux guerres, une à Gaza et une au Liban. Mais ce à quoi les gens font généralement référence, c’est au conflit direct entre l’Iran et Israël. Les Iraniens ne le souhaitent pas, mais si le Hezbollah se porte très mal, il y aura une pression d’agir pour l’Iran »
- Rex Brynen, professeur de sciences politiques à McGill, expert du Moyen-Orient

Une obligation de désarmement du groupe islamiste à l’époque aurait-elle fait la différence aujourd’hui? Pour répondre à cette question, j’ai interviewé Rex Brynen, professeur à McGill et spécialiste en politique du Moyen- Orient : « Sans le Hezbollah aujourd’hui, le Liban serait dans une situation très différente. Il est évident que le Hezbollah a été appelé à se désarmer, mais il n’y avait aucune perspective réaliste de désarmement du Hezbollah en 2006 compte tenu de sa position : c’était la seule milice armée au Liban, plus puissante que l’État libanais. (tdlr) »

Des explications ambiguës

Israël justifie l’opération de lundi par la détection d’une attaque planifiée par le Hezbollah sur son territoire. L’État affirme aussi que les tirs ne visaient que des cibles du Hezbollah, déclaration nuancée par l’organisation islamiste libanaise qui soutient que la plupart des victimes étaient des personnes non-armées qui se trouvaient dans leurs maisons. Mais quelles sont alors les réels objectifs d’Israël derrière cette escalade de conflits? « Il est important de comprendre qu’Israël n’est pas un acteur unifié et que différentes parties du gouvernement israélien agissent avec des objectifs variés », explique Brynen. « L’argument avancé publiquement par Israël est lié aux attaques du Hezbollah dans le Nord d’Israël, jugées inacceptables au vu du nombre de personnes forcées de quitter leurs maisons, situation qu’ils comptent renverser en faisant monter la pression. Concernant l’argument spécifiquement lié aux attaques des bipeurs et talkies-walkies, il est rapporté que le Hezbollah était sur le point de découvrir qu’ils étaient piégés et qu’Israël a estimé qu’il devait faire un choix entre les déclencher ou les perdre. Enfin, une interprétation avancée pourrait être le souhait d’Israël de lancer une attaque terrestre. Mais ce qui est intéressant parmi toutes les explications possibles, c’est qu’elles renforcent la popularité de Netanyahou, qui est passé d’une position très impopulaire auprès du peuple israélien, à un regain de popularité politique en Israël. » En effet, le Hezbollah est considéré comme ennemi d’Israël depuis la fin de l’occupation israélienne du Sud-Liban en 2000, et malgré les accusations de corruption qui pèsent sur lui, le premier ministre a su user de sa position dite patriarcale face aux menaces extérieures afin de regagner la confiance du peuple israélien.

Entre fuite et contre-attaque

Selon l’ONU, environ 90 000 citoyens Libanais ont pris la fuite, cherchant notamment refuge dans le reste du Liban et en Syrie. Les écoles ont prolongé leur fermeture au Sud-Liban, zone particulièrement visée depuis le début de la semaine, et jugée trop dangereuse en raison des nombreux bombardements récents dans la région. Selon Brynen, la position des Libanais vis-à-vis du Hezbollah n’est pas uniforme : « Dans les sondages d’opinion précédant l’escalade la plus récente, le Hezbollah bénéficiait d’un fort soutien au sein de la communauté chiite, ce qui n’est pas surprenant, tandis que le soutien était très faible dans les communautés sunnites et chrétiennes. À la suite de ces attaques, je soupçonne que de nombreux Libanais sont très mécontents du Hezbollah et du début d’une guerre avec Israël. Certains Libanais pensent au contraire qu’il est important de soutenir les Palestiniens, tandis que d’autres pensent qu’Israël aurait attaqué dans tous les cas. »

Les altercations n’ont pas cessé dans la semaine, avec une riposte du Hezbollah mardi dernier, marquée par l’utilisation de 80 roquettes tournées vers l’une des bases militaires israéliennes située dans le Nord, près de Safed, ainsi que des tirs balistiques visant le service de renseignements extérieurs israéliens ce mercredi 25 septembre. Plus d’une centaine de drones militaires ont également été envoyés sur Israël ce jeudi.

L’échec d’un apaisement

L’ONU a demandé une suspension des conflits ce mercredi, pour une durée de 21 jours, proposition qui a déjà été rejetée par le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Brynen partage ses impressions concernant la proposition des Nations Unies : « Aucun des acteurs engagés dans le conflit ne souhaite un cessez-le-feu, puisque dans les deux cas, cela va à l’encontre de leurs objectifs politiques. Concernant le Hezbollah, l’organisation ne cesse depuis le 7 octobre de tirer des projectiles à travers les frontières en soutien au Hamas. Peut-être que cette démarche de médiation était une tentative pour faire bonne figure ou bien établir un cessez-le-feu à Gaza, mais cela fait des mois que les Nations Unies y travaillent sans aucun progrès, alors pourquoi penser que ce serait différent maintenant? »

Israël déclare par ailleurs que l’armée continuera de frapper le Hezbollah, dans un objectif de renversement des rapports de force au nord d’Israël. Cette déclaration survient alors que le Hezbollah traverse une des situations les plus critiques depuis sa création en 1982. De plus, des informations récentes rapportent que le commandant du Tsahal (acronyme hébraïque signifiant Armée de défense d’Israël) prépare ses troupes à une offensive sur le sol libanais, alors que l’ambassadeur israélien à l’ONU nie toute possibilité d’invasion. Faudrait-il alors s’inquiéter d’un changement de position soudain, qui pourrait étendre le conflit et le transformer en guerre totale? « Nous avons déjà affaire à deux guerres, une à Gaza et une au Liban. Mais ce à quoi les gens font généralement référence, c’est au conflit direct entre l’Iran et Israël. Les Iraniens ne le souhaitent pas, mais si le Hezbollah se porte très mal, il y aura une pression d’agir pour l’Iran. Une telle guerre se caractériserait par des tirs de roquettes à des centaines et des centaines de kilomètres de distance, puisque les deux États ne sont pas voisins, mais cela s’est déjà produit dans le passé. La situation pourrait donc certainement s’aggraver et, bien entendu, les choses deviendraient beaucoup plus intenses au Liban si Israël lançait une opération terrestre », affirme Brynen.

Malgré sa position jugée critique par les Nations Unies, le Hezbollah a promis de continuer les attaques vers Israël jusqu’à la libération de Gaza, engagement renforcé par la mort du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah à la suite d’une frappe israélienne ce samedi : « Le Hezbollah a subi des coups durs, notamment l’attaque des bipeurs et walkie-talkie qui a été assez humiliante pour une organisation qui s’enorgueillit de sa sécurité opérationnelle. Ils veulent vraiment montrer leur résilience et ne vont donc absolument pas reculer », conclut Brynen.

Les prochains jours s’annoncent décisifs en ce qui concerne la tournure des événements, bien que difficiles à prédire en raison des revirements de décisions, comme l’annonce de Netanyahou à prendre part aux discussions sur le cessez-le-feu, ce vendredi 27 septembre, après avoir refusé la proposition la veille.

Cet article a été mis en page le 30 septembre. Compte tenu de la situation, les faits qui y sont relatés sont susceptibles d’évoluer.

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Marathon de Montréal 2024 https://www.delitfrancais.com/2024/09/25/marathon-de-montreal-2024/ Wed, 25 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55938 Retour sur un événement riche en succès.

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Ce dimanche 22 septembre, le départ du Marathon de Montréal a été lancé depuis l’espace 67 du Parc Jean-Drapeau, sur l’île Sainte-Hélène. Le plus grand événement de course à pied au Québec, créé en 1979 sous la supervision du journaliste sportif Serge Arsenault, a marqué sa 32e édition avec un parcours symbolique, traversant Montréal de rive en rive. L’occasion est d’autant plus significative puisque le parc Jean Drapeau célèbre ses 150 ans cette année.

Au programme, la traversée de cinq quartiers emblématiques de la ville, qui ne sont autres qu’Ahuntsic-Cartierville, Plateau-Mont-Royal, Rosemont-La Petite-Patrie, Ville-Marie et Villeray-Saint-Michel-Parc- Extension, tout en longeant les principaux parcs. Les coureurs ont notamment eu l’occasion d’apercevoir la basilique Notre-Dame de Montréal ainsi que d’autres monuments symboliques du patrimoine montréalais. Cette année, l’événement a réuni 27 000 coureuses et coureurs, un record d’inscriptions depuis son commencement. Pour établir une comparaison, l’année 2003 ne comptait que 2 400 coureurs. La popularité de l‘événement n’a cessé de croître, attirant des participants provenant de l’extérieur de la province et même du pays!

Malgré son nom, le Marathon de Montréal ne propose pas seulement un marathon annuel. Sur trois jours, du 20 au 22 septembre, les épreuves du 10, 5 et 1 kilomètres, ainsi que le mile et les courses jeunesse se sont déroulés sous l’égide du Marathon Beneva, en se clôturant par les 42,2 kilomètres phares ce 22 septembre. Les marathoniens étaient accompagnés des participants du demi-marathon pendant 14 kilomètres, avant de se séparer au niveau du Boulevard Saint-Joseph.

Une équipe d’encadrement mobilisée

Les membres de l’organisation du marathon étaient présents tout au long du parcours pour s’assurer de la fluidité de l’événement : « On doit préparer plusieurs mois à l’avance, c’est un événement qui demande beaucoup de préparation et de monde, pour encadrer et gérer des flux de spectateurs », explique l’un des organisateurs.

Les organisations travaillent en collaboration avec la ville de Montréal, qui apporte notamment son aide pour la fermeture des routes et la sécurité. La police, la sécurité et les pompiers étaient présents pour assurer le bon déroulement du marathon. La compagnie Beneva constitue également un partenariat majeur en ce qui concerne le financement de l’événement depuis 2020.

Le personnel encadrant était notamment composé de bénévoles, qui étaient responsables de nettoyer les trottoirs jonchés de verres en carton et d’emballages après le passage des coureurs aux zones de ravitaillement. Joaquim et Olivier participaient à cette activité bénévole dans le cadre scolaire : « On est censés réaliser deux activités de bénévolat dans l’année, et on était motivés par le marathon, parce qu’aider les coureurs et les encourager, c’est une expérience intéressante. »

« Pendant les entraînements, on ne court jamais le parcours en entier, donc il y a un mélange d’excitation et de stress de savoir si on sera capable d’aller jusqu’au bout »

Lancement du Marathon : entre excitation et changement

Au départ de la course, et malgré la température fraîche, l’ambiance était déjà électrique. Des milliers de marathoniens se préparaient pour la course à l’aide de musique ou de méditation, et toutes autres méthodes utile pour se mettre dans sa bulle.

Lou et Héloïse étaient toutes les deux présentes, l’une sur la ligne de départ et l’autre prête à encourager derrière les barrières. Les deux amies se sont beaucoup entraînées ensemble l’année précédente pour le marathon 2023, mais rien ne prépare entièrement à la course officielle : « Pendant les entraînements, on ne court jamais le parcours en entier, donc il y a un mélange d’excitation et de stress de savoir si on sera capable d’aller jusqu’au bout », explique Héloïse, qui avait déjà couru le demi-marathon en 2023.

Parmi les coureurs du Marathon, de nouveaux athlètes étaient présents, mais aussi d’anciens participants, qui n’avaient pas eu l’occasion de tester le nouveau circuit. Jusqu’en 2022, en effet, le parcours du Marathon de Montréal passait principalement par le centre-ville, avec un départ souvent situé près du Pont Jacques-Cartier ou dans des zones proches du centre historique. Il longeait des quartiers emblématiques comme le Vieux-Port, avant de traverser d’autres parties de l’île, incluant le parc Jean-Drapeau. Ce tracé valorisait des sites historiques, mais l’édition actuelle a changé pour inclure davantage d’espaces verts et un nouveau parcours entre l’île Sainte-Hélène et le parc Maisonneuve.

Ce changement de parcours relève des avis mitigés au sein de la communauté montréalaise : « Les années précédentes, le parcours était moins étalé dans la ville et c’était peut-être plus festif parce que les supporters étaient tous plus regroupés », maintient Anna, qui encourage ses amis depuis quelques années.

Emportés par la foule

Depuis le Pont Jacques-Cartier au parc La Fontaine, et jusqu’à la ligne d’arrivée, les nombreux spectateurs ont acclamé les coureurs avec vigueur, tout en profitant de l’ambiance festive du marathon. Déjà nombreux au départ, tous ont participé à la grandeur de l’événement en encourageant amis, famille, et inconnus : « C’est sûr qu’au bout d’un moment, [les encouragements, ndlr] aident à trouver la motivation », déclare un groupe de Montréalais, venu encourager des amis à l’aide de clochettes et de magnétophones. Chloé, supportrice de longue date, souligne l’importance du public : « On peut voir sur le visage des sportifs que cela leur fait plaisir quand on les encourage. »

D’autres sources de motivation étaient également populaires le long du chemin de course : musique, bulles, jets d’eau… Certains spectateurs ont personnalisé des bannières avec des messages encourageants et humoristiques. Le dossard nominatif est également un élément-clé de motivation : « Le fait que les spectateurs voient notre nom et nous encouragent personnellement, c’est plus touchant aussi », affirme Justine, qui a couru son premier demi-marathon cette année.

Le public semble constituer un facteur clé de motivation pour les coureurs, ce qui explique en partie l’annulation du marathon de 2021, en raison des conditions sanitaires qui auraient empêché le rassemblement de spectateurs au fil du parcours. Emmanuelle, qui a couru le marathon plusieurs fois depuis six ans, com- prend cette décision : « Je me suis blessée six semaines avant la course, le public était donc vraiment nécessaire pour rester motivée dans les moments compliqués. » Gabriel, participant au marathon, partage le même constat : « À chaque kilomètre, il y avait toujours des groupes avec de nouveaux slogans…Surtout dans les passages difficiles où je pensais que je m’arrêterais, le public m’a vraiment aidé. Je ne pense pas que j’aurais aussi bien performé sans eux. »

Une ligne d’arrivée bien méritée

À l’arrivée située au parc Maisonneuve, l’ambiance générale était festive : « On est fières d’avoir accompli le challenge et d’avoir fini », affirment Stéphanie et YLan. Gabriel partage les mêmes conclusions : « Je suis super fier de ce que j’ai accompli, puisque c’est mon premier marathon, et j’ai réussi à pousser à travers les crampes et le mal de jambes. »

Les objectifs étaient différents, certains ayant pour but de se dépasser tout en priorisant la santé et d’aller au-delà de leurs capacités, tandis que d’autres se sont lancés un défi entre amis. Pour Justine et Joëlle, novices du demi-marathon, l’objectif était de ne pas s’arrêter : « Partir lentement c’est mieux pour garder de l’énergie à la fin ; nous n’étions pas des coureuses avant, et notre seul objectif était de ne pas marcher, ce qu’on a réussi. »

Une chose est sûre, tous étaient déterminés d’atteindre la ligne d’arrivée, et certains sont déjà sûrs de retenter l’expérience en septembre 2025, cette fois avec des objectifs plus ambitieux en tête.

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