Juliette Champagne - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/j-champagne/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 22 Jan 2025 02:10:55 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Los Angeles en proie aux flammes https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/los-angeles-en-proie-aux-flammes/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57017 Comprendre la catastrophe : témoignages d’étudiantes américaines.

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Au moment où l’Organisation météorologique mondiale déclare l’année 2024 comme la plus chaude jamais enregistrée, une nouvelle catastrophe climatique balaye Los Angeles. Depuis le 7 janvier, la ville californienne est ravagée par d’immenses incendies, contraignant des dizaines de milliers de personnes à évacuer. À la date du 16 janvier, au moins 24 décès ont été confirmés. Selon le California Department of Forestry and Fire Protection, plus de 40 000 hectares ont brûlé et plus de 12 845 structures réduites en cendres. Les incendies ont détruit de nombreux quartiers huppés, notamment Pacific Palisades entre Santa Monica et Malibu, dont le feu n’est toujours pas circonscrit. Depuis son déclenchement le 7 janvier, l’incendie d’Eaton, dans le nord-est de la ville, a ravagé le quartier historique d’Altadena et des pans entiers de Pasadena. Plus d’une semaine après le début des incendies, la région brûle toujours, attestant des conséquences de la crise climatique.

Un cocktail explosif

Alors que l’origine des incendies reste sous investigation, plusieurs facteurs se sont conjugués pour créer les conditions idéales à des feux d’une telle ampleur. La région californienne a vécu un été exceptionnellement chaud, marqué par une sécheresse persistante. En décembre, les températures étaient nettement supérieures aux moyennes saisonnières, et les précipitations quasi inexistantes. Depuis le mois d’octobre, l’État de la Californie a enregistré seulement quatre millimètres de pluie, aggravant une situation déjà critique. Ces conditions climatiques ont transformé la végétation, desséchée par les vagues de chaleur de 2024, en une biomasse hautement inflammable.

« Dire que les incendies en Californie sont uniquement des catastrophes naturelles, c’est donc oublier l’impact majeur des activités humaines dans leur intensification »

Ce qui a finalement valu à ces incendies le titre de « plus vastes et dévastateurs de l’histoire de la Californie », selon les mots du président américain Joe Biden, sont les vents violents, avec des rafales atteignant jusqu’à 160 km/h. Ces vents ont transporté des braises, accélérant l’avancée des flammes à différents points de la ville.

Ces facteurs naturels ont été exacerbés par des choix humains. La pression démographique, notamment la crise du logement, a poussé la ville de Los Angeles à construire massivement dans des zones à haut-risque d’incendies. De nombreuses habitations, souvent en bois, ont été bâties à l’orée des forêts, augmentant leur vulnérabilité. La Californie illustre ainsi parfaitement l’accentuation des phénomènes météorologiques extrêmes et leurs interactions avec les décisions d’aménagement urbain, créant un terrain favorable à des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et destructrices.

Dire que les incendies en Californie sont uniquement des catastrophes naturelles, c’est donc oublier l’impact majeur des activités humaines dans leur intensification. Avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les signaux d’alarme se multiplient. Le milliardaire américain, qui n’a pas hésité à qualifier le dérèglement climatique de « canular », soutient sans détour les industries du pétrole, du gaz et des énergies fossiles. Les choix politiques du président républicain, loin de ralentir le réchauffement climatique, aggravent les sécheresses et, par conséquent, les risques d’incendies dévastateurs. Avec une telle direction, l’avenir de la planète semble tracé : nous nous dirigeons rapidement vers une catastrophe planétaire.

Témoignages d’étudiantes montréalaises originaires de Los Angeles

En entretien, Camille Ting, étudiante à l’Université Concordia, originaire de Los Angeles, revient sur son expérience en tant qu’ habitante du quartier de Pasadena, dont le nord a été sévèrement touché par le feu Eaton. Elle déplore : « Tout est soit détruit, à moitié brûlé ou inhabitable. Je connais 50 personnes qui ont perdu leur maison. Tout le monde connaît quelqu’un qui a tout perdu. »

« Les vents étaient anormalement forts », confie Camille Ting. « Le courant a été coupé et tout s’est déclenché très vite. » Ses parents, convaincus que les médias exagéraient la réalité des incendies, ont refusé d’évacuer leur maison. Pour des locaux d’une région habituée aux feux saisonniers, cette réaction semblait presque naturelle. Pour Camille, il était clair que cette fois-ci, les événements prenaient une tournure exceptionnelle : « Je savais que ce n’était pas comme ce qu’on avait déjà vécu auparavant ». Alors que les flammes se rapprochaient dangereusement de leur maison, Camille et sa famille ont finalement pris la décision d’évacuer. Ils ont trouvé refuge chez une amie. Elle décrit les scènes qu’elle a vues comme « apocalyptiques, la qualité de l’air était terrible. On traversait les flammes et on voyait le quartier brûler dans le rétroviseur », raconte-t-elle.

« Tout est soit détruit, à moitié brûlé ou inhabitable. Je connais 50 personnes qui ont perdu leur maison. Tout le
monde connaît quelqu’un qui a tout perdu »
Morgan Bories, étudiante à McGill

Camille se souvient avec émotion de la solidarité de la communauté « Le Pasadena Community College a organisé une incroyable collecte de dons. Le campus était transformé en un centre de dons de type service à l’auto. Tous les habitants venaient pour donner tout ce qu’ils avaient. » L’étudiante californienne témoigne : « Il y avait tellement de générosité et d’amour, dès le lendemain des premiers incendies, alors même que les feux n’étaient toujours pas contrôlés. »

Morgan Bories, étudiante en économie à l’Université McGill, a passé la majeure partie de sa vie dans le quartier de Los Feliz, à Los Angeles. Lors du déclenchement des incendies, alors qu’elle se trouvait à Montréal, ses parents ont décidé d’ouvrir les portes de leur maison à ceux qui avaient tout perdu, leur quartier étant situé à une distance relativement sécuritaire des flammes.

Tout comme Camille, Morgan a évoqué l’histoire de son ancienne directrice d’école, très appréciée, dont la maison a été détruite par les flammes, pour souligner la solidarité qui s’est manifestée face à la tragédie. « Un GoFundMe a été lancé par un élève, et de nombreux dons ont afflué de la part d’élèves actuels et anciens, ainsi que des enseignants. Plus de 40 000 dollars ont été amassés en deux jours. La communauté peut vraiment se rassembler face à une catastrophe », souligne-t-elle.

Un avenir incertain

Pour Morgan, « assister à une catastrophe d’une telle ampleur, capable de provoquer autant de destruction en une seule journée, y compris dans des quartiers riches et influents, a été un électrochoc pour beaucoup. Cela a notamment éveillé les consciences de ceux qui considéraient le réchauffement climatique comme un problème distant, auquel ils pensaient pouvoir échapper. » Morgan et Camille insistent désormais sur la nécessité et l’urgence de transformer cet électrochoc en actions concrètes. Après les catastrophes climatiques de 2024, dont les ouragans Helene et Milton en Floride, ou encore les incendies de forêt au Canada, il devient évident qu’aucun endroit n’est réellement à l’abri des conséquences du dérèglement climatique. Avec des désastres climatiques appelés à se multiplier dans les années à venir, la nécessité d’agir devient de plus en plus pressante. Cependant, l’inaction politique à grande échelle jette une ombre inquiétante sur l’avenir de la planète.

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À quel jeu joue Elon Musk en Europe? https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/a-quel-jeu-joue-elon-musk-en-europe/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56833 Retour sur les récentes déclarations d’Elon Musk et sur ses objectifs.

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Après s’être assuré un pouvoir sans précédent aux États-Unis à la suite de sa nomination par Trump à la tête du département de l’Efficacité gouvernementale, Elon Musk s’attaque désormais à la scène politique européenne en ciblant différentes personnalités et partis politiques. Pour cela, Musk utilise son réseau social X comme caisse de résonance à son soutien à l’extrême droite, suscitant des accusations d’ingérence politique. Quels objectifs vise l’homme le plus riche du monde? Pourquoi s’en prendre à l’Europe ? Et quelles pourraient être les conséquences pour les relations américano-européennes? Pour répondre à ces questions, Jean-Yves Camus, journaliste, politologue et directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, livre au Délit son analyse sur ces prises de position controversées.

L’Allemagne et le Royaume-Uni en ligne de mire

À six semaines des législatives allemandes, Musk multiplie les attaques contre le chancelier Olaf Scholz, le qualifiant « d’imbécile incompétent (tdlr) », tout en affichant un soutien explicite à l’extrême droite en assurant que seul le parti d’extrême droite l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est en mesure de « sauver l’Allemagne ». Dans une tribune pour Die Welt, il a salué la politique de l’AfD en matière d’immigration, de réduction d’impôts et de dérégulation du marché.

Le jeudi 9 janvier, Musk a amplifié la controverse en participant et en organisant une diffusion en direct sur X avec Alice Weidel, la candidate de l’AfD aux élections législatives anticipées, provoquant l’indignation des dirigeants européens. Plusieurs parlementaires, dont Raphaël Glucksmann, la tête de liste française de PS-Place publique pour les élections européennes de 2024, ont appelé la Commission européenne à enquêter sur X et Tiktok et leur rôle potentiel dans la déstabilisation politique, exigeant des sanctions en cas de non-conformité aux règles européennes.

De manière semblable, depuis l’arrivée au pouvoir de Keir Starmer au Royaume-Uni en juillet 2024, Elon Musk a qualifié le premier ministre travailliste de dirigeant « maléfique » à la tête d’un « État policier tyrannique ». Il l’accuse notamment de ne pas avoir poursuivi des criminels impliqués dans des affaires de violences sexuelles dans le nord de l’Angleterre lorsqu’il était directeur des poursuites publiques entre 2008 et 2013, des accusations que Starmer réfute, dénonçant mensonges et désinformation.

Par ailleurs, Musk a proposé un soutien financier de 100 millions de dollars à Nigel Farage, chef du parti conservateur et eurosceptique Reform UK, pour renforcer l’opposition conservatrice, une offre déclinée par Farage. Le désaccord s’est creusé après le soutien affiché par Musk à Tommy Robinson, militant d’extrême droite et adepte des théories du complot, anti-immigration et anti-musulmans condamné en 2024 pour diffamation envers une jeune réfugiée d’origine syrienne.

Quels objectifs?

Selon Jean-Yves Camus, « toute la question est de savoir si Musk agit avec l’approbation de Donald Trump ou s’il continue, poussé par sa mégalomanie, à vouloir saturer l’espace d’un réseau social qui lui appartient ». Cette interrogation survient à quelques jours de l’investiture de Donald Trump, dans un contexte où les Européens s’inquiètent des conséquences de l’arrivée au pouvoir de ce dernier, notamment sur la défense du Vieux Continent dans l’éventualité d’une agression russe. Si l’hypothèse que Musk agit avec l’approbation de Trump se confirme, cela pourrait indiquer, selon Jean-Yves Camus, un projet politique bien plus ambitieux et préoccupant : celui de constituer un réseau populiste européen qui aurait pour but de propager la vision trumpiste, remettant potentiellement en cause les fondements démocratiques et institutionnels de l’Europe.

Le politologue met en garde contre le risque de donner une importance excessive à Elon Musk dans les affaires européennes. Il souligne également que ce type de rapprochement entre l’Europe et les soutiens de Donald Trump n’est pas une nouveauté. Jean-Yves Camus évoque notamment la Conservative Political Action Conference (CPAC), un rassemblement politique annuel des conservateurs américains. En 2019, Steve Bannon, ancien stratège de Donald Trump, avait tenté d’étendre cette initiative en Europe en s’immisçant dans les politiques nationales, à l’approche des élections européennes. Son objectif : « créer une fondation européenne destinée à fédérer les partis d’extrême droite », rappelle Camus. L’échec de Steve Bannon à fédérer l’extrême droite européenne rappelle que, tout comme Elon Musk qui se base davantage sur sa fortune et son influence, des partis comme le RN, Fratelli d’Italia, le FPÖ ou encore le Fidesz n’ont pas attendu des figures extérieures pour s’imposer sur la scène politique.

Jean-Yves Camus évoque une autre hypothèse pour expliquer les agissements d’Elon Musk : « miser sur sa force financière et médiatique pour entraîner dans son sillage des partis européens ». Selon lui, cela pourrait passer par des subventions et la promotion de contenus en période électorale, une stratégie qui n’est pas sans rappeler les objectifs politiques de l’ingérence russe, permettant de saturer un réseau social qui lui appartient pour l’alimenter, récupérer des données et faire parler de soi. Toutefois, il rappelle que les pays européens disposent de règles strictes encadrant le financement politique par des donateurs étrangers, tandis que le Parlement européen et la Commission veillent à empêcher toute transformation des élus en agents d’influence étrangère.

Elon Musk peut-il changer la donne en Europe?

En réalité, tout dépend de la réponse de l’Union Européenne (UE) et du degré de liberté que Trump laissera à Elon Musk à la suite de son investiture. « Tout dépend jusqu’où l’UE est prête à aller vis-à-vis de la puissance économique de Musk, qui est nettement supérieure à celle de nombre d’États », soutient Jean-Yves Camus. Le nouveau Parlement et la nouvelle Commission issus des élections de 2024, plus conservateurs, montrent peu d’appétit pour des actions fortes. Des figures comme la première ministre italienne Meloni négocient avec Von der Leyen, présidente de la Commission européenne tandis qu’Orbán, premier ministre hongrois ignore les sanctions européennes. Le politologue rappelle que « l’UE est malheureusement une non-puissance politique, freinée par une diplomatie commune faible et l’absence d’une armée propre », ce qui laisse l’avantage à Musk.

La relation entre Elon Musk et Donald Trump est un autre élément clé à surveiller. Pour l’instant, « Trump et lui ne sont pas encore en fonction et peuvent lancer les idées les plus extrêmes pour remercier les électeurs les plus radicaux », analyse Jean-Yves Camus. Toutefois, il nuance : « Ce sera plus compliqué quand la diplomatie, on peut l’espérer, reprendra ses droits. »

L’implication de Musk dans les affaires européennes, mais aussi dans les enjeux internationaux, dépasse largement le cadre des fonctions confiées par Trump. Cette omniprésence a conduit l’ancien président à déclarer lors d’un discours à Phoenix, en Arizona, le 23 décembre : « Non, il ne va pas devenir président. » Une remarque qui laisse entrevoir que l’orgueil de Trump pourrait être la seule véritable limite à l’influence croissante de Musk.

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