Hugo Vitrac - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/hugo-vitrac/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 19 Mar 2024 20:04:59 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.2 Effort et solitude https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/effort-et-solitude/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55222 La randonnée comme philosophie.

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Cinq heure du matin. La montagne commence à s’embraser et des bruits résonnent dans le refuge. L’ascension se prépare. Les sacs sont soigneusement pliés et les corps encore fourbus de la veille peinent à effectuer les étirements matinaux. Le matériel maintes fois vérifié subit une ultime inspection : crampons, piolets, lunettes de glacier, couverture de survie, chaque oubli pouvant mettre en péril le randonneur et son groupe. À travers la petite fenêtre du dortoir, une bande de lumière se déploie derrière la montagne.

Silencieux, cheveux ébouriffés et lunettes sur la tête, les premiers prêts font leur apparition dans le réfectoire. Pendant le petit-déjeuner, pas un mot n’est échangé. Tous les regards sont dirigés vers l’immense fenêtre centrale, à travers laquelle le sommet tant craint mais tant désiré se dessine. À mesure que le soleil se lève, le flanc est de la montagne s’illumine, et le pic se teinte de rose. Le glacier reflète alors les premiers rayons du soleil et brille de mille feux. Surplombant la vallée toujours baignée dans l’obscurité, la montagne rayonne comme un phare. Patiemment, les marcheurs se redessinent le chemin dans leurs pensées tout en sirotant leur café. Certains se lèvent même pour inspecter la carte du massif affichée au fond de la salle, mais ceux-là sont rares. Peu échappent au pouvoir d’attraction ressenti à la vue de la montagne. Pour l’avoir étudiée, tous connaissent la voie : aujourd’hui la longue marche d’approche et le bivouac au pied de la montagne, demain l’escalade de l’arête sud- ouest, le sommet, puis la descente dans le glacier et la marche du retour vers la vallée. Deux journées d’efforts, coupées du monde. Deux journées simples, avec une seule idée en tête : le sommet. En dehors de ça, plus rien. La vie semble s’arrêter une fois la porte du refuge franchie. Il faut marcher, courir, grimper. L’esprit se concentre sur chaque pas, sur chaque inspiration. Le reste n’existe plus. Seule préoccupation, comme une véritable obsession, la masse écrasante et immortelle qui se dresse devant le randonneur.

Dans nos villes, peu de choses subsistent de la nature. Nos sociétés combattent inlassablement l’effort et la souffrance et détestent l’imprévu. Fini la nuit, le froid et la faim. Sous la lumière des lampadaires, dans des salles climatisées ou chauffées, la nature a disparu, le danger aussi. C’est tout ce que le randonneur recherche au contact de la montagne. Il épouse l’effort comme une rédemption, aime la faim, le froid et la pluie, comme autant d’épreuves qui le rapprochent de cette masse rocheuse qui l’ensorcelle et lui octroie le droit de gravir le sommet. Passé la porte du refuge, après le premier virage du chemin, le randonneur quitte la civilisation à la recherche de l’imprévu. La montagne a des odeurs, des bruits, elle vit et le randonneur vit avec elle. Couché à 21h avec les étoiles et levé à 7h avec le soleil, il renoue avec le cycle naturel, avec lui-même.

Face à l’effort et au danger, il est seul. Sur la paroi, seul un nœud sur son baudrier et un piton dans la roche le rattache à la vie. Dans son ascension, chaque geste compte, chaque erreur aussi. Seules sa propre dextérité et une force mystérieuse le séparent du vide. Alors qu’il s’approche du sommet de l’arête, une roche dégringole et le frôle. L’incident lui rappelle son impuissance et pourtant il n’a pas peur, il faut avancer vers le sommet, toujours plus haut. Son ascension est comme un condensé de sa vie, il se bat contre quelque chose d’imprévisible, de plus fort. Il se dépasse pour voir au-delà, pour pénétrer au plus profond de lui-même, pour atteindre le sommet.

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Aux oubliées de l’histoire https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/aux-oubliees-de-lhistoire/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55072 Ça aurait pu être être un film, le dernier livre de Martine Delveaux.

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Paru le 20 septembre 2023 dernier aux éditions Héliotrope, le dernier roman de l’autrice québécoise Martine Delvaux, Ça aurait pu être être un film, plonge le lecteur dans l’enquête passionnée du triangle amoureux formé par les deux artistes Joan Mitchell, figure du mouvement expressionniste américain et Jean Paul Riopelle, peintre canadien vedette, avec la jeune américaine Hollis Jeffcoat. Habituellement, dans les documentaires sur le couple que forment Joan et Jean Paul, Hollis est à peine mentionnée. Les seules traces de son existence sont une note de bas de page dans une biographie de Jean Paul, et une phrase de Joan lancée lors d’une entrevue, « Jean Paul est parti avec la dogsitter [Hollis, ndlr] ». Pourtant, lorsque Martine Delvaux se voit proposer un scénario sur le couple d’artistes, c’est le personnage d’Hollis qui obsèdera l’autrice et qu’elle placera au centre de son roman.

« Beaucoup étaient célèbres mais on ne parle pas des seconds »

L’enquête commence par l’arrivée de Hollis Jeffcoat dans le Paris des années 70 en tant qu’administratrice de la New York Studio School, et sa rencontre avec le couple Joan et Jean Paul. Hébergée dans la Tour, la propriété de Joan, à partir de l’été 76 en échange de la garde de ses chiens, Hollis peint avec elle jusqu’au petit matin. Jumelles, mère-fille, amantes, leur relation s’affranchit de toute étiquette. Comme autant d’ébauches d’un même tableau, Martine Delvaux réécrit plusieurs fois au fil des pages une même histoire qui tiendrait dans un paragraphe : la rencontre de Hollis et Joan, leur amitié, l’arrivée de Jean Paul, et son départ avec la dogsitter. Autant de regards étrangers sur une relation dont l’autrice cherche à percer les mystères à travers l’exploration des archives, les plongées dans les œuvres des trois artistes, et les rencontres avec leurs proches. Martine Delvaux s’immisce dans leur vie, jusqu’à en faire partie.

« C’est finalement cette lutte pour la postérité d’Hollis qui forme le corps du roman, ce lien post-mortem entre l’autrice et son personnage, qu’elle appelle sa jumelle »

Ce roman est un questionnement permanent. Pourquoi pas elle? Pourquoi pas Hollis? Pourquoi l’avoir condamnée à l’oubli? Figée pour la postérité dans le rôle de l’étudiante séductrice qui part avec le compagnon de celle qui l’a accueillie, Hollis aurait pu jouir du même succès que Jean Paul et Joan. Hollis est une artiste, dont le talent a été immédiatement reconnu par Joan et Jean Paul, qui sollicitent tous deux son avis sur leurs peintures. Pourquoi alors a‑t-elle été cantonnée à cette note de bas de page, elle qui a occupé une place si importante dans l’œuvre des deux? Muse, amie ou amante, la femme est systématiquement mise au second plan de l’oeuvre, rapportée à une figure masculine dont elle ne peut se détacher. Comme Martha Gellhorn et Hemingway, Hollis n’existe que dans le sillage de Jean Paul. Véritable anthologie féministe de l’art, le roman de Martine Delveaux met l’histoire d’Hollis en perspective avec d’autres similaires, d’artistes et de leurs muses, elles-mêmes créatrices, et pourtant reléguées au second plan.

Le récit est décousu, organisé comme le carnet de notes de l’autrice, sautant d’une période, d’un personnage à un autre au gré des comptes rendus de ses entrevues et de ses recherches, agrémenté de ses commentaires, de digressions féministes sur la peinture ou le cinéma. Comme un passant observant un peintre à l’œuvre, le lecteur suit deux trames : l’ébauche de la vie de Hollis et du couple Jean Paul et Joan ; et le cheminement de l’autrice, son travail, ses passions et ses doutes. Perdu dans les détails décousus et les digressions, le lecteur voit apparaître une vie complexe et libre, et découvre une personne centrale aux deux artistes, mais ignorée du grand public. Ce roman raconte aussi le combat de l’autrice, luttant contre le magnétisme de Jean Paul et Joan pour écrire l’histoire de Hollis, le récit que personne n’a écrit. Face à la myopie de l’histoire officielle, qui, pour un nom sauvé de l’oubli en condamne tant d’autres, Martine Delvaux replace Hollis au centre du triangle amoureux, et place les deux artistes dans son orbite. C’est finalement cette lutte pour la postérité d’Hollis qui forme le corps du roman, ce lien post-mortem entre l’autrice et son personnage, qu’elle appelle sa jumelle. C’est l’histoire d’un rendez-vous manqué, Martine Delvaux s’emparant du sujet un mois après la mort d’Hollis Jeffcoat. Ça aurait pu être un film…

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La Transparence, au-delà des apparences https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/la-transparence-au-dela-des-apparences/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54948 Critique de Panorama de Lilia Hassaine

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Panorama, paru en août 2023, est le troisième livre de l’écrivaine et
journaliste française Lilia Hassaine. Lauréat de deux des prestigieux prix littéraires français, le Prix Renaudot et le Prix des Lycéens, ce roman se situe à la frontière entre utopie et dystopie et plonge le lecteur dans une enquête policière dans une société française futuriste de 2049, à l’ère de la Transparence.

Rien à cacher


Le roman s’ouvre sur le procès de la justice française. En 2029, un influenceur célèbre victime d’inceste par
son oncle plusieurs dizaines d’années auparavant décide de faire justice lui-même face à l’irrecevabilité de sa plainte. Le meurtre est filmé et diffusé sur les réseaux sociaux, lançant la revenge week. Partout en France, les victimes se soulèvent et se vengent de leurs agresseurs. Le flic pourri, le patron d’une entreprise pétrolière, le voisin qui bat sa femme, tous y passent. Face à l’ampleur du mouvement et aux manifestations appelant à la réforme de la justice, le gouvernement tente de réprimer sans succès, plie et finit par s’effondrer. Après sept jours de terreur, c’est la révolution, le début de l’ère de la Transparence. Les institutions sont démantelées, les lois abolies et toute décision est désormais passée par référendum sur internet, et rendue publique. Mais la Transparence n’est pas seulement politique, elle est aussi individuelle et architecturale. Au nom de la paix civile, pour combattre les violences du passé commises dans la discrétion des espaces clos, les murs doivent tomber. L’intimité devient un luxe égoïste auquel la population renonce en réformant l’architecture. Les maisons, bureaux, lieux de culte sont abattus et remplacés par des édifices en verre. Exposés constamment à la vue de tous, les criminels entrent dans les rangs, les violences domestiques diminuent jusqu’à disparaître grâce à la surveillance constante des voisins suspicieux qui n’hésitent pas à appeler les gardiens de protection au moindre soupçon.

« À l’ère de la Transparence, l’exemplarité est de mise. L’intimité est égoïste puisque personne n’a rien à cacher, et pourtant, un couple et son enfant disparaissent »

Après avoir plongé le lecteur dans cette société utopique, Lilia Hassaine nous emmène dans une trame policière qui passionne la population de 2049. Au cœur d’un quartier huppé, dans un bloc de verre exposé à la vue de tous, une famille disparaît. L’enquête révèle quelques gouttes de sang, identifie des suspects potentiels, mais faute de pistes tangibles et sous la pression du chef de police, elle est classée sans suite, jusqu’à la découverte des corps un an plus tard. Avec cette enquête, l’autrice interroge les mécanismes dystopiques de cette société futuriste : son rapport à l’éducation avec l’abolition du risque transformant les enfants en clones idéaux pas si parfaits, la marchandisation de l’intimité, et la violence symbolique et réelle d’une population qui se veut assainie.

Au-delà de la fiction


Le style de prédilection de Lilia Hassaine n’est pas la science-fiction. Ses deux romans précédents, Soleil Amer, et L’Oeil du Paon traitent respectivement de l’intégration d’une famille d’immigrés dans la France des années 80 et de la dangereuse ivresse d’une jeune croate qui intègre la jeunesse aisée parisienne. Dans son dernier roman, Panorama, l’autrice dresse avec succès le portrait d’une société qui nous ressemble, où les murs transparents interdisent les secrets, où la pénétration dans l’intimité d’autrui ne se fait plus seulement par nos téléphones, mais par l’architecture même de la société. Reclues derrière des murs de verre, les personnes sont prisonnières du regard des voisins, des passants qui les scrutent en permanence et leur imposent une image. À l’ère de la Transparence, l’exemplarité est de mise. L’intimité est égoïste puisque personne n’a rien à cacher, et pourtant, un couple et son enfant disparaissent. Dans une société fictive qui nous invite à réfléchir sur notre rapport à la liberté, à la démocratie, Lilia Hassaine nous plonge dans une trame policière dont l’on peine à sortir.

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Ulster American : identité et célébrité https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/ulster-american-identite-et-celebrite/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54703 Critique de la pièce Ulster American présentée au théâtre La Licorne.

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Le 6 février dernier, Le Délit a assisté à la pièce Ulster American, écrite par le dramaturge anglais David Ireland et présentée au théâtre La Licorne. Cette comédie noire interprétée par Frédéric Blanchette, Lauren Hartley et Vincent Leclerc, met en scène Ruth, une dramaturge d’Irlande du Nord, Jay, acteur hollywoodien oscarisé, et Leigh, metteur en scène londonien, dans le salon de ce dernier. À la veille de la première répétition, Leigh introduit Ruth et Jay qui ne se sont encore jamais rencontrés.

Un conflit identitaire

Ulster American se présente au premier abord comme un conflit identitaire entre les trois protagonistes. Leurs identités se cristallisent et s’opposent autour du thème de la pièce. L’autrice, Ruth, originaire d’Irlande du Nord, s’identifie comme British, exaspérant le metteur en scène londonien, qui lui explique que tout son succès tient du caractère irlandais de la pièce, et que sans cela, sa pièce et elle-même ne seraient rien. De son côté, Jay, l’américain d’origine irlandaise est perdu dans des subtilités qu’il ne saisit pas : pourquoi Ruth, née en Irlande du Nord, serait British? Est-elle protestante? La tension monte, le ton hausse, et soudain, les masques tombent, et chacun se campe dans son identité respective. Jay, qui vantait les louanges de la pièce à Ruth comme la meilleure qu’il ait lue depuis dix ans, révèle sa profonde ignorance des dynamiques historiques du conflit. Son personnage, qu’il imaginait fervent catholique et pro-indépendance est en réalité un protestant schizophrène pro-Union, qui parcourt les rues de Belfast à la recherche de catholiques à tuer. Impossible pour lui de jouer ce rôle en opposition avec le sang irlandais de ses ancêtres qui coule dans ses veines, alors même qu’il n’y a jamais mis les pieds… Ruth se révèle elle aussi être bien différente des attentes du spectateur et des personnages. Interrogée sur la signification de la violence de sa pièce, la jeune autrice ne cache plus ses idées. Oui, la violence des protestants est regrettable, mais pas injustifiable selon elle. Que faire face à l’armée surentrainée, et suréquipée de l’IRA [Irish Revolutionary Army, ndlr] ? Malgré tous ses efforts, Leigh ne parvient pas à les réconcilier et sombre lui aussi dans le conflit lorsqu’il apprend que son amie est une Torie [électrice des conservateurs, ndlr], et par-dessus tout, pro-Brexit.

Avancer sans se renier

Bien que la pièce traite officiellement de l’identité, la réelle histoire qui se déroule en filigrane est celle de la célébrité. Comment accéder à la célébrité sans se renier soi-même? Chacun des personnages incarne une caricature de sa propre personne ; Jay, l’acteur oscarisé tente sans succès de se donner de la substance mais finit par se ranger derrière sa célébrité mondiale, dernier rempart face aux critiques de Ruth. Leigh tente coûte que coûte de sauver sa pièce qui bat de l’aile, n’hésitant pas à trahir ou à mentir, pour arriver à ses fins. Derrière sa façade lisse de bien-pensance, la colère laisse entrevoir sa vraie nature, sa misogynie latente. Ruth quant à elle est la jeune carriériste qui ne reculera devant rien pour parvenir au succès, prête à faire du chantage, et même à laisser sa propre mère seule à l’hôpital après un accident de voiture.

« Bien que la pièce traite officiellement de l’identité, la réelle histoire qui se déroule en filigrane est celle de la célébrité »

Une fin qui déçoit

Si le spectateur est conquis dès les premières minutes par les dialogues décomplexés, aux contresens aussi drôles que flagrants sur le féminisme ainsi que le racisme systémique, il peine à voir une porte de sortie se dessiner alors que les protagonistes s’enferment dans un conflit identitaire. Comment finir la pièce alors qu’à chaque réplique la réconciliation semble s’éloigner un peu plus? Finalement, et de manière abrupte, la fin s’impose au spectateur, violente, et déplacée, presque trop facile.

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Calendrier culturel de février 2024 https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/calendrier-culturel-de-fevrier-2024/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54533 L’article Calendrier culturel de février 2024 est apparu en premier sur Le Délit.

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Danser pour se souvenir https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/danser-pour-se-souvenir/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54537 Retour sur la cérémonie d’ouverture du Mois de l’histoire des Noir·e·s.

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À l’occasion de la cérémonie d’ouverture du Mois de l’histoire des Noir·e·s organisée par McGill dans l’amphithéâtre Tanna Schulich de l’école de musique, les Montreal Steppers ont réalisé une performance devant une salle comble. Formé en 2019 par Kayin Queeley, ce collectif d’artistes fait vivre l’art du step. La step dance est un style de danse issu de la diaspora afro-descendante, utilisant le corps comme seul instrument, mélangeant danse, cadences de pieds, claquements de main et chants. La vocation du groupe dépasse la simple performance artistique ; les Montreal Steppers se servent aussi du step pour faire vivre l’héritage culturel afro-américain, et ainsi enrichir les conversations sur l’histoire des Noir·e·s.

Instrument de résistance

De 19h à 19h30, les Montreal Steppers se sont produits sur scène, dans une performance éducative mélangeant stepping, chants, et interactions avec le public. Le fondateur du groupe, Kayin Queeley, ainsi qu’une autre artiste du groupe, ont aussi pris le temps d’exposer l’histoire de cet art, son évolution, et sa résonance aujourd’hui, particulièrement alors que s’amorce le Mois de l’histoire des Noir·e·s.

Seuls sur scène, sans autre instrument que leurs corps, les cinq artistes se sont mis en place sous les applaudissements des spectateurs, les poings collés à quelques centimètres de leur torse, les jambes légèrement écartées. La prestation commence, en rythme, ils frappent le sol de leurs pieds, suivis par des clappements de mains. Le groupe évolue sur la scène, chacun suivant sa propre trajectoire, en dansant tout en créant avec son corps une mélodie commune, accompagnée par des chants ou du slam.

Après quelques minutes de démonstration, Kayin a pris la parole pour contextualiser son art : « Le step, c’est utiliser son corps pour créer de la musique, pour se souvenir des mains de notre peuple qui cultivaient les champs, mais aussi de leurs pieds, qui ont parcouru des milliers de kilomètres. Avec le step, notre peuple s’est réapproprié son corps, qui n’est pas seulement une propriété, mais un instrument de création pour faire vivre nos traditions, ainsi qu’un outil de résistance et de justice (tdlr). »

Le groupe a aussi entonné « Stand up » de Cynthia Evira, chantée en solo par l’une des artistes, accompagnée dans le rythme, la mélodie et la danse par les quatre autres derrière elle. Tout aulong du spectacle, le public a été invité à accompagner les artistes, en chantant, en tapant des mains, et vers la fin en se levant et en performant avec eux une mélodie commune.


L’art du step

Tout au long de la performance, l’accent a été mis sur l’histoire de l’art du step et sur sa résonance avec l’histoire des Noir·e·s. L’une des fondatrices du mouvement au Canada, membre du premier groupe de step canadien – les Vanier Stompers, a été invitée au cours de la performance pour raconter son histoire. « J’avais 19 ans en 1991. Tout a commencé au cégep Vanier, on était inspiré et on aspirait à se transformer et à faire vivre notre communauté. Ce sont nous, les femmes de couleur, qui avons lancé le mouvement. Tout au long de notre histoire, on a su réagir rapidement, créer du changement et faire du bruit ». Elle a alors été rejointe sur scène par les trois membres féminins des Montreal Steppers, puis par leurs collègues masculins, et ils ont entamé ensemble une mélodie en tapant sur leurs corps, en frappant le sol de leurs pieds, transformant sa narration en slam.

Introduit au Canada d’un petit groupe issu du cégep Vanier, le step rassemble aujourd’hui des milliers de participants, et l’art continue de vivre, notamment grâce aux Montreal Steppers, qui se produisent partout en Amérique du Nord, particulièrement au Canada lors de leur tournée 2023–2024.

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13e édition du Festival Fondu au Noir https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/13e-edition-du-festival-fondu-au-noir/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54564 Un festival mettant en avant les figures noires de la scène culturelle québécoise.

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Du 7 au 11 février 2024 se tiendra à Montréal la 13e édition du Festival Fondu au Noir, créé en 2011 par l’actrice et productrice canadienne d’origine haïtienne, Fabienne Colas. Le festival met à l’affiche de nombreuses figures de la scène culturelle québécoise et canadienne à travers un programme diversifié combinant des projections de films, des panels de discussions, des spectacles humoristiques, des ateliers de contes, ou encore de réalité virtuelle. Ce festival hybride propose aussi de nombreux événements en ligne sur son site internet.


La programmation

Le film documentaire clé du festival, L’Audience sera projeté lors de la cérémonie d’ouverture le 7 février à 18h au Cinéma moderne, suivi d’une discussion avec la réalisatrice et protagoniste du film Peggy Nkunga Ndona, d’origine congolaise. L’Audience, sorti en mai dernier, suit le combat de Peggy, Simon et de leurs trois enfants, qui après avoir fui la répression politique en République Démocratique du Congo et traversé clandestinement 11 pays, attendent l’audience qui déterminera s’ils seront acceptés comme réfugiés politiques au Canada.

Le festival hybride met aussi à l’affiche une entrevue retraçant le parcours de Frédéric Pierre, acteur québécois d’origine haïtienne, et producteur de la nouvelle série à succès, Lakay Nou, diffusée par Radio Canada depuis le 17 janvier 2024. Au cours de panels de discussion, le festival mettra aussi en lumière la mémoire occultée des esclaves noirs et autochtones au Canada, et se penchera sur la notion de racisme environnemental. Animées par des leaders communautaires montréalais, ces discussions se tiendront à l’Afromusée dans le quartier Latin.


La reconnaissance

Cette dernière édition du festival s’inscrit aussi dans la décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, proclamée en 2015 par l’ONU, comme nous l’a rappelé Nerline Labissière, employée du festival chargée des relations avec la communauté, en entrevue avec Le Délit. « Cette année, on veut rayonner encore plus parce que c’est non seulement le mois de l’histoire des Noir·e·s, mais aussi la dernière année de la décennie des personnes afro-descendantes. Donc notre objectif pour cette édition est de vraiment faire reconnaître qu’on est un peuple avec une culture singulière à protéger, mais aussi à souligner. » C’est selon elle l’essence même du festival : « Fondu au Noir, c’est un mélange et la mise à l’honneur de tous les talents afro-descendants, de la musique, des performances d’humour en passant par le cinéma. »

Une autre particularité du festival est sa vocation interculturelle. « Le rayonnement qu’on a est avant tout québécois. Je pense qu’aujourd’hui on est capable de dire qu’on a été en mesure de créer des ponts entre les cultures, de faire découvrir nos talents, ainsi que notre vécu à la société. Ce dont je suis fière, c’est aussi de notre association avec d’autres cultures similaires à la nôtre, qui vivent ou qui ont vécu des situations similaires, entre autres la culture autochtone. » Cette fusion culturelle se retrouvera notamment le 9 février au soir, lors d’une prestation musicale mélangeant rap, hip-hop, et électro, avec des artistes haïtiens et autochtones.

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Oasis : entrée difficile dans l’adolescence https://www.delitfrancais.com/2024/01/17/oasis-entree-difficile-dans-ladolescence/ Wed, 17 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54234 Retour sur le court-métrage de Justine Martin.

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Le court métrage Oasis, réalisé par la cinéaste québécoise Justine Martin, a été classé parmi les 15 films de la courte liste des Oscars dans la catégorie « court métrages documentaires » le 21 décembre dernier, dont les cinq nominations finales seront annoncées le 23 janvier. Dans ce film documentaire de 14 minutes, la réalisatrice aborde le thème du handicap en se penchant sur la relation entre deux jumeaux, qui à l’aube de l’adolescence, voient leur relation se transformer, alors que l’un d’eux est atteint d’une déficience mentale et peine à sortir de l’enfance.

Oasis, deux mondes qui s’opposent

Dans un chalet des Laurentides et sur un skatepark, dans leur rapport avec la nature, et leur relation avec les autres : les plans oscillent entre plusieurs dimensions de la 3vie des deux adolescents, plongeant l’auditoire dans leur intimité sur les bords du lac de leur enfance, et dans l’effritement de leur relation. Le film s’ouvre sur une scène dans un skatepark où Raph, le frère jumeau atteint d’un handicap, est assis, seul, regardant son frère, Rémi, discuter, et jouer avec les autres. Lui joue avec un ballon, sous le regard moqueur des amis de son frère. « T’as emmené ton frère handicapé! » Raph est tiraillé entre deux mondes, celui de l’adolescence, alors qu’il évolue dans un groupe, et celui de l’enfance, avec ce frère qu’il tente d’intégrer, à qui il essaie d’apprendre la trottinette malgré les moqueries de ses amis.

Qu’est-ce que l’oasis, ce titre choisi par la réalisatrice, projeté sur l’écran alors que s’ouvre une scène sur la nature des Laurentides? Est-ce cette relation entre les deux jumeaux, leur rapport commun à la nature et cette intimité qui se tisse et s’exprime loin des regards extérieurs, à proximité de ce lac? Ou est-ce plus simplement l’enfance, dans laquelle Rémi reste prisonnier? Avec ce titre, et avec le procédé des entrevues séparées, où les deux jumeaux, assis aux abords du lac, se confient sur leur relations, la réalisatrice nous invite à pénétrer dans leur intimité, dans leurs questionnements.

Allongées dans une tente, seulement éclairées par une lampe torche, deux ombres discutent, entourées par le bruit de la nature environnante. Couchés dans leur sac de couchage, les deux jumeaux se regardent. « T’aimerais habiter avec moi un jour? » demande Raph. Rémi sourit, mais ne répond pas, continuant de le regarder fixement. « Bonne nuit Raph » finit-il par lui dire. « Je t’aime », lui répond son frère. Dans l’intimité de la tente, la réalisatrice explore avec brio la question qui les préoccupe, celle de l’effritement de leur relation alors que les deux jumeaux sont à l’aube de l’adolescence. Raph, toujours dans le monde de l’enfance, témoigne à son frère une affection que ce dernier ne parvient pas à exprimer. La caméra oscille entre des entrevues avec les jumeaux. « Ton frère s’occupe bien de toi? » « Bien, beaucoup. Il me protège », répond Raph. Dans un langage simple et direct, avec des plans épurés, les jumeaux se confient sur leur relation.

« Un gouffre les sépare, mais ce regard chargé d’affection semble dire : ‘‘je serai toujours là’’ »

L’accélération

Comme une métaphore de l’enfance qui disparaît, du monde autour d’eux qui accélère, les plans s’enchaînent plus rapidement sur le lac qu’ils affectionnent, sous toutes les saisons, accompagnés de leurs rires et de leurs jeux. Assis contre le mur tagué du skatepark, Raph regarde son frère assis sur son vélo, avec ses amis sur la plateforme de la rampe. Assis, Raph ne bouge pas, ne montre aucune impatience, aucun signe de tristesse, il regarde et attend. Par ces plans superposés, la réalisatrice nous livre un message : alors que Rémi pénètre dans le monde de l’adolescence et s’éloigne de l’intimité de la relation avec son frère, ce dernier ne semble pas comprendre et s’assoit, seul, comme à la frontière de l’enfance, pour attendre le retour de son jumeau, qui est tout pour lui. Dans un mouvement brusque, presque inquiet, Rémi tourne la tête, et regarde son frère d’un air soudain sérieux et mélancolique. Un gouffre les sépare, mais ce regard chargé d’affection semble dire : « Je serai toujours là. »

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Survivre à l’hibernation https://www.delitfrancais.com/2024/01/10/survivre-a-lhibernation/ Wed, 10 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54065 Quelques conseils pour sortir à Montréal en hiver.

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Alors que l’hiver s’installe lentement dans la métropole québécoise, et que le froid lancinant commence à se faire sentir, Le Délit te livre quelques conseils pour survivre à l’hibernation montréalaise. Si la tentation de rester chez soi au chaud peut être forte, si la motivation pour sortir avec des amis baisse, ou si tu ne sais pas trop où aller la fin de semaine, cet article est pour toi! Tu peux aussi découvrir notre sélection culturelle dans le calendrier qui se trouve ci-dessus. Pièces de théâtre, films, expositions ou même spectacles de danse, nous te partageons toutes ces sorties chaque mois. Tu peux aussi accéder à notre playlist du mois en numérisant le code QR!

Pour les sportifs et les sportives d’abord

Avec le gel et la neige, fini les petits footing quotidiens ou hebdomadaires, les bonnes résolutions pourront bien attendre l’été. Il va falloir se réinventer. Mais qui veut s’enterrer dans une salle de sport lugubre, aux lumières blanches d’hôpital, pour répéter invariablement les mêmes gestes, la musique à fond dans les oreilles? Montréal l’hiver c’est aussi l’occasion de découvrir de nouveaux sports, de nouvelles joies. Tout en haut du Mont-Royal, un petit loueur installe chaque hiver son stand de ski de fond. C’est l’opportunité pour tout le monde de s’initier, ou de réessayer un sport de glisse, et de parcourir les pentes du Mont-Royal à ski.

« Si la motivation pour sortir avec des amis baisse, ou si tu ne sais pas trop où aller la fin de semaine, cet article est pour toi! »

Dès décembre, les patinoires font aussi leur apparition, Lac-aux-Castors pour les dates, parc La Fontaine avec la traditionnelle Banquise à la clé, Place des Arts, Vieux-Port, et même Jeanne Mance pour une initiation au hockey sur glace entre amis ; Montréal regorge de pépites. Look grano, mousqueton qui pend sur le sac, bonnet Arc’teryx, … et oui, Montréal c’est aussi l’escalade. On a tous un ami qui s’y est mis, qui nous propose à chaque fois de l’accompagner. Finalement pourquoi pas? Il y en a pour tous les niveaux, de la V1 à la V13 ainsi que pour tous les styles, du grano qui en fait trop au pyjama, avec bien souvent un sauna à la clé. Les salles d’escalades sont à tous points de la ville, Café Bloc dans le centre, Bloc Shop dans Mile End, Allez Up sur le Plateau et à Atwater, vous pouvez trouver toutes les localisations sur Internet.

Et pour sortir ?

Bon, on a compris, Montréal l’hiver, c’est pas la fin du sport, mais que faire pour un après-midi ou une soirée détente? Si vous souhaitez réviser mais que vous ne voulez plus mettre les pieds dans les bibliothèques McLennan ou Redpath, le Plateau regorge de petits cafés où vous pourrez travailler et vous détendre dans un environnement plus chaleureux. Le Santropol, à 15 minutes à pied de l’Université offre une ambiance sympa ; le Céramique café, plus haut sur Saint-Denis, est l’occasion de s’initier à la poterie, et de prendre une pause avec les
études. Pour les amoureux des animaux, le Café Chato à Verdun, ou encore le Café Chat L’Heureux sur l’Avenue Duluth vous permettent même d’apprécier votre boisson chaude en compagnie d’adorables chats. Et le soir alors?
De nombreux bars offrent des Jam Sessions des soirées de performances musicales ouvertes à tous, comme le Turbo Haüs dans le Plateau, que ce soit pour jouer d’un instrument ou simplement en profiter. L’hiver à Montréal c’est aussi l’occasion de découvrir du divertissement en salle dans les théâtres et les cinémas. Grâce à notre calendrier culturel mensuel que vous pouvez retrouver sur nos éditions papier et en ligne, vous pourrez découvrir ce qui se joue, et avoir quelques idées de sorties.

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Céline Wachowski, la chute https://www.delitfrancais.com/2024/01/10/celine-wachowski-la-chute/ Wed, 10 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54083 Que notre joie demeure : Critique du dernier livre de Kevin Lambert.

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Que notre joie demeure paru en septembre 2022, est le troisième roman de l’écrivain québécois Kevin Lambert. Sélectionné pour le prix littéraire français le Goncourt, il a finalement remporté le prix Médicis en novembre dernier.

Que notre joie demeure est le récit d’une chute : celle de Céline Washowki, une architecte montréalaise, qui devient une icône populaire internationale jusqu’à ce qu’elle tombe subitement après des accusations sur le rôle qu’un de ses projets aurait joué dans la gentrification de la ville. Kevin Lambert nous plonge dans des trames qui se croisent et se superposent. Celle de Céline d’abord, et plus largement, celle d’une élite qui cherche à tout prix à conserver et à justifier ses privilèges ; celle d’une génération en mal d’idéaux ; et enfin, celle de Montréal, le portrait d’une ville qui vit et se transforme, de sa pauvreté à ses lofts. Le roman se déroule en trois parties : la découverte de Céline, de sa célébrité plébiscitée ; sa chute ; et enfin, ses questionnements et sa transformation.

Magnétique et froide

Lors d’une soirée « sélect » montréalaise, dans un penthouse avec vue sur le Mont-Royal, Céline fait son apparition. Respectée, crainte et haïe, son arrivée ne passe pas inaperçue. Les conversations se tarissent, les regards se tournent et restent fixés, comme magnétisés par l’élégante architecte de 70 ans. Dans sa prose ininterrompue, brisant les frontières géographiques et temporelles, Kevin Lambert nous propulse dans la peau des différents invités et inspecte les tréfonds de leurs âmes, dressant des portraits complexes, profonds et moqueurs d’un entre soi. Le commentateur radio, l’artiste en vogue, l’ex-premier ministre, la journaliste, tous craignent cette dame froide, ce « robot tyrannique » comme certains la décrivent, mais tous meurent d’envie de lui parler, rêvent d’un sourire, ou d’un mot de sa part. Céline, c’est une étoile partie de rien qui s’est élevée au-dessus de la masse. Malgré sa célébrité, elle sait d’où elle vient, elle veut inspirer une nouvelle génération d’architectes, renouveler un milieu encore trop masculin, trop macho. Céline a une conscience de classe : l’architecture, c’est pour elle « l’art du peuple » capable de s’inscrire dans l’énergie d’un quartier, d’améliorer le quotidien des gens. « Ô que sa joie demeure ».

« L’histoire de Céline est celle d’une chute que seule notre époque peut produire, une chute subite qui divise et interroge »

La chute

Dès la deuxième partie du roman, Céline chute, rattrapée par le projet qu’elle développe sur le flanc du Mont-Royal, lequel est accusé de gentrifier la ville. La polémique grossit, cristallisant les mécontentements, et Montréal se soulève, entraînant Céline avec elle, au moment où la COVID secoue la province. Du jour au lendemain, sa vie bascule ; ses amis et ses connaissances ne répondent plus à ses appels, elle est évincée de sa propre entreprise, son passé est scruté à la loupe. D’icône, Céline devient l’ennemie d’une jeunesse militante. Elle est la milliardaire responsable de la gentrification, l’oppresseur à abattre.

Désormais seule, Céline doute. Est-elle cette personne tyrannique, cruelle que l’on décrit? Est-elle
responsable des maux dont on l’accuse? Ce projet vient dynamiser un quartier, attirer une population qualifiée et créer de nombreux emplois, les fous qui l’accusent finiront par se réveiller. Elle est du bon côté de l’histoire et compte bien le prouver. Lors d’une soirée d’anniversaire, entourée des rares qui ont accepté l’invitation, Céline reprend goût à la vie. Mais une foule cagoulée pénètre dans son dernier refuge, sa maison, où elle a patiemment entreposé ses souvenirs, et détruit tout. Dans les dernières pages, telle une somnambule, Céline se réveille et se range du côté des opprimés. Mais la transition est imparfaite, est-ce seulement par jeu ou par facilité ?

À nouveau humaine

Si le début de Que notre joie demeure dresse le portrait d’une célébrité charismatique et froide, dans sa chute, Céline redevient humaine. Des sentiments complexes l’assaillent, elle doute, apparaît vulnérable. Dans ce portrait de l’élite montréalaise et de l’une de ses étoiles, Kevin Lambert propose une description complexe, vivante, et ambigüe de personnes qui luttent pour justifier leurs privilèges, et de leurs détracteurs. L’histoire de Céline est celle d’une chute que seule notre époque peut produire, une chute subite qui divise et interroge. Dans une prose inimitable, à la fois saccadée, précise et lyrique, ce livre nous fait vivre une histoire qui résonne en nous, et nous
amène à nous questionner sur la place de cette élite mondiale dans notre imaginaire.

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Désacraliser la guerre https://www.delitfrancais.com/2023/11/29/desacraliser-la-guerre/ Wed, 29 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53792 Comprendre l’évolution de la « paix » dans le contexte du conflit Israël-Hamas.

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Le 14 novembre dernier, des dizaines de milliers d’américains se sont réunis à Washington DC pour soutenir Israël dans sa guerre contre le Hamas, et pour s’opposer aux appels au cessez-le-feu. Ce rassemblement a réuni des figures politiques américaines des deux côtés, du chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, au porte-parole des républicains au Congrès, Mike Johnson. Au cours du rassemblement, ce dernier a pris la parole : « Ces appels pour un cessez-le-feu sont outrageux (tdlr). » La foule avait répondu à son discours en criant : « Pas de cessez-le-feu! »

Alors que la réponse militaire israélienne aux attaques meurtrières du Hamas du 7 octobre dernier a tué plus de 12 000 Palestiniens, selon le ministère de la santé palestinien, et détruit ou endommagé près de la moitié de la ville de Gaza, les discours sur une potentielle évolution vers la paix peinent à s’imposer dans les débats politiques aux États-Unis et en Europe.

Le Délit s’est interrogé sur l’évolution des conceptions de la paix dans le cadre du conflit qui oppose Israël au Hamas. Pour ce faire, nous nous sommes entretenus avec un ancien professeur d’études religieuses de McGill, Norman Cornett.

Le Délit (LD) : Comment comprendre ce rejet du cessez-le-feu par une partie de la population en Israël et aux États-Unis? La paix n’est-elle plus un idéal?

Norman Cornett (NC) : Quand Mike Johnson a dit qu’un cessez-le-feu était un outrage, ça revenait à dire : « On appuie la guerre. » C’est s’afficher comme des belliqueux et dire que cette guerre est juste. Peut-on parler d’une guerre juste? N’y a‑t-il pas là une contradiction?

Cette approche est dangereusement binaire. C’est soit Israël, soit Palestine. Vous êtes soit pour nous, soit contre nous. Quand on regarde ce qui se passe depuis le début de ce conflit, ceux et celles qui prônent un cessez-le-feu, ou plus, la paix, sont décriés et réduits au silence. C’est comme si la paix revenait à céder au terrorisme, céder au Hamas. La paix, pour ces personnes, c’est la trahison des pauvres innocents et innocentes morts lors des attaques du 7 octobre 2023. Donc, il n’y a pas de marge de manœuvre. Il n’existe aucune zone grise. Comment peut-on arriver à une solution quand tout est noir ou blanc, vrai ou faux, bon ou mauvais? Pour arriver au bout de ce conflit Israël-Hamas, il faut des compromis.

Pour moi, cette approche binaire revient à jumeler la guerre et la sainteté ou la guerre et le sacré. Pour les colons juifs en Israël, il ne s’agit pas d’un simple conflit géopolitique, de même, les combattants du Hamas sont engagés jusqu’à la mort dans une guerre sainte. Pour ces derniers, il s’agit de combattre jusqu’à sa destruction, il s’agit d’éradiquer Israël. Des deux côtés, les extrêmes ont sacralisé les enjeux. Ce phénomène est loin d’être unique à une religion. Dans les religions monothéistes, il y a cette idée centrale qu’on peut marier une cause sacrée avec le militarisme. Évidemment, on pense aux croisades du Moyen Age. C’était la guerre sainte. Il fallait se réapproprier la Terre sainte, Jérusalem, peu importe les pertes en vies humaines, peu importe les coûts. Sitôt qu’une religion vient sacraliser un conflit militaire, on se trouve dans une impasse. Donc, pour arriver à une solution et à la paix, il faut désacraliser.

« C’est comme si la paix revenait à céder au terrorisme, céder au Hamas. La paix, pour ces personnes, c’est la trahison des pauvres innocents et innocentes morts lors des attaques du 7 octobre 2023 »

LD : Vous parlez d’une guerre sacralisée, est-ce que vous pouvez nous en dire plus?

NC : Un cessez-le-feu de quatre jours a été déclaré, mais le cabinet israélien et le premier ministre Netanyahou ont dit : « Nous, on va continuer la guerre. » Au sein du cabinet israélien, plusieurs ministres affiliés à des mouvements d’extrême droite ont dit vouloir une nouvelle Nakba [exode de 800 000 Palestiniens après la défaite des pays arabes face à Israël en 1948, ndlr]. Ça veut dire : « On va se battre, on va les chasser du territoire. » Au début, on croyait que c’était pour répliquer à l’attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre. Maintenant, on nous dit qu’après, il nous faut gérer Gaza. Rappelons que jusqu’en 2007, Israël occupait Gaza et avait des kibboutz, avant qu’Ariel Sharon les obligent à quitter Gaza, tout en maintenant un contrôle complet. Netanyahou dit maintenant : « On va assurer la sécurité d’Israël, peu importe l’issue du conflit. »

Aussi longtemps qu’on a recours aux solutions uniquement militaires, on est pris dans ce cercle vicieux. À quand des pourparlers sur une solution à deux États, avec un État palestinien viable et des frontières contiguës? Sans solution politique, on est pris dans un engrenage de guerre éternelle, où le but n’est pas de chercher une solution autre que de les massacrer.

Quand on parle du conflit Israël-Hamas, c’est un euphémisme ; les deux belligérants sont engagés dans une guerre totale, une guerre où tous les moyens sont mobilisés et justifiés, et où il n’y pas de distinction entre civils et combattants. Il faut garder en tête que quand Netanyahou et les généraux israéliens nous parlent d’attaques précises, de bombardements ciblés, la réalité est toute autre. On est dans la guerre totale. Qui plus est, ce qui est pratiqué actuellement, c’est ce qu’on appelle la politique de la terre brûlée. On ne laisse rien. C’est exactement ce qu’Israël a fait en 2007 quand les colons ont quitté Gaza. Toutes les infrastructures qui étaient en place ont été rasées, pour ne plus rien laisser à la population sur place. Qu’est-ce qui se passe actuellement? La même politique de la terre brûlée. Qu’est-ce qui reste des infrastructures? Que ce soient les aqueducs, les hôpitaux, les centres d’accueil, presque tout a été détruit.

« Il n’existe aucune zone grise. Comment peut-on arriver à une solution quand tout est noir ou blanc, vrai ou faux, bon ou mauvais? »

LD : Alors comment parler de paix?

NC : Il faut démystifier, car la sacralisation du militarisme écarte la paix comme valeur fondamentale. Tant et aussi longtemps que la guerre reste plus grande que nature, qu’aucun compromis n’est permis, il n’y a pas de paix. Et je tiens encore comme spécialiste en sciences des religions, à souligner l’importance de la paix dans les religions monothéistes, en politique et en géopolitique. Chez les juifs, pour se saluer, on dit « Shalom », ce qui veut dire « la paix ». Et quand on salue quelqu’un, en tant que musulman, on dit « As-salaamu alaikum » : « que la paix soit sur vous. » Donc en philosophie et en théologie, on parle de hiérarchie des valeurs. Or, au sommet de cette hiérarchie, dans chacune des religions monothéistes, c’est la paix. Au point qu’elle a infusé la langue et même les liturgies. C’est là-dessus qu’il faut insister.

Il y a des idéaux vers lesquels on peut tendre, des rêves que l’on peut chercher à réaliser. La paix est l’un d’entre eux. Un excellent exemple ici, c’est Nelson Mandela, qui a reçu le prix Nobel de la paix. Retournons dans l’Histoire. Nelson Mandela est jeune, en Afrique du Sud, dans une société avec l’apartheid, et il se joint au Parti Africain en tant que marxiste où il prend les armes. Ça, on l’oublie bien souvent. Il a embrassé le militarisme pour atteindre son but : la fin de l’apartheid. Mais qu’est-ce qui est arrivé alors qu’il était emprisonné pendant plus de 20 ans sur l’île Robben? Il a réfléchi, et il y a eu un changement de cap chez lui. Son message, ce n’était plus la lutte armée pour en finir avec l’apartheid, mais c’était la résistance non violente. Or, vous le savez, l’Afrique du Sud en ce moment a appuyé haut et fort les Palestiniens dans le conflit présent, étant donné qu’ils se sont vus dans cette tentative de se libérer et ils sont conscients de l’héritage de Nelson Mandela et du modèle de son évolution politique.

Depuis le début de ce conflit, le récit qu’il faut suivre de près, c’est celui d’une perspective fataliste, portée par une partie de la classe politique et de la population, que la guerre est inévitable et qu’elle fait partie intégrante de la condition humaine, plus spécifiquement de l’histoire humaine. La question existentielle se pose, est-ce qu’on peut céder à un tel fatalisme? Non, mais où doit-on chercher la paix?

Aujourd’hui, Biden est hautement critiqué sur la scène internationale, mais aussi domestique. Parce qu’au lieu d’être un médiateur, il affiche un soutien inconditionnel à Israël dans son offensive. Dans quelle mesure peut-il contribuer à des négociations sur la paix? On assiste peut-être à la fin de la « Pax Americana » des États-Unis comme gendarme du monde. Mais qui a créé l’onde de choc sur la scène diplomatique internationale en mars dernier, en actant le rapprochement de l’Iran Chi’ite, et de l’Arabie Saoudite Sunnite? Il s’agit de la Chine. Nous sommes peut-être au seuil d’un nouvel ordre mondial établi par la Chine, qui vient inaugurer au 21e siècle un autre modus vivendi sur les conflits : la « Pax Sinae ». Finalement, c’est peut-être la Chine qui pèsera sur le processus de paix au Moyen-Orient.

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Le volontourisme https://www.delitfrancais.com/2023/11/22/le-volontourisme/ Wed, 22 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53495 Entre volontariat et tourisme, quelle est la frontière?

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Dans une ère où le volontourisme – un néologisme formé des mots volontariat et tourisme – gagne en popularité, Le Délit a voulu se pencher sur les motivations et conséquences de cette forme d’engagement. Pour cela, nous avons rencontré Charlotte Laverne, étudiante en troisième année à McGill et Clémence, ancienne étudiante de McGill.

« Je suis quelqu’un de bien »

L’engagement civique associé à l’entreprise d’activités bénévoles comme faire des maraudes ou distribuer de l’aide alimentaire par l’association de son quartier peut paraître pour certains trop « banal ». Depuis quelques années, certains ont trouvé un moyen de rendre leur engagement plus dépaysant ou « exotique » : partir à l’étranger pour aider. Dans un monde inégalitaire où près d’un milliard d’individus vivent dans l’extrême pauvreté, des personnes des pays riches et développés, désireux de s’engager pour une cause, veulent venir en aide aux communautés les plus vulnérables. Moyennant des sommes parfois exorbitantes, des associations proposent des expériences humanitaires, dont les impacts sur les communautés locales sont parfois loin d’être positifs. Voyager (souvent en Afrique ou en Asie) pour aller aider les populations locales est une ambition qui suscite des questionnements et des critiques. Outre son but qui consiste à apporter de l’aide à ceux qui en ont besoin, cette activité peut souvent être accompagnée d’intentions parallèles, notamment pour satisfaire sa bonne conscience, passer des vacances légitimes et pouvoir affirmer à tout son entourage : « Je suis quelqu’un de bien.» Ce phénomène de légitimation moral est aussi appelé « syndrome du sauveur blanc ».

Dans le cadre universitaire, les opportunités de volontariat à l’étranger sont nombreuses, et mises en avant au sein de la communauté étudiante. Interrogée sur la popularisation du volontourisme, Clémence nous a confié :
« Je pense qu’un facteur important, c’est que ce type d’expérience est valorisé dans les universités. On nous encourage davantage au volontariat à l’étranger, qu’au volontariat local. » Ce phénomène s’est popularisé à travers l’instagrammabilisation de nos voyages, cette envie de montrer et d’étaler notre vie sur les réseaux sociaux. Pour Clémence, « quand on voit d’autres gens le faire, on se dit que ça peut être bien, sans comprendre les conséquences du volontourisme. Donc, au final, c’est faire un voyage en se donnant bonne conscience ». Les gens iraient-ils à l’autre bout du monde pour aider des enfants s’ils ne pouvaient pas l’afficher sur les réseaux sociaux?

L’influence sur les populations locales

Charlotte est partie deux mois en Tanzanie, près de la ville de Mikungani, pour aider dans une école. Celle-ci fait partie de l’association, Life Support For Change, créée par Myriam, une femme du village, ayant pour le but s’occuper des enfants en bas âge.

D’abord affectée aux classes, Charlotte s’est ensuite occupée de l’administration et de la rédaction de rapports pendant le reste de son séjour au sein de l’association. Elle explique qu’au cours de la période, des groupes d’une vingtaine de Sud-Américaines sont arrivées à plusieurs reprises, pour faire ce qu’elle considère du volontourisme. Elles ont voyagé pendant deux semaines avec cette même association, pour un montant exorbitant de plus de 1 000 dollars américains, dédié à l’association Travelers with Cause. Charlotte considère cela comme du volontourisme, car ces personnes « estimaient vraiment les enfants comme des attractions. Elles les appelaient souvent pour s’afficher sur les réseaux, en leur disant “venez par ici, on fait un selfie” ».

L’impact du volontourisme sur les enfants est documenté et dénoncé par l’association ChildSafe Movement, qui a lancé une campagne de sensibilisation : « Les enfants ne sont pas des attractions touristiques! (tdlr) » Que ce soit pour prendre une photo ou pour créer des liens d’affection, ces enfants revivent – volontaire après volontaire – la même expérience traumatisante de voir ces affinités déchirées lors du départ de ces bénévoles, que ce soit pour deux semaines ou trois mois.

« L’idée, c’est d’insister sur un suivi, de ne pas partir un mois et ne jamais en reparler »

Clémence, ancienne étudiante de McGill

Bénéfice ou préjudice?

Au-delà du comportement avec les enfants, Charlotte dénonce un autre problème rencontré avec les volontouristes : « On a eu affaire plusieurs fois à des filles qui disaient “non, je n’ai pas envie de travailler aujourd’hui”, alors qu’elles ne travaillaient déjà qu’une demi-journée, et avaient leur week-end de libre. » Charlotte avait interrogé Myriam, la directrice de l’association à ce sujet, celle-ci lui a confiée rechercher activement d’autres sources d’argent pour s’émanciper de ces groupes, afin de clairement séparer volontariat et tourisme, parce que ces refus trop récurrents au travail perturbent le fonctionnement de l’école. Malgré tout, l’association avoue avoir besoin de ces fonds pour lancer le projet : « Ces filles, quand elles viennent, elles apportent énormément d’argent. Je dirais qu’en moyenne, chacune de ces filles permettait de sponsoriser trois enfants. Et même quand elles sont sur place, elles dépensent énormément dans l’économie locale. Donc, au sein de l’école, il y a un petit magasin qui a été mis en place pour que les groupes puissent acheter des souvenirs. »

Pour Charlotte, le volontourisme est un phénomène répandu et une entreprise florissante pour les associations bien intentionnées, ou non. « J’ai rencontré d’autres gens qui pensaient faire du volontariat au Togo. Au final, en s’engageant dans l’association, elles se sont rendu compte que les sommes payées par les volontaires n’étaient pas du tout reversées aux enfants. » De son côté, Clémence identifie plusieurs niveaux de volontourisme : « Il y a le niveau financier. Donc, le volontourisme, c’est vraiment comme payer pour faire du tourisme, mais pour faire du bénévolat. Il y a aussi le bénévolat dans un cadre où la personne n’a pas les compétences pour ce qu’elle fait. Puis il y a aussi la structure dans laquelle tu le fais. Est-ce que tu le fais dans une structure qui est en train de vraiment remplir un besoin? Es-tu vraiment en train de remplir un besoin qui ne peut pas être rempli par des locaux, soit parce qu’il y a un manque de compétences, un manque de main d’œuvre, ou un manque de formation? Quelque chose qui peut être fait sur place, c’est du volontourisme. » Le volontariat à l’étranger doit ainsi prendre en compte l’impact sur les communautés locales : est-ce réellement un bénéfice ou alors un préjudice? La durabilité du projet de volontariat ne peut être à court terme, et une prise de conscience est absolument nécessaire avant de s’engager.

Des alternatives?

Alors, comment faire du volontariat sans tomber dans les travers du volontourisme? Nous avons posé la question à Clémence, qui s’était engagée dans un projet à l’étranger via le scoutisme. « L’idée, c’est que les projets qu’on doit construire sont en collaboration avec des associations. On doit vraiment apporter quelque chose. On n’a pas le droit de juste payer une association pour faire du bénévolat. L’idée, c’est d’insister sur un suivi, de ne pas partir un mois et ne jamais en reparler. L’idée, c’est potentiellement de lever des fonds après, de faire un suivi, de pousser d’autres équipes à aller faire du bénévolat avec les mêmes associations. » Cependant, Clémence considère que la démarcation avec le volontourisme reste fine. « On reste des gens de 19 ans, qui vont faire un projet à l’étranger pendant une période courte d’environ un mois, sans avoir beaucoup d’expérience. Je pense que le but est principalement éducatif, c’est surtout de nous apprendre à ne pas avoir peur de partir à l’étranger et d’aller à la rencontre d’autres communautés. Mais pour les locaux, je ne vois pas toujours l’intérêt. »

Quelle est la nécessité de parcourir des milliers de kilomètres si le but principal est de nourrir son propre égo? L’engagement local pourrait finalement être la meilleure solution aux problèmes posés par le volontourisme, afin de tirer une ligne claire entre volontariat et tourisme, entre aide et divertissement. En effet, comme nous l’a expliqué Clémence, le volontourisme est fondé sur le syndrôme du « sauveur blanc », qui découle du racisme et de la suprématie blanche, plaçant ces derniers dans une position de privilège et ayant le rôle de
« sauveur » vis-à-vis de ceux qui ont été historiquement opprimés et exploités.

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Rassemblement contre l’antisémitisme https://www.delitfrancais.com/2023/11/08/rassemblement-contre-lantisemitisme/ Wed, 08 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53305 La communauté juive mcgilloise se mobilise pour dénoncer la montée de l’antisémitisme.

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Le 2 novembre dernier, de 12h à 13h, plusieurs membres de la communauté juive mcgilloise ont organisé un rassemblement contre l’antisémitisme sur l’artère piétonne principale de l’Université. Plus d’une centaine de personnes ont répondu à leur appel. Réunis autour d’une table où étaient affichées les photos des otages pris par le Hamas, et d’une pancarte «Ensemble contre l’antisémitisme (tdlr)», les participants ont écouté des discours et chanté des slogans. De nombreux participants étaient drapés ou brandissaient des drapeaux israéliens. D’autres portaient des pancartes réclamant le retour des 240 otages enlevés par le Hamas lors des attaques du 7 octobre dernier.

Le même jour, à 17h, Solidarity for Palestinian Human Rights (SPHR) a organisé une vigile et une minute de silence en l’honneur aux 10 000 victimes palestiniennes tuées par l’armée israélienne depuis le début du conflit. Leurs noms ont été projetés sur la façade du bâtiment des Arts, et un drapeau palestinien a été étendu sur les marches. Éclairés par des bougies, des étudiants et des professeurs se sont succédé pour lire des poèmes, des témoignages et faire des discours. 

« Ensemble contre l’antisémitisme »

Alors que les participants criaient «Ramenez-les à la maison», en référence aux otages israéliens, un homme d’une quarantaine d’années s’est introduit dans le cercle et a crié plusieurs fois tout en filmant avec son téléphone : « J’ai un autre chant pour vous. Tuez plus d’enfants palestiniens. » Toutes les personnes présentes lors du rassemblement se sont alors écriées en hébreu, puis en anglais pour couvrir ses exhortations : « Paix et prospérité pour Israël et la Palestine !» L’homme a par la suite été écarté du rassemblement par la sécurité de McGill. 

Nicole Nashen, étudiante en droit et organisatrice de l’évènement, a pris le micro pour dénoncer la montée de l’antisémitisme dans le monde et sur le campus. Elle a répété plusieurs fois un chiffre, depuis l’attaque du Hamas : l’antisémitisme a augmenté de 400% aux États-Unis, illustrant son propos par des attaques parfois mortelles contre des personnes juives aux États-Unis, en Australie et en France. Mais selon elle, l’antisémitisme se fait aussi ressentir à McGill : «Nous avons été témoins de ces événements sur nos campus ici à Montréal, alors que nous nous rendions en classe et que nous passions devant des pancartes appelant à une autre Intifada, un soulèvement violent pour assassiner des juifs et des Israéliens. Lorsque nous nous rendons à la bibliothèque, que nous entendons des manifestations glorifiant l’attaque du Hamas, ou en ouvrant Instagram, nous avons peur. Nous nous sentons seuls.»

« L’objectif du rassemblement était de faire en sorte que les étudiants juifs n’aient pas peur. Nos messages portaient sur la paix.»

Nicole Nashen a clos son discours par un appel à la paix : «Nous prions pour un monde dans lequel aucune de nos communautés ne verra les bombes tomber comme des gouttes de pluie. Nous prions pour un monde dans lequel nos deux communautés pourront élever leurs enfants dans la paix. Nous prions pour la paix, l’humanité, la dignité et la prospérité des Israéliens et des Palestiniens.»

Interrogée par Le Délit sur les motivations de ce rassemblement, Nicole Nashen a affirmé : «Le simple fait de pouvoir se réunir, d’être solidaires les uns envers les autres, de parler de notre douleur commune, et de nous rassembler en tant que communauté est tellement important. Parce que beaucoup d’entre nous ont peur en ce moment, beaucoup d’étudiants juifs choisissent de mettre un bonnet sur leur kippa, de cacher leurs étoiles de David sous leur chemise.»

Le Délit s’est entretenu avec un autre étudiant juif présent lors de la manifestation, Matthew*, qui a préféré rester anonyme. Il a dénoncé la confusion dans les prises de position et les discours depuis le début du conflit entre antisionisme et antisémitisme : «Si les gens se promènent avec une kippa, ils se feront traiter de noms qui font référence à ce qui se passe en Israël. Si je dis que je suis Israélien, les gens me diront par exemple que je suis un colonisateur. Ces gens qui ne savent pas qui je suis m’attribuent toutes ces choses, simplement à cause de mes origines.» Au sujet du rassemblement, Matthew* nous a déclaré : «J’étais très heureux, car notre objectif n’était pas de prendre position sur ce qui se passait au Moyen-Orient. L’objectif du rassemblement était de faire en sorte que les étudiants juifs n’aient pas peur. Nos messages portaient sur la paix. » 

*Prénom fictif

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Rentrez en sécurité! https://www.delitfrancais.com/2023/11/08/rentrez-en-securite/ Wed, 08 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53310 Présentation du service DriveSafe.

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Cette semaine, Le Délit s’est entretenu avec Alice Dubois, vice-présidente (VP) des bénévoles de DriveSafe. Cette initiative présente sur le campus offre un service gratuit à tous les étudiants pour qu’ils puissent rentrer chez eux le soir en sécurité.

Comment ça marche ?

Les étudiants peuvent appeler un numéro ou remplir une page sur Google Docs en indiquant leur adresse et leurs coordonnées. Un dispatcher reçoit les appels, indique les temps d’attente et transfère les informations aux équipes composées d’un conducteur et d’un copilote. Trois ou cinq voitures opèrent ainsi du jeudi au samedi soir, de 23h à 3h, sur toute l’île de Montréal.

En entrevue avec Le Délit, Alice a tenu à rectifier la supposition commune que DriveSafe ne s’adresse qu’aux personnes alcoolisées et aux filles, plus susceptibles d’être victimes de harcèlements de rue. « C’est une initiative pour tous les étudiants, il n’y a pas de restriction. Je voudrais que les gens sachent que ça ne s’adresse pas qu’aux filles qui ne se sentent pas en sécurité le soir ; ce n’est pas seulement si tu sors de soirée, si tu es alcoolisé ou sous l’emprise de drogues. Peu importe qui tu es, [tu peux utiliser ce service, ndlr]. » Interrogée sur les effectifs et le recrutement, Alice nous a confié que le Covid-19 a beaucoup impacté DriveSafe, qui recommence seulement depuis l’année dernière à recruter et à se faire connaître.

DriveSafe compte aujourd’hui 112 volontaires, et cherche toujours de nouvelles recrues. « Notre but, c’est de recruter et former le plus de volontaires possibles, pour refuser le moins d’appels et réduire les temps d’attente. En ce moment, on est occupé à former les nouveaux volontaires du mois d’octobre. Là, on pourra avoir entre trois et cinq voitures par soir. » Interrogée sur son expérience en tant que conductrice, Alice nous a confié que faire partie de DriveSafe est aussi l’occasion de tisser des liens avec d’autres volontaires et de rencontrer d’autres étudiants : « Je pense que c’est vraiment la connexion avec les passagers qui est sympa. Le soir, les gens se confient différemment. Ils te racontent des trucs. Après, il y a des moments compliqués. Il y a des moments où les personnes ne sont vraiment pas bien, ou alors elles ont vécu des choses compliquées qui font qu’elles ne se sentaient pas en sécurité. Les aider, c’est vraiment le but de l’association. Mais ce n’est pas toujours facile à gérer. »

« C’est une initiative pour tous les étudiants, il n’y a pas de restriction. Je voudrais que les gens sachent que ça ne s’adresse pas qu’aux filles qui ne se sentent pas en sécurité le soir »

Alice Dubois, vice-présidente (VP) des bénévoles de DriveSafe
Témoignage d’une utilisatrice

Camille, étudiante mcgilloise, a bien voulu témoigner de son expérience avec DriveSafe. Alcoolisée en rentrant de soirée, ses amis lui ont conseillé d’appeler ce service. « C’était la première fois. Par réflexe je ne me sentais pas légitime. Je me disais que probablement d’autres personnes en auraient plus besoin que moi et qu’il y avait sûrement beaucoup de gens qui appelleraient et que je ne serais pas prioritaire. Mais ils ont répondu et, en quelques minutes, ils sont arrivés, et m’ont ramené juste devant chez moi. Je trouve ça génial. Je suis rentrée et je me suis dit : c’est à refaire ». Interrogée quant à son sentiment d’insécurité à Montréal, Camille nous a confié : « Un peu. Surtout quand je dois traverser l’avenue du Parc. Je peux me sentir un peu anxieuse de passer par là, mais sinon dans l’ensemble, pas tellement. »

Pour utiliser DriveSafe, appellez au (514) 398‑8040

Pour devenir volontaire, envoyez un email à volunteers. drivesafe@ssmu.ca.


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La hausse des frais de scolarité est-elle discriminatoire? https://www.delitfrancais.com/2023/11/01/engagement-etudiant-montreal/ Wed, 01 Nov 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53130 Le 25 octobre dernier, une assemblée générale organisée par le regroupement blue fall protest et les affaires externes de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) avait pour but de former un front commun contre la récente hausse des frais de scolarité pour les étudiants hors province. « Payer pour l’éducation supérieure est déjà un problème,… Lire la suite »La hausse des frais de scolarité est-elle discriminatoire?

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Le 25 octobre dernier, une assemblée générale organisée par le regroupement blue fall protest et les affaires externes de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) avait pour but de former un front commun contre la récente hausse des frais de scolarité pour les étudiants hors province. « Payer pour l’éducation supérieure est déjà un problème, et la récente décision du gouvernement aggrave ce problème, empêchant les classes plus défavorisées d’accéder à l’éducation (tdlr) », s’est ainsi exprimé un étudiant lors de l’assemblée. Une telle mesure diminuera-t-elle l’attrait de McGill pour les étudiants venus d’ailleurs? Le parti politique Coalition Avenir Québec (CAQ) s’y prend-il de la bonne manière pour rééquilibrer le réseau universitaire francophone?

Les frais de scolarité des étudiants internationaux, qui varient entre 20 000$ et 65 000$ par an à McGill, sont extrêmement déréglementés en comparaison à ceux déboursés par les étudiants québécois, tournant plutôt autour de 3 000$ par année. Une forme de statu quo se maintient donc pour les étudiants internationaux, alors que le tarif minimal qui leur est imposé, établi à 20 000$ par la CAQ, est plus bas que les tarifs déjà demandés dans une vaste majorité de programmes.

Or, les étudiants du reste du Canada payaient jusqu’à maintenant un peu moins de 9 000$ par an pour étudier dans l’une des trois universités anglophones du Québec – McGill, Concordia et Bishop’s. Ils devront désormais débourser 17 000$ par an. Ce sont donc ces étudiants qui seront principalement impactés par cette hausse des frais de scolarité dès l’automne 2024, s’ils souhaitent entamer leurs études dans une université anglophone du Québec.

L’enjeu pour la CAQ, c’est que la plupart de ces étudiants ne restent pas dans la province après leurs études. Ils bénéficient de frais de scolarité avantageux à McGill sans pour autant contribuer sur le long terme à la société québécoise. 20 598 des étudiants internationaux au Québec étaient inscrits en 2022 dans l’une des trois universités anglophones, contre 33 723 dans les 16 universités francophones. Pour beaucoup de ces étudiants canadiens, leur passage au Québec se limite à une bulle anglophone, un mode de vie unilingue qui ne nécessite pas d’effort de francisation pour s’intégrer dans une métropole bilingue.

Si le gouvernement veut réellement protéger la langue française, ses efforts devraient surtout être orientés vers la rétention et la francisation des étudiants canadiens plutôt que de rendre les universités anglophones moins attrayantes d’un point de vue financier. L’impact de la demi-mesure employée par la CAQ pour protéger le français aura surtout pour effet de décourager les étudiants du reste du Canada de faire l’expérience du mode de vie montréalais et bien souvent d’apprendre le français.

On peut s’inquiéter de l’impact d’une telle mesure – non modulée en fonction de chaque université – sur la qualité de l’enseignement de Concordia ou Bishop’s, qui ne disposent pas des mêmes moyens financiers et du rayonnement international de McGill. À titre d’exemple, Bishop’s est une petite université anglophone d’un peu moins de 2 800 étudiants, au sein desquels près de 30% des étudiants proviennent des autres provinces canadiennes. La mesure du gouvernement pourrait donc diminuer significativement la qualité de l’enseignement et des recherches qui y sont proposées dans les prochaines années, alors que les répercussions pourraient être plus facilement absorbées par la réputation internationale et les ressources financières dont jouit déjà McGill.

Le débat sur les frais de scolarité, loin de se réduire aux financements accordés aux universités anglophones et francophones, remet à l’avant-plan la question de l’identité culturelle québécoise. Veut-on prêcher en faveur d’un protectionnisme linguistique ou d’une ouverture à la culture anglophone? La situation sociolinguistique diversifiée pourrait souffrir de ne plus recevoir assez d’étudiants d’ailleurs.

Veut-on restreindre l’usage de l’anglais ou plutôt favoriser un profil linguistique montréalais qui favorise la cohabitation de réalités culturelles et la curiosité pour la langue d’autrui? C’est peut-être là que résident toute la complexité et l’attrait de notre métropole québécoise.

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Mobilisation face à la hausse des frais scolarité https://www.delitfrancais.com/2023/10/25/mobilisation-face-a-la-hausse-des-frais-scolarite/ Wed, 25 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52963 Les réactions de la communauté étudiante mcgilloise.

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Le 13 octobre dernier, le gouvernement du Québec a annoncé une augmentation des frais de scolarité pour les étudiants non québécois dès la rentrée d’automne 2024. Le gouvernement compte prélever un montant forfaitaire pour chaque étudiant non québécois dans le but de réinvestir ces fonds dans le réseau des universités francophones. Les étudiants canadiens venant d’autres provinces verront ainsi leurs frais de scolarité presque doubler, passant de 8992 à 17 000 dollars canadiens par an. De plus, alors que les universités avaient jusqu’à présent la décision finale sur le montant des frais appliqués aux étudiants internationaux, le gouvernement impose désormais que ces derniers soient facturés un minimum de 20 000 dollars canadiens. Certaines exceptions ont toutefois été annoncées : les étudiants déjà inscrits dans un programme ne seront pas soumis aux nouvelles tarifications d’ici la fin de leurs études (soit un maximum de 5 ans). Les étudiants en recherche aux deuxième et troisième cycle, et les étudiants bénéficiant d’une entente internationale particulière – les Français et les Belges – seront aussi exemptés.

La hausse des frais de scolarité a provoqué de nombreuses réactions au sein des administrations et communautés étudiantes des universités anglophones. Bishop’s, Concordia et McGill ont unanimement dénoncé cette augmentation. Dans un courriel adressé à la communauté mcgilloise datant du 16 octobre dernier, le principal de McGill, Professeur Deep Saini, s’est exprimé sur ces hausses. Il a annoncé la mobilisation de plusieurs équipes afin de « démontrer les conséquences négatives concrètes que de telles mesures auraient sur notre établissement, sur le secteur de l’enseignement supérieur et sur la société québécoise dans son ensemble », et de « stopper ces conséquences ».

La réaction de la communauté étudiante

Dans une déclaration commune, l’Union des étudiants de Concordia (CSU) et l’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM) « condamnent fermement cette hausse des frais comme étant antidémocratique et discriminatoire ». Les deux associations étudiantes critiquent cette nouvelle mesure prise sans consultation préalable avec les institutions et les communautés touchées, et dénoncent une hausse qui risque d’impacter particulièrement les étudiants en situation précaire, menaçant d’exacerber l’élitisme au sein de l’éducation post-secondaire. Le Délit s’est entretenu avec Michael*, un étudiant ontarien anglophone en troisième année en économie à McGill qui a préféré rester anonyme. Michael reconnaît la légitimité de l’inquiétude du gouvernement québécois face au déclin du français dans la métropole montréalaise, mais il ne pense pas que la solution se trouve dans l’augmentation des frais de scolarité. Selon lui, la protection du français devrait passer par « de plus grands investissements dans des programmes d’apprentissage obligatoires du français, pour les étudiants et le personnel administratif des universités anglophones. (tdlr) ». Interrogé sur l’impact de de la hausse des frais de scolarité, Michael nous a affirmé que s’il devait aujourd’hui décider de venir étudier à McGill, « l’augmentation de l’engagement financier m’aurait amené à reconsidérer mon choix ».

Le lundi 30 octobre prochain à 13 heures, une manifestation sera tenue afin d’affirmer une opposition de masse face à cette décision du gouvernement québécois. Le Délit a rencontré Alex O’Neill, actuellement étudiant à McGill, qui organise la manifestation avec son collaborateur Noah Sparrow. Il nous a expliqué que leur but, à travers cette manifestation, est de « répondre à cette loi du gouvernement Legault qui attaque l’identité culturelle de Montréal ». Il affirme par la suite que c’est justement sa variété linguistique, culturelle, et son ouverture au monde, qui font de Montréal une ville « unique ». Selon lui, changer cette singularité reviendrait à renoncer à la force de Montréal, qui est un atout indéniable pour le Québec.

Allant du Square Dorchester jusqu’au portail Roddick de McGill, cette manifestation réunira une grande partie de la communauté montréalaise. Après avoir reçu de nombreux messages de soutien et promesses d’affiliation à la manifestation, Alex annonce que cette manifestation sera d’une grande ampleur, et qu’« environ 50 000 personnes seront présentes pour protester ». Francophones comme anglophones, des étudiants de McGill, de Concordia, de l’UQAM et encore de l’UdeM ont annoncé leur mobilisation. À leurs côtés, d’autres groupes non-étudiants comme des syndicats (tel que MUNACA et MUNASA, regroupant les employés non académiques de l’Université McGill), et d’autres associations ont annoncé leur soutien et leur participation à la manifestation.

*Nom fictif

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Hausse des frais de scolarité pour les étudiants non québécois https://www.delitfrancais.com/2023/10/18/hausse-des-frais-scolarite-pour-les-etudiants-non-quebecois/ Wed, 18 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52807 De nouvelles mesures pour rééquilibrer le réseau universitaire.

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Le 12 octobre dernier, le ministre québécois de la Langue française, Jean- François Roberge, a révélé lors d’une entrevue avec La Presse les principaux points de son plan d’action pour l’avenir de la langue française : un rééquilibrage du réseau universitaire et une hausse de la promotion du contenu québécois dans l’industrie culturelle. Parmi eux, une mesure a particulièrement fait réagir : l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants non québécois pour financer le réseau universitaire francophone.

Le déséquilibre du réseau universitaire québécois

Cette série de mesures s’inscrit dans le mandat du groupe d’action pour l’avenir de la langue française formé en janvier dernier. Ce groupe, composé de six ministres québécois, déposera son plan d’action à la mi-novembre. Si ces mesures sont votées à l’Assemblée nationale, plus de 50 modifications additionnelles viendront s’ajouter aux dispositions adoptées dans la Loi 96 en juin 2022.

Le ministre a justifié l’augmentation des frais de scolarité aux étudiants non québécois par la nécessité de rééquilibrer le réseau universitaire : « Il y a un grand déséquilibre entre le réseau francophone et anglophone. » Le ministre s’appuie sur les chiffres de la répartition des étudiants québécois et non québécois dans le réseau universitaire. Si 80% des québécois sont inscrits dans une université francophone, il en va autrement pour les étudiants canadiens et internationaux, répartis équitablement entre les universités francophones et anglophones.

« Si on veut changer le profil linguistique de Montréal, arrêter le déclin [du français, ndlr] à Montréal, il faut s’intéresser à la question du rééquilibrage des réseaux universitaires. »

Ministre Roberge

En effet, sur les 54 000 étudiants étrangers au Québec en 2022, plus de 20 000 fréquentent l’une des trois universités anglophones ; McGill, Bishop’s et Concordia, contre environ 34 000 pour les 17 universités francophones. Une asymétrie que le groupe d’action sur l’avenir de la langue française entend corriger.

Jean-François Roberge a affirmé à La Presse : « C’est beaucoup de personnes qui viennent au Québec, qui fréquentent une université anglophone et qui bien souvent s’expriment en anglais au quotidien », dit-il. « Si on veut changer le profil linguistique de Montréal, arrêter le déclin [du français, ndlr] à Montréal, il faut s’intéresser à la question du rééquilibrage des réseaux universitaires. »

Les mesures à venir

Lors d’une conférence de presse organisée le 13 octobre dernier, le ministre Roberge et la ministre de l’Enseignement supérieur du Québec, Pascale Déry, ont apporté des précisions aux mesures annoncées. Les droits de scolarité des étudiants enrôlés dans le premier et le deuxième cycle professionnel seront soumis à une tarification minimale.

Les étudiants venant d’autres provinces que le Québec verront leurs frais de scolarité annuels doubler, passant de 9000$ à 17000$, et ceux des étudiants étrangers atteindront un minimum de 20 000 $. Ces mesures devraient s’appliquer dès la rentrée d’automne 2024 pour les nouveaux étudiants. Ceux déjà inscrits dans une université québécoise ne seront pas impactés par ces hausses avant 5 ans.

Le ministre Roberge a cependant annoncé une série d’exemptions : les étudiants français et belges bénéficiant d’une entente internationale avec le Québec, ainsi que les étudiants inscrits dans le deuxième et le troisième cycle universitaire de recherche ne seront pas visés par ces mesures.

Ces mesures devraient aussi permettre de rééquilibrer les dépenses de la province destinées aux étudiants des autres provinces. En effet, la tarification à 17 000 $ correspond au coût de leur formation pour le gouvernement du Québec. L’État québécois prévoit ainsi récolter 110 millions de dollars et les réinvestir dans le réseau universitaire francophone afin de « freiner le déclin du français ».

La réaction de McGill

Contactée par Le Délit, l’Université McGill nous a partagé la réaction du principal de l’Université, Pr Deep Saini. Le principal se dit « très déçu de l’annonce qu’a faite le gouvernement du Québec ». Selon lui, « les mesures annoncées aujourd’hui auront, et ce, à long terme, une incidence majeure sur l’économie québécoise. » Il faut selon lui consolider le système universitaire québécois dans sa totalité : « Le Québec compte 19 excellentes universités, et chacune d’entre elles joue un rôle qui lui est propre et qui répond aux vastes besoins des Québécois et des Québécoises. L’Université McGill demeure déterminée à collaborer avec le gouvernement et avec ses partenaires afin de consolider le système universitaire québécois et à tabler sur les forces uniques de chacun. »

Dans sa déclaration officielle transmise au Délit, l’Université déclare : « Nous nous inquiétons des répercussions que pourrait causer la hausse des droits de scolarité […] En effet, un tel changement pourrait considérablement nuire à la capacité de l’Université McGill d’attirer et de retenir les talents. »

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Les tensions entre l’Inde et le Canada https://www.delitfrancais.com/2023/10/04/les-tensions-entre-linde-et-le-canada/ Wed, 04 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52626 Le Délit s’est entretenu avec le Professeur Daniel Béland.

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Le 18 septembre dernier, le premier ministre canadien, Justin Trudeau déclarait devant la Chambre des communes du Canada être en possession d’« éléments crédibles selon lesquels il existerait un lien possible entre les agents du gouvernement de l’Inde et le meurtre de Hardeep Singh Nijjar [un leader sikh, ndlr], citoyen canadien (tdlr) ». Cette déclaration, qualifiée d’« absurde » par le gouvernement indien a déclenché une crise diplomatique menant à la suspension de la délivrance de visas par l’Inde aux ressortissants canadiens. Afin de mieux comprendre les origines et les implications de cette escalade diplomatique, Le Délit s’est entretenu avec Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill (IÉCM).

Des tensions en filigranes

Le 18 juin dernier, Hardeep Singh Nijjar a été assassiné en Colombie-Britannique. Militant pour la création d’un état sikh indépendant, le Khalistan, Nijjar était considéré comme un terroriste par le gouvernement indien depuis 2020.

Nijjar était une figure importante de la diaspora sikh canadienne, la plus large au monde, représentant 2% de la population totale du Canada. Pr Béland nous l’a précisé lors d’une entrevue : « Beaucoup de Sikhs sont arrivés dans les années 1980, dont la personne qui a été assassinée, alors que le mouvement nationaliste sikh était très actif au Punjab [un état indien, ndlr]. Mais cette cause est aujourd’hui moins mobilisatrice et moins présente. Au sein de la communauté sikh canadienne, il y a donc des éléments qui sont plus indépendantistes ou plus nationalistes que ce qu’on voit en moyenne aujourd’hui au Punjab. »

Nijjar était actif depuis le Canada dans l’organisation de référendums non officiels pour la création du Khalistan, avec l’organisation Sikh for Justice. L’un d’eux, organisé en juin dernier, avait fait parler de lui. Dans un défilé organisé dans le cadre d’un référendum à Brampton, en Ontario, on pouvait voir un tank allégorique célébrant l’assassinat de la première ministre Indira Gandhi par ses gardes du corps sikhs en 1984. Le ministre indien des affaires étrangères avait alors adressé des critiques au gouvernement Trudeau, déclarant qu’il « existait un problème [au Canada, ndlr][…] concernant l’espace accordé aux séparatistes, aux extrémistes et à ceux qui prônent la violence ».

Interrogé sur les tensions historiques entre le Canada et l’Inde au sujet de la diaspora sikh, Pr Béland nous a confié : « Il y a toujours eu des tensions en filigrane sur ce sujet, mais pas nécessairement à l’avant scène. Le gouvernement canadien est conscient depuis des décennies des préoccupations du gouvernement indien sur la présence de nationalistes sikhs sur son sol. Mais avec Modi [le premier ministre indien, ndlr], l’Inde a adopté une approche plus pugnace, plus revendicatrice sur la question. » Cependant, il a souligné : « Il ne faut pas oublier qu’il y a des rapports forts entre l’Inde et le Canada, commerciaux et interpersonnels. 4% de la population est d’origine indienne, dont la moitié sont sikhs. Beaucoup voyagent en Inde et il y a un grand nombre d’étudiants étrangers indiens qui sont au Canada. Avec le débat sur les ingérences étrangères chinoises, le Canada a investi davantage dans sa relation avec l’Inde. »

« Il y a toujours eu des tensions en filigrane sur ce sujet, mais pas nécessairement à l’avant scène. »

Professeur Béland

L’escalade diplomatique

Si la déclaration de Trudeau devant la Chambre des communes le 18 septembre dernier a été qualifiée d’improvisée par de nombreux médias, le premier ministre était acculé, comme nous l’a confié Pr Béland. « Est-ce qu’il avait vraiment le choix? Non, parce que le Globe and Mail allait sortir la nouvelle. Et donc, comme Trudeau était accusé de ne pas avoir fait assez pour contrer l’influence étrangère chinoise, il a décidé d’être transparent au sujet de la situation indienne. »

Dans la foulée de cette déclaration, le gouvernement indien a rejeté les accusations, puis les deux pays ont entamé des représailles en expulsant chacun un diplomate de leur territoire. Le 20 septembre dernier, le ministère des affaires étrangères indienne avait invité « tous les ressortissants indiens présents sur place et ceux qui envisagent de voyager au Canada à faire preuve de la plus grande prudence ». Les tensions ont atteint leur paroxysme le lendemain, lorsque l’Inde a annoncé suspendre le traitement des visas des ressortissants canadiens, avant de connaître un début de désescalade le 26 septembre dernier. En déplacement à New York à l’occasion de l’assemblée générale des Nations Unies, le chef de la diplomatie indienne a déclaré que « s’il y a un incident qui pose problème et que quelqu’un me donne des informations précises en tant que gouvernement, bien entendu que j’examinerais la question ».

Interrogé sur ce début de désescalade, Pr Béland nous a affirmé : « Je pense que nos alliés, certainement les États-Unis, se sont probablement appliqués à essayer de calmer le jeu et à faire pression sur l’Inde. C’est possible que certaines des informations qu’on a obtenues des services secrets proviennent de la CIA. Les Américains étaient probablement au courant de l’ingérence indienne. Le Canada et l’Inde, je ne dirais pas que c’est David et Goliath, mais ce ne sont certainement pas des puissances du même ordre. Je pense que le Canada a besoin de ses alliés dans ce dossier-là, surtout des États-Unis. Parce que Modi n’écoutera probablement pas Trudeau, mais peut-être Biden. » Trudeau se retrouve désormais isolé sur la scène internationale, et ce depuis le G20 qui s’est clôturé à New Delhi, en Inde, le 10 septembre dernier. Le premier ministre canadien avait dû subir les remontrances publiques de Narendra Modi sur l’approche laxiste du Canada envers les extrémistes sikhs sur son sol. Interrogé sur l’isolement du gouvernement Trudeau, Pr Béland a tenu à préciser : « Ce n’est pas un isolement total. Les États-Unis ont quand même apporté un appui, bien que nuancé. Mais je pense que Trudeau espérait avoir plus de soutien sur la scène internationale. Cependant, il faut faire la différence entre ce qui est dit en public, et ce qui se fait derrière les portes closes. »

Les implications domestiques

L’escalade diplomatique entre les deux pays a aussi eu des conséquences au Canada. Au-delà des implications commerciales, cet événement a ravivé les tensions au sein de la communauté indienne. Pr Béland nous a précisé : « Ça a un coût économique certain : le Canada était en pleine négociation sur une entente de libre échange avec l’Inde, qui est désormais suspendue. Mais il y a aussi un coût pour la diaspora indienne. Il ne faut pas oublier les divisions internes au sein de la communauté indienne au Canada. Ce n’est pas une communauté homogène. La moitié sont sikhs, mais il y a aussi beaucoup d’hindous, qui soutiennent le gouvernement Modi. »

L’Université McGill, contactée par Le Délit et interrogée sur l’impact des tensions diplomatiques sur la communauté mcgilloise, nous a répondu : « Nous comprenons que les tensions diplomatiques actuelles entre le Canada et l’Inde peuvent avoir un impact réel sur la vie quotidienne de nos étudiants indiens et de ceux d’origine indienne, leur causant de l’incertitude et de la détresse. Nos étudiants apportent sur nos campus et dans nos salles de classe une grande diversité de langues, de points de vue et de parcours. L’Université continuera de favoriser une atmosphère d’ouverture où tous sont les bienvenus et encouragés à participer à l’échange enthousiaste d’idées. »

« Ça a un coût économique certain : le Canada était en pleine négociation sur une entente de libre échange avec l’Inde, qui est désormais suspendue. »

Professeur Béland

Si les tensions avec l’Inde ont rapidement été éclipsées par l’ovation d’un ex-nazi à la Chambre des communes et par la démission de son président, le retour à la normale prendra du temps. Pr Béland nous a assuré : « Je suis optimiste, mais de façon prudente. On a changé d’agenda politique, mais les relations avec l’Inde, ça va prendre des mois et des mois, sinon des années à revenir à la normale. »

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Pollution à l’amiante https://www.delitfrancais.com/2023/09/27/pollution-a-lamiante/ Wed, 27 Sep 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52449 Le Délit s’est entretenu avec Fabrice Labeau.

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Le 31 janvier dernier, l’administration de l’Université annonçait, dans un courriel envoyé à la communauté mcgilloise, la fermeture de trois pavillons du campus MacDonald à la suite de la découverte d’amiante lors de travaux. Après un nettoyage en profondeur et des analyses de la qualité de l’air, une grande partie des pavillons ont pu rouvrir fin mars.

Les critiques du temps de réaction de l’administration (les premiers avertissements de la présence d’amiante dans des matériaux endommagés sur le campus MacDonald avaient été émis en 2020), ainsi que les inquiétudes de la communauté mcgilloise face à l’exposition à l’amiante, avaient poussé l’Université à lancer un service d’audit interne pour procéder à une analyse de l’incident et de ses causes. Le rapport final de ce groupe a été remis le 14 septembre dernier.

Afin de transmettre les conclusions du rapport et de répondre aux nombreuses questions, l’administration a organisé une assemblée générale le 22 septembre dernier, ainsi qu’une table ronde avec les médias étudiants le mercredi 20 septembre. Lors de cette dernière, Le Délit a pu échanger avec le premier vice-principal exécutif adjoint des études et de la vie étudiante, Fabrice Labeau, en charge du dossier sur l’amiante.

Le rapport

Le Service d’audit interne, mis sur pied le 2 février dernier par l’administration mcgilloise, avait pour mandat de reconstituer la chronologie des événements, de se pencher sur le processus de gestion de l’amiante et d’y apporter les correctifs nécessaires. Dans les conclusions de son rapport, le service d’audit interne indique que la cause de la fermeture des pavillons, et les risques d’exposition de la communauté à l’amiante, ne peuvent pas être attribués à un élément unique, mais plutôt à une multitude de facteurs. Parmi ceux-ci, le rapport identifie notamment la cohabitation entre les étudiants, les membres de la faculté et les travailleurs du chantier, ainsi que l’« efficacité limitée des mécanismes et des protocoles de communication utilisés pour relayer et répondre aux préoccupations des occupants des espaces concernant la poussière ». Il formule ensuite 25 recommandations afin d’améliorer le processus de gestion de l’amiante de l’Université. Ces dernières prévoient notamment une meilleure intégration des communications entre les différents intervenants lors des projets de construction impliquant des substances dangereuses, une stricte limitation de l’accès au chantier aux participants à la construction, ainsi qu’une révision de la forme et de la fréquence du processus de communication avec la communauté touchée.

Un groupe de travail spécial composé de trois membres de l’administration mcgilloise, dont Fabrice Labeau, a été formé pour veiller à la mise en œuvre rapide de ces 25 recommandations. Interrogé sur l’échéancier, Pr Labeau nous a confié : « On va commencer les 25 recommandations en parallèle, pour s’assurer qu’on a le temps de tout faire et que ça rencontre tous nos critères d’approbation, sachant que notre capacité d’agir sur chacune des recommandations sera modulée dans le temps. Nous présenterons un rapport d’avancement au bout de trois, six et 12 mois, ce qui constitue réellement nos étapes à court, moyen et long terme pour la mise en œuvre des recommandations.(tdlr) »

Alors que l’amiante est présente sous différentes formes dans la plupart des bâtiments de McGill, le groupe de travail
a annoncé la suspension de tous travaux « impliquant des matériaux susceptibles de contenir de l’amiante s’ils ne savent pas s’il y en a, ou pas ».

Les risques

Selon une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « toutes les formes d’amiante peuvent provoquer le cancer et aucun seuil n’a été mis en évidence pour le risque cancérigène ». Interrogé sur les dangers pour la communauté mcgilloise quant à l’exposition à l’amiante et quant au seuil utilisé par l’Université, Mr Labeau nous a affirmé : « Ce que nous faisons, c’est que nous suivons le code provincial qui limite la présence de fibres dans l’air. […] Les tests qu’on a fait au campus MacDonald, pendant la construction, pendant la fermeture, et depuis l’ouverture ont tous été négatifs pour l’amiante. […]
Je comprends l’idée qu’il n’y ait pas de seuil de sécurité, mais il faut aussi se rendre compte qu’il y a en fait une présence de fond de ces types de matériaux, y compris l’amiante, dans l’air que l’on respire autour de Montréal.
»

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L’enseignement à l’épreuve de l’intelligence artificielle https://www.delitfrancais.com/2023/09/20/lenseignement-a-lepreuve-de-lintelligence-artificielle/ Wed, 20 Sep 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52219 Le Délit s’est entretenu avec le Professeur Norman Cornett.

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Alors que l’intelligence artificielle (IA) s’immisce de plus en plus dans les salles de classes et dans les universités de manière générale, l’enseignement doit s’adapter face à l’apparition de nouveaux enjeux et défis. Comment valoriser la pensée créative au cœur de l’apprentissage universitaire alors que les réponses à nos questions sont à la portée d’un clic? Comment stimuler la pensée originale alors que le plagiat est de plus en plus dur à détecter? Si l’IA pose autant de questions sur l’avenir de l’enseignement, elle offre aussi l’occasion de s’interroger sur son utilisation : comment l’intégrer au sein des universités? Pour répondre à ce questionnement, Le Délit s’est entretenu avec Norman Cornett, ancien professeur à McGill en études religieuses, qui a développé il y a 36 ans une approche éducative novatrice : l’approche dialogique qu’il a mis en place dans ses salles de classes à l’Université et ailleurs. Ce paradigme éducatif, axé sur le dialogue et la pensée créative, offrirait selon lui des réponses aux défis posés par l’IA.

Le Délit (LD) : Pourriez-vous me parler de l’approche pédagogique que vous avez développé, l’approche dialogique ?

Norman Cornett (NC) : Mon approche dialogique pose la question de la place de l’intelligence artificielle dans les salles de classe universitaires. Je me suis rendu compte, au fil des ans, avec les changements technologiques, que la donne change en quelque mesure dans la salle de classe. Je vous donne un exemple. À cause de mon âge, j’enseignais 20 ans avant la popularisation des téléphones cellulaires. Or, à l’instant où les téléphones cellulaires sont entrés dans la salle de classe, il y eu un changement drastique. C’était évident, parce qu’on connait très bien maintenant, grâce à des études qui ont été faites, les risques d’addiction et de dépendance liés aux téléphones portables.

La raison d’être de l’enseignement, pour moi, c’est d’inculquer le pouvoir de la concentration, de pouvoir fixer un objectif, et de le garder comme un questionnement qui nous guide tout au long de notre réflexion. La raison d’être de l’enseignement, c’est de favoriser une pensée originale et donc l’expression créative, originale.

Le téléphone, c’est un moyen valable, mais ce n’est pas un but en soi. De même, les notes, voire les diplômes, ce sont des buts valables, mais ils ne servent qu’à constater des résultats. Ce qui importe, c’est le processus d’apprentissage. Dans l’enseignement, on parle de l’acquisition cognitive, c’est-à-dire la définition scientifique du processus d’apprentissage. Alors, dans quelle mesure peut-on favoriser, nourrir l’acquisition cognitive?

Le simple fait de faire des copiés-collés [lors de travaux pour un cours, ndlr], ce qui est l’équivalent fonctionnel du plagiat, ça nous mine dans tout ce processus de réflexion qui fonde la base de l’apprentissage. On n’apprend pas simplement pour un examen, on n’apprend pas simplement pour une note, mais on apprend pour la vie.

C’est la raison pour laquelle j’ai créé il y a 36 ans l’approche dialogique. Dans mes cours, je demande à tout ceux qui entrent dans la classe de laisser au seuil tout appareil qui pourrait devenir une distraction, de sorte qu’on se fixe sur le sujet en question et qu’on ait le temps de réfléchir là-dessus. Or, le défi dans la salle de classe universitaire, c’est de créer un espace de questionnement, d’interrogation, d’analyse, et de curiosité. Et donc, quand on saute directement à la réponse via internet, on « court-circuite » tout le processus cognitif.

Quel est le principe opérateur de mon approche dialogique? C’est celui-ci : « Il n’y a qu’une mauvaise question, celle qu’on ne pose pas. » Or, le défi maintenant avec l’intelligence artificielle dans la salle de classe, c’est qu’on saute toutes les étapes du processus cognitif et qu’on va directement à la réponse : « Voilà la fin de l’essai, de l’examen ou du quiz. » Donc, en sautant toutes ces étapes, on a le droit de se demander : « Est-ce que l’étudiant ou l’étudiante a bel et bien appris la matière? » Apprend-t-on vraiment de la même manière sans réflexion?

« Quand on quitte le campus universitaire avec son diplôme, on est prêt pour la vie parce qu’on a appris à réfléchir, à penser par soi-même »

LD : Est-ce que l’IA n’est pas justement l’occasion de réinventer la façon dont les cours sont enseignés et évalués?

NC : Je me souviens très bien, que pendant mes années d’enseignement, j’ai demandé à une de mes étudiantes ce qu’elle avait appris après quatre ans d’études. Vous savez ce qu’elle m’a répondu? « J’ai appris comment couper les coins ronds pour avoir une note A. » Or, la note « A », la meilleure note, ce n’est pas le but de l’enseignement. Ce n’est pas la raison d’être. Ce n’est qu’un résultat.

Ce qui compte, c’est tout le processus. Quand on quitte le campus universitaire avec son diplôme, on est prêt pour la vie parce qu’on a appris à réfléchir, à penser par soi-même. Et vous savez combien c’est valorisant pour les étudiants et étudiantes de savoir que leur pensée, leur expression, comptent, qu’ils n’ont pas besoin de miroiter l’autre et d’être en totale adéquation avec lui. Parce que ce qui importe, ce n’est pas la réponse de l’autre, c’est une réponse honnête vis-à-vis de soi-même et le processus de rencontre avec la pensée de l’autre.

C’est pour cela que je favorise le questionnement dans la salle de classe. La curiosité est un engin formidable. On doit se demander dans quelle mesure, avec l’intelligence artificielle, on nourrit la curiosité qui est à la base même de l’acquisition cognitive et de ce qu’on appelle « apprendre ». Puisque le respect de la propriété intellectuelle est de rigueur dans les universités, il importe de l’encadrer à la lumière de l’intelligence artificielle afin de valoriser la pensée originale et l’expression créative.

LD : Comment peut-on intégrer l’IA dans ce processus d’approche dialogique à l’enseignement?

NC : L’enseignement supérieur doit relever le défi de canaliser l’intelligence artificielle de sorte qu’elle serve à humaniser, personnaliser et individualiser l’éducation plutôt que le contraire. Pour moi, l’intelligence artificielle est un outil formidable. On doit s’en réjouir. Dans mon cas, lors d’un atelier dialogique sur un sujet bien spécifique, ce que je propose, c’est de présenter un texte rédigé par l’intelligence artificielle. Et quand je dis « rédigé », vous savez très bien que ça se rédige en quelques secondes. Je propose de prendre ce texte-là, de le présenter en salle de classe, et d’inviter les étudiants et étudiantes à y réfléchir de façon originale et de créer un dialogue avec l’intelligence artificielle.

Il ne faut pas minimiser le défi. L’intelligence artificielle n’est pas foncièrement une menace. La question, c’est : « Comment est-ce qu’on va s’en servir dans la salle de classe? » Moi, je propose de nous approprier l’intelligence artificielle pour mieux réfléchir sur les enjeux, sur les questions relatives à notre discipline.

« L’enseignement supérieur doit relever le défi de canaliser l’intelligence artificielle de sorte qu’elle serve à humaniser, personnaliser et individualiser l’éducation plutôt que le contraire »

Mais on ne peut pas faire l’autruche. L’intelligence artificielle, c’est un changement de paradigme pédagogique, et il faut s’y adapter. Le grand danger, c’est la paresse, aussi bien chez les pédagogues que chez les étudiants et étudiantes. C’est chercher une réponse facile, chercher une solution facile. Vous savez ce qu’on dit? Il est interdit d’interdire. Donc, on peut très bien dire : « On va interdire l’intelligence artificielle dans la salle de classe. » C’est facile à dire, c’est une autre chose de le faire. À nous le défi de canaliser l’intelligence artificielle pour faire avancer l’éducation universitaire. Et ça se fait en la critiquant, en la questionnant pour susciter la curiosité chez les étudiants et étudiantes, au lieu de la dompter, de l’étouffer.

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