Charles Gauthier-Ouellette - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/charles-gauthierouellette/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Thu, 14 Sep 2023 06:45:13 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.1 De nouvelles perspectives autochtones à McGill https://www.delitfrancais.com/2017/06/26/de-nouvelles-perspectives-autochtones-a-mcgill/ Mon, 26 Jun 2017 13:06:55 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28842 Le rapport du Groupe de travail sur les études et l’éducation autochtones de McGill propose cinquante-deux actions pour reconnaître et se réconcilier avec les peuples autochtones.

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«L’approche du deux-centième anniversaire de McGill offre une importante occasion pour réfléchir au passé de notre université ainsi qu’à son avenir. Comme le pointe la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, la réconciliation doit commencer avec la vérité. McGill doit promouvoir une complète vérité à propos de ses relations historiques et contemporaines avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits pour contribuer de manière significative aux objectifs de réconciliation» peut-on lire dès les premières pages du récent rapport du Groupe de travail sur les études et l’éducation autochtones de McGill. Le rapport se concentre sur deux thèmes centraux: la reconnaissance de l’histoire, de la présence contemporaine et des modes d’apprentissage autochtones, et la réconciliation. Pour y arriver, les membres du groupe ont tenu de nombreuses discussions avec les gens concernés, discussions qui ont suscité un vif enthousiasme à travers le campus. De ces entretiens sont ressortis cinq grands axes, sous lesquels se rejoignent divers points. Ces derniers sont classés sur une échelle d’échéance: court terme (1–2 ans), moyen terme (2–5 ans) ou long terme (plus de 5 ans).

Tout d’abord, les initiatives autochtones doivent être plus visibles et reconnues sur le campus. «L’indigénéité doit être intégrée dans toutes les facettes de la vie universitaire: l’enseignement et l’apprentissage, le développement des cursus, la gestion, la vie étudiante, le recrutement et le développement des facultés, les ressources humaines, l’espace sur le campus et son organisation, les recherches et les innovations.» Le groupe propose, entre autres, d’offrir des résidences pour des conseillers ou des artistes autochtones ainsi que d’établir un fond dédié à l’achat d’art spécifique.

Le rapport fait aussi état de la nécessité de reconnaissance des territoires ancestraux sur lesquels sont établis les campus de l’Université McGill. Ceci, associé à des efforts de recrutement, rendront «McGill un endroit accueillant, hospitalier et attentionné pour les peuples autochtones». Cette reconnaissance devrait aussi passer par la création de lieux dans lesquels les étudiants se sentiraient à l’aise.

Pour augmenter et faciliter le recrutement, McGill doit se prévaloir de systèmes s’adressant plus spécifiquement aux étudiants des milieux autochtones. Des demandes de bourses particulières, une prolongation du temps alloué pour compléter son baccalauréat et le transfert de crédits d’études de collèges ontariens ne sont que quelques cibles visées par ce rapport.

«Les efforts devront permettre aux étudiants de se reconnaître dans l’université et que leurs expériences se reflètent dans le personnel, le campus et son environnement, les approches d’enseignement, d’apprentissage et de recherche.» L’embauche de personnel de ces milieux sociaux est dans la ligne de mire du programme. Ceci inclut un processus de recrutement qui résonne avec les potentiels candidats autochtones. McGill tentera également de s’assurer que le corps étudiant et le personnel soient bien informés au sujet des problématiques, des réalités et des cultures autochtones environnantes.

Le rapport propose finalement de mieux encadrer les enfants de ces milieux pour que ceux-ci se sentent préparé·e·s et confiant·e·s par rapport à leur entrée dans le milieu universitaire. Cet encadrement devra aussi se poursuivre pendant et après leur passage à l’université, de sorte à «confronter et dépasser les expériences d’isolation et d’aliénation, ainsi que bâtir une communauté à McGill qui cultivera un sentiment d’appartenance et de citoyenneté parmi les étudiants autochtones de l’université».

 

Le rapport complet est disponible ici.

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L’art contemporain débarque à McGill (il y a même un loup) https://www.delitfrancais.com/2017/06/23/lart-contemporain-debarque-a-mcgill-il-y-a-meme-un-loup/ Fri, 23 Jun 2017 20:43:57 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28821 Charles Gauthier-Ouellette vous offre un tour guidé des installations artistiques de McGill.

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Depuis quelques semaines, des installations artistiques décorent le campus de McGill. Ces installations, ainsi que plusieurs autres, ornent le parterre de l’université McGill. Elles font partie de l’exposition d’art public «La balade de la paix», qui célèbre les valeurs humanistes et de paix en intégrant des œuvres d’un peu partout dans le monde. Cette exposition se tient jusqu’au 29 octobre, débutant au coin Sherbrooke et Mackay et se terminant au coin Sherbrooke et Robert-Bourassa.

Fautes de plaques officielles décrivant chacune de celles-ci, je me permets d’en faire ici ma propre interprétation.

Avertissement: j’ai déjà gagné le concours de dessin de mon salon de coiffure.

Winter is Coming

Joe Fafard, Mahihkan, 2015.

Nous ne sommes pas les seuls à attendre la nouvelle saison de Game Of Thrones. Avec cette immense statue en bronze peint, le campus de McGill annonce fièrement ses couleurs dans la guerre pour Westeros. Et d’après mes recherches, il semblerait bien que l’artiste s’est inspiré de Grey Wind, le loup de Robb Stark. Espérons qu’aucun nouveau du frosh n’aura à porter la tête de la statue sur ses épaules !

 

Ma vie pixelisée

Jonathan Borofsky, Structures humaines, 2010.

Peut-être étiez vous parmi les fervents à faire la file devant un EB Games l’automne dernier pour obtenir votre Nintendo Entertainment System (NES) mini. Si, comme moi, vous n’avez pas réussi à mettre votre main sur l’une de ces consoles de notre enfance, ne vous en faites pas. Vous pourrez toujours consoler votre mélancolie d’un univers 8‑bit avec cette installation. Casquette rouge, salopette et moustache non inclus.

 

Des quadriceps de feu

Wang Shugang, L’Assemblée, 2007.

Pour réduire les dépressions reliées aux études, l’université McGill a investi dans une série de memes grandeur nature. Le premier de ce catalogue, les squatting slavs. Ces huit figures portent des survêtements de la couleur de l’université, faute d’une commandite d’Adidas. La position ouverte des mains encourage d’ailleurs l’étudiant modèle à faire un don de vodka à ces idoles memetiques. L’arrangement floral devant le Arts sera, quant à lui, refait pour représenter Pepe la grenouille.

 

Vous avais-je dit que j’ai manqué tous mes cours d’histoire de l’art, préférant boire au Gerts ?

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Trois villes, un questionnement https://www.delitfrancais.com/2017/06/23/trois-villes-un-questionnement/ Fri, 23 Jun 2017 20:41:26 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28831 Les maires de Berlin, Buenos Aires et Montréal se sont prononcés sur l'immigration dans le cadre d'une conférence à l'Université McGill.

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Depuis quelques années, la question de l’immigration est devenue l’une des priorités des milieux politiques. En Europe, l’arrivée massive de réfugié·e·s, la plupart fuyant la guerre de Syrie, a entraîné une véritable crise dans la gestion et l’intégration de ces hommes et femmes venu·e·s trouver refuge dans l’Union européenne. Cependant, d’autres pays, comme le Canada et l’Argentine, ont accepté d’accueillir des réfugié·e·s.

C’est dans cette ambiance chargée de questionnements que la fondation Friedrich Ebert a organisé une discussion entre le maire de Montréal, Denis Coderre, le chef du gouvernement de la ville de Buenos Aires, Horacio Rodriguez Larreta, et le bourgmestre régnant de Berlin, Michael Müller. Cette conférence publique, intitulée «Le développement social et économique des métropoles par l’intégration réussie des immigrants», s’est déroulée à McGill le 19 juin, sous la modération de la professeure de droit Angela Campbell.

Le maire Denis Coderre a commencé sa présentation en décrivant une distinction qui lui semble pertinente dans le domaine de l’immigration: celle en Europe serait liée à un mouvement temporaire, alors qu’au Canada cela serait plutôt dans le but de s’installer et de refaire leur vie. En ce sens, le maire s’est félicité d’avoir implanté un agenda de vigilance promouvant des infrastructures de prévention de la radicalisation ainsi qu’un Observatoire international des maires sur le vivre-ensemble. Le statut de Montréal comme métropole, en voie d’obtention avec le projet de loi 121, devrait aussi faciliter l’intégration d’immigrants.

Les trois figures politiques se sont entendues sur le besoin de reconnaissance des diplômes dans leur pays d’accueil. Le bourgmestre de Berlin a aussi fait valoir qu’il fallait aussi s’attaquer à la situation inverse: de nombreux réfugiés ne possèdent pas de qualifications professionnelles particulières. Michael Müller a soulevé ce problème en expliquant qu’il faudrait un programme spécialisé pour ces individus, en partenariat avec des entreprises. Pour sa part, Horacio Rodriguez Larreta à détailler le désir de son gouvernement d’offrir des services plus appropriés aux commerces en les officialisant. Il ne considérait pas que l’intégration d’immigrants dans le milieu du travail proposait un réel enjeu en Argentine.

Sur la question de la discrimination en milieu de travail, Horacio Rodriguez Larreta et Michael Müller ont déclaré que les lois anti-discriminations mises en place dans leur pays respectif jouent un rôle important dans la réduction de ce problème. Müller a aussi fait valoir un projet de candidature anonyme. Pour sa part, Denis Coderre a évoqué le Bureau d’intégration des nouveaux arrivants à Montréal (BINAM) et son but, de faciliter l’intégration sociale et économique des immigrants.

En réponse aux actes terroristes et l’influence que ceux-ci peuvent avoir avec l’immigration, les trois maires se sont fait rassurants. La prévention et le dialogue constituaient leurs points de vue sur le sujet. De plus, ils condamnaient tous la montée du populisme ambiant, quoique le maire de Buenos Aires ne semblait pas considérer que sa capitale était affectée par les mouvements nationalistes.

Le présent événement fut l’occasion pour ces trois maires de défendre leur bilan et leurs initiatives. En se prononçant chacun sur leurs politiques, ils n’ont néanmoins pas interagi entre eux ou réfléchit collectivement aux problèmes, optant plutôt pour un rapport unilatéral avec le public. En l’absence de réfugié·e·s pour confirmer ou infirmer ces propos, il semble difficile de se prononcer sur les effets réels de ces pratiques gouvernementales.

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Un loyer, mais à quel prix? https://www.delitfrancais.com/2017/06/23/un-loyer-mais-a-quel-prix/ Fri, 23 Jun 2017 20:34:46 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28833 Le lancement du site monloyer.québec répond à la demande de transparence dans les baux résidentiels.

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Avec le 1er juillet qui approche, nous sommes nombreux à déménager dans un nouvel appartement. C’est aussi l’occasion pour de nombreux propriétaires de modifier les prix de leurs logements, profitant du changement de locataires pour les monter. Afin de diminuer ces éventuels abus, un organisme à but non-lucratif a lancé le projet monloyer.quebec.

«Le site permet de répondre à une question principale: combien coûte réellement un logement dans mon quartier?» explique Luis Nobres, l’un des instigateurs du projet. «Notre but est de permettre au locataire de faire des choix éclairés en matière de logement, mais aussi de faire avancer l’état des connaissances au bénéfice de tout le monde» continue son collègue Julien Fortier. Pour y arriver, le site propose aux utilisateurs d’enregistrer le coût mensuel de leur logement, auquel ils peuvent ajouter des détails comme les frais d’électricité et de gaz, le droit aux animaux et l’ameublement fourni.

Avec l’aide de la coopérative numérique Caravan, les fondateurs de monloyer.quebec ont créé une carte interactive sur laquelle apparaissent des points bleus. En cliquant sur ceux-ci, des informations spécifiques concernant le logement sélectionné et des statistiques générales s’ouvrent à l’écran. «Nous voulions une plateforme simple et ludique pour que des utilisateurs de toutes les générations puissent consulter des logements sans difficulté.»

Rappelons qu’à Montréal, plus du tiers des ménages consacre au moins 30% de leurs revenus à se loger. «Comment se fait-il qu’on puisse comparer les prix d’à peu près tous les produits, sauf la dépense la plus importante — et qui est récurrente chaque mois» explique Nobres. C’est afin de répondre à ce manque de transparence dans le milieu immobilier que ce site fut conçu. À noter qu’avec la Régie du logement, il est présentement possible de renégocier un bail dans les dix jours suivant l’installation dans un nouveau logement si le locataire se rend compte que son loyer est trop élevé.

Hans Brouillette de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) a déclaré que l’archivage et le partage d’informations quant aux coûts du logement étaient illégaux. «Ce site fournit des informations personnelles et confidentielles à propos de nos baux, de nos loyers et de nos revenus» a‑t-il dit à CTV. D’autres propriétaires pointent aussi l’impossibilité de s’assurer de la véracité des informations disponibles sur ce site. Les responsables de monloyer.quebec ont déclaré travailler sur une méthode de vérification plus sérieuse que celle présentement en place — seule une adresse courriel valide suffit —, par preuve de bail notamment.

Le rapide succès du site monloyer.quebec laisse néanmoins penser que cette initiative répond à une demande forte dans le milieu du logement. Avec plus de deux mille loyers étaient déjà inscrits, le site pourrait rapidement devenir un incontournable au moment de se chercher un nouvel endroit où vivre.

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De la contestation à bicyclette https://www.delitfrancais.com/2017/06/21/de-la-contestation-a-bicyclette/ Wed, 21 Jun 2017 18:41:48 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28808 La masse critique à vélo a congestionné les rues à la veille du Grand Prix, exprimant leur insatisfaction face à l'événement automobile.

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Une cinquantaine de cyclistes ont déferlé sur la rue Maisonneuve et les environs vendredi le 9 juin pour manifester contre le Grand Prix. Organisé par Virginie Nanchang et Renaud Poupart, l’événement reprenait le concept de la masse critique, cette rencontre plus ou moins spontanée entre individus voulant manifester à bicyclette pour dénoncer divers problèmes écologiques. «La masse critique rejoint trois groupes: les activistes/écologiques, les cyclistes de tous types et tout ce qui à trait aux dénonciations de l’objectivation des femmes en lien avec la course automobile» dit l’organisatrice, en parlant plus spécifiquement de cette manifestation. Cela se veut aussi une occasion de festivités pour la plupart, qui y voient une rencontre amicale entre passionné·e·s de vélo.

Cette initiative citoyenne s’attaquait au «véritable culte de la voiture, un culte du moteur à essence» que l’on retrouve dans les rencontres automobiles. Avec cette dénonciation précise en tête, les cyclistes plaidaient en faveur d’une réévaluation de cet événement touristique. «Nous sommes en faveur du plaisir du Grand Prix, mais les gens qui sont attirés autour de ces événements ne participent pas d’une conscience écologique» explique Virginie Nanchang. Montréal participe déjà à cette dynamique plus écologique, en organisant cette année une course de formule E (électrique). La ville a toutefois dû débourser des montants de vingt-quatre millions de dollars pour l’événement, comparativement aux autres grandes villes participantes qui n’ont eu aucune dépense.

La masse critique se prononce aussi sur l’exploitation des femmes, qui «sont présentées et utilisées comme un objet de consommation et de promotion dans le cadre du Grand Prix.» Avec l’appui de l’organisme Stella, l’événement se prononce en faveur d’un choix libre et éclairé du travail du sexe: «Il est important qu’il y ait des organismes, des groupes, une discussion autour du fait qu’on doit aider les personnes qui veulent sortir du travail du sexe. Ceux qui veulent y rester, ou ceux qui y sont encore mais qui veulent le quitter, sont aussi des êtres humains qui ont droit au respect.» D’autres organismes ont, quant à eux, dénoncé toute forme d’exploitation sexuelle. L’augmentation de l’offre de ce genre de service coïncide avec le fort nombre de touristes en ville durant ce week-end.

Le dernier point soulevé par l’événement est économique. En effet, les chiffres du Grand Prix seraient gonflés par trois, selon les organisateurs. «En comparant notre événement avec le Grand Prix de Melbourne, qui est de la même ampleur, on remarque que les retombés de Melbourne sont autour de 32,6 millions de dollars, alors que Tourisme Montréal parle de 89,3 millions.» Considérant le nombre important de subventions gouvernementales déposées dans ce projet — une somme totale 219 millions de dollars pour la période 2014–2024, provenant de contributions de divers paliers gouvernementaux et de Tourisme Montréal —, la masse critique cherche à dénoncer ces dépenses faramineuses pour ce seul événement.

Somme tout moins agressif que sa version de l’été 2012, «On va vous l’organiser votre Grand Prix!», la masse critique à vélo du 9 juin 2017 s’est déroulé dans une ambiance festive et contestataire. Les rues prises d’assaut par les cyclistes ont résonnées sous leurs revendications, offrant une vue prenante sur les problèmes entourant le Grand Prix de Montréal.

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Les amants sous le Molotov https://www.delitfrancais.com/2017/06/20/les-amants-sous-le-molotov/ Tue, 20 Jun 2017 14:31:21 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28764 Charles Gauthier-Ouellette | Port Littéraire

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Dans son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations (1967), le belge Raoul Vaneigem déclare que «ceux qui parlent de révolution et de lutte de classes sans se référer explicitement à la vie quotidienne, sans comprendre ce qu’il y a de subversif dans l’amour et de positif dans le refus des contraintes, ceux-là ont dans la bouche un cadavre».

Cinquante ans plus tard, la québécoise Catherine Dorion publie l’essai Les luttes fécondes, dans lequel elle propose de «parler de ce désir qui explose lors des soulèvements populaires ainsi que de celui qui prend feu dans la passion amoureuse, parce que les deux participent d’une chimie très semblable.» Il semblerait bien que le discours de Vaneigem ait rejoint le public québécois post-Printemps érable.

Ainsi, l’intime et le collectif s’unissent tout au long de l’essai. Cette alternance bien maniée dans les exemples et le contenu nous fait comprendre que les deux n’agissent jamais en vase clos; ils sont reliés, enchevêtrés en nous et s’influencent réciproquement. «On n’a pas suffisamment compris que l’instinct politique des gens va aussi profond et est sujet aux mêmes lois psychologiques que leur libido sexuelle. Comme tous les instincts vitaux, il est irrationnel et imperméable aux arguments de la raison», écrit d’ailleurs Arthur Koestler, qui est cité en exergue. Et les pulsions libidinales, ici, se doivent d’être contestataires. En effet, elles ne peuvent s’emprisonner dans le moule arbitraire de la société, sous peine de devenir une corvée: «Si je suis libre et que je suis mes désirs, tu me trouveras plus pleine, plus impressionnante, plus belle. Plus déstabilisante. Tu m’aimeras et me respecteras encore davantage. Pourquoi me demander de rendre les armes et d’abandonner la force que j’ai de te bouleverser?»

Cette conclusion, elle y arrive en développant une analogie avec la révolution cubaine, qui se voulait une libération de l’impérialisme américain avant que Fidel Castro, «par la peur de perdre le pouvoir, de ne pas être à la hauteur de la force du peuple, [préfère] mettre sous clé et exploiter pour lui seul cette force qui l’avait porté au zénith dans une effusion magnifique de désir collectif.» Ce contre-exemple illustre parfaitement le sentiment malsain qui nous pousse à réduire le présent en une série de règles pour s’assurer d’un futur. Sauf qu’une telle relation restera stérile. «L’amour n’est pas là pour rassurer. L’amour met en danger. Une lutte féconde, oui. Sinon, c’est une paix inféconde, une paix obligée qui tient par la contrainte.»

Si l’amour est lutte, le désir lui est révolutionnaire. Et si la politique en est inséparable, elle doit subir une remise en question semblable: «[la politique] a été imaginée pour que notre vie commune puisse devenir un espace de luttes ouvertes et décomplexées, un espace de sincérité. Elle n’a rien à voir avec ces injonctions d’ordre et ces promesses de stabilité, avec ces mensonges que nous répétons en masse».

Les luttes fécondes de Catherine Dorion lie donc deux facettes de notre société sous le thème commun de la révolution. Cet essai se veut ainsi à la fois un plaidoyer pour la libération sexuelle – la vraie, non celle proposée par l’industrie de la pub – et politique, visant à libérer «cette libido que nous avons écrasée sous toutes sortes d’anesthésiants – workaholism, télévision, pilules, Facebook, alcool, magasinage.»

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Les graffiteurs prennent Montréal https://www.delitfrancais.com/2017/06/19/les-graffiteurs-prennent-montreal/ Mon, 19 Jun 2017 17:34:34 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28803 Retour en images sur l'événement Mural qui a eu lieu du 8 au 18 juin.

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Le boulevard Saint-Laurent a vibré sous les festivités du festival Mural au cours des derniers jours. Cet événement célébrant l’art public et la créativité a transformé la rue en véritable tableau gigantesque. Des artistes graffiteurs locaux et internationaux se sont côtoyés pour faire vivre l’art urbain, offrant une expérience de musée sur près d’un kilomètre et demi.

Charles Gauthier-Ouellette
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Une ouverture tout en crescendo https://www.delitfrancais.com/2017/06/13/une-ouverture-tout-en-crescendo/ Tue, 13 Jun 2017 18:09:05 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28766 Le 8 juin a eu lieu l’ouverture de la 29e édition des FrancoFolies.

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L’événement d’ouverture de la 29e édition des FrancoFolies a eu lieu jeudi dernier en soirée, sur la scène Ford.

Première artiste à monter sur scène, Lydia Képinski, gagnante des dernières Francouvertes. Artiste multi-instrumentaliste, elle offrit une prestation dans laquelle se mêla des accents de rock et d’indie. Accompagnée d’un violoniste/claviériste et d’un batteur, elle réussit à capter l’attention d’une foule assez distraite avec ses paroles aux accents poétiques. Lydia Képinski incarne assez bien cette jeunesse passionnée de musique, mais mal à l’aise lors de ses interventions entre les chansons. Heureusement, ce stress disparaît complètement lorsqu’elle chante.

Pierre Kwenders s’est, par la suite, installé sur scène. Mêlant la musique traditionnelle congolaise à l’électro, le chanteur a proposé des rythmes qu’on classifie comme du World 2.0. Même si la foule semblait plus encline à participer, l’ambiance générale restait frigide – malgré la chaleur accablante.

Il a fallu l’arrivée de Dumas pour que les spectateurs se réchauffent. Malgré quelques problèmes techniques, le chanteur et guitariste, accompagné de choristes, d’un bassiste et d’un batteur, a joué succès sur succès pendant son concert. Il mélangea des titres plus dansants, notamment une réinterprétation de Je ne sais pas frôlant le disco, à d’autres plus rock alternatif, comme la célèbre Au gré des saisons. « On va vous apprendre le YMCA de Matane », a lancé le chanteur. Cet effort risible de faire bouger une foule déjà gagnée par la musique a calmé les ardeurs de plusieurs. Si ce n’était de cet écart, le reste de la prestation fut un succès.

Le clou de la soirée fut sans contredit le spectacle des Trois accords. Commençant en force, le groupe a enchainé les titres avec une efficacité surprenante, n’intervenant que sporadiquement avec des blagues biens placées. «Cette chanson porte sur un des sujets qui nous tient le plus à cœur… la géographie», dit le chanteur avant de débuter St-Bruno – et plus tard, de revenir sur la blague pour Saskatchewan. À chaque chanson on entendait une nouvelle clameur du public; naturellement, le public dansait sur ces titres connus. Et je reste encore déstabilisé d’avoir entendue une foule de tous âges entonnée en chœur Je me touche dans le parc.

 

Quelques artistes à (re)découvrir

15 juin : Grunge. Éclaté. Apocalyptique. Si ces mots vous parlent, vous apprécierez la concert de Violett Pi, artiste surprenant qui offrira une performance solo en début de soirée. (La Zone Coors Light)

16 juin : Pour les fans de Jimmy Hunt, Chocolat (un projet parallèle) mérite une écoute attentive. Très difficile de catégoriser ce groupe qui alterne entre le prog, le rock alternatif, le folk et le punk. Une chose est sûre, c’est un plaisir presque culinaire. (Scène Ford)

18 juin : L’événement de clôture sera certainement la cerise sur le sundae. Avec neuf heures de concert, le rap côtoiera l’électro et la pop dans un cocktail sublime. Les Cowboys Fringants, Marie-Pierre Arthur, Safia Nolin, Philippe Brach et plusieurs autres se passeront le flambeau à partir de 15h sur la scène Ford.

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«Démocratiser le côté caché de la restauration» https://www.delitfrancais.com/2017/06/06/democratiser-le-cote-cache-de-la-restauration/ Tue, 06 Jun 2017 14:33:55 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28749 L’ouverture du café Rond-point offre un premier café dans l’ouest d’Hochelaga.

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Situé à un jet de pierre du signe lumineux d’Hochelaga, côté ouest, le café Rond-point ouvrait ses portes le vendredi 2 juin. Du café sous toutes ses déclinaisons, servi dans des tasses typiques aux vaisseliers de nos grand-mères, se jumelle à des grilled-cheese à bas prix. «On décline le grilled-cheese de plusieurs façons», proposant un style qui se rapproche de la cuisine fusion. Des options végétaliennes et sans gluten se retrouvent aussi sur le menu, de sorte que tou·te·s peuvent y trouver le repas approprié.

Installé dans le local de l’ancien café Bobby McGee, le Rond-point est le résultat d’efforts continus de ses trois membres fondatrices, Chanel, Héloïse et Caroline. «On a bien réfléchi, on a pris du temps pour rêver à ce projet. On aimait le décor de l’ancien café, la façon dont il était divisé et l’emplacement. Quand il a été mis en vente, ça a propulsé notre rêve».

Le café Rond-point propose une ambiance salon, avec ses divans et une aire de jeux pour enfants. Des jeux de société sont aussi mis à la disponibilité de tous. Les grandes aires vitrées à l’avant, avec vue sur la rue Ontario et l’impressionnante église en face, offrent un joli contrepoint aux luminaires rustiques qui illuminent l’intérieur. Désormais un classique des cafés hip, les murs sont truffés de peintures, qui agrémentent bien le look.

En entrant, un tableau mensuel où sont épinglés divers événements mensuels surplombe un piano droit. «On collabore avec des organismes communautaires du quartier. On veut partager les savoirs, abolir les préjugés». Au menu, des soirées en partenariat avec des organismes communautaires du quartier, des ateliers culturels et, éventuellement, des soirées musicales.

Le modèle financier de ce café le distingue de ses compétiteurs. En effet, il suit le modèle de l’autogestion. «Nous ne voulions pas hiérarchiser les positions, pour que tout le monde puisse prendre part dans les tâches du café et dans celles de gestion». Les décisions sont donc prises aux suites d’une réflexion collective des enjeux, assurant une transparence et légitimant les actions entreprises. «Cela permet d’avoir une vision réelle du travail. Un jour, on peut faire la vaisselle et, le suivant, s’impliquer dans la comptabilité. C’est plus facile dans la gestion des tâches, tout en participant à l’esprit d’équipe».

Un tel concept existe déjà dans d’autres commerces montréalais, dont le café coop Touski, qui existe depuis 2003. Pourtant, il est difficile de percer dans le milieu: «La restauration est un milieu qui fait peur aux investisseurs, surtout à Montréal. Il a fallu qu’on se distingue dès le début.» C’est que le concept de coopérative fait peur aux investisseur·se·s, car il implique une séparation de la responsabilité entre plusieurs membres, considéré·e·s comme une entité morale au sens économique, plutôt qu’à un·e seul·e investisseur·se. Heureusement, les membres du café Rond-point assurent qu’elles visent la pérennité avec leur projet, le considérant comme la réalisation d’un rêve de plusieurs années.

 

Le café Rond-point est situé au 3213 rue Ontario Est, Montréal.

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Le neuvième art en fête https://www.delitfrancais.com/2017/06/05/le-neuvieme-art-en-fete/ Mon, 05 Jun 2017 18:14:47 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28732 Quel est l’état de la bande dessinée québécoise aujourd’hui?

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Tout au long du mois de mai, les bibliothèques montréalaises offraient des activités pour fêter le mois de la bande dessinée. À l’honneur cette année, la bande dessinée historique. Des bédéistes comme Jean-Paul Eid, connu entre autres pour sa sublime La femme aux cartes postales (qui tourne autour des clubs de jazz des années 50), discutèrent de l’importance de la bande dessinée dans le milieu québécois.

Au cours de la fin de semaine dernière eut lieu le Festival de la BD de Montréal (FBDM), événement conjoint aux autres festivités où se rejoignirent pour une sixième année de nombreux exposants au parc Lafontaine. Ce fut l’occasion de partager leur passion du neuvième art avec un large public à travers des ateliers, des quizz et des conversations avec des auteurs. Ce fut aussi l’occasion pour différents membres du milieu (artistique, éditorial, professoral, événementiel) de discuter des divers enjeux de la bande dessinée québécoise. Bonne nouvelle, la BD québécoise se porte magnifiquement bien!

 

Comment se définit la bande dessinée québécoise?

La bande dessinée québécoise apparaît avant tout comme une bande dessinée d’auteur·e, marquée par une touche personnelle. On retrouve assez peu de franchises, sur le modèle américain DC ou Marvel, alors que foisonnent les œuvres hétéroclites aux sujets tout aussi variés. Comme le thème de cette année est la bande dessinée historique, ne nommons que La petite patrie (qui reprend la télésérie de Claude Jasmin), de Julie Rocheleau, le très récent Lénine de Denis Rodier et Louis Riel, de Chester Brown.

Le neuvième art est encore jeune au Québec, ne possédant pas de tradition aussi forte que la Belgique (Tintin) ou la France (Astérix). Plutôt qu’un mal, les bédéistes québécois perçoivent cette faible filiation d’un point de vue libérateur: ils n’ont pas de cadre préétabli par le milieu à respecter. Cela se traduit par une grande exploration des limites éditoriales, dont l’un des meilleurs exemples se trouve dans Le fond du trou, de Jean-Paul Eid. Dans cette œuvre atypique, le bédéiste s’est contraint à dessiner chaque planche en prenant en compte qu’un trou traverserait littéralement la page. Le résultat: une histoire rocambolesque où chaque page joue avec la matérialité du livre.

Sur le plan financier, la bande dessinée québécoise produit un véritable engouement dans la province. Les tirages se chiffrent régulièrement entre deux mille et cinq mille copies par titre, ce qui nous rapproche de nos cousins français (qui environnent les cinq à dix mille copies) alors que notre bassin de population est pourtant presque dix fois inférieur. Parmi les plus grands vendeurs québécois, la série Paul de Michel Rabagliati, qui raconte différentes tranches de vie avec une simplicité et une beauté touchantes, s’est vendue à plus d’un demi-million de copies. Les bibliothèques recensent aussi une augmentation palpable des prêts d’oeuvres issues de ce médium, qui constituent aujourd’hui environ 13% des titres empruntés.

 

Y a‑t-il une place pour la bande dessinée anglophone dans le milieu québécois?

Principalement concentrée à Montréal, la bande dessinée anglophone est déjà bien ancrée dans le milieu québécois. La librairie Drawn & Quarterly en est certainement l’exemple le plus probant.

Quoique la plupart des bandes dessinées anglophones vendues au Québec proviennent des Etats-Unis ou du Canada anglais, certains auteurs québécois publient dans les deux langues. C’est le cas de Michel Hellman qui, après avoir publié Iceberg et Mile End en français, lance Nunavik en version originale anglaise.

Chez les éditeurs, on remarque aussi un intérêt de plus en plus important pour la traduction d’œuvres, que ce soit du français vers l’anglais (l’incontournable Coquelicots d’Irak de Brigitte Findakly et Lewis Trondheim sortira en anglais en septembre) ou l’inverse (le nouvellement traduit Titan de François Vigneault). Ce phénomène reste, quoiqu’en hausse, encore marginal et symbolique plutôt que financier.

 

Le numérique est-il en voie de remplacer le format papier?

Le constat qui ressort de la discussion est simple: non. Il s’agit d’un non-marché, c’est-à-dire que les ventes aux particuliers n’existent presque pas, dans sa transposition directe du moins. Des projets comme Tout garni, de la maison d’édition La Pastèque, cherchent à donner vie à la bande dessinée numérique en réfléchissant au médium autrement. Le but visé: opter pour l’interactivité propre aux nouvelles technologies pour inclure le lecteur dans l’histoire.

L’option de la bande dessinée pour téléphone, très populaire en Orient, mérite d’être envisagée au Québec. Cette forme, qui consiste en une suite de vignettes présentées verticalement (pour faciliter le défilement), s’est développée ailleurs dans le monde par moyen de micro-abonnement; en échange d’un montant mensuel fixe, les usagers reçoivent quotidiennement du contenu exclusif.

Il est aussi à noter que le festival de bande dessinée d’Angoulème a récemment créé un prix pour la meilleure création numérique.

 

Avec des festivals de plus en plus importants au Québec, le neuvième art s’intègre lentement dans notre quotidien. La bande dessinée québécoise reste le fruit d’un travail de passionné·e·s, empreint d’une touche bien personnelle la distinguant de ses contemporains français ou américains, qui mérite d’être explorée!

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Le principe du pull out https://www.delitfrancais.com/2017/06/02/le-principe-du-pull-out/ Fri, 02 Jun 2017 15:31:04 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28743 De l’incompétence gouvernementale et autres méthodes de contraception intellectuelle.

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On peut traduire «pull out» par «se retirer», au sens de quitter un lieu, un groupe. Lorsqu’un ami te dit qu’il va se retirer pour aller se coucher, il implique qu’il ne veut plus te voir et préfère le confort de son petit monde. Sous-entendu pour son lit et la nouvelle saison de House of Cards.

Le terme pull out réfère aussi à une méthode contraceptive dans laquelle l’homme «se retire» du sexe de sa partenaire avant l’éjaculation, évitant ainsi de devoir endurer une éventuelle progéniture pour les 18 prochaines années. Le défaut de cette pratique : elle ne constitue en rien un moyen de protection efficace…

Prenons maintenant un exemple hypothétique : le président d’un des pays les plus puissants mondialement, le genre d’individu qui pourrait tweeter un soir «Despite the negative press covfefe». Demandons-lui de se prononcer sur le premier accord mondial sur le climat, accord qui viserait à minimiser l’impact des gaz à effet de serre afin de contenir le réchauffement climatique.

Maintenant, analysons ce qui se produit lorsque ledit président décide de se pull out de l’accord mondial sur le climat signé par 195 pays. L’homme d’affaires – car, bien évidemment, seul un homme d’affaires peut se permettre de mettre en danger la planète pour quelques dollars – se mettrait à dos tout l’Europe, envenimant des relations déjà tendues. «Le moment où nous pouvions compter sur les autres pays est, dans une certaine mesure, fini» s’exclamerait à ce sujet une chancelière, devant une foule ramassée pour un événement brassicole. Ce à quoi il répondrait très certainement, dans sa roseraie devant un public avachi et partiellement lobotomisé en complet-cravate, que «cet accord place son pays dans un sérieux désavantage», que «personne ne s’inquiète de l’environnement comme il le fait » et que « cet accord n’est pas une question d’environnement, mais de contrôle de son pays par des forces extérieures.» En somme, que le retrait de l’accord panserait la «large blessure économique dont souffre son pays». Comme un prépubère qui s’enferme dans sa chambre pour prouver à ses parents qu’il a le contrôle sur sa vie, sauf que l’ado aurait soixante-dix ans et que sa chambre serait un immense manoir en Floride. Le réchauffement climatique, ça fait de belles pelouses, non?

Si on se tourne vers l’analogie sexuelle, peut-être douteuse j’en conviens, force est de constater que son pull out n’empêcherait pas la lutte contre le charbon. Au contraire, des compagnies bien installées dans son hypothétique pays lui ferait volte face et n’embarquerait pas dans son jeu. Les grands conglomérats de l’électricité et le grand méchant loup de l’agrochimie s’engageraient à réduire leur impact écologique. Même les compagnies pétrolières imploreraient ce président de ne pas quitter l’accord mondial sur le climat. «J’ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris», se bornerait-il à dire, totalement inconscient que non seulement les gens de Pittsburgh, mais de partout au pays, s’opposeraient à ce retrait. Et comme un adolescent qui cherche à montrer sa virilité en retenant son orgasme jusqu’à la dernière minute, «le retrait constitue une réaffirmation de [sa] souveraineté» et de son contrôle sur son corps (politique).

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Portrait du cinéaste en jeune poète https://www.delitfrancais.com/2017/06/01/portrait-du-cineaste-en-jeune-poete/ Thu, 01 Jun 2017 14:10:12 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28730 Le plus récent film d'Alejandro Jodorowsky, Poesía Sin Fin, transpose la poésie au grand écran.

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Une femme maquillée de la tête aux pieds entre dans un bar géré par des vieillards en complet et chapeau melon. Elle s’écrie que tous les hommes dans la pièce ne valent rien, avant de se commander un deux litres de bière qu’elle cale sous le regard stupéfait du personnage principal. Un homme l’aborde alors, lui susurre à l’oreille, reçoit en retour un poing au visage. La femme, Stella Díaz, se rassoie ensuite et ébauche un poème vite fait avant de partir en criant de nouveau. Si cette scène vous laisse perplexe, attendez de voir l’entièreté de Poesía Sin Fin, le plus récent film d’Alejandro Jodorowsky. Cet opus retrace les jeunes années d’un Alejandro Jodorowsky voulant devenir poète, réinventant son histoire dans un Chili marqué par la montée au pouvoir du parti fasciste.

«Si votre vie quotidienne vous paraît pauvre, ne l’accusez pas; accusez-vous plutôt, dites-vous que vous n’êtes pas assez poète pour en convoquer les richesses.» Cette citation, tirée de Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke, pourrait bien servir d’exergue au film tellement elle résonne avec l’histoire. Récit de vie, Poesía Sin Fin récupère le mythe de l’artiste incompris et fait de la moindre parcelle de son existence une œuvre poétique. De sa fugue initiale – qui l’emmène dans le monde artistique – jusqu’à la confrontation finale avec son père, chaque évènement est extrapolé et conjugué à des dialogues absurdes avec des personnages excentriques jusqu’à créer un effet d’étrangeté. «La poésie est un art vivant,» crient le jeune Alejandro Jodorowsky et son homologue poète devant un groupe de littéraires pompeux, avant d’ouvrir des étuis à guitare remplis de viande crue et d’œufs pour leurs lancer au visage. Et ce n’est qu’une scène parmi tant d’autres.

L’excentricité du récit se conjugue à la réinvention du soi qui traverse tout le narratif. Le film s’ouvre sur le metteur en scène debout dans la rue qui l’a vue grandir, aujourd’hui décrépite. Il explique qu’à l’époque elle était l’un des carrefours les plus importants de Santiago, tandis qu’une équipe technique appose d’immenses impressions sur les bâtisses défraichies. Une foule immense et masquée – symbole de la masse d’individus sans nom qu’il a côtoyé toute sa vie – remplit ensuite les lieux et nous voilà renvoyés dans son enfance. La présence répétée de figures complètement encagoulées, dont la seule utilité est de bouger du mobilier ou des objets, participe aussi à cette distanciation par rapport à la réalité; le film adopte ici des techniques théâtrales plutôt qu’un effet de vérisimilitude. Ces jeux visuels offrent donc un joli contrepoint aux effets poétiques qui traversent la narration

Parsemé de symboles spirituels, propres à l’œuvre de Jodorowsky, Poesía Sin Fin propose un divertissement certes déroutant, mais fort appréciable dans son ensemble. Malgré – ou grâce à – un scénario somme toute classique, le film se démarque en offrant une ambiance unique qui reflète la poésie du quotidien. Ce n’est donc pas un hasard si le film se conclue sur une immense scène de carnaval, où dansent démons et squelettes; Poesía Sin Fin est un immense renversement des valeurs au profit de l’art et de la bohème.

 

Poesía Sin Fin est présenté en version originale espagnole, sous-titré anglais, au cinéma du Parc jusqu’au 7 juin.

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Un renouveau poétique https://www.delitfrancais.com/2017/05/26/un-renouveau-poetique/ Fri, 26 May 2017 18:39:44 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28711 Entrevue avec Stéphanie Roussel et Alexandre Turgeon Dalpé, qui documentent la montée des micros ouverts.

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Le phénomène du micro ouvert, plus connu sous son nom anglais open mic, prend de plus en plus d’ampleur dans le milieu culturel québécois. Il se présente sous plusieurs formes, dont les très prisées soirées de poésie. Durant ces dernières, des poètes de tout horizon se rejoignent pour partager leurs créations et leur passion pour les mots. Pour en discuter, Le Délit a rejoint Stéphanie Roussel et Alexandre Turgeon Dalpé, deux passionnés qui travaillent présentement sur le documentaire Open mic.

 

Le Délit (LD): Avant de commencer, pouvez-vous vous présenter?

Alexandre Turgeon Dalpé (AT): J’ai étudié au baccalauréat en études littéraires à l’UQÀM. C’est là qu’on s’est rencontré, en fait. Je commence une maîtrise en communication, profil média expérimental, cet automne, dans le cadre duquel je m’intéresserai à la vidéopoésie.

Stéphanie Roussel (SR): Je suis candidate à la maîtrise en études littéraires à l’UQÀM. Mes recherches actuelles portent justement sur les micros libres de poésie.

 

LD: Pouvez-vous nous décrire la visée de votre documentaire?

AT: Pour résumer de manière très brève, Open mic est un court-métrage documentaire bilingue sur les scènes libres et ouvertes de poésie au Québec.

SR: On remarque une effervescence de ces scènes au Québec depuis, peut-être, 2010. Si elles existaient avant, de nouveaux évènements mensuels ou sporadiques sont constamment créés autant à Montréal qu’en région. Cela permet aux personnes de partager ce qu’elles créent sans passer par tout le système éditorial, ou sans avoir à être invitées. Malgré leur forte popularité (ou comme tout ce qui est populaire), ces scènes sont souvent jugées avec une certaine suspicion – est-ce que c’est de la poésie, est-ce que ce n’en est pas? Nous ne voulons pas donner de réponses de facto, mais montrer ces tensions; montrer aussi que cette pratique existe même si ces prises de parole n’ont pas la même matérialité ou durée qu’un livre.

 

LD: Dans cet ordre d’idées, pouvez-vous nous démystifier les soirées de poésie? À quoi peut-on s’attendre en allant à une soirée de poésie?

AT: Une soirée de poésie, ce n’est pas nécessairement un micro libre, et vice versa. Le documentaire traite des scènes libres de poésie, ou du moins où la poésie est mise de l’avant (et non pas l’humour ou la musique par exemple).  Je dirais que ça ressemble souvent à un laboratoire, où on explore des styles, des voix, des vécus. On peut s’attendre à une multiplicité de points de vue.

SR: Dans sa forme la plus simple, un micro libre de poésie est un espace dans lequel des personnes se réunissent pour partager ce qu’elles créent ou être attentives à ce que les autres créent. On utilise la formule «open mic» parce qu’elle renvoie rapidement à cela, mais le micro n’existe pas nécessairement (ne pensons qu’aux scènes qui accueillent des personnes sourdes).

 

LD: Vous avez déjà publié un livre, De gestes et de paroles. Pourquoi avez-vous opté pour le format documentaire filmé pour parler des open mics?

SR: Notre livre est dédié tant aux habitué.e.s de ces scènes qu’aux chercheur.euse.s. Bien sûr, d’autres lecteur.ice.s peuvent l’apprécier, sauf que je pense que si ma tante le lisait, elle ne saisirait peut-être toujours pas ce que les micros ouverts de poésie représentent. Avec le documentaire, nous voulons agrandir le public et nous adresser aussi à des personnes, comme ma tante, qui ne connaissent pas la poésie, ou qui ont gardé l’image figée d’une poésie enseignée au secondaire à coup de classiques français. Une des problématiques qu’on a rencontrées avec De gestes et de paroles, c’est l’horizon d’attente qu’on peut avoir par rapport à un livre. On m’a souvent questionné sur le travail éditorial des poèmes, alors que le livre ne se présentait pas comme un recueil de poésie mais comme un regard sur des scènes vivantes. Les textes étaient restés tels que lorsqu’ils avaient été lus. Aussi, évidemment, l’interaction entre la salle et la scène est difficile à reproduire sans son. Même si une retranscription vidéo ne traduit pas l’effet du live, on pourra au moins jouer avec les réactions du public, avec les rythmes et les corps. Ça permet que l’attention ne soit plus seulement portée sur le texte en lui-même.

AT: Je trouvais aussi qu’il y avait peu de photographes, ou de vidéastes, qui s’intéressaient à ces scènes, ou qui cherchaient à esthétiser visuellement ce qu’on y rencontrait. Comme je travaille sur la vidéopoésie, je suis très sensible à ces enjeux, à la retranscription d’une expérience poétique vécue dans un média (un livre, une performance) dans un autre média (un film). Je pense que c’est une relation qui peut être enrichissante autant du point de vue de la poésie que du cinéma. Et puis, le cinéma est un art populaire, il est plus accessible de par sa distribution. Je crois que ça va être plus facile de rendre visibles cette pratique, les micros ouverts, en passant par ce médium-là.

 

LD: Quelle est l’ambiance générale de ces soirées?

SR: Cela dépend vraiment des évènements et des communautés, des raisons pour lesquelles les différentes personnes se présentent au micro ouvert. Par exemple, il est certain que le public du Cabaret des mots doux ou de Gender b(l)ender agit différemment que celui du Bistro Ouvert ou de Vaincre la nuit, parce que les deux premières soirées sont des «safe spaces» où les gens racontent des expériences vécues souvent violentes. La foule est silencieuse parce que le contenu partagé nécessite ce silence-là. Le fait de s’exprimer sur ces scènes peut être primordial, nécessaire, pour ces personnes, et ce qu’on y vit est puissant et intense. La «littérarité» des textes côtoie d’autres enjeux de la communication littéraire comme celui du témoignage. Sur d’autres scènes, qui n’ont pas de cadre particulier, l’attention du public est très variable. Les salles peuvent être très bruyantes; on n’est pas dans une salle de théâtre où le silence est donné. Mais il s’agit d’un dialogue. Si ce qui se passe sur scène requiert le silence, la salle va l’offrir. Si, au contraire, la personne qui lit impose sa présence, prend tout l’espace et le temps sur scène, tient des propos irrespectueux, la salle va réagir.

AT: Il ne faut pas oublier que certains de ces lieux-là, comme le Bistro de Paris ou L’Île noire, sont des lieux ouverts (l’entrée est gratuite), où il y a beaucoup de circulation: des gens peuvent être en train d’écouter un match de hockey, de discuter avec des ami.e.s. Ça peut donner des situations très particulières. Comme caméraman, j’essaie de capter les réactions de ces gens-là qui sont de divers horizons et croisent, parfois par accident, le milieu poétique.

 

LD: Avec votre projet, vous vous déployez à l’extérieur de Montréal. Est-ce que la scène poétique se développe à l’extérieur de la métropole?

AT: Règne, bien souvent, cette impression très montréalocentriste que la poésie n’existe que dans les grandes villes, alors qu’elle se développe beaucoup dans les régions. Je ne pense qu’à Chicoutimi, à Joliette, à Rimouski ou à Trois-Rivières. C’est super vivant, ça grouille. Il y a autant de monde à ces événements-là qu’à Montréal. Avec notre campagne de sociofinancement, nous voulons aller découvrir ce qu’on fait ailleurs et le faire découvrir. C’est important de donner une visibilité à la vie culturelle en région aussi.

 

LD: Quel est votre rapport avec le multilinguisme dans les micros ouverts? Y a‑t-il autant de soirées en français qu’en anglais?

AT: Il n’y a pas de restriction de langues dans ces évènements et ils sont portés, au Québec, par des personnes qui parlent différentes langues. Certains peuvent peut-être le voir d’un œil méfiant, c’est difficile parler de littérature — et surtout de poésie — sans que la question de la langue surgisse. Toutefois, nous cherchons à rétablir une situation de confiance entre les deux langues. Nous avons choisi de faire un documentaire sur le Québec pour restreindre un espace à travers lequel se déplacer et filmer, et non, dans la perspective d’une identité nationale exclusive. Et la poésie, au Québec, elle ne se fait pas qu’en français.

 

Le documentaire Open mic est présentement en campagne de financement participatif sur la plateforme IndieGoGo.

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Pour l’audibilité de la diversité culturelle https://www.delitfrancais.com/2017/05/25/pour-laudibilite-de-la-diversite-culturelle/ Thu, 25 May 2017 15:39:45 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28708 Les propos d’un éditorial prouvent le besoin d’une conscientisation sur l’appropriation culturelle.

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La controverse a commencé il y a plus d’une semaine, suite à l’éditorial du plus récent numéro du magazine Write: le nom de l’éditorial, Winning The Appropriation Prize (Gagner le Prix de l’appropriation, ndlr), par Hal Niedviecki, alors rédacteur en chef de Writers’ Union of Canada. Dans cet article, et dans les réponses de nombreux acteurs médiatiques, la notion d’appropriation culturelle fut mise à mal. L’article de Niedviecki s’ouvre sur ces mots : «I don’t believe in cultural appropriation. In my opinion, anyone, anywhere, should be encouraged to imagine other peoples, other cultures, other identities. I’d go so far as to say that there should even be an award for doing so – the Appropriatioon Prize for best book by an author who writes about people who aren’t even remotely like her or him.» (Je ne crois pas à l’appropriation culturelle. Mon opinion, c’est que n’importe qui, n’importe quand, devrait être encourager à imaginer d’autres personnes, d’autres cultures, d’autres identités. J’irais jusqu’à dire que nous devrions même avoir un prix pour cela — le Prix de l’appropriation pour le meilleur livre par un auteur écrivant sur des cultures qui lui sont étrangères, ndlr)

Cette proposition s’est rapidement propagée sur les médias sociaux. Parmi les figures médiatiques qui ont encouragé l’idée, notons l’ancien exécutif de Rogers, Ken Whyte, la rédactrice en chef du National Post, Anne Marie Owens, et le rédacteur en chef de CBC, Steven Ladurantaye. Des tweets comme celui de Ken Whyte — « Je donnerai 500$ pour la fondation du prix de l’Appropriation, si quelqu’un veut l’organiser» — ont enflammé la toile, alors que des défenseurs des droits autochtones dénonçaient la banalisation de l’appropriation culturelle qui était en train de se produire. Les auteurs de ces messages se sont, pour la plupart, par la suite excusés de la teneur de leurs propos.

En réponse à cette première vague de tweets, l’avocate torontoise Robin Park a lancé une campagne de sociofinancement sur le site IndieGoGo pour favoriser l’émergence des voix autochtones dans le milieu littéraire. Elle explique au journal CBC : «Je ne veux pas créer un espace d’argumentation. Je veux aider à créer un espace pour la créativité et l’art». Son objectif est d’encourager les écrivains avec de l’argent qui provient de la communauté, afin de donner le sentiment qu’une société complète appuie le mouvement. En date du 23 mai, les fonds amassés dépassent les 87 000$, soit 870% plus que le montant fixé initialement.

Petite mise au point: qu’est-ce que l’appropriation culturelle? On parle généralement d’appropriation culturelle lorsqu’un groupe dominant (dans le cas présent, des auteurs caucasiens) s’approprie les éléments d’une minorité (dans le cas présent, la culture autochtone) dans le but d’engendrer des profits culturels ou monétaires. Il en résulte une dépossession de la culture minoritaire par la culture dominante.

De nombreuses voix se sont élevées pour critiquer ce qu’ils perçoivent comme une muselière se resserrant sur leur liberté d’expression. Par la banalisation d’un traumatisme collectif, ces critiques font fi d’une histoire qui s’est bâtie dans la violence et la persécution. Ne pas croire en l’appropriation culturelle sous prétexte de liberté artistique revient à caviarder l’histoire d’un peuple qui, par les efforts de plus en plus médiatisés, cherche à se réapproprier sa voix. Comme le décrit Rima Elkouri dans son article «Les paroles invisibles», «le problème, ce n’est pas qu’on entende la voix de l’homme blanc qui croit tout savoir. Le problème, ce sont toutes les voix qui, dans son ombre, restent inaudibles alors qu’elles ont tant d’histoires à raconter, tant de murs à faire tomber, tant d’indifférence à secouer».

Lecture conseillée pour approfondir le sujet: Kuei, je te salue (2016, Écosociété), de Deni Ellis Béchard et Natasha Kanapé Fontaine, essai sur le racisme écrit sous forme épistolaire.

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WannaCry, un virus en dormance ? https://www.delitfrancais.com/2017/05/22/wannacry-un-virus-en-dormance/ Mon, 22 May 2017 15:43:18 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28687 Faisons le point, plus d'une semaine après l’attaque de WannaCry

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Si vous êtes le moindrement branché, vous avez certainement entendu parlé du rançongiciel (ransomware) surnommé WannaCry qui s’est propagé mondialement dans la journée de vendredi le 12 mai. Ce virus bloque votre ordinateur, empêchant tout accès à vos données, et demande un montant pouvant monter jusqu’à 600 USD afin de vous rendre vos informations. Après une semaine, si aucun paiement n’est envoyé, le message stipule que les fichiers piratés seront effacés.

Le virus utilise une faille des systèmes d’exploitation Windows détecté par la NSA (National Security Agency, un organisme de sécurité gouvernemental étasunien). Cette faille fut rendue publique par la mise en ligne de dossiers de la NSA qui furent piratés par le groupe de hackers ShadowBrokers. Plus précisément, WannaCry s’attaque aux versions antérieures à Windows 10, qui ne bénéficient plus de mise à jour de sécurité quotidienne et se retrouvaient susceptibles d’être attaquées. Un patch de sécurité fut distribué, mais trop tard dans de nombreux cas. Les ordinateurs ayant le système d’exploitation Windows 10 ont été, pour leur part, fixé en mars — soit deux mois avant l’attaque. De nombreux experts dénoncent l’utilisation de ces systèmes d’exploitation périmés, qui ne peuvent se protéger adéquatement des attaques de virus, par les grandes compagnies.

En date de samedi soir 20 mai, le montant total payé au niveau mondial approche les 100 000 USD, assez peu considérant le nombre important d’ordinateurs infectés — plus de 200 000 à travers le monde, dont le service public de santé britannique (NHS), les entreprises FedEx et Renault. L’Université de Montréal a été victime de la cyberattaque, avec un total de 120 ordinateurs infectés sur 8 300 disponibles. Les autres universités montréalaises ne présenteraient pour l’instant pas de trace du virus.

L’expansion du virus s’est toutefois ralentie presque miraculeusement, grâce aux efforts du programmeur MalwareTech qui, pour quelques dollars, acheta le domaine dont se servait le rançongiciel. Pour simplifier, WannaCry, comme de nombreux virus, se connecte à un domaine (un domaine renvoie au nom utilisé comme adresse d’un ensemble de serveurs; il est plus simple à retenir qu’une adresse IP) lors de sa mise en marche pour s’assurer de ne pas se trouver dans un sandbox. Le sandbox est un espace contrôlé par des antivirus qui peut faire fonctionner des programmes en huis clos. En analysant leurs réactions, les antivirus peuvent détecter la présence de programmes malicieux. Si la connexion ne réussit pas, le virus s’active et commence l’encryptage. Toutefois, et comparativement à la plupart des virus informatiques, WannaCry se connectait à un domaine précis plutôt qu’aléatoire. Il a donc suffit à MalwareTech d’acheter le domaine pour que WannaCry cesse de se propager.

Voici l’état des choses en début de semaine passée. Qu’en est-il depuis?

De nombreux sites de nouvelles ont fait état d’un possible lien avec la Corée du Nord, lien par ailleurs démenti par l’ambassadeur nord-coréen Kim In Ryoung lors d’une conférence de presse au siège de l’ONU à New York. Les experts en informatique suspectent un groupe de hackers de ce pays suite à la découverte d’une ligne de code singulière partagée par une version antérieure de WannaCry et par un autre programme associé au groupe connu sous le nom de Lazarus. Il semblerait opérer de la Corée du Nord.

Un groupe d’informaticiens français auraient aussi trouvé un moyen de débloquer les fichiers encryptés, dans une moindre mesure. Leurs efforts ont abouti à un outil de décryptage, nommé Wanakiwi, qui réussit effectivement à débloquer les fichiers sous des conditions bien précises. Ce processus n’est donc pas universel, car il implique de ne pas avoir redémarré votre ordinateur après l’attaque et d’appliquer la mise à jour de sécurité avant que les dossiers ne soient encryptés de manière permanente. Il s’agit donc d’une panacée aux pouvoirs limités.

Des hackers essaient de faire revivre le virus en s’attaquant au domaine acheté par MalwareTech, ayant arrêté WannaCry en premier lieu. Pour ce faire, les hackers utilisent des copies du virus Mirai, qui a fait son apparition en septembre dernier, pour congestionner le domaine jusqu’à ce que celui-ci crash. Mirai est un botnet, c’est-à-dire un virus capable de contrôler des machines quelconques (caméras et modems, notamment) et de leur faire envoyer des requêtes sur un domaine précis. Le but d’une telle opération: faire planter le domaine en le surchargeant de requêtes, causant la panne de celui-ci. Dans l’éventualité d’une telle situation, le virus pourrait reprendre du service et recommencer sa propagation. Pour l’instant, ces efforts n’ont pas porté fruit.

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Singulariser le théâtre https://www.delitfrancais.com/2017/05/19/singulariser-le-theatre/ Fri, 19 May 2017 20:42:08 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28670 La pièce La singularité est proche se révèle une savante incursion du théâtre dans la science-fiction

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Une femme étendue au sol, que l’on finira par connaître sous le nom d’Anne, se lève, puis dépose une serviette de plage au sol. Quelque chose cloche. Simultanément, un flash lumineux et un bruit de bobine qu’on rembobine. La même scène, sauf que cette fois une femme avec une chaise longue entre en scène et demande à Anne ce qu’elle pense du temps. Toujours pas satisfaisant. On recommence, ajoute, reforme. Les premières minutes de La singularité est proche, la plus récente pièce de théâtre de Jean-Philippe Baril Guérard présentée à l’Espace libre jusqu’au 20 mai, ne sont pas sans rappeler Groundhog Day, auquel on aurait injecté une poignante sensation d’étrangeté. Se basant sur l’essai du même nom de Ray Kurzweil, la pièce explore un futur dans lequel l’homme et la technologie ont fusionné jusqu’à devenir interdépendants. Plus précisément, elle met en scène le passage de la conscience d’Anne de son corps synthétique vers un autre aux suites de sa mort.

Nous apprenons assez tôt dans la représentation que l’entièreté de la pièce se déroule dans la tête et les souvenirs de la protagoniste, plus particulièrement pendant un voyage à la plage d’Anne, sa sœur, le copain de sa sœur et un ami. Les dialogues, qui se construisent notamment sur une répétition des mêmes lignes avec des modulations, s’approfondissent régulièrement et réfléchissent autour du processus de transfert de conscience vers un nouveau corps, tandis que les lumières passent de chaud à froid – des LED projetant alors des courbes qui renvoient aux replis du cerveau. L’effet est efficace et permet de créer deux trames narratives distinctes, mais complémentaires: des échanges supposément liés aux souvenirs et un métadiscours dans lequel Anne peut «caviarder» les moments qu’elle ne veut pas transférer dans son nouveau corps. Ce métadiscours, quoique impératif pour la compréhension de la pièce, dérangent parfois en expliquant trop littéralement la situation, ce qui ne laisse pas au spectateur le plaisir de faire des liens et de fabuler sur diverses théories – pourtant l’un des plus grands plaisir de la science-fiction.

Au travers ces discussions se met en place une réflexion transhumaniste – selon laquelle les progrès de la science et de la technologie permettront d’améliorer les capacités de l’être humain – qui consolide la fibre science-fiction de l’œuvre et en pose les bases philosophiques. Comment pouvons-nous vivre lorsque nous contrôlons totalement notre mémoire? Comment craindre la mort quand celle-ci ne se pose plus comme finalité? Comment vivre en sachant que nous avons l’éternité devant nous? Autant de questions qui obsèdent Anne et que Jean-Philippe Baril Guérard réussit à aborder dans une variété impressionnante de tons. L’ambiance oscille toujours entre le dramatique et le comique, le personnage de Bruno – qui se qualifie lui-même de glitch, car présent dans un souvenir où il n’y était pas en premier lieu – faisant office de soulagement comique, alors que les acteurs passent aisément d’une émotion à l’autre aux pulsations des flash lumineux et effets sonores. Ces transitions constantes amplifient le caractère tragique de La singularité est proche auprès du spectateur, qui comprend de plus en plus que la beauté des souvenirs n’est au final qu’une construction éphémère de la protagoniste cherchant à supprimer toute négativité de sa mémoire, pouvant passer de simple modification d’une ligne à la suppression complète d’un souvenir.

Cet intéressant mélange entre le théâtre et la science-fiction surprend et parvient à créer un tout plaisant. De multiples émotions attendent les spectateurs, qui réfléchiront certainement après coup aux questionnements qui traversent les personnages de La singularité est proche. Jean-Philippe Baril Guérard réussit à rendre cohérent et identifiable un univers qui se veut pourtant autre, marquant son talent pour l’écriture et les dialogues. Une pièce à voir, et revoir, et revoir, et revoir…

 

La singularité est proche de Jean-Philippe Baril Guérard est présentée jusqu’au 20 mai à l’Espace libre.

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Comme un pétard mouillé https://www.delitfrancais.com/2017/05/18/comme-un-petard-mouille/ Thu, 18 May 2017 23:12:38 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28663 Retour sur les événements qui eurent lieu lors du 375e de Montréal.

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Des banderoles affichant les couleurs de la ville volent au-dessus des cônes orange des travaux qui auraient évidemment dû être terminés plus tôt. Des festivités du 375e anniversaire de Montréal se déploieront toute l’année sous diverses formes, dont le spectacle sur le politicien Camillien Houde, la Symphonie montréalaise avec Kent Nagano et la Scène contemporaine autochtone (qui regroupe des performances artistiques de tous genres). Parmi tous ces événements, celui annoncé avec le plus de candeur reste la fête de la fondation officielle de la métropole, qui eut lieu le mercredi 17 mai.

C’est sous les sons des cloches de toutes les églises de Montréal qu’ont débuté les réjouissances, suivi d’une messe commémorative à la Basilique Notre-Dame.

De nombreuses figures politiques, dont le premier ministre du Canada Justin Trudeau, le premier ministre du Québec Philippe Couillard et le maire de Montréal Denis Coderre, ont plus tard assisté à un dîner honorifique en hommage à la Grande Paix de Montréal (1701) – année de signature d’un traité de paix entre la colonie française et trente-neuf nations amérindiennes –, dîner gastronomique typiquement autochtone concocté par la cheffe Nhaka Bertrand.

Ce fut aussi l’occasion pour un discours par le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, qui salua « les fondateurs non officiels qu’on n’a pas oubliés au fil des ans, ces Premières Nations, nos frères et sœurs mohawks » et rappela que « Tiohtià:ke, [nom mohawk de Montréal], était déjà une métropole, une métropole des Premières Nations. Et cette présence est déjà millénaire ». Denis Coderre a d’ailleurs renouvelé le projet d’intégrer un symbole afin de reconnaître les Premières Nations sur le drapeau de la ville.

L’inauguration du Fort de Ville-Marie, le septième pavillon du musée Pointe-à-Callière, la soirée culturelle Bonne fête Montréal! – où se sont notamment côtoyés Louis-José Houde, Ariane Moffatt et Dead Obies – et la première de Montréal Avudo, spectacle multimédia présenté au quai King-Edward, ont aussi marqué la journée de mercredi.

De ces nombreuses festivités, très peu s’adressaient au grand public, que ce soit pour des divergences de religion, des places disponibles en quantité limitée ou tout simplement parce que les installations n’étaient pas accessibles à tous. La population attendait donc avec impatience le climax de la journée : l’illumination du pont Jacques-Cartier. Force est de constater que le résultat de ce moment fut, somme toute, fort décevant. Des milliers de Montréalais réunis au pied du pont assistèrent à un jeu de lumières peu impressionnant accompagné de quelques feux d’artifice épars. À croire qu’ils ont sorti les fusées restantes de l’International des Feux Loto-Québec de l’an dernier. Faut-il rappeler que cette extravagance, qui illuminera le fleuve pendant 10 ans, coûte 40 millions ? Comme si cela n’était pas suffisant, le maire songe à reprendre le spectacle pour s’excuser des contestations policières qui ont marqué la soirée. Arborant brassards rouges et casquettes, les manifestants dénonçaient l’absence de contrat de travail depuis trois ans et les mesures empêchant une négociation équitable. « Le pont Jacques-Cartier, ça va être notre tour Eiffel, dit le maire de Montréal Denis Coderre, ça va être notre signature qui va avoir un impact extraordinaire partout dans le monde ! »

Désolé de vous annoncer qu’il s’agit d’un pétard mouillé.

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Trump sous la loupe d’Alan Moore https://www.delitfrancais.com/2017/01/31/trump-sous-la-loupe-dalan-moore/ Tue, 31 Jan 2017 14:34:07 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27438 Charles Gauthier-Ouellette | Port Littéraire

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«It is the duty of every man in this country to seize the initiative and make Britain great again.» (C’est le devoir de chaque homme dans ce pays de prendre l’initiative et de rendre à l’Angleterre sa grandeur, ndlr.) Vous avez bien lu; ce n’est pourtant pas le plus récent tweet de Donald Trump au sujet du Brexit, mais plutôt l’une des premières lignes de la bande dessinée d’Alan Moore et de David Lloyd, V for Vendetta. Publiée en 1993 – à la même époque où Trump apparaissait dans Home Alone – cette œuvre explore une Angleterre contrôlée par un gouvernement totalitaire et fasciste, où un héros masqué, V, orchestre un plan pour la libérer de ses chaines. Si je vous ressors une si vieille bande dessinée, c’est qu’elle résonne particulièrement bien avec la mentalité de Donald Trump, et plus largement de la politique étasunienne.

Avènement d’une société totalitaire

«Nous entrons dans des sociétés de contrôle», souligne Gilles Deleuze dans une entrevue avec Toni Negri (1990), «qui fonctionnent non plus par enfermement, mais par contrôle continu et communication instantanée.» Il ne semble donc pas surprenant de voir le nombre faramineux de tweets partagé hebdomadairement par le 45e président américain. L’accès immédiat au discours, souvent relayé dans sa forme la plus simple considérant la limite de 140 caractères typique de Twitter – exit la nuance, terminus, l’attention à la forme – rappelle l’une des cinq branches gouvernementales dans V for Vendetta: The Mouth. Cet appareil de contrôle médiatique réduit littéralement le discours à une seule personne, The Voice of Fate, supposée voix informatique de l’ordinateur central Fate dont l’intégrité est la pierre angulaire du nouvel ordre. Par transmission radiophonique, cette entité impose un contrôle strict sur le savoir partagé aux masses – la disparition de toute information concernant les changements climatiques sur les sites gouvernementaux, anyone? – et qui est justifié subtilement par le travail de David Lloyd: des écriteaux For your protection parsèment les vignettes lors des discours de Fate. Sous cette immense supercherie, la voix n’est rien de plus qu’un homme, qu’un outil de propagande qui, une fois neutralisé, laisse voir toutes les défaillances du système.

Les États-Unis – et, éventuellement, le monde – se trouvent à un tournant décisif du contenu médiatique (…) qui les conduira invariablement à l’univers totalitaire de V for Vendetta.

Le contrôle par les émotions

La première apparition du héros atypique d’Alan Moore se fait en toute extravagance: après avoir sauvé Evey des griffes de policiers corrompus, V l’invite à admirer le spectacle de la destruction du palais de Westminster. Cet acte terroriste, retour du balancier de la Conspiration des poudres de 1605, sonne le glas du parti totalitaire au pouvoir. Dans cet extrait célèbre, c’est la réaction des autorités en place qui m’interpelle: «Fate wants us to say it was a scheduled demolition undertaken at night to avoid traffic congestion.» (Fate veut que l’on dise que c’était une destruction anticipée et programmée la nuit afin d’éviter les embouteillages, ndlr). Ancrée dans une société constamment désinformée, cette Angleterre fictive illustre particulièrement bien le concept de post-vérité. Défini par l’Oxford Dictionary comme les «circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence sur l’opinion publique que ceux qui font appel à l’émotion ou aux croyances personnelles», cette réalité apparait de manière troublante dans V for Vendetta. En effet, le•la lecteur•rice s’oriente d’emblée du côté de l’opposition et conçoit la distorsion de l’information comme odieuse. Pourtant, une forte majorité se complait dans ces mensonges, qui se miroite chez une partie des électeurs républicains américains. Pour nombre d’entre eux, la vérité se dilue facilement dans les faits alternatifs, la parole forte de Donald Trump et son cabinet s’opposent aux médias objectifs traditionnels; «Media is fake!» («les  médias sont bidons», ndlr)  déclame d’ailleurs Trump dans un tweet du 8 janvier 2017. Les États-Unis – et, éventuellement, le monde – se trouvent à un tournant décisif du contenu médiatique: un pied sur terre et un pied dans le précipice, qui les conduira invariablement à l’univers totalitaire de V for Vendetta.

Le pouvoir par l’oppression

Encouragés par les propos dégradants du nouveau président, les groupes de propagande haineuse (suprématistes blancs et autres) voient leurs discours pratiquement encouragés par la plus importante figure politique du pays. À ceci s’ajoutent tous les messages avilissants au sujet de la Femme. Dans l’univers moorien, ces discriminations servent de base à la société totalitaire qui s’est érigée: «the fascist groups, the right-wingers, they’d all got together with some of the big corporations […] They soon got thing under control, but then they started taking people away […] They came for [my dad] I never saw him again.» («les groupes fascistes, l’extrême-droite, se sont regroupés avec les plus grosses entreprises […] En peu de temps ils ont vite pris le contrôle, et peu après ils ont commencé à enlever les gens […] Ils sont venus chercher mon père, je ne l’ai jamais plus revu», ndlr). Véritable génocide basé sur l’ethnie et l’orientation sexuelle, seul l’homme blanc cisgenre conserve son statut, alors que la femme se voit réduite aux simples attraits de son corps – Evey essaie de se prostituer dès les débuts de la bédé; Mrs. Almond doit travailler dans un cabaret suite au décès de son mari. L’écho du tristement célèbre «Grab ‘em by the pussy» s’entend presque dans les idéaux partagés par la majorité de la population de cette Angleterre fictive.

Heureusement, pour reprendre les mots de V, «It does not do to rely too much on silent majorities, Evey, for silence is a fragile thing… One loud noise, and it’s gone.» (Tout ne réside pas entre les mains de la majorité silencieuse, Evey, car le silence est une chose  fragile…Un seul bruit et il est détruit, ndlr) Des manifestations naissent déjà partout aux États-Unis et les consciences s’éveillent face à ces injustices. Il n’aura jamais été aussi approprié de lire ou relire ce chef‑d’œuvre qu’est V for Vendetta

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Les vertus du rideau https://www.delitfrancais.com/2017/01/17/les-vertus-du-rideau/ Tue, 17 Jan 2017 14:59:05 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27174 Charles Gauthier-Ouellette | Port Littéraire

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En me connectant ce matin sur Facebook, mon fil d’actualités me propose de commenter une photo datant d’il y a quelques années. Ce rappel du passé s’accompagne de tous les messages de l’époque, archivés à la minute près avec leur lot de «J’aime». Pourtant, je n’en garde aucun souvenir. Cette impossibilité de l’oubli, maladie contemporaine transmise par les médias, est décortiquée dans le plus récent livre de Rafaële Germain, Un présent infini. Dans cet essai, l’auteure explore notre rapport à la mémoire à travers des adresses et réflexions à l’intention de son père, mort il y a quelques années des suites d’une tumeur au cerveau.

Comment penser cette chose qu’est la mémoire ? Pour Rafaële Germain, il s’agissait tout d’abord d’une «entreprise essentielle à qui voulait survivre dans un monde imprévisible». Puis, peu à peu, l’Homme s’est distancié de la simple mémoire sensorielle, car faillible, pour se doter de technologies lui permettant une plus grande précision (rouleau de cire, ensuite papier et maintenant l’ordinateur). Ce deus ex machina contemporain qu’est le web et tous ses dérivés archive les informations et il devient «impossible qu’ils soient oubliés». La conservation de nos données et photographies croît exponentiellement: il suffit de comparer le nombre de photos prises durant l’entièreté de notre enfance et celui de notre actuel compte Instagram. Cela crée une surabondance de souvenirs et extériorise, par le fait même, notre mémoire. À cet effet, elle note l’un des constats de son père, dans lequel il se vante presque de posséder «cette chose qui allait devenir de plus en plus rare, un passé presque entièrement intérieur».

Sans être alarmiste – comme peuvent l’être certains épisodes de la série Black Mirror – l’auteure se questionne sur cette nouvelle réalité, où «tout le monde a maintenant des squelettes […] dans le placard». En soulevant ce questionnement, elle explore les nouvelles relations sociales qui semblent marquées par la disparition du vrai dans la représentation, tel que l’a théorisé Guy Debord. Notre plus récente photo aura-t-elle assez de «J’aime», devrait-on commenter le plus récent fait politique au risque de provoquer, etc. (je me permets un renvoi à l’épisode «Nosedive» de la série mentionnée précédemment pour pimenter votre prochaine soirée). L’essayiste formule un constat clair: il va falloir s’adapter à la technologie. Ces ajustements se produisent déjà à notre insu; elle constate, par exemple, que plus personne ne mémorise les numéros de téléphone d’autrui.

La réflexion qui traverse cet essai appréhende de manière légère, mais néanmoins structurée et pertinente, le concept de la mémoire et comment celle-ci se modifie aux vues des technologies contemporaines. Rafaële Germain offre aussi un texte touchant sur la faillibilité du souvenir, en réfléchissant sur son propre passé et celui de son père. Dans notre société technologique où la distance qui sépare le passé du présent se résume à un clic, devrions-nous penser notre époque comme un présent infini?  

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Se noyer dans le jeu https://www.delitfrancais.com/2016/11/15/se-noyer-dans-le-jeu/ Tue, 15 Nov 2016 15:05:33 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=26769 Charles Gauthier-Ouellette | Port Littéraire

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J’avais à peine seize ans la première fois que j’ai mis les pieds de l’autre côté des portes d’un restaurant, à la recherche d’un premier job comme bon nombre d’ados. Des planchers en céramique, un  dish pit métallique et, surtout, de la vaisselle sale à perte de vue. En lisant  Le plongeur de Stéphane Larue, ces souvenirs me reviennent à l’esprit. Sauf que, contrairement à mon expérience de la plonge, le temps passé le nez dans ce livre s’avéra très agréable.

Ce premier roman de l’auteur, publié en 2016 chez Le Quartanier, relate les mésaventures d’un jeune homme qui s’empêtre de plus en plus dans l’univers du jeu, par le biais des machines à sous. Détaillant minutieusement ces scènes, qui parsèment toute l’œuvre, Stéphane Larue rejoint le lecteur et lui insuffle cette impression de tension, ce besoin malsain de jouer pour gagner et, avec un peu de chance, pour se refaire alors qu’il est au plus bas. «Mon cœur pompait de la lave, mes yeux ont fondu dans leurs orbites, réduits à deux petits orbes brulants qui ne percevaient plus que les séquences chanceuses s’accumulant tour après tour.»

Lorsqu’il ne se trouve pas dans un bar minable sur Ontario, le personnage principal — qui parle à la première personne tout au long du récit — passe le plus clair de son temps dans le milieu de la restauration. Plongeur dans un restaurant luxueux, il y rencontre de nombreux personnages qui colorent le roman; c’est grâce à ces individus, que ce soit les cuisiniers, les serveurs ou la  busgirl (aide-serveuse, ndlr), que Le plongeur se déploie véritablement. Avec une aisance surprenante, l’auteur nous les décrit et les fait vivre dans tous leurs excès, dévoilant des hommes et des femmes plus grands que nature. C’est là la plus grande réussite du roman: créer un univers où le sort des personnages secondaires nous intéresse autant que les méandres du protagoniste.

Cet univers se bâtit aussi par un ensemble de références propre au tournant du siècle: les cassettes sont à la mode, le walkman permet de s’isoler dans un monde de possibilités musicales – les références aux groupes métal de l’époque s’enchaînent à un rythme effarant – le narrateur ne se promène jamais sans sa pagette, «à la télé, Claude Rajotte détruisait le premier album de la fille d’Ozzy Osbourne». Il n’en faut pas plus pour rejoindre la fibre nostalgique de tout jeune ayant traversé sa phase rebelle au début des années 2000.

Ce premier roman de Stéphane Larue épate par son style et son contenu. En empruntant parfois un ton plus poétique, parfois plus terre à terre, il crée un effet de tension qui plonge le lecteur dans la réalité d’une dépendance peu abordée chez les jeunes, l’addiction aux jeux. Malgré ce thème assez sombre, Le plongeur saura plaire à tous, que vous ayez eu à souffrir les affres des interminables piles de vaisselles ou non. 

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