Hortense Chauvin - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/hortensechauvin/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Fri, 12 Feb 2021 19:52:47 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.2 Le ciel dans une chambre https://www.delitfrancais.com/2017/11/28/le-ciel-dans-une-chambre/ Tue, 28 Nov 2017 17:09:58 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29997 Intime et émouvant, Room for a man retrace le parcours d’Anthony Chidiac.

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Dans le cadre des Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal (RIDM), Anthony Chidiac a présenté les 16 et 19 novembre derniers son premier film, Room for a man, en compétition internationale. Un appartement en ville, une chambre en travaux, la pampa argentine: voilà pour le décor. Le réalisateur libanais a filmé son quotidien pendant plus de cinq ans, donnant naissance à un film bouleversant.

«Rien n’était vraiment prévu dans le film, tout était spontané. Rien n’était vraiment écrit», explique le cinéaste lors de la projection du documentaire. «J’avais une petite caméra, je filmais ma mère tous les jours, sans avoir de but.» Sa mère, mais aussi son chien, son oncle, les travailleurs syriens repeignant sa chambre, et son père. La relation complexe du réalisateur avec ce dernier est explorée dans la dernière partie du documentaire, au cours d’un voyage en Argentine, dont sa famille est originaire. À travers ces portraits tout en reliefs, le réalisateur retrace avec talent sa jeunesse, sa généalogie, mais aussi son envie d’ailleurs, motivée en partie par la désapprobation de son homosexualité par sa famille.

Un témoignage en pointillés

Cette question parcourt le documentaire sans pour autant être son objet premier. Anthony Chidiac aborde l’homosexualité de manière transversale tout au long de ce film, que ce soit à travers ses discussions avec ses proches, le récit de ses aventures de jeunesse ou ses échanges avec les travailleurs syriens. «Parler de l’homosexualité [de manière directe], déjà ce n’est pas intéressant. Je ne le fais pas, ça ne me ressemble pas. C’est tout le travail du cinéma de raconter à travers l’image, à travers mon point de vue, à travers la réaction des autres», expliquait-il.

L’esthétique de l’intime

Avec des plans d’une beauté singulière, Room for a man emporte le spectateur dans les recoins les plus intimes de l’existence du réalisateur, porté par la voix énigmatique d’une narratrice inconnue. «Je ne voulais pas que ce soit ma voix à moi, j’ai essayé, ça ne marchait pas. J’ai demandé à quelqu’un que je connais qui m’aidait au montage de relire le texte, et j’ai dit oui, pourquoi pas une femme. En même temps il y a ce truc autour du genre, ce mix qui est un peu intéressant au début.» Le réalisateur pose un regard sensible sur le monde qui l’entoure, parvenant à faire de la matière brute de son quotidien un récit passionnant empreint de poésie.

Il a fallu près de deux ans au réalisateur pour synthétiser ces cinq ans de vie et de tournage et les réduire aux soixante-dix-sept minutes du documentaire. «Le montage s’est fait juste après l’Argentine. C’était vraiment difficile de créer l’histoire, de raconter tellement de sujets, tellement de détails, le rapport avec la famille, l’Argentine… Pour que ce soit cohérent, c’était difficile de monter ça.» Si le processus de création a été difficile, le résultat, quant à lui, est d’une beauté et d’une sensibilité remarquables.

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Le goût de l’exil https://www.delitfrancais.com/2017/11/28/le-gout-de-lexil/ Tue, 28 Nov 2017 16:59:52 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29991 Taste of Cement se penche sur les travailleurs de la construction réfugiés au Liban.

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Après avoir décroché le Grand Prix au festival suisse Visions du Réel, le documentaire Taste of cement  a été récompensé par le prix spécial du jury de la compétition internationale de longs métrages des Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal (RIDM). Réalisé par le syrien Ziad Kalthoum, le film examine les conditions de vie matérielle et psychologique des travailleurs de la construction syriens réfugiés à Beyrouth.

Prétextant vouloir faire un film sur un gratte-ciel en cours d’élévation, le cinéaste est parvenu à accéder au monde de ces ouvriers marginalisés, surplombant la ville sans jamais pouvoir y accéder. Il s’est plongé dans l’intimité de ces hommes, vivant dans les profondeurs des édifices qu’ils bâtissent et soumis à un couvre-feu empêchant tout mouvement hors des frontières du chantier. Ziad Kalthoum retrace leur existence, rythmée par le bruit étourdissant des perceuses, l’angoisse de l’exil et les souvenirs cauchemardesques de la guerre.

Un regard cru et émouvant

Au cours de la discussion suivant la projection de ce documentaire, le réalisateur a expliqué avoir voulu illustrer la portée psychologique du travail de ces ouvriers réfugiés. Ils contribuent à la reconstruction du Liban post-guerre civile tandis que leur propre pays est en proie à la destruction. Taste of cement présente avec une grande subtilité cette dualité, insérant dans son récit des images de la dévastation humaine et architecturale engendrée par la guerre. Le regard singulier porté par Ziad Kalthoum sur les travaux de maçonnerie permet, quant à lui, de saisir les traumatismes auxquels ces hommes font face. Sous sa caméra, les coulées de ciment deviennent des marées noires, mouvantes et menaçantes, tandis que les plans en contre-plongée vertigineux des immeubles gigantesques qui entourent ces travailleurs évoquent leur solitude et leur déracinement.

La tonalité onirique, voire poétique qui traverse le film à travers la voix d’un narrateur anonyme ne fait que souligner la gravité du sujet traité. Le narrateur évoque les aller-retours de son père à Beyrouth, travaillant dans des chantiers de construction, et l’infiltration progressive du ciment dans son intimité, envahissant son corps, remplaçant son odeur, contaminant les aliments qu’il touche. Ce goût envahissant du ciment connu durant l’enfance, le narrateur le retrouve durant la guerre. À mesure que les bâtiments sont détruits, le ciment s’insinue dans sa bouche tout comme il s’était incrusté chez son père, reproduisant l’idée de cycle entre la construction et la déconstruction développé dans l’ensemble du film.

Taste of cement est remarquable tant par sa beauté visuelle et sonore que par son approche originale du sujet, traité avec une sensibilité et une humanité immenses. En portant à l’écran les expériences de ces hommes, souvent occultées du débat public au Liban, Ziad Kalthoum signe un film profondément marquant, sondant avec talent les profondeurs de l’exil et du déracinement.

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Attention à la bordure du quai https://www.delitfrancais.com/2017/11/28/attention-a-la-bordure-du-quai/ Tue, 28 Nov 2017 16:58:11 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29988 Destierros explore la violence de la migration en Amérique centrale.

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Une gare, en Amérique centrale. Les trains se succèdent. Des hommes y montent, d’autres restent sur le quai en attendant le prochain passage. Dans le cadre des Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal (RIDM), Hubert Caron-Guay a présenté son film, Destierros, en compétition nationale longs métrages. Le documentaire embarque le spectateur dans le voyage de migrants sud-américains tentant de rejoindre la frontière américaine, à pied ou sur les trains de marchandise reliant le Mexique aux Etats-Unis. La plupart sont guatémaltèques, mexicains et honduriens, fuyant les maras (gang armés, ndlr), la violence institutionnelle ou des conditions d’existence extrêmement précaires. Destierros immerge le spectateur dans cette expérience de la traversée, permettant de mieux comprendre les motivations des hommes et des femmes prenant part à ce voyage, souvent au péril de leur vie et de celle de leur famille.

La volonté d’Hubert Caron-Guay de réaliser ce documentaire est née de son expérience dans les refuges qui accueillent des migrants, jalonnant leur parcours jusqu’à la frontière américaine. L’équipe de réalisation de Destierros ne s’est composée que de deux personnes, permettant au réalisateur de créer une véritable intimité avec les personnes rencontrées et interrogées au cours du tournage. Cette proximité transparaît dans les nombreux témoignages intimes qui ponctuent le film, succédant aux séquences de déplacement.

Touchant sans être voyeuriste

Accompagnant des migrants dans les refuges, attendant le passage du train sur une bordure de quai, fuyant avec eux la police migratoire, Hubert Caron-Guay a également documenté leur expérience concrète de marche vers le nord, sans pour autant monter dans le train. Au cours de la discussion suivant la projection du documentaire, Hubert Caron-Guay expliquait n’avoir pas voulu filmer cette étape, d’une part en raison de sa dangerosité, mais également en raison de sa conscience d’avoir le privilège de disposer du visa que ces hommes et femmes désirent et ne peuvent avoir, ne le contraignant pas à effectuer ce voyage périlleux, dernier recours des protagonistes du film.

L’alternance entre récits personnels et observat ê ion des conditions matérielles du voyage permet au réalisateur d’illustrer la violence psychologique à l’œuvre derrière cette migration et d’humaniser les personnes qui y prennent part. Les hommes et les femmes qui se succèdent devant la caméra retracent leurs parcours personnels, leurs expériences de la violence, mais aussi leurs espoirs quant à ce voyage vers le nord souvent effectué à plusieurs reprises sans succès. Seuls leurs visages éclairés apparaissent à l’écran, le reste de leur corps étant plongé dans le noir. Ce jeu sur la lumière parcourt le film, permettant au réalisateur d’illustrer visuellement la tension entre les aspirations des migrants et l’intensité de la violence vécue.

Destierros parvient à montrer la brutalité de l’exil, l’incertitude qui l’habite et les aspirations qui l’animent. Hubert Caron-Guay signe un documentaire émouvant et éloquent. Par un tour de force cinématographique, Destierros redonne la parole à ces hommes et ces femmes souvent invoqués dans les débats publics nord-américains relatifs à la migration,mais jamais réellement écoutés.

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Je suis venu, j’ai vu, je l’ai mal vécu https://www.delitfrancais.com/2017/11/28/je-suis-venu-jai-vu-je-lai-mal-vecu/ Tue, 28 Nov 2017 16:37:28 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29974 Enquête sur la santé mentale à McGill.

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Dans les toilettes du troisième étage du bâtiment Sherbrooke 688, une main aventureuse a tracé au marqueur un tableau, proposant aux usagers d’inscrire les raisons de leur passage dans le bloc. Plusieurs options: «faire l’amour avec ma copine», «faire pipi». Puis celle-ci: «pleurer». Un peu partout dans les toilettes du campus, les inscriptions de ce genre se succèdent, comme des appels à l’aide. «Si tu es ici pour pleurer, voilà un câlin virtuel». Ces mots pourraient sembler insignifiants. Pourtant, sans vouloir dresser de conclusions hâtives quant à la santé mentale des étudiants mcgillois à partir de tags, force est de constater que l’anxiété semble faire partie du quotidien d’un grand nombre d’entre eux. En se promenant tard le soir dans les couloirs de la bibliothèque McLennan, il n’est pas rare de voir des étudiants en situation de détresse, succombant au stress des examens et des multiples essais à finir.

Entre stress et tests

Déjà en 2013, le vice-principal exécutif et vice-principal aux études Anthony C. Masi s’inquiétait de l’augmentation du nombre d’étudiants ayant recours à des services psychologiques sur le campus et en dehors. Dans un communiqué adressé au Délit, les services aux étudiants de McGill expliquaient faire face à des demandes sans précédent en ce qui concerne la santé mentale, avec une augmentation de 57% au sein des services de conseil au cours des trois dernières années.

Parmi les facteurs entraînant une dégradation de la santé mentale des étudiants, le stress joue un rôle fondamental. Selon l’American Psychological Association (APA), outre la fragilisation du système immunitaire et l’augmentation du risque de problèmes cardiaques, le stress pourrait en effet favoriser l’apparition de symptômes d’anxiété et de dépression chez les personnes qui y sont sujettes. Ces données ont de quoi inquiéter, étant donné l’ampleur du stress au sein de la population étudiante: selon le National College Health Assessment de 2013, près de 90% des étudiants des universités canadiennes interrogés expliquaient s’être déjà sentis submergés par le stress au cours de l’année.

Les étudiants mcgillois ne sont pas épargnés par la pression académique et ses effets psychologiques délétères. Dans un sondage anonyme réalisé par le Délit, plusieurs étudiants ont témoigné des conséquences néfastes du stress académique sur leur santé mentale. «La pression que je ressens pour réussir m’empêche de m’occuper d’autres choses qui ont une influence négative sur ma santé mentale», expliquait ainsi l’une des personnes interrogées. «À cause du stress, j’ai du faire face à une dépression, j’ai stagné par peur de mal faire», renchérissait une autre. Les principales sources de stress des étudiants sont multiples: la charge de travail importante, la difficulté de s’adapter à un nouvel environnement académique, ainsi que l’atmosphère compétitive de l’université constituent de véritables défis à relever pour se sentir épanouis. «Ça peut ébranler sa confiance en soi et se faire se poser des questions sur ses propres capacités», expliquait l’une des personnes interrogées. 

« En se promenant tard le soir dans les couloirs de la bibliothèque McLennan, il n’est pas rare de voir des étudiants en situation de détresse »

Des services dysfonctionnels?

Alors que les problèmes de santé mentale font partie du quotidien de nombreux étudiants, que ce soit de manière passagère ou sur une longue durée, les étudiants ayant utilisé les services de santé mentale du campus interrogés par le Délit notent plusieurs dysfonctionnements, expliquant que ces services étaient «utiles, mais difficiles d’accès». Ils soulignent en particulier les difficultés à obtenir un rendez-vous avec des psychiatres. «L’aiguillage obligatoire par un médecin (mandatory doctor’s referrals, ndlr) peut prendre jusqu’à un mois, puis l’obtention d’un rendez-vous avec les services de santé mentale peut prendre deux semaines de plus. Pendant ce temps, la santé mentale des étudiants peut décliner», explique un étudiant resté anonyme. «Les rendez-vous sont fixés pour dans trois semaines, alors que tu as besoin de voir quelqu’un dès que possible», renchérit un autre.

Les difficultés des services de santé mentale à répondre aux besoins des étudiants ont nourri les critiques à l’égard de l’administration, pointant du doigt le manque de personnel et de ressources financières alloués à ces services. La plupart des étudiants ayant transmis leurs témoignages au Délit faisaient part du manque de considération de McGill pour la santé mentale des étudiants. À la question «que pensez-vous de la manière dont McGill gère le stress des étudiants?», la grande majorité des personnes interrogées étaient pour le moins critiques. «Elle l’ignore complètement, et c’est inacceptable», «McGill se fiche de ses étudiants», «son attention n’est que de façade», «beaucoup de paroles, peu d’action», expliquaient-ils.

L’année dernière, une pétition appelant l’administration à remettre en ordre les services de conseil et de santé mentale, à maintenir le budget des services étudiants et à mettre en place une stratégie effective pour la santé mentale sur le campus avait recueilli plus de mille signatures. La pétition critiquait en particulier la fusion des services de conseil et de santé mentale au semestre d’automne 2016, initialement destinée à simplifier l’accès aux services de thérapie, mais dont la mise en œuvre était perçue par les auteurs de cette pétition comme désorganisée. «Évidemment, comme pour toutes les grandes transitions il y a forcément quelques accidents de parcours», tempérait Jemark Earle, v.-p. à la Vie étudiante de l’Association des Étudiants de l’Université McGill (AÉUM), évoquant ce regroupement avec le Délit. «Le vice-président aux affaires universitaires et moi organisons des rendez-vous mensuels avec les services de conseil pour leur faire part du retour des étudiants, et nous transmettons toutes les informations qu’ils nous donnent à ces derniers. La situation n’est pas aussi mauvaise que l’année dernière, elle est encore en train de s’améliorer», expliquait-il.

Les services aux étudiants de McGill expliquent quant à eux s’être mobilisés afin d’améliorer l’accès aux services de conseil, notamment en employant de nouveaux conseillers et en augmentant les heures d’ouverture des services de soutien et de thérapie. «Nous commençons à voir les résultats», expliquaient-ils dans un communiqué au Délit. «Il y a eu une réduction significative du temps d’attente, de quatre à six mois, jusqu’à atteindre quatre semaines l’année dernière. Même s’il nous reste du progrès à faire, nous sommes dans la bonne direction.» Parmi leurs projets pour 2018, les services aux étudiants expliquent vouloir mettre en place un système de prise de rendez-vous en ligne, procéder à des rénovations dans le bâtiment Brown, et créer une plateforme unique réunissant les services de santé étudiante, psychiatriques, et de conseils.

Quelles solutions?

Pour l’heure, de nombreux étudiants restent néanmoins dans des situations psychologiques délicates et se sentent démunis. Afin de les prendre en charge, des groupes étudiants ont pris le relais des services de santé mentale mcgillois, comme McGill Nightline, qui propose un service d’écoute et de gestion de crise, ou encore le Peer Support Centre (centre d’entraide des pairs, ndlr). «Les services de conseil redirigent souvent les étudiants vers le Peer Support Centre», expliquait Earle au Délit. «Ils ont les ressources et la capacité d’aider ces étudiants. Quand ils y vont, les étudiants se disent «pourquoi est-ce que je ne connaissais pas ça avant, je n’avais pas à attendre deux semaines!». L’AÉUM a quant à elle élaboré plusieurs projets destinés à soulager les étudiants, comme la Mental health awareness week (semaine de sensibilisation à la santé mentale, ndlr), destinée à leur offrir un forum de discussion sur la santé mentale, prévue pour janvier 2018, ou encore la mise en place d’ateliers thérapeutiques avec des chiens à Gert’s. Ces mesures font figures d’appoint, comblant les déficiences des services de santé mentale en la matière. 

Pour de nombreux étudiants, d’autres mesures mériteraient cependant d’être plus amplement examinées par l’administration afin de réduire leur stress. Outre la réduction des périodes d’examens, le développement des systèmes d’accompagnement des étudiants et la sensibilisation des professeurs aux effets de la pression sur la santé mentale, les étudiants interrogés par le Délit soulignaient la nécessité d’implémenter une semaine de relâche au semestre d’automne. «Nous sommes la seule université au Canada qui n’en a pas, et cela assèche sérieusement notre énergie», expliquait l’un d’entre eux.

Pour bon nombre d’étudiants interrogés, le problème de la santé mentale à l’université ne saurait se résoudre sans refondation profonde de l’emploi du temps académique et du modèle éducatif mcgillois. Si les services aux étudiants assurent avoir élaboré des solutions pour résoudre les difficultés psychologiques des étudiants, ces efforts ne se sont pas encore traduits dans le ressenti des étudiants, peinant à trouver dans les mesures d’appoint proposées de réels outils pour faire face à un mal-être généralisé. Il semble difficile de diminuer l’anxiété et le stress chronique des étudiants uniquement grâce au contact du pelage, certes soyeux, des canidés «thérapeutiques» qui reprennent docilement leurs quartiers à McGill durant la période des examens finaux. S’il est indispensable de guérir, il l’est encore plus de prévenir.

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« Pour les enfants et les sensibles…» https://www.delitfrancais.com/2017/11/26/une-histoire-pour-les-enfants-et-les-sensibles/ Sun, 26 Nov 2017 21:25:13 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29935 Le Délit s’est entretenu avec la réalisatrice de La maison du hérisson, Eva Cvijanović.

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Après Once upon a many time, Le Baiser et Seasick, l’animatrice et cinéaste Eva Cvijanović s’est lancée dans l’adaptation d’un célèbre conte yougoslave pour son dernier film, La maison du hérisson, présenté dans le cadre de la seizième édition des Sommets du cinéma d’animation. Lancé au festival de Berlin, le court-métrage, co-produit par l’ONF et Bonobostudio, a déjà remporté plus de quinze prix internationaux. La maison du hérisson explore avec une grande tendresse le concept du chez-soi. Le Délit est parti à la rencontre de la réalisatrice.

Le Délit (LD): Comment vous êtes-vous dirigée vers l’animation?

Eva Cvijanović (EC): Quand j’étais au Cegep, j’ai commencé à jouer un peu, juste en faisant des mini-animations avec Paint, puis ça m’a plu, alors j’ai fait mon dernier projet de Cegep, c’était un film d’animation que j’ai fait. Avec ça, je suis rentrée à Concordia en animation, et ensuite c’est ça que j’ai étudié. Après avoir fini l’école j’ai fait un stage, j’ai eu quelques bourses et j’ai commencé à faire des films. Ensuite, je suis rentrée au programme Hothouse, et c’est comme ça que j’ai fini à l’ONF.

LD: La maison du hérisson est une adaptation d’un poème de l’auteur de l’ex-Yougoslavie Branko Ćopić. Pourquoi avez-vous décidé d’adapter ce poème-là en particulier?

EC: C’est un poème que je connaissais très bien quand j’étais enfant. C’est un poème très populaire en ex-Yougoslavie, je le connaissais par cœur, mes parents le connaissaient. C’est comme notre Petit Prince. Je l’ai relu il y a quelques années, j’ai trouvé que ce n’était pas juste une histoire pour enfants, pas juste nostalgique. Je trouvais qu’il y avait une certaine qualité qui valait la peine d’être ressuscitée, d’être amenée à l’écran, de lui donner une nouvelle vie. Ça n’a pas été fait auparavant en Yougoslavie, alors je me suis dit pourquoi pas. J’étais très chanceuse parce que la productrice à l’ONF dans le temps, il y en avait une qui était d’origine bosniaque, alors elle connaissait aussi l’histoire et l’aimait beaucoup. Il y a eu beaucoup de chances (rires).

LD: Est-ce que vous avez rencontré des défis liés au fait que ce soit une adaptation?

EC: Ça c’est un peu fait à travers la traduction, la traduction était vraiment en fonction du film. On a essayé de simplifier mais de garder le même rythme, parce que c’était vraiment important, parce qu’on allait avoir plusieurs versions. Ce qui était assez difficile, c’était le fait que dans une grande partie du monde personne ne connaît l’histoire, mais que dans une petite partie les gens le connaissent très intimement. Du coup je ne pouvais pas trop changer les choses, il fallait vraiment que je reste fidèle à l’histoire, mais que j’adapte un peu.

LD: Quelles techniques d’animation avez-vous utilisé? Comment est-ce qu’elles vous ont servi à exprimer ce que vous aviez ressenti en lisant le poème?

EC: Mon choix de technique, en premier, c’était pour me distancier du livre original, parce les gens de l’ex-Yougoslavie connaissent très bien ses illustrations. Du coup je m’étais dit que si je restais dans le 2D, ce qui est d’habitude quelque chose dans lequel je suis plus confortable, que ça serait soit pas assez beau, que ça ne pourrait pas se comparer aux images que l’on connaît si bien, et que si je les imitais, tout ce que je faisais aurait été une copie du livre en mouvement. Ce n’était pas très intéressant pour moi ni pour les autres. J’ai décidé de faire le film en stop-motion pour ça, pour entrer dans une troisième dimension, ouvrir un monde, sortir du livre. Aussi, à ce moment là j’avais découvert le feutrage, et je me disais que ça serait parfait, parce que c’est un matériel très chaud, tout de suite on le voit et il y a des émotions qui sont là. C’est une histoire à propos de la maison, de son chez-soi, je me suis dit qu’il n’y avait rien de plus cosy qu’une grande couverture en laine, et c’est un peu pour ça que j’ai choisi ça.

LD: Est-ce que c’est un processus particulièrement long par rapport à d’autres techniques d’animation?

EC: Ce qui est long c’est la préparation, la confection, mais l’animation va beaucoup plus vite que le 2D. Les processus sont différents. En stop-motion on fait plus de préparation, et ensuite le tournage est plus court, tandis que le 2D, la préparation et le tournage sont ensembles, du début jusqu’à la fin on peut tout changer. Le stop-motion, on a besoin de plus se préparer, car une fois qu’on a tourné c’est une grosse job de recommencer à nouveau. Ça nous a pris un an de tournage pour un film de dix minutes, mais ce n’est pas le plus long. On a été efficace si on compare à d’autres films de stop-motion (rires). C’est un peu drôle pour les gens qui ne sont pas dans l’animation. Et puis on avait une petite équipe. Pour mon prochain film j’essaie de faire les choses plus vite, car quand on a moins de préparation, c’est beaucoup plus avec notre instinct, et ça c’est intéressant, parce que sinon si on prend cinq ans à faire un film de cinq minutes ça n’en finit plus (rires).

LD: Malgré toutes les difficultés de l’animation, pourquoi est-ce un médium si intéressant selon vous?

EC: Je pense qu’il y a quelque chose de magique quand on regarde ça. Il y a vraiment un moment, si c’est bien fait, ça nous transporte vraiment dans un monde que l’on peut peut-être avoir avec le live-action, mais ce n’est pas vraiment la même chose. Ça pour moi c’est vraiment la clé. Et puis aussi, en tant que réalisatrice, pouvoir vraiment créer des mondes si uniques… tu as des contraintes, mais tu peux les choisir, et c’est à travers ça que tu travailles. Ça c’est intéressant.

LD: Le film parle du concept de chez-soi, qu’est ce que ce terme signifie pour vous et comment avez-vous adapté votre compréhension du concept visuellement?

EC: C’est une histoire qui marine dans ma tête depuis trente ans, alors je me suis dit «c’est ça que je veux faire et je ne vais pas me questionner», ce qui est bien, parce que tout le monde avait leur opinion sur l’interprétation de l’histoire. On me demande toujours «comment tu te vois, à quoi tu appartiens», parce que je ne suis pas juste ex-yougoslave et Canadienne. Mon identité d’ex-yougoslave d’origine est très compliquée, mais c’est assez mixte parce que ma mère est croate, mon père est bosniaque-serbe, je suis née en Bosnie mais j’ai voyagé partout, alors dès mon enfance je ne me suis jamais vraiment identifiée avec un seul endroit en tant que mon chez-moi. J’ai beaucoup de différents chez-moi, je n’ai jamais vu ça comme un seul endroit. J’en suis venue à l’idée que son chez-soi c’est plus une action. C’est nous qui le faisons. Pour moi le hérisson c’est vraiment son acte d’amour qui est son chez-soi, ce n’est pas nécessairement l’arbre ou ce qui est dedans. C’est un peu ça que j’ai essayé de transmettre.

LD: A l’origine, le conte a été écrit après la seconde guerre mondiale. Dans le contexte historique de l’écriture, la Yougoslavie avait un besoin d’affirmation identitaire. Aujourd’hui, quelle portée voudriez-vous que l’adaptation animée ait? Quel message aimeriez-vous qu’il transmette à une époque où il y a beaucoup de tensions autour des questions des frontières et des identités nationales?

EC: C’est une très bonne question! C’est quelque chose d’assez complexe, parce qu’au moment où l’histoire a été écrite, c’était vraiment similaire mais aussi très différent. C’était un moment où la Yougoslavie devait s’identifier en regardant l’état du monde avec les grands pouvoirs qui étaient là, et la petite Yougoslavie qui ne voulait pas s’identifier avec aucun d’entre eux. Ce côté politique, ce n’est pas que je veux l’ignorer, mais ce n’est pas ce que je voulais pousser. Je me vois comme une militante d’amour! C’était quelque chose dont j’étais très consciente, mais je ne veux surtout pas que l’histoire soit appropriée comme une histoire nationaliste. C’est pour ça que j’ai mis beaucoup d’emphase sur l’amour, la tendresse et toutes ces choses-là. Je pense aussi que l’intention de l’écrivain c’était d’écrire une histoire pour les enfants et les sensibles. Pour moi, c’est vraiment avant tout une histoire contre la violence et le harcèlement. C’est une histoire pour enfant. Ce sont des choses auxquelles je n’ai pas pensé et je pense pas que les enfants aujourd’hui vont penser au côté politique (rires). Il y a des gens qui m’ont dit que c’était un film très conservateur! Ca m’a un peu choqué, mais ça commence une discussion intéressante parce que je pense que le film a un côté très antimatérialiste. Il y a des gens qui peuvent voir ça comme de l’anti-expansion, de l’anticapitalisme, etc. … Je n’ai rien contre ça, mais ce n’est pas quelque chose que je vois comme très conservateur. Je pense qu’accepter que l’on a assez de quelque chose, que l’on n’a pas besoin de toujours avoir plus n’est pas quelque chose de mauvais.

LD: C’est intéressant car la manière dont l’histoire est racontée est tellement poétique, je vois mal comment on pourrait en faire une sorte de manifeste conservateur! Ça va beaucoup plus loin que juste l’idée de frontières, on parle de l’idée du chez soi personnel, intime…

EC : C’est ça que je voulais, et puis aussi de ne pas avoir peur. Le film va être interprété de mille façons différentes, mais il est ouvert à l’interprétation. Il y a aussi des sentiments très nationalistes en Ex-Yougoslavie, c’est pourquoi c’est intéressant aussi de le sortir là bas.

LD : Pour finir, quels sont donc vos projets futurs ?

EC: Je suis encore en train de vraiment donner naissance au Hérisson (rires) mais j’aimerais faire un projet techniquement très différent, trouver une façon de travailler plus vite, peut être digitale… J’aimerais aussi faire un film de science-fiction! J’ai eu un film bosniaque, un film croate, ça c’est mon film yougoslave donc je pense que ce serait intéressant de faire un film un peu plus sur le nouveau monde et peut être la colonisation, mais avec une approche un peu distanciée. C’est encore très jeune comme idée!

 

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Un ruban à la patte https://www.delitfrancais.com/2017/11/23/un-ruban-a-la-patte/ Thu, 23 Nov 2017 22:07:21 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29928 Le Délit a discuté avec la réalisatrice Torill Kove de son dernier film d’animation, Rubans.

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En compétition au Festival International du Film de Toronto (TIFF), Rubans, réalisé par Torill Kove et coproduit par l’ONF et Mikrofilms AS, sera présenté au cours de la seizième édition des Sommets du cinéma d’animation. Déjà oscarisée pour son film Le poète danois, la réalisatrice, ancienne étudiante à McGill, se penche dans ce court-métrage sur la relation parentale et la complexité des liens intimes qui l’animent. Le Délit s’est entretenu avec la cinéaste.

NB: Les propos tenus dans cette entrevue ont été traduits en français depuis l’anglais.

Le Délit (LD): Pourquoi et comment vous êtes-vous dirigée vers l’animation?

Torill Kove (TK): Ça a commencé comme une expérience, j’étais juste très intéressée. J’avais du talent en dessin, j’aimais écrire des histoires, donc j’ai pensé que l’animation était un bon endroit pour faire les deux.

LD: Qu’est ce qui vous a donné envie de faire ce film et d’aborder le sujet de la parentalité en particulier?

TK: C’est un sujet auquel j’ai beaucoup pensé dans mes autres films. Quelque part, j’aborde toujours le sujet des relations intimes entre les gens. Je n’avais jamais vraiment fait quelque chose sur la relation entre les parents et les enfants, donc je voulais explorer ça en partant du point de vue d’un parent et de son enfant qui traversent l’enfance de l’enfant ensemble.

LD: Quelles techniques d’animation avez-vous utilisées?

TK: C’est de l’animation dessinée. C’est assez simple, très traditionnel, de l’animation en 2D. Ce n’est pas vraiment différent des anciens cartoons de Disney. C’est la même méthode, sauf que je le fais de manière digitale directement.

LD: Pourquoi avez-vous choisi de faire un film muet?

TK: Je ne pensais pas que c’était nécessaire d’avoir du dialogue dans ce film. C’est un film sur l’attachement entre un parent et un enfant, c’est un film sur un amour très profond. Je ne pensais pas que des mots étaient nécessaires pour montrer cela.

LD: Étant donné que le film est sans parole, la musique tient un rôle très important dans le film. Pouvez-vous nous parler de votre travail sur la bande sonore?

TK: Ce que j’ai fait, c’est que j’ai utilisé le même musicien que dans mes trois autres films. C’est un musicien de jazz, c’est aussi un professeur de musique à McGill. Son nom est Kevin Dean. C’est mon mari, et il comprend très bien les films sur lesquels je travaille parce que je lui en parle beaucoup, il est toujours très intéressé par leurs aspects narratifs. Je lui ai dit que je voulais que la musique prenne en quelque sorte la place des mots. J’avais besoin que la musique accentue certaines formes d’états d’âme [moods, ndlr], que la musique participe à l’histoire. Je lui ai dit que je voudrais avoir quelque chose d’assez simple, car le film en tant que tel est assez simple. Il a essayé différentes choses, et au final il a composé cette musique. Elle a été écrite spécifiquement pour les différentes parties du film. Je pense qu’il a parfaitement installé l’ambiance. Au final, c’est un aspect très important du film.

Ruban

LD: L’image du ruban tient une place très importante dans le film. Comment avez-vous pensé à cette métaphore pour illustrer les relations parentales?

TK: La métaphore du ruban rouge auquel je fais référence dans le film est une ancienne légende chinoise, dans laquelle les dieux nouaient des fils rouges autour des chevilles des gens qu’ils pensaient destinés à être ensemble. C’est une sorte de destin, une croyance selon laquelle nous sommes destinés à être avec certaines personnes. C’est une métaphore très puissante, que l’on voit très fréquemment utilisée non seulement dans les histoires asiatiques anciennes, mais aussi dans les histoires actuelles, comme les mangas ou les animés. Même si je ne crois pas en ce genre de destins, je pensais que c’était un outil puissant pour décrire les liens très forts qui existent entre un parent et un enfant. C’est un lien qui demeure avec toi pour le reste de ta vie. Je peux aussi comprendre pourquoi certains pensent que c’est un lien qui existe avant même la naissance. Je pensais que c’était un outil puissant et utile.

LD: Une autre métaphore qui parcourt le film est celle du cercle, de la bulle qui entoure l’enfant et le parent. Pouvez-vous nous en parler?

TK: Le cercle représente deux choses: la première est le fait qu’au début de sa vie, un enfant a besoin de certaines choses, et beaucoup ont lieu dans cette bulle entre le parent et l’enfant. Ça prend beaucoup de temps avant que le monde extérieur n’entre dans la vie de l’enfant. C’est une sorte de bulle protégée. Graduellement, tu sors de cette bulle, tu expérimentes le fait de la quitter. La bulle se réduit jusqu’à n’être plus rien. L’autre chose, c’est que c’est une sorte de processus cyclique: tu éduques un enfant, tu lui donnes tout ce dont il a besoin pour survivre tout seul dans le monde, et ensuite il va lui-même dans le monde et forme ses propres relations avec les autres, et ainsi de suite. C’est une chose cyclique qui se répète.

LD: Dans beaucoup de films, la relation parentale est représentée comme quelque chose d’innée. Rubans donne une vision plus complexe de cette relation en montrant que c’est avant tout une relation qui se construit, parfois avec difficulté. Pourquoi avoir adopté cette approche?

TK: Ça vient probablement de l’origine de l’histoire du film. À l’origine, je voulais faire un film qui soit spécifiquement sur la relation entre une mère adoptante et un enfant adopté. Je pense que dans ces relations, particulièrement quand l’enfant n’est pas un bébé, il y a vraiment une phase où, de manière assez simple, ils doivent apprendre à se connaître. C’est une période très très importante dans la relation entre les parents et l’enfant adopté. Il y a cette période durant laquelle souvent l’enfant rejette les parents, en a peur et ne leur fait pas confiance. Souvent, les parents sont hésitants et ne savent pas trop quoi faire. Il y a une sorte de processus d’apprentissage très important. C’est différent entre un nouveau-né et ses parents biologiques. Là, ça arrive assez immédiatement. Avec des enfants adoptés, ça arrive plus tard. Cependant, pendant que je travaillais dessus, j’ai réalisé que beaucoup de parents qui donnent naissance ‘naturellement’ ont aussi cette expérience. Ils ont un bébé qui arrive, et ils se disent «who the hell is this person» («qui est cette personne», ndlr). Même s’il a grandi à l’intérieur du ventre de la mère, c’est aussi un être humain individuel qui est un étranger. Je me suis dit que c’était un parallèle intéressant. J’ai parlé à beaucoup de parents adoptants et biologiques. Ils disaient tous la même chose, qu’il y avait cette période durant laquelle tu dois traverser des étapes qui créent les liens d’attachement. Ces étapes ne sont pas si différentes entre les enfants adoptés et biologiques.

LD: Quels sont vos projets désormais?

TK: Mon prochain projet porte sur les gens et leurs images corporelles. À l’origine, je pensais que ce serait uniquement sur les femmes et leurs images corporelles, et puis je me suis dit que ce serait en réalité plus intéressant s’il incluait aussi les hommes, parce qu’ils sont souvent tenus à l’écart de cette conversation. Je pense que ça sera assez drôle (rires). Rubans n’était pas un film humoristique, il était peu plus mélancolique, un peu plus dans l’émotion, donc j’avais vraiment besoin de faire quelque chose de plus drôle.

 

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Lumière sur Matthew Rankin https://www.delitfrancais.com/2017/11/22/lumiere-sur-matthew-rankin/ Wed, 22 Nov 2017 20:11:37 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29917 Le Délit s’est entretenu avec le réalisateur de Tesla: lumière mondiale.

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Présenté lors de la 56e semaine de la critique du Festival de Cannes, Tesla: lumière mondiale, réalisé par le cinéaste winnipegois Matthew Rankin, se penche sur la figure de l’illustre inventeur du courant alternatif. Produit par l’ONF, ce film d’animation s’inspire des derniers moments de la vie de Nikola Tesla, rythmés par ses déboires financiers et son amour fou pour un oiseau. Le film se distingue par son vocabulaire graphique original et électrisant, porté par la création sonore de l’artiste Sacha A. Ratcliffe, inspirée de la «Tesla spirit radio», une invention permettant de capter et diffuser la sonorité des ondes lumineuses. Dans le cadre de la 16e édition des sommets du cinéma d’animation, Matthew Rankin animera une leçon de cinéma de cinq heures, proposant au public de découvrir ses techniques d’animation. Le Délit s’est entretenu avec le réalisateur.

Le Délit (LD): Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a amené à vous diriger vers l’animation?

Matthew Rankin (MR): Pour les puristes du cinéma d’animation, je ne suis pas vraiment cinéaste d’animation, je suis impur. Mon travail est hybride, mais il y a de plus en plus d’animation dedans. Il y a des potentiels expressifs de l’animation qui m’intéressent, qui m’interpellent, qui m’animent. J’ai grandi à Winnipeg, et pendant les années 1980–1990 il y avait comme une grande culture de l’animation là-bas, surtout parce qu’il y avait un studio d’animation de l’ONF, ce qui n’est plus le cas. C’est peut-être à cause de ça que je m’intéressais d’abord et avant tout à l’animation. Aussi, je dessinais tout le temps quand j’étais jeune. Et là, je suis allé à l’université [étudier l’histoire, ndlr]. Je m’intéresse d’abord et avant tout au langage cinématographique, et surtout à l’artificialité du cinéma et de son langage. L’animation, c’est un de ses langages que je trouve fascinant. Je dirais que c’est pour ça que j’en fais.

LD: Du coup, comment avez-vous appris à faire de l’animation, étant donné que ce n’était pas votre parcours initial?

MR: À ce niveau-là, je dirais que je suis autodidacte. Je dis ça pas du tout pour me vanter, mes films d’animation sont très primitifs (rires). Je ne suis pas vraiment sophistiqué, mon animation est très primitive, mais c’est ce que j’aime. J’aime le côté artificiel, je viens d’une culture du cinéma très trash et très cheap, très DIY comme on dit. Je pense qu’à Winnipeg, les cinéastes winnipegois sont vraiment excellents dans leur capacité à amplifier leurs limitations, leurs déceptions et leurs échecs en quelque chose de grandiose. C’est en embrassant la nature primitive de leur travail qu’ils réussissent à faire quelque chose de fun.

LD: Avant de faire de l’animation, vous avez étudié l’histoire, et dans votre film Tesla: lumière mondiale vous faites référence à des faits historiques. Quel est votre rapport à l’histoire en tant qu’artiste?

MR: Je pense que le métier de l’artiste c’est de commenter l’univers autour de lui. Il y a plusieurs approches à ce niveau-là. Il y a des artistes qui sont menés par la curiosité, ils voient des choses autour d’eux et ils veulent les suivre, comme les documentaristes. Il y a des cinéastes de fiction et d’animation qui sont plus animés par l’égo, qui veulent inventer l’univers. Dans tous les cas, il y a quelque chose autour d’eux, dans leur vécu, qui les inspire, et qui n’est pas assez. Ils ont besoin de faire de l’art pour réparer quelque chose, parce que l’univers autour d’eux n’est pas suffisant, qu’il n’exprime pas ce qu’ils ressentent. Dans mon cas, la fontaine de mon inspiration vient de l’histoire. Ce n’est pas dans l’actualité, pas dans ma communauté immédiate, c’est dans mes voyages dans le passé.

Julien Fontaine

LD: Tesla: lumière mondiale prend des libertés avec les faits historiques, en fait un sujet artistique. Comment envisagez-vous cette démarche de rupture avec l’histoire académique?

MR: Je pense que même l’histoire universitaire est fondamentalement une opération artistique et personnelle. Lorsqu’on choisit la période qu’on étudie, la période dans laquelle on raconte nos histoires, même là-dedans il y a une opération artistique, parce qu’il y a un début, un milieu et une fin. Et ça, ce n’est pas l’histoire. L’histoire, c’est une chronologie sèche de faits qui se sont produits à travers le temps. Lorsqu’on essaie de donner une signification à ça, je pense qu’on est dans une opération profondément artistique. Les historiens essaient de suivre une démarche scientifique. Moi je me suis rendu compte que mon intérêt pour l’histoire n’était pas du tout scientifique, il était artistique, c’est ce que j’aimais. Je ne fais même pas l’effort d’être crédible face aux historiens. Mes films ne font pas l’effort d’être crédibles, ils sont purement subjectifs.

LD: Pourquoi avez-vous choisi de faire un film sur Tesla, et en particulier sur la fin de sa vie? Qu’est-ce qui vous a inspiré dans ce personnage?

MR: D’abord, c’est parce que je m’intéresse beaucoup aux mouvements utopiques du début du vingtième siècle, et Tesla était un scientifique idéaliste, pas capitaliste. Il avait cette grandiose vision de l’énergie illimitée pour toute la planète, gratuitement. Il s’est fait écraser par sa propre idéologie. Il y a toujours une ironie dans les utopies qui me fascine, parce que les utopies sont idéalistes et belles, mais en même temps on habite avec la déception, parce qu’on n’y arrive jamais, on n’est jamais à la hauteur en tant qu’espèce de nos utopies. C’est un phénomène historique que je trouve fascinant. C’est aussi très actuel, parce que je pense qu’on habite dans une époque où il est très difficile d’être idéaliste, une époque anti-utopiste même. Deuxièmement, j’étais fasciné par sa relation avec son oiseau. C’est une histoire qui me touchait, je trouvais cette image de lui oublié, aliéné de la communauté scientifique avec son oiseau très belle et triste. Troisièmement, c’est une question formelle. Je voulais faire un film à propos de Tesla parce qu’il y avait quelques techniques que je trouvais très pertinentes pour représenter sa vie, pour faire une métaphore de son travail. D’abord et avant tout, l’idée de faire de la lumière l’élément fondamental de l’animation, de littéralement animer avec la lumière. C’était la forme parfaite pour faire un film sur Tesla. Je crois qu’il faut que la forme et le contenu ne soient pas dissonants, il faut qu’ils soient interconnectés, enchevêtrés.

LD: Justement, par rapport à la technique, les images du film évoquent l’électricité. Quelles techniques avez-vous utilisé?

MR: Justement, ça c’est quelque chose que je vais dévoiler dans le cours de jeudi. Ça se comprend mieux dans la démonstration, parce que c’est très technique. Grosso modo, c’est un peu comme quand tu écris ton nom avec un feu de Bengale. L’exposition est plus lente que notre perception. Ça fait des traces. C’est un peu le même principe mais plus extrême à la photo, on ouvre l’exposition et on bouge une source lumineuse, et puis on ferme, et ça fait des rayons. Il y a toutes sortes de façons de faire ça pour faire des formes différentes, des textures différentes, des luminosités différentes. C’est une technique très laborieuse, mais qui donne des résultats littéralement électrifiants.

LD: Vous animez souvent vos films à la main, pourquoi?

MR: Je pense qu’il y a deux raisons. D’abord, j’aime le côté classique du cinéma, j’ai beaucoup de plaisir à le faire. Aussi, je suis très intéressé par le langage cinématographique de la musique visuelle, des animations faites directement sur la pellicule, l’artificialité des effets spéciaux d’autrefois. Je trouve que ce langage est purement formaliste. Ce que j’aime explorer, c’est la possibilité de raconter des histoires avec ce langage-là, de libérer ce formalisme, notre façon habituelle de l’aborder, bâtir des personnages et aussi exprimer des émotions à travers ce langage abstrait.

LD: D’où les références au vocabulaire graphique de l’avant-garde européenne du vingtième siècle dans le film?

MR: Tesla avait une synesthésie, il avait raconté dans une biographie que chaque fois qu’il ressentait des émotions extrêmes, l’amour ou la peur ou le choc, il y avait des formes. Cette émotion-là était manifestée visuellement en formes géométriques de lumière. J’étais vraiment fasciné par ça, je voulais utiliser l’avant-garde du formalisme de cette époque, Hans Richter, Viking Eggeling, Oskar Fischinger, tous ceux qui avaient une démarche un peu synesthésique. Je pense que la musique visuelle c’est ça. Je voulais utiliser ce langage-là pour raconter cet élément de la vie de Tesla.

LD: Dans le cadre des sommets du cinéma d’animation, vous allez animer une classe de maître (jeudi 23 novembre, ndlr). Quel intérêt avez-vous pour cette démarche pédagogique?

MR: Je vais parler de mon parcours un peu, je vais faire quelques démonstrations, surtout l’animation de la lumière, car c’est une technique un peu inconnue, surtout dans le monde de l’animation. Il y en a d’autres un peu plus familières. Par exemple le travail sur la pellicule, il y a beaucoup de grands maîtres qui font ça. L’animation de lumière, non. C’est pour ça que c’est le fun de partager ça. Il y a tant de choses qu’on peut faire avec, c’est une technique qui se prête à toutes sortes de lieux d’expression. On a créé toutes ces machines et appareils pour créer nos images, et c’est juste le fun de montrer aux gens comment ça fonctionne. Surtout à l’époque numérique, parce qu’on habite dans une époque un peu tyrannique actuellement, où on prend pour acquis que tout est fait par ordinateur, et rien à la main par des humains. Il y a quelque chose qui se produit quand on fait le travail à la main, surtout sur pellicule. Il y a moins de contrôle, moins d’informations. Quelque chose se produit que je trouve beau. Donc [pendant la classe de maître] on va faire de l’animation de lumière, à la main!

LD: Pour finir, quels conseils donneriez-vous à un étudiant voulant se lancer dans l’animation?

MR: Je pense qu’il y a deux choses. D’abord il faut être impatient. Il ne faut pas attendre que l’univers te donne des opportunités, il faut se faire son propre travail. Juste le faire, tout simplement, pour le plaisir de faire. Et aussi, je pense que le défi pour les cinéastes indépendants c’est de ne pas être découragé. Il y a toujours plus de talent que d’argent. Il faut avoir beaucoup de projets en même temps. Si on est découragé, on devient déprimé, et si on est déprimé pendant trop longtemps on devient amer, et il n’y a rien de pire qu’un artiste amer, c’est comme la pire chose au monde. Dans toutes les vocations il y a des gens amers, c’est horrible, mais surtout pour les gens créatifs. Dans mon esprit, c’est l’antithèse de la créativité.

 

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Le Délit est entre vos mains https://www.delitfrancais.com/2017/11/14/le-delit-est-entre-vos-mains/ Tue, 14 Nov 2017 15:47:12 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29819 Jusqu’au 17 novembre, chaque étudiant de l’Université est appelé à se prononcer au sujet de l’existence de la Société de Publication du Daily (SPD). Il s’agit de voter pour l’interruption ou le maintien de l’allocation semestrielle de 6 dollars par étudiant à la SPD (et 3.35 dollars pour les étudiants des cycles supérieurs), qui finance… Lire la suite »Le Délit est entre vos mains

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Jusqu’au 17 novembre, chaque étudiant de l’Université est appelé à se prononcer au sujet de l’existence de la Société de Publication du Daily (SPD). Il s’agit de voter pour l’interruption ou le maintien de l’allocation semestrielle de 6 dollars par étudiant à la SPD (et 3.35 dollars pour les étudiants des cycles supérieurs), qui finance le Délit et le McGill Daily. Le référendum représente l’occasion de donner sa voix pour empêcher que d’autres ne s’éteignent. Vous avez entre vos mains l’avenir de deux des trois journaux du campus. Ce référendum, dont l’issue sera cruciale pour le destin de notre journal, nous donne l’occasion de réfléchir à notre identité et à notre place à McGill.

Un Délit dans l’ombre

Il suffit de demander à un étudiant peu au fait de l’actualité journalistique étudiante s’il connaît le Délit pour se rendre compte que ce dernier est souvent considéré comme le parent pauvre du McGill Daily. «Oh, the French Daily!», répondra sûrement votre interlocuteur. Toujours dans l’ombre de notre grand frère anglophone, dépendant de lui au point de lui avoir emprunté son nom. Quant à ceux qui reconnaissent notre indépendance, nombreux limitent le Délit à sa noble mission de défense de la francophonie sur le campus.

Vraiment? Sommes-nous réduits à n’être qu’uniquement des défenseurs ardents de la francophonie? Notre existence sur le campus ne se justifie-t-elle que par le combat, certes louable, pour préserver la langue de Molière, Maalouf, Senghor, Glissant et Xingjian? S’il est indéniable que la langue française dans une université québécoise anglophone se doit d’être célébrée et défendue, limiter la portée d’un journal à son outil d’expression semble réducteur. La langue est importante, le message qu’elle porte l’est encore plus. Dans nos pages, le français est le moyen et non la fin: nous utilisons le français pour être journalistes, et non le journalisme pour parler français.

L’actualité récente a confirmé l’incompréhension de certains étudiants quant à notre travail. Dans le cadre des débats autour du référendum, de nombreux partisans du camp du Non, fermement remontés contre la ligne éditoriale du McGill Daily, ont suggéré que notre confrère nous utilisait comme un «bouclier» afin de parer aux critiques. Le Délit ne serait qu’un simple pantin, publication fantoche dont le seul objet serait de protéger son confrère.

La francophonie, oui, mais aussi…

Le Délit ne peut pourtant pas se résumer à cette image de béquille francophone du Daily. Nous avons des idées, des âmes, des plumes. Nous mettons toute notre énergie à favoriser le débat d’idées sur le campus, à faire découvrir le journalisme aux étudiants francophones, à leur permettre de s’exprimer dans la langue avec laquelle ils ont le plus d’aisance. Nous faisons office de lien entre la communauté québécoise et McGill, entre McGill et Montréal, où le français est essentiel pour comprendre l’actualité culturelle et politique. Nous permettons aux étudiants francophones venus d’ailleurs de mieux comprendre la ville qui les entoure et les événements qui l’animent. 

Le Délit, c’est aussi une action collective, rassemblant des centaines d’étudiants impliqués dans sa création hebdomadaire. À défaut d’avoir un programme d’art visuel à McGill, nos pages Culture mettent en lumière le travail des artistes mcgillois. À défaut d’une formation en journalisme, nos sections Actualités, Société et Innovations donnent aux reporters en herbe un premier contact avec les défis du métier.

Le Délit, c’est un journal indépendant de l’administration mcgilloise, qui fait office de contre-pouvoir de l’AÉUM, dont les faits et gestes sont décryptés avec attention par nos journalistes d’actualités. Ce sont des enquêtes sur des sujets qui nous touchent tous, de l’usage des drogues de performance à l’expérience des étudiantes travailleuses du sexe. Un espace où chaque étudiant peut exprimer librement son opinion et prendre part, à son échelle, aux débats d’idées qui forment le paysage intellectuel contemporain. Libéraux et conservateurs, marxistes et capitalistes, indépendantistes et fédéralistes, le Délit peut se vanter d’avoir su offrir un espace d’expression à chacun. Prônant l’échange des idées et des bons mots, avide de désaccords, ce n’est pas uniquement notre langue qui justifie notre existence, c’est aussi l’apport de notre ligne éditoriale au paysage journalistique mcgillois.

Exister pour évoluer

La SPD unit le Délit et le McGill Daily, le français à l’anglais. Nos divergences éditoriales font notre force et reflètent la complexité des problématiques et des sensibilités mcgilloises. C’est cette diversité qui fonde notre importance sur le campus et la nécessité d’un vote Oui. Nous reconnaissons cependant nos erreurs occasionnelles, qui font partie du parcours d’apprentissage des étudiants que nous sommes. Nous sommes ouverts aux changements que certains proposent, souvent de manière constructive, parfois sur la base d’approximations et, malheureusement, de fausses informations. Nos assemblées générales sont ouvertes aux propositions de refonte de nos procédures et de nos modes de financement. À ceux qui voudraient voter Non au référendum d’existence en signe d’opposition à certaines de nos positions, nous voudrions rappeler qu’il faut exister pour progresser, exister pour changer, que ce soit de contenu ou de ligne éditoriale. Nous voudrions également rappeler que le journalisme est essentiel à la démocratie et à la liberté d’expression. À son échelle, le journalisme étudiant joue un rôle similaire au sein du microcosme sociétal qu’est l’université.

C’est pour ces raisons que nous vous appelons à voter Oui. Pour que vive le journalisme étudiant, mais également pour lui permettre de remplir sa vocation, celle de représenter le corps estudiantin dans toute sa diversité et d’offrir une plateforme aux voix qui le composent.

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Une nuit avec Walksafe https://www.delitfrancais.com/2017/11/07/une-nuit-avec-walksafe/ Tue, 07 Nov 2017 16:35:56 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29765 Immersion dans le quotidien de l’association mcgilloise.

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* Les prénoms ont été modifiés

«N’importe où, n’importe qui sur l’île de Montréal», explique le poster accroché sur le mur du bureau. Il est neuf heures. Ce vendredi soir, j’ai rendez-vous avec l’équipe de Walksafe pour une immersion d’une nuit dans le quotidien de l’association qui propose de raccompagner gratuitement les étudiants en situation de détresse jusqu’à chez eux. Au standard, un membre de l’équipe répond aux appels. Munis d’une trousse de secours, d’une carte de Montréal et de collations, les volontaires se préparent pour leurs shifts nocturnes.

En moyenne, l’association reçoit entre zéro et huit appels par soir. La plupart des volontaires expliquent avoir été attirés par la perspective de rencontrer de nouvelles personnes, tout en contribuant au bien commun. «Les gens sont rassurés. Ça empêche une situation désagréable d’arriver. Ça me fait me sentir bien, de savoir que personne n’a à se sentir en danger parce qu’ils veulent sortir et faire la fête. Tout le monde devrait avoir cette opportunité», ajoute Clara*, volontaire au sein de l’association. 

En sécurité, même les soirs de fête

Soir d’Halloween oblige, une grande partie des personnes raccompagnées le soir de cette enquête étaient en état d’ébriété. Une utilisatrice les remercie: You guys are awesome (vous êtes formidables, ndlr). L’association est particulièrement occupée en fin de semaine et lors d’évènements festifs, comme Frosh. Dans le cas où les marcheurs sont trop inconscients pour marcher jusqu’à chez eux, Walksafe peut les rediriger vers Drivesafe, ou bien les urgences.  «Nous nous appuyons sur d’autres personnes pour nous aider», explique Aiman, volontaire depuis le début de l’année. Walksafe collabore également avec les services de sécurité de McGill, ainsi qu’avec des associations axées sur la prise en charge psychologique, comme McGill Nightline

Un service essentiel pour certaines étudiantes

Les activités de Walksafe ne se limitent pourtant pas aux soirs de fête: le service est également sollicité en semaine, en particulier pendant les périodes d’examens. Révisant jusqu’à des heures tardives, de nombreux étudiants font appel à Walksafe pour rentrer chez eux sans peur quand la nuit s’installe. Certains ont également recours à leurs services de manière récurrente pour des trajets quotidiens, de la bibliothèque au pas de leur résidence étudiante.

Cet accompagnement régulier est capital pour certaines étudiantes souhaitant éviter les mauvaises rencontres. Julie*, une étudiante en première année, m’a expliqué avoir régulièrement recours à leurs services pour faire le trajet du campus jusqu’à chez elle à la nuit tombée. Walksafe joue un rôle essentiel dans sa vie étudiante, lui permettant de ne pas se sentir en danger dans les rues de Montréal. Lorsqu’elle n’utilise pas Walksafe, elle demande à des femmes rencontrées dans la rue de faire le trajet avec elle pour éviter d’être harcelée. «Généralement, les femmes se sentent moins en sécurité», ajoute Clara*. Les rares études menées sur le sujet mettent en lumière le caractère généralisé de ce sentiment d’insécurité. Ainsi, selon le Centre d’éducation et d’action des femmes de Montréal (CEAF), 90% des femmes sondées estiment que le harcèlement de rue est un problème au sein de la ville.

Prévenir avant de guérir

Afin de prévenir toute forme de harcèlement ou de violence sexuelle, Consent McGill a mis au point un atelier spécialement élaboré pour les volontaires de Walksafe, auquel ils ont l’obligation de participer. L’atelier Devenir un spectateur actif est destiné à «permettre aux membres de la communauté d’identifier et d’interrompre des situations potentiellement dangereuses, et de répondre de manière bienveillante aux individus touchés par la violence sexuelle». Dans cette optique, Walksafe a adopté d’autres mesures, comme l’interdiction de solliciter un contact non-désiré avec un usager rencontré au cours d’un shift, d’entrer à l’intérieur de son appartement, ou encore la constitution de binômes de volontaires mixtes.

Afin de répandre son initiative, Walksafe soutient également des projets similaires au sein d’autres universités canadiennes. Avec cette collaboration, les volontaires espèrent que tous et toutes puissent rentrer chez eux en sécurité, à Montréal et au-delà.

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Haut en couleurs et en formats https://www.delitfrancais.com/2017/11/01/haut-en-couleurs-et-en-formats/ Wed, 01 Nov 2017 21:59:36 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29723 Le Festival du Nouveau Cinéma fait la part belle à l’innovation cinématographique.

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Nouvelle année, nouvelle cuvée cinématographique. A l’occasion de sa quarante-sixième édition, le Festival du Nouveau Cinéma a de nouveau pris ses quartiers à Montréal, du 4 au 15 octobre dernier. Comme chaque année, le festival a proposé une sélection diverse d’œuvres cinématographiques, de courts-métrages étudiants à des productions récompensées à Cannes. Parmi eux, **Ava**, premier long-métrage de Léa Mysius. Présenté dans le cadre de la semaine de la critique à l’occasion du célèbre festival de cinéma, le film a également été récompensé au FNC par le prix du meilleur long métrage de la Compétition internationale. Le film suit l’évolution d’Ava, jeune fille de treize ans dont la vue disparaît progressivement alors qu’elle se trouve avec sa mère dans une station balnéaire du sud-ouest de la France. Tourné en 35mm, le film se distingue par la qualité de sa photographie et de son scénario. A mesure que la vision d’Ava se détériore, les couleurs se font plus fortes, plus sensuelles, permettant à la réalisatrice d’explorer avec originalité la thématique de la découverte adolescente de l’amour, du corps et de ses possibilités érotiques.

Nouvelles formes, nouveaux regards

Dans la catégorie Les nouveaux alchimistes, le festival a également présenté La nuit où j’ai nagé, film franco-japonais de Damien Manivel et Kohei Igarashi.  Présenté à la Mostra de Venise, ce film sans paroles met en scène le périple d’un petit garçon de la maison familiale au marché à poissons où il cherche désespérément à rejoindre son père, pêcheur, parti aux aurores. S’ensuit pour le jeune héros, substituant aux bancs d’école l’école buissonnière, une virée poétique à travers la campagne et les banlieues japonaises enneigées. Le film livre une représentation originale du monde enfantin. Les réalisateurs font des moindres gestes de leur personnage principal des évènements à part entière, de la perte de ses moufles à ses cabrioles dans la neige. Damien Manivel et Kohei Igarashi parviennent ainsi à saisir et à transmettre la manière unique dont leur héros évalue et traverse la société du haut de son mètre et quelques centimètres. Les deux réalisateurs redonnent aux spectateurs adultes le sens du rapport au monde particulier de l’enfance, avec ses échelles et ses enjeux singuliers.

Le festival a également proposé une sélection éclectique de courts-métrages. Parmi ces derniers, Atlas, d’Anouk de Clercq, se distingue par la richesse de son vocabulaire pictural. Décrit comme un « guide dans un conte macroscopique du monde », Atlas explore la surface d’un cadre à travers un microscope électronique. Ce film expérimental résulte du projet d’exploration de l’espace de la réalisatrice, épuisant ses ressources jusqu’à dévoiler la richesse invisible de l’infiniment petit. Son œuvre nous invite à développer un nouvel imaginaire de ce qui nous entoure, en intégrant à notre perspective la poésie du minuscule, de cet univers microscopique qui échappe à notre regard. On quitte la salle sombre avec un nouveau regard sur notre environnement, ce qui était sûrement le projet (réussi) d’un festival destiné à l’exploration des nouvelles formes d’expression cinématographique.

 

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Une identité tournée vers l’avenir https://www.delitfrancais.com/2017/10/31/une-identite-tournee-vers-lavenir/ Tue, 31 Oct 2017 17:08:52 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29709 À la rencontre de Fabrice Vil, co-fondateur de l’association Pour 3 Points (P3P) et chroniqueur au Devoir.

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Talentueux avocat, Fabrice Vil a mis fin à sa carrière en 2010 pour se lancer dans l’entrepreneuriat social avec l’association qu’il a co-fondé, Pour 3 Points (P3P). L’organisme propose à la fois entraînements au basketball et aides aux devoirs pour des jeunes Montréalais. Chroniqueur au Devoir d’origine haïtienne, il a écrit plusieurs articles sur la diversité, le racisme, et l’articulation de l’identité dans la société québécoise. Le Délit s’est entretenu avec lui pour discuter du concept de l’identité et de ses multiples facettes.

Le Délit (LD): Comment votre identité québécoise et votre identité haïtienne ont-elles cohabité pendant votre enfance? Ont-elles été conflictuelles?

Fabrice Vil (FV): C’est une bonne question. D’abord, il y a toujours une question à poser: c’est quoi une identité? Une identité, ce n’est pas une définition claire, elle se compose à travers les histoires qu’on se raconte, les symboles qu’on a dans notre quotidien, nos actions. C’est vraiment tout un mélange à mon avis. Ayant ça en tête, je ne dirais pas que j’ai plusieurs identités, j’en ai une seule. Maintenant, à travers cette identité là, qui est composée donc entre autres de mes origines haïtiennes, de mon vécu depuis ma naissance comme Québécois, oui il y a eu des moments où il y a eu des confrontations ou des conflits. Ne serait-ce que de concilier l’accent de la maison, l’accent haïtien créole, avec la nécessité de modifier cet accent-là pour être un peu mieux accepté dans mon entourage à l’école primaire… Ça, ça faisait partie des enjeux que j’ai eu à vivre. À mon sens, ça demeure une seule identité qui compose une identité plus grande, collective, au Québec ou au Canada.

« Le Canada à mon sens fait bien de célébrer sa diversité, mais ça n’excuse pas ou ça ne libère personne de l’obligation de creuser et de gérer ses propres enjeux »

LD: Comment compareriez-vous ce rapport à l’identité entre une première génération d’immigrés, comme vos parents, et une seconde génération, née ici et ayant vécu ici toute leur vie, dans leur rapport à leur identité culturelle? Voyez-vous une grande différence?

FV: Si je me réfère à la manière dont mes parents ont vécu, ils sont à mon sens Québécois à part entière. Ils ont vécu plus longtemps au Québec qu’en Haïti. Ils sont arrivés dans la vingtaine. En terme du nombre d’années, la plus grande partie de leur existence s’est passée au Québec. C’est quelque chose qu’il ne faut pas oublier. Maintenant, mes parents ont vécu la situation d’immigrants qui ont eu à tailler leur place dans la société d’accueil. Ils ont été confrontés à une certaine époque, surtout à leurs débuts au Québec, aux distinctions entre leur vie en Haïti et ici. Ils ont eu à s’adapter et à lutter pour tailler leur place. Moi je suis né ici, je n’ai pas eu ce conflit là que mes parents ont pu avoir. Ce qui n’empêche pas que les défis étaient autres. Je n’ai pas eu à changer d’environnement.

LD: Vous avez eu des défis de nature différente. Vos parents ont dû s’adapter à un différent environnement, alors que vous l’avez depuis votre enfance.

FV: Oui, mais j’ai aussi une plus grande facilité. C’est l’environnement que je connais. Mes parents ont eu, à un moment donné, le constat qu’ils sont dans une société d’accueil en tant que personnes qui viennent d’ailleurs. Moi je n’ai jamais eu ça. J’ai eu cette facilité là. C’est pas juste une question de distinction entre mes parents et moi, ou n’importe quel immigrant de première ou de seconde génération. La société évolue aussi. Quand mes parents sont arrivés ici, il y avait beaucoup moins de variété en termes de nourriture [au supermarché]. C’était dérangeant pour eux, ils n’arrivaient même pas à faire la nourriture qu’ils voulaient faire! Alors qu’aujourd’hui, ce n’est même plus un enjeu. La société en elle-même a évolué. Du moins à Montréal. Ça évolue de différente manière selon les différents endroits où on se trouve.

LD: On a souvent cette image de Montréal comme une ville multiculturelle, revendiquant sa diversité comme une force. Est-ce que vous pensez que cette image correspond à la réalité, ou cache-t-elle une réalité moins édulcorée?

FV: Je pense qu’il faut regarder ça au niveau mondial. Si on compare le Canada au reste du monde, ou à plusieurs endroits dans le monde, je pense que la réponse est oui. Le Canada fait un meilleur travail que beaucoup d’autres pays pour gérer la diversité. La diversité est une force. On arrive à gérer cette diversité avec beaucoup moins de violence que dans plusieurs autres régions dans le monde. D’abord, il faut reconnaître ça. Les choses vont relativement bien. Par contre, il ne faudrait pas nier les enjeux auxquels on est confronté non plus. Le fait que ça aille bien ne veut pas dire non plus qu’il n’y pas d’enjeux. La question des relations avec les Premières Nations, les autochtones, c’en est un d’enjeu. La question de composer avec les enjeux relatifs à l’islam, au Québec présentement, c’en est un autre. Les questions de racisme à l’encontre des personnes noires. Quand on dit qu’entre 2003 et 2013 la population carcérale au sein des Noirs a augmenté de 90% durant cette période-là, ça c’est un autre enjeu. Les enjeux de pauvreté aussi, parce qu’ils sont liés, je pourrais en donner plusieurs. Le Canada à mon sens fait bien de célébrer sa diversité, mais ça n’excuse pas ou ça ne libère pas personne de l’obligation de creuser et de gérer ses propres enjeux, ses propres problèmes et problématiques.

« L’idée c’est pas de rejeter notre héritage, en fait c’est même le contraire que je proposerais, c’est de voir comment notre héritage peut contribuer au collectif, peut enrichir la collectivité »

LD: Comment est-ce que vous définiriez l’identité québécoise?

FV: D’abord, et avant tout, le français est important. Mais en bout de ligne, on parle de gens qui habitent au Québec, qui aiment le Québec, qui l’ont comme point de rattachement. Il y a comme une espèce de nécessité de définir le tout, alors qu’en bout de ligne le Québec c’est présentement un collectif de gens qui se rassemblement, qui veut produire une société positive. Ce que je trouverais intéressant, au-delà de la question de la défense du français, avec laquelle je suis d’accord, c’est qu’on définisse une identité québécoise axée sur des enjeux collectifs importants — la promotion de l’environnement, la lutte contre les inégalités — qu’on soit champion de ce genre de choses là ça serait intéressant qu’on le voit et qu’on l’affirme un peu plus.

Pourquoi est-ce que ça ne pourrait pas faire partie de notre identité de regarder l’avenir, de regarder vers où on se projette plutôt que de protéger coûte que coûte des [héritages du] passés. Sans oublier le passé, ce n’est pas ça le problème, c’est important de se rappeler qui on est, mais je ne voudrais pas tomber dans [le piège] de toujours regarder en arrière.

LD: Qu’est ce que vous répondriez aux personnes qui considèrent le multiculturalisme et l’immigration comme des menaces à la pérennité de l’identité québécoise?

FV: Je pense que le terme multiculturalisme fait beaucoup réagir, puis que ce soit multiculturalisme, ou communautarisme, ou un autre terme, il m’apparaît important d’éviter que des groupes donnés arrivent au Québec ou au Canada puis se juxtaposent l’un à côté de l’autre, sans réelle synergie et interaction. Ça c’est ce qu’il faut éviter parce que là, on ne serait pas en train d’avoir des identités communes, on serait juste des cellules qui coexistent l’une à côté de l’autre sans participer à un projet commun. Ça, c’est problématique et dangereux et donc, de ce que je ressens de la crainte du multiculturalisme, c’est ça que je perçois. Après, l’important c’est de construire un projet commun en étant aussi conscient de la réalité de la société d’accueil, mais il ne faut pas non plus dans cette conversation là être hypocrite. Le Canada d’aujourd’hui a été bâti aussi en violation de droits de personnes qui étaient présentes, les personnes autochtones, donc c’est comme un respect de reconnaître que nous, qui sommes venus ici qui veulent protéger leurs frontières sont aussi en violation des droits d’autres personnes.

« Ce que je trouverais intéressant, au-delà de la question de la défense du français, avec laquelle je suis d’accord, c’est qu’on définisse une identité québécoise axée sur des enjeux collectifs importants »

LD: Ne craignez-vous pas que cette image de la peur du communautarisme force les gens à rejeter une part de leur identité parce qu’elle est différente de l’héritage catholique-blanc québécois?

FV: C’est là où, à mon sens, on essaye de rendre simple quelque chose qui est hyper complexe. J’ai jamais dit que les gens qui arrivent ici devraient rejeter leurs propres identités. Moi j’ai un amour pour mes origines haïtiennes, je l’ai dit à chaque seconde de ma vie, l’idée c’est pas de rejeter notre héritage, en fait c’est même le contraire que je proposerais, c’est de voir comment notre héritage peut contribuer au collectif, peut enrichir la collectivité. L’exemple que je donnerais, c’est un exemple très simple et intéressant, c’est l’exemple du potluck. On fait une soirée ensemble, puis chacun arrive avec son repas, il mange son repas seul, sans partager. Ça fait une soirée un peu dry, un peu plate, mais si on fait un potluck et qu’on dit que tout le monde apporte sa nourriture sur la table et qu’on partage, juste ça rend la dynamique beaucoup plus intéressante parce que le bagage qu’on amène de chez nous contribue aux autres, puis on est fiers de l’apporter avec nous.

LD: Depuis que vous vous êtes lancé dans le projet d’entreprenariat social de Pour3Points, on peut imaginer que votre mode de vie, vos ambitions et votre quotidien ont beaucoup changé. Quelle importance ces éléments ont eu dans la construction de votre identité? De passer du métier d’avocat à travailler avec des jeunes, c’est une atmosphère très différente, et des ambitions différentes…

FV: Y’a deux choses qui me viennent à l’esprit. Le travail de Pour3Points, on a parlé beaucoup d’identité culturelle jusque là, et je pense que c’est important de savoir qu’une identité se compose de tellement d’éléments qui vont au delà de la dimension purement culturelle. On pourrait parler des activités que l’on fait au quotidien, on pourrait parler du sexe, je ne pourrais même pas les nommer puis les marquer en notes, ces éléments qui composent notre identité. Maintenant, ce que le travail de Pour3Points m’a permis de faire, c’est de réaliser que les jeunes qu’on accompagne dans les écoles des milieux défavorisées se retrouvent dans des contextes où ils sont entrain, eux aussi, de construire leur identité. Pour moi, c’est un plaisir de soutenir des jeunes dans la construction de cette identité là, et que ces jeunes là se sentent des citoyens et des individus à part entière dans leur société.

LD: Vous pensez que le sport participe à la construction de leur identité parce qu’ils ont le sentiment de faire partie de quelque chose? C’est ça pour vous le point central dans la construction de leur identité avec le sport?

FV: Je pense que le sport peut avoir cet effet là, d’aider à construire une identité, ça permet aux jeunes de s’ancrer dans un groupe positif une équipe ça permet aux jeunes de s’identifier dans leur contexte à une école, même plus loin, à représenter leur quartier. Ensemble on travaille à devenir de bonnes personnes, de bons sportifs et de bons étudiants, ça résonne, pis là, ça devient plus facile pour eux de comprendre pourquoi ils doivent être de bons élèves à l’école, de voir pourquoi on peut être exigeants avec nous, même d’un point de vue sportif: ça part de l’identité qu’on construit ensemble.

 

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Voyages, voyages https://www.delitfrancais.com/2017/10/31/voyages-voyages/ Tue, 31 Oct 2017 14:52:45 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29640 «Moins on se connaît, mieux on se porte», écrivait Clément Rosset dans son ouvrage Loin de moi, défendant la thèse selon laquelle la recherche obsessive d’une identité bien définie nuit à la poésie de l’existence. L’idée d’une identité figée peut, sans conteste, être nocive à l’épanouissement personnel. Elle soumet le rapport à soi-même à une… Lire la suite »Voyages, voyages

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«Moins on se connaît, mieux on se porte», écrivait Clément Rosset dans son ouvrage Loin de moi, défendant la thèse selon laquelle la recherche obsessive d’une identité bien définie nuit à la poésie de l’existence. L’idée d’une identité figée peut, sans conteste, être nocive à l’épanouissement personnel. Elle soumet le rapport à soi-même à une image prédéfinie, gêne tout changement, paralyse toute redéfinition de soi. Elle restreint l’identité en lui donnant l’apparence d’une complétude. Cette édition spéciale, au contraire, s’attache à déchiffrer ces différentes facettes, cette mosaïque complexe qui forme notre rapport unique au monde.

La période universitaire, cette arrivée dans un nouvel univers culturel et académique, est propice à la redéfinition de son identité. L’arrivée à McGill, une institution qui se distingue par l’origine diverse de ses membres, peut être synonyme d’un nouveau départ pour l’étudiant de première année en quête de renaissance. C’est une période charnière durant laquelle chacun a l’opportunité de s’émanciper du moule de l’adolescence, de laisser derrière soi le spectre des études secondaires pour mieux définir son futur.

Quid de l’identité?

Sommes-nous agents ou produits de notre identité? À quel point la dessinons-nous? Dans quelle mesure nous définit-elle? Cette question se pose de manière particulièrement forte pour les étudiants que nous sommes: encore dans les limbes universitaires, piégés dans cette période stationnaire entre le confort du nid familial et l’entrée (toujours retardée) dans le monde «adulte». Entre les périodes de révision à McLennan et les escapades nocturnes sur Saint-Laurent, nombre d’entre nous vont faire des choix décisifs, ou du moins formateurs. Que choisir d’étudier? Faut-il rejoindre Conservative McGill, ou écrire pour nos confrères du McGill Daily? Devenir militant de Divest McGill ou v.-p. Événements de la Management Undergraduate Society? Franc-Jeu, ou le club de taillage de silex (oui, ça existe)? Ces choix s’entremêlent avec nos identités intimes, qu’elles soient raciales, genrées, sexuelles, ou de classe, qui précèdent parfois nos débuts sur la scène universitaire et auxquelles le regard des autres nous limite souvent.

Une identité multiforme 

Penser le monde sous l’angle de l’identité peut en effet nous amener à succomber à la tentation de classer les individus selon des catégories prédéfinies, à les enfermer dans des cases. Les articles présentés dans cette édition spéciale montrent les limites de cette approche. Nos contributeurs explorent les influences multiples qui composent l’identité. Elle n’est jamais unique, mais se nourrit plutôt de ses multiples influences. Semblable à une matière cosmique en fusion, sa seule constante est sa transformation. 

L’immensité qui réside en chacun de nous doit trouver sa place au sein de villes comme Montréal, où la catégorisation du soi et de l’autre semble parfois inévitable. À travers la métropole, de multiples identités entrent en collision chaque jour, finissant soit par fusionner, soit par adopter des trajectoires opposées. L’actualité récente n’en est que l’exemple: la loi 62 a récemment réveillé les tensions autour de l’identité religieuse au Québec, confrontant la province aux enjeux grandissants du vivre-ensemble. Comment accommoder cette complexité dans cette province francophone, dont la réputation de terre-refuge se heurte parfois à une réalité moins reluisante ?

Jetons les masques

Et nous voilà donc, pour la plupart, voguant, enchevêtrés entre plusieurs identités culturelles. Plusieurs nationalités, plusieurs cercles de connaissance, parfois à cheval entre le réel et le virtuel. Aujourd’hui 31 octobre, jour d’Halloween, nous nous déguisons, en masquant ou en dévoilant encore un autre petit bout de nous-même. Le déguisement nous procure une échappatoire, une page vierge pour nous repenser. Nous repartons vers un nouveau voyage identitaire. Bonne lecture!

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Et la lumière fût https://www.delitfrancais.com/2017/09/26/et-la-lumiere-fut/ Tue, 26 Sep 2017 16:11:32 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29315 Ólafur Elíasson réinvente l’eau, la lumière et l’espace au Musée d’Art Contemporain.

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Le Musée d’Art Contemporain accueille jusqu’au 1er octobre l’exposition «Maison des ombres multiples », présentant plusieurs installations interactives de l’artiste dano-islandais Ólafur Elíasson. Connu pour ses installations dans l’espace public, notamment Ice watch en 2014, projet pour lequel il avait fait installer des gigantesques blocs de glace au cœur de Copenhague, «Maison des ombres multiples» est la première présentation individuelle de l’artiste au Canada.

Le spectateur, un artiste comme les autres ?

Les huit oeuvres présentées s’inscrivent dans le travail d’Ólafur Elíasson sur le rapport de l’homme au temps, à son environnement, mais aussi à sa perception de lui-même. Chacune des installations présentées est immersive, plaçant le spectateur au coeur de l’oeuvre afin qu’il en devienne l’acteur. «J’utilise ces idées de se voir en train de regarder et de se sentir en train de regarder dans le but d’établir des relations entre avoir une expérience et simultanément évaluer et être conscient d’avoir cette expérience», expliquait ainsi l’artiste à BOMB Magazine en 2004. L’installation centrale de l’exposition est particulièrement révélatrice de ce travail sur le regard de l’être humain sur lui-même. Les visiteurs évoluent dans un labyrinthe de bois couvert d’écrans. Des lampes halogènes projettent leurs «ombres multiples» sous des couleurs et des angles différents, initiant un curieux face-à-face entre les spectateurs et leur image transformée.

Elíasson, l’eau et la lumière

L’exposition permet également de découvrir le travail effectué par Elíasson sur les phénomènes optiques, notamment sur l’interaction entre l’eau et la lumière. Big Bang Fountain, réalisée en 2014, explore la diversité infinie des formes liquides. L’œuvre se découvre dans le noir. Ponctuellement, une lumière stroboscopique éclaire pendant une fraction de seconde un jet d’eau, figeant temporairement sur la rétine l’une des phases du ruissellement de l’eau. L’expérience est hypnotisante. Sous les projections de lumière, la fontaine se transforme en une multitude de sculptures uniques et éphémères. Le recours d’Elíasson à la lumière stroboscopique permet de découvrir une dimension inconnue du phénomène de l’écoulement de l’eau. Beauty, élaborée en 1993, résulte également du travail de l’artiste sur la rencontre entre les différents états de l’eau et la lumière. L’œuvre consiste en un rideau de bruine éclairé en continu par un projecteur, révélant un spectre lumineux. La lumière et l’eau brumisée donnent naissance à une forme évanescente, en constante métamorphose. En jouant avec la lumière, Elíasson révèle ainsi les mouvements invisibles des particules d’eau. 

L’exposition présente également plusieurs oeuvres axées sur la notion d’espace, comme sa série de Mirror door, qui brouille la frontière entre espace vécu et espace refléchi, ainsi que Polychromatic attention. Conçue en 2015, cette oeuvre est constituée de vingt-quatre sphères de verre disposées en cercle. «[Les sphères]  ont cette dimension puissante, presque cosmique. Les sphères sont des machines qui créent de l’espace», expliquait-il dans un entretien avec Designboom. Si les sphères créent de l’espace, Ólafur Elíasson, quant à lui, nous invite à le redécouvrir.

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Du français du roy au français québécois https://www.delitfrancais.com/2017/04/07/du-francais-du-roy-au-francais-quebecois/ Fri, 07 Apr 2017 13:40:42 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28416 Petite histoire de la langue française au Québec.

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C’est à l’époque de la colonisation française, de 1608 à 1763, que le français s’est développé au Québec. Alors que subsistaient en France de nombreux patois, au Québec le français est rapidement devenu un vecteur d’unification de la population. Langue des «filles du Roy», des orphelines spécialement envoyées pour peupler la colonie, mais aussi de l’administration, des tribunaux, et de l’éducation, le français s’est rapidement répandu dans la vallée du Saint-Laurent, comme en témoignent les voyageurs de l’époque. Bien que similaire à la langue parlée à la Cour de France, le français québécois a cependant connu sa propre évolution, influencé par les langues amérindiennes, puis l’anglais à la suite de la guerre de Sept Ans. En France, le français de la bourgeoisie est préféré au «français du Roy» à partir de la révolution, ce qui explique les évolutions linguistiques distinctes du Québec et de la France. 

La situation du français au Québec a radicalement changé une fois la province devenue colonie britannique, à partir de 1763. L’élite économique et politique parlait désormais anglais, au détriment du français, qui perdit donc sa place centrale dans l’espace public.                 À cette époque, il n’est pas rare pour les Québécois parlant français en public d’être sommés de parler anglais. L’insulte «Speak white» (parle blanc, ndlr), qui a d’ailleurs inspiré un poème militant du même nom de Michèle Lalonde, illustre cette dépréciation du français. Quant à l’élite québécoise, elle dénigre progressivement la prononciation québécoise à partir du milieu du 19e siècle, lui préférant la prononciation parisienne. Dès sa création en 1936, Radio-Canada diffusait ainsi des programmes parlés dans une langue axée sur le français de France. Ce n’est que dans les années 1970, sous l’impulsion de la révolution tranquille, que la radio a changé sa politique, alors que le français québécois commençait à occuper une place plus importante dans l’espace public.   

Révolution francophile 

La révolution tranquille, au début des années 1960, a en effet radicalement changé la place du français au Québec. C’est une période de renouveau, à la fois sur le plan économique, culturel, et politique. Le nationalisme québécois se développe, et le français s’affirme.  Avec la progression socio-économique des francophones, le rapport de la population au français québécois se métamorphose. La publication de la pièce Les belles-sœurs de Michel Tremblay en 1968, une des premières œuvres québécoises écrites en joual, français populaire teinté d’anglicismes, témoigne de ce changement de perception de la langue. «[Ce mouvement] a eu pour effet de nous forcer à réfléchir à notre rapport à la langue et à notre identité: sommes-nous fiers d’être Québécois? Sommes-nous fiers d’être distincts des Français? Est-ce normal que notre français soit différent de celui qu’on parle en France? […] Ce fut un exercice collectif d’interrogation et de prises de position qui a permis de s’approprier le français, avec ses particularités et son américanité propres», expliquait ainsi Chantal Bouchard, linguiste et professeure au Département de langue et de littérature françaises de McGill, dans un entretien avec la revue Relations.

Cette transformation de la perception du parler québécois a été suivie par l’adoption de lois promouvant l’usage du français au Québec. En 1977, année de création du Délit, le gouvernement péquiste de René Lévesque fit adopter la Charte de la langue française, plus connue sous le nom de «Loi 101», définissant le français comme seule langue officielle du travail, de l’administration, du commerce et de l’éducation des immigrants. Aujourd’hui amendée, la «loi 101» conserve cependant sa mission de protection du français dans l’espace public, tout comme le Délit conserve sa mission de promotion du français dans l’espace mcgillois.  

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Les rebelles des poubelles https://www.delitfrancais.com/2017/03/28/les-rebelles-des-poubelles/ Tue, 28 Mar 2017 13:36:24 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28333 Le mouvement zéro déchet part à l’assaut de la surconsommation et du gaspillage.

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Un gobelet de café à neuf heures, une boîte de salade en plastique à midi, un sachet de gâteau à quinze heures, une bouteille d’eau à seize: qu’avez-vous jeté aujourd’hui? Achetés, utilisés, puis jetés en l’espace de quelques minutes, les emballages sont partout. Ces déchets quotidiens ne sont pourtant pas anodins. Popularisé par Béa Johnson et son livre Zéro déchet, le mouvement du même nom dénonce une consommation frénétique, déconnectée de ses conséquences environnementales. Face à la prolifération d’emballages, de bouteilles et autres dérivés du plastique sur les étals de supermarché, les rivières et les plages, le mouvement zéro déchet promeut la réduction de notre production de déchets afin de traiter le problème à sa source.

La face cachée des déchets

Selon les derniers chiffres gouvernementaux, chaque Canadien a produit plus d’une tonne de déchet en 2006. Ce gaspillage massif a pourtant des conséquences environnementales non négligeables: trois quarts de ces déchets sont en effet enfouis, alors que l’enfouissement est responsable de près de 25% des émissions canadiennes de méthane, l’un des plus importants gaz à effet de serre. La majorité des emballages des produits de consommation sont en effet fabriqués à partir de matériaux thermodurcissables, non recyclables, comme les pots de yaourts, les sachets en plastique, ou les barquettes en polyester. Ne pouvant être recyclés, ces emballages à la durée de vie limitée sont immédiatement jetés par leurs consommateurs. Dans le monde, vingt milliards de tonnes de déchets sont tous les ans déversés dans les océans. Ce rejet massif exerce une véritable menace sur les animaux marins: d’ici 2050, selon l’organisation non-gouvernementale World Wild Fund (WWF), neuf sur dix d’entre eux auront ingéré du plastique. Alors que 99% des ressources prélevées dans la nature deviennent des déchets en moins de quarante-deux jours, le mouvement zéro déchet prône un changement radical de notre rapport à la consommation.

Refuser de se faire emballer, suremballer. Refuser un système qui dégénère, nous coûte cher et hypothèque les chances de nos enfants à vivre aussi bien que nous et nos parents

Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne crée pas

A la clé du «zéro déchet», il y a la règle des 3R: réduire, réutiliser, recycler. On pourrait y ajouter une quatrième: refuser. «Refuser de se faire emballer, suremballer. Refuser un système qui dégénère, nous coûte cher et hypothèque les chances de nos enfants à vivre aussi bien que nous et nos parents», expliquent Jérémie Pichon et Bénédicte Moret dans leur ouvrage Famille Zéro déchet. Parmi les méthodes utilisées pour réduire ses déchets, on trouve l’achat de produits en vrac dans des contenants réutilisables, l’adoption du compostage, ou encore la fabrication de produits d’entretien et de cosmétiques maison. Sur son blogue «Sortir les poubelles», Charlotte, étudiante montréalaise en sciences de l’agriculture, partage ses astuces et ses bonnes adresses pour adopter un mode de vie zéro déchet, de la recette de baume à lèvres maison aux méthodes pour voyager sans créer de déchets. «J’ai beaucoup de méthodes, mais à la fin de la journée ça revient à s’organiser! Je magasine en vrac, je fais mon lunch, je composte et je ne fais pas d’achat compulsif. J’ai revu et réévalué mes habitudes de consommation et mes besoins. Je ne vis plus comme je vivais avant, et c’est pour le mieux! C’est facile de vivre ainsi en s’organisant un peu, et ça devient compliqué des fois quand le temps vient à manquer. […]Personne n’est parfait, il faut viser l’équilibre.»

Dire adieu au déchet, un choix de vie difficile ?

Ce refus du gaspillage implique en effet de nombreuses concessions. Dans la mesure où la plupart des produits disponibles en supermarché sont emballés, adopter un mode de vie zéro déchet peut s’avérer difficile à tenir au quotidien. Réfléchir à l’impact environnemental de ses achats, c’est aussi abandonner le confort d’une consommation insouciante. Audrey, vingt-neuf ans, étudiante en psychologie à l’Université de Montréal, s’est lancée dans l’aventure zéro déchet il y a près d’un an. Elle explique: «la société est organisée de façon à favoriser le jetable alors c’est sûr que ça demande un effort supplémentaire pour changer ses habitudes. C’est au début du processus que c’est le moins évident […] aussi, je trouve parfois difficile de gérer les imprévus ou mes élans de spontanéité. Par exemple, il arrive que je revienne de l’école et que j’ai soudainement envie de manger une bonne pizza maison alors que je n’ai pas les ingrédients nécessaires. Je dois alors choisir d’acheter des ingrédients dont certains sont emballés, ou choisir de manger autre chose. Avoir à faire ce choix n’est pas toujours plaisant!», explique Audrey.

Sophie, trente-huit ans, directrice de théâtre, a entamé sa transition vers le zéro déchet au début de l’année. Elle souligne également que si ce mode de vie lui permet d’être en accord avec sa conscience écologique, il nécessite néanmoins de nombreux ajustements dans sa vie personnelle.. «Devenir zéro déchet est un grand changement. Ma méthode, c’est d’être consciente de tous les déchets contenus dans tout ce que je consomme, et d’essayer de trouver des alternatives. C’est un gros effort, mais j’y vais doucement», explique-t-elle. D’autres obstacles plus subtils peuvent entraver l’adoption du zéro déchet, comme le regard des commerçants parfois récalcitrants à accepter de servir leurs produits dans des contenants réutilisables. Une fois adoptés, ces changements d’habitudes deviennent pourtant rapidement naturels, comme l’explique Audrey. «Il est important de reconnaître que changer ses habitudes n’est pas facile et qu’on a tous nos limites. Aussi, j’étais récalcitrante à changer quelques habitudes comme utiliser des mouchoirs en tissu ou une DivaCup (coupe menstruelle réutilisable, ndlr). J’avais aussi peur de me faire juger en demandant au boulanger de mettre mon pain dans une taie d’oreiller. J’ai décidé d’y aller progressivement en me mettant le moins de pression possible. Rapidement, certains changements que je croyais inatteignables se sont imposés tout naturellement. Je change quelques habitudes à la fois avec lesquelles je suis à l’aise.»

Vers une société zéro déchet?

Parmi les solutions les plus évoquées par les défenseurs du zéro déchet pour réduire les déchets à l’échelle nationale, on retrouve la taxation des emballages inutiles, voire leur interdiction. En Irlande, l’augmentation du prix des sacs plastiques a ainsi permis de réduire son utilisation de 92%. En France, ces derniers sont interdits depuis juillet 2016. Un exemple à suivre pourrait être celui de l’Italie, où plusieurs chaînes de supermarché ont mis en place des distributeurs de vin, de lait, de shampoing et d’eau permettant aux clients de se réapprovisionner en utilisant des bouteilles réutilisables. Pour Sophie, il est cependant essentiel de mettre en place une législation afin d’atteindre des résultats à grande échelle: «Si les magasins de vente à emporter faisaient payer un prix élevé pour du polystyrène ou refusaient de l’utiliser, s’ils ne donnaient que des emballages compostables payants à la place, peut-être que les gens commenceraient à utiliser leurs propres contenants. C’est pareil pour les couverts, pareil pour les tasses de café. (…) Pourquoi devrions nous utiliser une ressource qui prend des milliers d’années à être produite, le pétrole, pour un produit utilisé pendant quelques minutes et qui n’est pratiquement jamais détruit?». Pour faire changer les mentalités, elle souligne également la nécessité de revendiquer le mode de vie zéro déchet auprès des distributeurs: «A chaque fois que je vais quelque part, je demande d’utiliser mes propres contenants. Si je vois des emballages inutiles, j’écris aux magasins, une à deux fois par semaine. Je pense que plus le mouvement est local, plus nous pouvons changer les choses rapidement».

Il est cependant essentiel de mettre en place une législation afin d’atteindre des résultats à grande échelle

Parmi les bons élèves du zéro déchet, on trouve San Francisco. La ville s’est en effet fixée l’objectif de parvenir d’ici à 2020 à zéro déchets non recyclés ou compostés, ce qui lui permettra de limiter la pollution occasionnée par les décharges et les incinérateurs. San Francisco a, entre autres, interdit les bouteilles d’eau en plastique, rendu obligatoire le compostage et le recyclage, et obligé les industriels du bâtiment à recycler leurs débris. Ces mesures ont permis de populariser l’approche zéro déchet au sein de la population. Comme le souligne Audrey, intégrer l’approche zéro déchet aux structures de consommation traditionnelles et augmenter la visibilité du mouvement est essentiel: «je crois qu’une des solutions réside dans la démocratisation et dans la normalisation des comportements zéro déchet qui peuvent paraître marginaux. (…) Il faut que ça devienne plus simple d’éviter les déchets que d’en produire! La proximité des deux cultures de consommation (la traditionnelle et la zéro déchet) permettrait de déboulonner certains mythes et permettrait de faire voir aux gens qu’il existe d’autres choix plus responsables et faciles à mettre en place.»

Atteindre une société zéro déchet passe par une réorganisation profonde de nos comportements et une prise en compte de leurs conséquences environnementales. Si cet objectif peut sembler encore lointain, il n’est pas pour autant inatteignable. Il implique de repenser nos gestes quotidiens, d’imaginer des alternatives, d’inventer des solutions pour mettre fin au gaspillage de ressources et d’énergie. Le zéro déchet, un retour en arrière ? Plutôt un grand saut en avant.

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Au revoir, or noir! https://www.delitfrancais.com/2017/02/17/au-revoir-or-noir/ Sat, 18 Feb 2017 03:20:55 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27772 L’Université Laval n’investira plus dans les énergies fossiles.

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C’est une première au sein des universités canadiennes. Suite aux demandes du groupe étudiant «ULaval sans fossiles», formé en novembre dernier, l’Université Laval s’est engagée mercredi à retirer ses investissements dans le secteur des énergies fossiles. Cette démarche s’inscrit dans la lignée d’un mouvement global de désinvestissement des énergies polluantes, préconisant de mettre fin aux investissements financiers dans les entreprises impliquées dans l’extraction de gaz, de charbon et de pétrole.

Selon le vice-recteur exécutif et au développement, Éric Beauce, 5% des investissements actuels des fonds de dotation de l’Université Laval, soit 11 millions de dollars, sont liés au secteur des énergies fossiles. L’Université envisage de déplacer ces investissements vers des placements dont les conséquences sont moins néfastes pour l’environnement, notamment les énergies renouvelables. Afin d’assurer cette transition, M. Beauce promet la création d’un comité de conseil sur les investissements responsables, auquel siègera le groupe «ULaval sans fossiles». L’Université publiera également un rapport annuel, rendant compte de l’évolution des démarches de désinvestissement.

Excellence environnementale

Cette promesse de désinvestissement s’inscrit aussi dans la continuité des efforts environnementaux déployés par l’Université Laval depuis plusieurs années. Les projets mis en place depuis 2011 lui ont d’ailleurs valu l’obtention de l’accréditation internationale «STARS (Sustainability Tracking Assessment and Rating System) de niveau or» pour son engagement écologiste. L’Université se classe désormais deuxième au niveau mondial en matière de développement durable. Parmi les réalisations de l’Université, on trouve notamment un financement accru des programmes et des activités de recherche liées au développement durable, la carboneutralité du campus, ou encore des campagnes de sensibilisation aux questions environnementales.

Pour «ULaval sans fossiles», cette promesse de désinvestissement est une victoire. Contactée par Le Délit, Alice-Anne Simard, la porte-parole du groupe, explique les raisons du succès de leur campagne: «Nous avons aussi réussi à être très visibles sur le campus et à créer une hype. […] La clé selon moi réside dans la rencontre qu’a organisé pour nous M. Karel Mayrand, directeur général de la Fondation David Suzuki pour le Québec, entre la haute administration de l’Université Laval et notre groupe. Lors de cette rencontre M. Éric Bauce a véritablement vu les bénéfices pour l’Université Laval de désinvestir des énergies fossiles, tant au niveau écologique, économique, que pour leur image. C’est lui qui a décidé de prendre cet engagement et de voir ensuite comment ils y arriveraient, alors que les autres membres de l’administration espéraient plutôt voir si c’était possible de le faire d’abord et ne s’engager à rien […] La rencontre a tout de même duré plus de deux heures, et ils ne semblaient pas très ouverts au départ. Ils insistaient beaucoup sur le fait que le processus serait très long et compliqué. En bout de ligne, nous avons réussi à les convaincre que c’était non seulement la chose à faire, mais que c’est aussi très réalisable.»

Un engagement historique

«ULaval sans fossiles» souhaite d’ailleurs poursuivre son engagement au sein de l’université au cours des prochains mois: «nous avons contribué à un moment historique! La première université au Canada qui prend l’engagement de désinvestir totalement des énergies fossiles, ce n’est pas rien! Pour nous, la décision de l’Université ne signifie pas que nous allons arrêter la campagne, bien au contraire. Nous demeurerons vigilants pour s’assurer que l’Université Laval réalise bel et bien son engagement.»

L’engagement de l’Université Laval pourrait faire figure d’exemple pour les universités canadiennes. Malgré les pressions des groupes étudiants, les universités québécoises restent frileuses à l’idée de mettre en place des projets concrets de désinvestissement. En mars 2016, le Committee on matters of social responsibility (CAMSR) de McGill avait rejeté l’appel au désinvestissement lancé par Divest McGill. Le groupe étudiant s’est réjoui de la décision de l’Université Laval, espérant que l’Université McGill, dont le fonds de dotation s’élève à plus d’un milliard de dollars, ferait de même: «nous demandons à notre Université de faire preuve de leadership et d’agir immédiatement pour prévenir une catastrophe climatique dont la planète ne pourra pas se remettre. McGill n’aura pas l’honneur de prendre la tête de la campagne de désinvestissement au Canada, mais peut encore s’inscrire dans ce mouvement. Nous n’arrêterons pas tant que McGill n’aura pas agi.» Dans le monde, 696 institutions, dont plus d’une centaine d’établissements d’enseignement, dont les universités d’Oxford, de Cambridge et de Yale, se sont engagées à désinvestir en raison des préjudices sociaux et climatiques causés par l’extraction des énergies fossiles. McGill rejoindra-t-elle le mouvement?

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Des paroles… et les actes? https://www.delitfrancais.com/2017/01/31/des-paroles-et-les-actes/ Tue, 31 Jan 2017 14:00:09 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27393 Retour sur la tension entre étudiants et administration au sujet du désinvestissement.

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Un récent rapport présenté par le vice-principal exécutif Christopher Manfredi au Sénat ce mois-ci revient sur les forums ouverts à propos de la durabilité ayant eu lieu en septembre dernier. En mars 2016, le Committee on matters of social responsibility (CAMSR) du Conseil des gouverneurs avait choisi de ne pas donner suite aux pétitions de l’association étudiante Divest McGill appelant l’administration à mettre fin à ses investissements dans des entreprises opérant dans le domaine des combustibles fossiles. Le comité avait justifié ce rejet par le manque de preuves quant à l’impact social négatif des industries de combustibles fossiles, ajoutant que leurs bénéfices «l’emportaient pour le moment sur ses impacts préjudiciables». Suite à cette décision controversée, la principale Suzanne Fortier s’était engagée à tenir trois forums publics sur la durabilité et les recommandations du CAMSR. Le rapport du professeur Frédéric Bachand, de la Faculté de droit, revient sur cet épisode et met en lumière la défiance des étudiant·e·s quant aux moyens mis en œuvre par McGill pour faire face au changement climatique.

Un manque de confiance

L’analyse du professeur Bachand met en lumière les difficultés de communication entre l’administration et les corps activistes étudiants. Parmi l’assistance, composée de membres de Divest McGill, d’anciens étudiants, de membres du personnel et du corps professoral, de nombreux participants ont ainsi fait part de leur perte de confiance en l’administration suite au rejet du projet de désinvestissement. Son déni des conséquences dramatiques de l’industrie des combustibles fossiles sur l’environnement a été particulièrement décrié. Le manque de transparence du CAMSR quant à ce dossier a également été pointé du doigt. Certaines des personnes présentes ont également déploré le manque de considération du comité pour les revendications environnementales de Divest McGill, imputable selon certains au fossé générationnel entre l’administration et un corps étudiant qui souffrira considérablement des répercussions du réchauffement climatique.

Un grand nombre de participants ont également pointé du doigt le manque de cohérence de l’administration mcgilloise

Un projet manquant d’audace

La plupart des vues exprimées dans ce rapport regrettent en effet les efforts écologistes trop timides de l’administration, l’appelant au contraire à opérer un véritable virage environnemental. Les participants ont notamment souligné la nécessité de prendre des engagements plus contraignants afin de lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Parmi les propositions énoncées, on trouve le développement des services de compostage, l’ajustement du système de chauffage de l’université ou encore l’augmentation du nombre de classes liées aux questions environnementales, sans distinction de programme.

Outre ces suggestions, un grand nombre de participants ont également pointé du doigt le manque de cohérence de l’administration mcgilloise, que ce soit dans sa stratégie environnementale ou dans son engagement en faveur de la réconciliation avec les communautés autochtones. Ils soulignent plus particulièrement l’écart entre les objectifs affichés de McGill et les moyens mis en place pour les atteindre.

Dans cette optique, nombre d’entre eux ont ainsi demandé à l’administration de prendre en compte l’impact social, sanitaire et culturel dramatique du développement des oléoducs sur les communautés autochtones et de réévaluer les conclusions du CAMSR afin d’œuvrer vers une réconciliation effective. Ces témoignages mettent en relief un problème de confiance récurrent dans les relations entre les organisations étudiantes et le corps administratif. Si l’on peut s’attendre à ce que Divest McGill poursuive ses efforts dans le futur, ce rapport suggère que l’avenir de la collaboration entre l’administration et les groupes activistes étudiants reste, quant à lui, incertain. 

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Crise humanitaire à Alep: comment agir? https://www.delitfrancais.com/2016/12/16/crise-humanitaire-a-alep-comment-agir/ Sat, 17 Dec 2016 00:36:05 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27106 Tour d'horizon des associations s'investissant en Syrie comme à Montréal auprès des réfugiés syriens.

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Près de six ans après le début de la guerre civile syrienne et alors que la situation des civils se dégrade rapidement à Alep, plusieurs initiatives ont été mises en place par des associations montréalaises et internationales afin de venir en aide à la population civile. Ces organisations offrent plusieurs options pour ceux souhaitant agir à leur échelle afin de faire face à la crise humanitaire que traversent en ce moment les civils syriens restés sur place, et ceux déplacés par le conflit.

Plusieurs pétitions ont été lancées par des organisations non gouvernementales. Médecins du Monde a notamment écrit une pétition appelant la communauté internationale à réagir afin de protéger la population civile.

Amnesty International a également lancé une pétition demandant l’autorisation d’entrée en Syrie d’observateurs indépendants afin d’enquêter sur les conditions de détention des civils.

Une mobilisation internationale…

Il est également possible de faire des dons, notamment aux Casques Blancs. Créée en 2013, cette organisation neutre regroupe des civils venant au secours des personnes touchées par les bombardements.

D’autres organisations, comme International Rescue Committee (IRC), ont lancé des appels aux dons. L’IRC intervient depuis 2012 auprès de la population syrienne en fournissant une aide d’urgence. Syria Relief offre quant à elle des soins médicaux à la population civile. Elle soutient également des écoles et travaille à la facilitation de l’accès à l’eau potable et à la nourriture de la population.

…comme locale

A Montréal, un concert-bénéfice aura lieu le vendredi 16 décembre à 19h30, au Oscar Peterson Concert Hall. Organisé par le Centre Culturel Syrien, il a pour but de récolter des fonds pour les personnes déplacées et touchées par le conflit syrien. Un rassemblement de solidarité avec les civils syriens aura également lieu dimanche au Parc Percy-Walters, à partir de midi.

A McGill, la McGill Syrian Students’ association (l’association des étudiants syriens de McGill, ndlr) a pour mission de promouvoir la culture syrienne dans tous ses aspects. Elle collabore également avec des associations humanitaires soutenant les civils syriens, et organise régulièrement des collectes de fond. Dernièrement, l’association recueillait des vêtements et des livres destinés aux réfugiés. L’association HANY lancera quant à elle dès janvier des cours de langue anglaise et française destinés aux réfugiés syriens afin de promouvoir leur intégration à Montréal. L’association organise également des causeries, la dernière en date portant sur la xénophobie en Europe et en Amérique du Nord dans le contexte des réfugiés, et les moyens d’y faire face.

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Difficile exercice du pouvoir https://www.delitfrancais.com/2016/11/30/difficile-exercice-du-pouvoir/ Wed, 30 Nov 2016 22:39:19 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27010 Claire Simon nous laisse entrevoir les coulisses du concours d’entrée de la Fémis.

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Nombreux sont ceux étant amenés à passer des examens de sélection au cours de leur vie mais peu en connaissent les rouages. Après Le bois dont les rêves sont faits, Claire Simon nous fait découvrir l’envers du décor des concours d’admission avec son nouveau documentaire, Le concours, présenté dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal. Enseignante à la Fémis, prestigieuse école de cinéma française, la réalisatrice a filmé les coulisses de son concours d’entrée extrêmement sélectif: sur les mille candidats, seule une trentaine d’élèves est admise chaque année. Claire Simon adopte le point de vue du comité de sélection et livre une exploration brillante du processus de sélection des aspirants cinéastes.

Les dessous d’une épreuve

Afin de différencier les enseignants des jurés, la Fémis a mis en place un comité de sélection dont les membres sont extérieurs à l’établissement. Journalistes culturels, réalisateurs et producteurs s’attèlent donc à la tâche difficile de choisir les futurs acteurs du cinéma français. Le documentaire suit leurs évaluations des épreuves écrites, orales et pratiques des jeunes cinéastes en devenir. Claire Simon suit inlassablement leurs discussions interminables, et leurs querelles quant aux candidats qui défilent et dont ils tiennent l’avenir professionnel entre les mains. Sa caméra capte sans relâche les hésitations et les doutes de ces individus dotés soudainement d’une responsabilité égale aux espoirs immenses des nombreux candidats.

Le concours propose une réflexion tout en contraste sur les processus de sélection et les rapports de pouvoir qu’ils impliquent. Si certains membres du jury portent des jugements sans appel sur les candidats, d’autres semblent démunis face aux responsabilités que leur position de juge leur confère.  Parfois drôles, souvent cinglants, leurs jugements nous laissent entrevoir un univers peu exploré au cinéma, et où se jouent pourtant de véritables conflits moraux et émotionnels. Claire Simon parvient à nous tenir en haleine jusqu’au dénouement final. Plus le nombre de candidats se restreint, plus la tension et le suspens s’installe.

Le documentaire touche également habilement à la question de la reproduction sociale dans le monde artistique. Une scène marquante se penche sur la délibération des jurés quant à la décision à prendre sur un candidat prometteur mais appartenant à un milieu social moins favorisé que celui de la majorité des étudiants de l’école. Les esprits s’échauffent, les disputes éclatent entre ceux qui veulent lui «donner sa chance» malgré tout et ceux qui craignent qu’il ne parvienne pas à s’intégrer en raison de ses origines sociales. Tapie entre les jurés, la caméra de Claire Simon touche au cœur du problème.

La sensibilité hors pair du regard de Claire Simon offre une vision tout en nuances de ce concours, des enjeux qui l’entourent et des drames du quotidien qui s’y jouent. La réalisatrice parvient à rendre son sujet étonnamment palpitant et touchant. Les concours de sélection deviennent bien plus agréables quand on les vit en spectateur.

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Oléoducs: Trudeau dit oui https://www.delitfrancais.com/2016/11/30/oleoducs-trudeau-dit-oui/ Wed, 30 Nov 2016 16:26:17 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=26994 Le gouvernement libéral de Justin Trudeau a donné son feu vert pour deux des trois oléoducs à propos desquels il devait se prononcer avant la mi-décembre.

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Lors d’une conférence de presse tenue après son retour du sommet de la Francophonie, Justin Trudeau a annoncé que son gouvernement avait décidé d’appuyer la construction des oléoducs Kinder Morgan et Line 3. Il a cependant bloqué la construction du projet Northern Gateway.

Trudeau a commencé sa conférence en rappelant un des principes sur lesquels il a été élu: faire le lien entre l’économie et l’environnement. «Les électeurs ont rejeté la vieille mentalité qui dictait que ce qui est bon pour l’économie ne l’est pas pour l’environnement» a‑t-il expliqué. La formule est maligne: elle permet de poursuivre les politiques actuelles, et de se dédouaner de toute responsabilité écologique.

Bien qu’il essayait de projeter la confiance, Trudeau était toutefois bien sur la défensive. Il a rappelé qu’il avait mis un prix au carbone et a souligné qu’il avait l’accord de la Première Ministre Albertaine. Il a également mis l’emphase sur les 15 000 nouveaux emplois présumés, et a évoqué les moments qu’il a passés sur la côte ouest dans son enfance.

 

De quoi parle-t-on?

Kinder Morgan, de loin l’oléoduc le plus polémique et médiatisé, vise à augmenter les capacités actuelles des transports de pétrole. Ce projet coûte quelques 6,8 milliards de dollars, et fera circuler l’or noir sur 1 150 kilomètres entre Edmonton en Alberta et la ville portuaire de Burnaby en Colombie Britannique. L’oléoduc ferait croître la capacité de transport actuelle de 300 000 à 890 000 barils de pétroles quotidiens. L’agence canadienne d’évaluation environnementale projette que Kinder Morgan causerait entre 13,5 et 17 mégatonnes d’émissions de gazes à effet de serre par an.

Line 3 est un projet organisé par la société pétrolière Enbridge Pipelines. S’il a été moins médiatisé, cet oléoduc a néanmoins des proportions bien comparables à son cousin de l’Ouest. Il vise à déplacer 760 000 barils quotidiennement entre Hardisty en Alberta jusqu’à Superior au Wisconsin; un trajet 1 659 kilomètres. Le projet coûte 7,5 milliards de dollars.

Quant au Northern Gateway, l’oléoduc rejeté par le gouvernement fédéral, il s’agissait d’un projet de 7,9 milliards de dollars, qui aurait fait passer 525 000 barils tous les jours entre les 1 177 kilomètres qui séparent Bruderheim en Alberta et Kitimat en Colombie Britannique.

 

«C’est extrêmement, extrêmement décevant»

L’annonce n’a pas plu aux militants de Divest McGill, une organisation étudiante mcgilloise qui a pour objectif notoire de demander à l’Université de se séparer de ses investissements dans les énergies fossiles. Ceux-ci s’étaient d’ailleurs déplacés par dizaines à Ottawa le 24 octobre pour manifester contre le projet Kinder Morgan. Ils avaient fait parti des 99 étudiants arrêtés pour avoir franchi un barrage policier devant le Parlement fédéral.

«C’est n’importe quoi de dire que l’on protège l’économie et l’environnement quand on donne son accord pour trois oléoducs en un an» s’exclame Nicolas Protetch, militant de l’organisation. «Dire que le gouvernement lie écologie et économie est illusoire» ajoute Julia Epstein, «il ne fait qu’appuyer l’économie et ne se soucie pas des personnes réelles qui vont être affectés par cette décision. […] C’est extrêmement, extrêmement décevant».

 

Indignations autochtones

Parmi les «personnes réelles» dont parle Epstein, il y a notamment les communautés autochtones, qui se sont largement positionnées contre les oléoducs.

Plusieurs communautés autochtones se sont en effet fermement opposées au projet Kinder Morgan ces dernières années. Entre autres, la nation Tsleil-Waututh, une communauté Salish de la côte, lutte contre l’agrandissement de l’oléoduc depuis mai 2014. Selon la cheffe Maureen Thomas, le projet est une violation de leurs droits territoriaux. Son accroissement représente également de nombreux risques environnementaux pour les conditions de vie de ses membres, qui vivent à proximité du terminal pétrolier de Burnaby. La communauté craint particulièrement les fuites de pétrole pouvant être occasionnées par le développement des capacités de l’oléoduc. Ces dites fuites sont susceptibles de détruire l’environnement marin dont les activités halieutiques de la communauté dépendent.

La nation Squamish s’était également opposée au projet «au nom des générations à venir». En juin dernier, son équipe légale avait lancé une action en justice et demandé une révision judiciaire du rapport de l’Office National de l’Énergie. Cette dernière avait approuvé l’agrandissement du réseau de Trans Mountain, sous réserve du respect de 157 conditions.

Selon le chef Ian Campbell, les recommandations de l’Office National de l’Énergie ne faisaient pas assez cas des préoccupations et des intérêts de la nation Squamish. Ce rapport avait également été dénoncé par la nation Tsleil-Waututh. Le 28 novembre, la cheffe Maureen Thomas expliquait que l’approbation du projet allait à l’encontre des promesses de Justin Trudeau relatives aux affaires autochtones lors de sa campagne en 2015. Ce dernier s’était en effet engagé à bâtir une relation «de nation à nation», fondée sur la consultation, et à prendre en compte les revendications des Autochtones dans le processus de prise de décision.

 

Le revers de la médaille

Quelques personnes et organisations se sont toutefois félicitées de la position prise par le gouvernement. C’est notamment le cas de nombreux Albertains, qui, dû à la chute du cours du pétrole, vivent une crise économique assez grave. «Notre province a été brutalement affectée par la chute des prix des commodités », a expliqué Rachel Notely, la première ministre de l’Alberta qui est allée rencontrer Trudeau à Ottawa dès que l’annonce a été faite. Notely a expliqué que cela était la «lumière du jour» après une «longue nuit». Même analyse pour Gary Leach, président de l’association canadienne des explorateurs et producteurs, qui a parlé d’«un grand jour pour l’industrie canadienne».

Au delà des réjouissances pour les nouveaux oléoducs, certains ont aussi salué les interdictions. Sven Biggs de l’ONG Stand Earth par exemple, a expliqué que la proposition Northern Gateway était «dangereuse» et que le gouvernement avait bien fait de la bloquer. Il a néanmoins souligné son désaccord avec le reste de la ligne gouvernementale.

Ce qui est en tout cas clair, est que cette position vient encore affaiblir la lune-de-miel que s’est octroyée le gouvernement libéral, depuis son élection il y a un an. Si l’administration reste encore appréciée du grand public, sa prise de position vient, au fur et à mesure, miner sa base de sympathisants. Les membres de Divest McGill expliquaient par exemple en parlant du Trudeau il y a quelques semaines, que «s’il est pour les oléoducs, nous ne serons pas pour lui lors des prochaines élections». Reste donc à savoir combien de temps le gouvernement pourra surfer sur sa vague de popularité avant qu’elle ne s’écrase.

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