Jeanne Marengère - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/j-marengere/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 15 Jan 2025 01:26:05 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.1 Ma vieille amie, la dépression saisonnière https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/ma-vieille-amie-la-depression-saisonniere/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:50 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56866 Doit-on réellement craindre les mois hivernaux?

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La dépression saisonnière, ce mal insidieux qui s’immisce avec les premières bourrasques de novembre, avec le changement d’heure, ne m’est plus étrangère. Pendant des années, j’ai redouté cette période. Je redoutais les journées qui raccourcissent, le froid qui s’épaissit et les nuits qui semblent s’allonger infiniment. Mais cette année, quelque chose a changé. Cette année, j’ai décidé de l’apprivoiser, d’y voir le beau qu’elle a à offrir.

Cette année, je me soumets à la dépression saisonnière, je choisis d’y trouver du réconfort. Je sors de la bibliothèque et il fait un noir dense. Il me neige gentiment dans les yeux. Je marche vers le métro. Par les années précédentes, la simple pensée du froid montréalais et de la tristesse caractéristique du campus à ce temps-ci de l’année m’aurait donné envie de me mettre en petite boule et d’hiberner jusqu’en mars. Mais cette année, je vois les choses différemment. Cette année, je trouve un charme à la mélancolie hivernale, au froid et à sa solitude.

Cette évolution dans ma perception me surprend et me réjouit à la fois. L’an dernier, à cette même période, j’avais confié au Délit que ma résolution pour l’année 2024 était de « vaincre la dépression saisonnière ». Ironique, me direz-vous, que je choisisse de l’accueillir pleinement cette année. Mais peut-être est-ce justement cela, l’astuce : ne pas chercher à la combattre, mais à la comprendre, à l’accepter, voire à en tirer parti.

Profiter de l’hiver

Il se trouve que dans la dépression saisonnière, cette année tout particulièrement, je trouve un appel à ralentir, à contempler. Les journées qui s’allongent lentement offrent maintenant une promesse presque imperceptible, celle du retour de la lumière. Mais, en attendant, la noirceur m’impose un rythme plus doux, plus intime. Le silence de l’hiver et l’immobilité de la neige encouragent une introspection profonde. Dans l’éloignement et la réflexion, il y a l’occasion de grandir, de regarder en soi, loin de la superficialité souvent associée à l’été. Cette année, je lis plus – pas pour l’école, mais pour mon plaisir personnel. J’écris plus aussi. Je dirais même que je pense plus, plus à moi, plus à ce qui se passe dans ma tête.

En soit, c’est beau de se dire que c’est l’inertie de l’hiver qui me force à me plonger au plus profond de ma tête et à contempler mon esprit. En réalité, il est quelque peu regrettable que je n’en sois pas venue à cette conclusion plus tôt : le calme de l’hiver se doit d’être porteur de changement intérieur, doit me servir à grandir et devenir meilleure.

Pendant l’été, l’insouciance nous porte. Les jours longs et les nuits courtes, les terrasses animées, les amis réunis – tout cela est distrayant et ne permet pas, à mon avis, le même type de réflexion que l’hiver. En hiver, c’est qu’il n’y a nulle part où fuir, nulle part où se cacher. On se retrouve seul avec ses pensées. Et c’est là que réside peut-être la beauté cachée de cette saison : elle nous force à affronter nos démons, à explorer des parties de nous-mêmes que nous n’avions pas osé regarder en face – ou que nous avions ignorées, réprimées, jusque là.

Des résolutions productives

Cette année, je profite de la dépression saisonnière. Je m’alimente mieux, j’ai un horaire stable de sommeil, je prends du temps pour moi. Après des mois de sorties et de sommeil chaotique, cela fait du bien de se concentrer sur soi. Ce sont des gestes simples, mais qui font toute la différence. Peut-être que cette possibilité de me détacher de l’anxiété hivernale provient d’une forme de privilège, un privilège me permettant de ne pas réellement craindre la noirceur de l’hiver. Après tout, j’ai un toit, de quoi manger, et des gens qui m’aiment. Mais je crois aussi qu’il y a quelque chose d’universel dans cette capacité à rééquilibrer ses attentes face à l’hiver québécois. Il y a aussi peut-être une forme de responsabilité qui réside en chacun de nous de s’assurer qu’on ne se laisse pas engloutir par le noir de l’hiver. Alors, plutôt que d’espérer vivre dans les mêmes conditions que l’été, pourquoi ne pas se réjouir de ce que l’hiver a à nous offrir? Pourquoi ne pas tenter de maximiser son potentiel trop souvent sous-estimé, en prenant le temps de se recentrer sur ce qui est important?

L’hiver impose une lenteur qui peut paraître oppressante, mais qui peut aussi être libératrice. On apprend à apprécier les petits plaisirs : mon café matinal, les rayons du soleil qui réchauffent le fond de mon cuir chevelu, les flocons qui se posent sur mes cils. L’an dernier, je vous aurais dit que comme je ne suis pas particulièrement adepte des sports d’hiver, cette saison n’avait rien de bien à m’offrir. Malgré tout, cette année, ce sont ces moments, si insignifiants soient-ils, qui prennent une ampleur nouvelle, puisque j’ai choisi de les remarquer, de les célébrer.

« Mais peut-être est-ce justement cela, l’astuce : ne pas chercher à la combattre, mais à la comprendre, à l’accepter, voire à en tirer parti »

S’adapter à elle

Pour moi, le secret réside dans l’adaptation. Il ne s’agit pas de nier la rudesse de l’hiver ou de prétendre qu’il est facile d’y survivre. Mais on peut – et on devrait – apprendre à danser avec cette réalité, à régler son mode de vie sur le tempo imposé par cette saison. Cela passe par des ajustements concrets : des sorties planifiées pour contrer l’isolement, des activités qui nourrissent l’esprit, et un soin particulier accordé à sa santé mentale et physique. Avec toutes ses stratégies réunies, je crois fermement que l’hiver saura nous révéler toute sa splendeur, et nous permettra de grandir durant ces mois de froid.

Ce processus demande de l’humilité. Accepter que l’hiver ne soit pas parfait, qu’il soit dur, et que la mélancolie qu’il apporte ne puisse être entièrement évitée. Mais dans cette acceptation réside une forme de paix. L’hiver, avec sa solitude, son froid et sa lenteur, devient alors une période de gestation, une pause nécessaire avant le renouveau du printemps. C’est pourquoi cette année, je choisis de ne pas lutter. Je choisis de me laisser porter par la saison, de trouver la beauté dans ses ombres et la chaleur dans ses silences. Et qui sait, peut-être que cette dépression saisonnière, loin d’être une ennemie, pourrait devenir une guide, une muse, une opportunité de grandir, et ma plus grande alliée en cet hiver.

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Entre appartenance et culpabilité https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/entre-appartenance-et-culpabilite/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56703 Exister sur des terres volées.

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L’ « indigénéité » – traduction littérale du mot indigeneity (l’état d’être indigène, ou d’être relié à ce qui est indigène, tdlr) – occupe une place grandissante dans la sphère publique québécoise, où l’on discute de plus en plus d’enjeux liés au passé colonial de la province. Ce concept représente bien plus qu’une simple appartenance à un territoire, ou une simple occupation des terres. C’est un lien profond, ancestral, tissé entre un peuple et une terre, marqué dans ce cas- ci par une histoire de résistance face à la colonisation. Pourtant, au Québec, et plus précisément à Montréal (Tiohtiá:ke), ce n’est que très peu d’entre nous qui peuvent se considérer indigènes au territoire. Je ne le suis pas.

Franco-descendante, née ici, j’ai grandi avec l’amour du Québec et l’appréciation du multiculturalisme montréalais. J’attribue une grande part de l’adulte que je suis devenue à la chance que j’ai eue, enfant, de grandir ici. Cette terre a fondé mon identité, a bercé mes années et m’a offert une maison. Pourtant, elle ne m’appartient pas.

Comment être fière d’une identité qui, contre mon gré, est ancrée dans une histoire de domination et de marginalisation?

Il existe en moi un conflit constant, presque viscéral : d’un côté, un attachement à cette terre, ma terre de naissance, empreinte de cet esprit de « chez-soi » ; de l’autre, une culpabilité indéniable et grandissante, à l’idée que cette maison repose sur des terres qui n’appartiennent ni à moi, ni à mes ancêtres. Comme plusieurs Montréalais·e·s, je me heurte à ces sentiments, qui peuvent aux premiers abords sembler inconciliables : aimer l’endroit où l’on a grandi, avec tout ce qu’il représente de souvenirs et d’identité, tout en étant pleinement conscient·e de l’injustice historique qui a permis cet enracinement – une injustice qui continue d’avoir des répercussions sur les peuples autochtones aujourd’hui. Malgré tout, je vous l’assure, ces contradictions me tiraillent l’esprit au quotidien, et ce, encore plus depuis que j’étudie à McGill.

Faire la part des choses

Le Québec est pour moi bien plus qu’un simple lieu géographique, bien plus que là où j’ai grandi. Ce sont ses paysages, ses lacs et ses montagnes qui inspirent la sérénité et qui ont ponctué mes étés, une culture où la musique, la langue et les récits façonnent nos identités. J’ai grandi dans une ville où les bruits du métro, le froid qui pince les joues l’hiver et la renaissance que nous connaissons tous les printemps ont fait de cette province mon chez-moi… Mais à quel prix?

Cet amour pour le Québec est marqué par des paradoxes. La culture québécoise, à laquelle je tiens tant, est un produit de la colonisation, un résultat d’un long processus historique qui a graduellement effacé les voix des Premières Nations, faisant d’elles un simple murmure dont les politicien·ne·s d’aujourd’hui ne se soucient pratiquement pas. Notre langue, symbole de résistance à l’assimilation anglaise, a elle-même été imposée aux peuples autochtones à un coût dévastateur – celui de la perte quasi-totale de leurs propres langues. Comment être fière d’une identité qui, contre mon gré, est ancrée dans une histoire de domination et de marginalisation?

Plus j’en apprends sur l’histoire des Premières Nations – à noter que le curriculum enseigné dans les écoles primaires et secondaires québécoises serait à revoir, puisqu’il continue de peindre les peuples autochtones dans une représentation figée dans un passé lointain – plus je ressens le poids de mon rôle inconscient dans la marginalisation des communautés autochtones. Nos ancêtres ont arraché ces terres, décimé des communautés, abusé de l’autorité qu’ils·elles s’étaient eux·elles-mêmes attribué·e·s, et aujourd’hui encore, les séquelles du colonialisme persistent, omniprésentes : pauvreté, marginalisation, et oppression demeurent des réalités marquant le quotidien de nos Premières Nations. Nous, les Québécois·e·s aimons parler de notre propre oppression sous l’Empire britannique, mais nous oublions souvent que nous avons été, et sommes toujours, des colonisateur·rice·s sur ces terres.

Ce qui semble « impossible » est souvent une construction sociale destinée à préserver le statu quo, et perpétuer la subjugation des communautés marginalisées au profit des communautés dominantes.

Reconnaître sa responsabilité pour réconcilier

Ce poids historique ne doit pas nous paralyser, mais doit plutôt agir comme un agent de transformation. Reconnaître que notre présence ici repose sur des injustices passées est un premier pas, mais ce constat doit être accompagné par des actions concrètes. La décolonisation, bien qu’idéaliste pour certain·e·s, est pourtant une obligation morale. Redistribuer les terres justement, offrir des rétributions financières aux peuples touchés, et soutenir les initiatives menées par les communautés autochtones ne sont pas des gestes hors de l’ordinaire, mais des réparations nécessaires. Bien qu’il est ici question du Québec, c’est à travers le Canada tout entier que l’on doit continuer d’exercer une pression pour que les communautés autochtones cessent d’être traitées comme inférieures.

Dans d’autres contextes, comme celui de la Palestine, des figures comme Francesca Albanese, qui ont su capter l’attention sur les réseaux sociaux dans les dernières semaines, soutiennent que la restitution n’est pas une utopie, mais bien un impératif de justice. Pourquoi serait-ce différent ici? Les obstacles logistiques et politiques ne devraient pas excuser notre inaction. Ce qui semble impossible est souvent une construction sociale destinée à préserver le statu quo, et perpétuer la subjugation des communautés marginalisées au profit des communautés dominantes.

Au quotidien, des gestes simples peuvent aussi soutenir la réconciliation : s’éduquer sur l’histoire autochtone, remettre en question les récits dominants, privilégier les entreprises autochtones, et surtout, écouter. Dialoguer avec humilité et reconnaître que la décolonisation commence par nos choix, autant individuels que collectifs, est essentiel si on espère un jour bâtir une société québécoise réellement inclusive où tous·tes peuvent s’épanouir.

Partager son chez-soi?

Au fil du temps, j’ai appris que l’amour de son chez-soi ne devrait pas être aveugle. On peut chérir sa maison tout en reconnaissant les torts historiques qui la caractérisent. C’est une dualité difficile, mais nécessaire. Le vrai amour, après tout, implique d’affronter les vérités inconfortables, desquelles on aimerait détourner le regard, afin de chercher à réparer ce qui a été brisé.

Pour moi, réconcilier appartenance et culpabilité, c’est reconnaître que mon lien à cette terre n’effacera jamais celui des Premières Nations, et que ce dernier primera toujours sur les sentiments que je peux avoir à l’égard de ma terre de naissance, quels qu’ils soient. Cela implique non seulement de questionner mes privilèges, mais aussi de transformer ma gratitude pour ce territoire en un engagement actif pour un avenir plus juste.

Un « chez-soi » authentique ne peut exister que lorsque tout le monde y trouve sa place. Ce n’est qu’en bâtissant une société où chacun·e – et ce incluant les peuples autochtones – peut vivre avec dignité que nous pourrons aimer notre chez-nous sans honte. Un pas dans la bonne direction serait de commencer par arrêter de détourner les yeux de notre histoire, et au contraire, de la confronter. En tant que Québécoise, j’espère un jour voir un Québec réconcilié avec son passé, où la solidarité n’est pas une aspiration lointaine, mais une réalité. C’est un rêve, oui, mais un rêve qui peut devenir réalité si nous le portons ensemble, main dans la main.

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Garder tout et pour toujours https://www.delitfrancais.com/2024/10/02/garder-tout-et-pour-toujours/ Wed, 02 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56125 Le hoarding chez les étudiant·e·s universitaires.

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La semaine dernière, ma mère m’a forcée à faire un grand ménage de mon placard, me poussant à trier les vêtements que j’ai accumulés depuis déjà plusieurs années, mais dont j’avais refusé de me départir. J’ai fait trois piles : les « je garde absolument, je ne pourrais jamais les donner », les « bof, je sais pas trop », et les « ça, personne, pas même la personne la moins stylée sur Terre, ne voudrait le mettre ». Après quelques heures de tri, j’ai fini par constater que la vaste majorité de mes vêtements se retrouvaient inévitablement dans la pile « à garder » , et que la pile de dons demeurait obstinément assez modeste. Je me suis alors demandée si je n’étais pas, comme ma grande-tante l’avait été avant moi, une hoarder (syllogomaniaque).

« Ces objets, bien qu’ils aient pu avoir une place chère à notre cœur, évoquent aujourd’hui une signification émotionnelle disproportionnée, et les abandonner devient alors bien plus difficile que prévu »

Selon le dictionnaire Cambridge, un·e hoarder est « une personne qui souffre d’un trouble mental les menant à vouloir conserver un grand nombre d’objets qui ne sont pas nécessaires ou qui n’ont pas de valeur (tdlr) ». Traditionnellement associé aux personnes âgées, le terme hoarder est généralement péjoratif et sous-entend une tendance à l’excès, une dégénération, souvent caractérisée par une perte de contrôle totale de ses moyens face à l’accumulation impressionnante d’objets. Or, ce tri de ma garde-robe m’a fait comprendre que le hoarding n’est pas un phénomène réservé aux personnes âgées. Bien que ce soit à une échelle différente dans mon cas, j’en étais victime. Je crois d’ailleurs qu’il est beaucoup plus répandu chez les jeunes adultes qu’on ne le pense, en particulier chez celles et ceux de notre âge. Nous accumulons aussi, mais notre hoarding revêt une forme différente de celui qu’on associe aux personnes âgées vivant recluses avec pour seule compagnie leur panoplie d’objets inutiles. À notre niveau, ce sont souvent des objets de moindre valeur matérielle, auxquels on accorde toutefois une grande valeur émotionnelle. Pour moi, ce sont ces vêtements que je ne porte jamais, mais dont je n’arrive pas à me départir, parce que je les associe à des souvenirs ou à des moments marquants de ma vie, alors que pour d’autres, ce pourrait être la robe portée à leur graduation, le fameux t‑shirt Frosh, ou ce collier offert par un·e ex-partenaire. Ces objets, bien qu’ils aient pu avoir une place chère à notre cœur, évoquent aujourd’hui une signification émotionnelle disproportionnée, et les abandonner devient alors bien plus difficile que prévu.

Le hoarding émotionnel chez les jeunes adultes

Le hoarding chez les jeunes adultes, en particulier chez les étudiant·e·s, peut être alimenté par plusieurs facteurs, notamment le stress, la peur du changement, ou encore le désir d’occuper un espace qui leur est propre. L’université représente souvent un moment de transition, qui implique de nombreux départs, changements de vie et expériences qui forgent l’identité. Ainsi, les objets personnels, que ce soit des bibelots ou des vêtements, peuvent devenir des ancres, des repères émotionnels dans un monde en constante évolution. L’attachement à ces objets est souvent un moyen de préserver un lien avec des moments passés ou des relations anciennes.

Cette accumulation n’est pas forcément considérée comme problématique tant qu’elle ne dépasse pas des proportions excessives. On pourrait dire que beaucoup de jeunes adultes sont des « hoarders en devenir » : leur collection d’objets émotionnels augmentant discrètement avec le temps. Dans mon cas, c’est la quantité de vêtements que je possédais qui avait atteint une ampleur démesurée, et il a fallu que ma mère m’accule au pied du mur pour que je prenne conscience de l’état de mon placard.

Les applications de revente

Heureusement, l’ère numérique nous donne accès à des plateformes comme Depop, Vinted, ou Facebook Marketplace qui permettent à la fois de vendre et d’acheter des articles de seconde main. Mais, ces plateformes offrent-elles un soulagement pour les hoarders, leur permettant de se départir de leurs biens, ou sont-elles plutôt des outils faciliant leurs tendances pernicieuses? Ces applications offrent une nouvelle perspective sur le processus de désencombrement : plutôt que de jeter ou donner, on peut vendre ses biens, leur permettant ainsi de circuler et d’avoir une seconde vie chez autrui, qui saura, on l’espère, les apprécier à leur juste valeur.

Cependant, ces plateformes ne permettent pas seulement de désencombrer ses placards, mais aussi de les renflouer. En effet, elles favorisent l’achat à bas prix, ce qui introduit une dynamique hautement contradictoire. Bien qu’elles offrent un moyen pratique de se débarrasser de vêtements, elles facilitent aussi l’accumulation en rendant l’achat de nouveaux articles presque aussi – voire plus – simple que la vente. Beaucoup de jeunes comme moi, en particulier dans un contexte universitaire où l’on doit jongler avec un budget serré, se voient tenté·e·s d’acheter à moindre coût. Cela crée un cycle où les placards se vident d’un côté, mais se remplissent de l’autre, sans qu’on ait réellement réduit la quantité d’objets possédés. Dans certains cas, se débarrasser de certains objets offre même le prétexte idéal pour racheter, menant à une accumulation perpétuelle.

« L’université représente souvent un moment de transition, qui implique de nombreux départs, changements de vie et expériences qui forgent l’identité. Ainsi, les objets personnels, que ce soit des bibelots ou des vêtements, peuvent devenir des ancres, des repères émotionnels dans un monde en constante évolution »

Ainsi, ces plateformes se situent à la croisée des chemins : elles peuvent être vues comme des outils pour réduire l’encombrement et la consommation excessive, mais elles peuvent tout aussi bien alimenter de nouvelles formes d’accumulation. À mon avis, la population universitaire est malheureusement victime de la facilité d’utilisation et des prix alléchants que ces plateformes offrent. Cela souligne à quel point le rapport aux objets dans la vingtaine est complexe : la tentation d’acheter reste toujours présente, même au milieu d’une démarche de désencombrement.

En somme, le hoarding dans la vingtaine est un phénomène souvent ignoré, mais, comme j’en témoigne, bien réel, particulièrement dans le milieu universitaire. Bien qu’il soit généralement perçu comme un problème affectant les personnes plus âgées, il est aussi important de souligner sa place chez les jeunes adultes. Les plateformes de revente comme Depop et Vinted offrent des solutions modernes à ce dilemme, permettant aux jeunes adultes de désencombrer sans se heurter à la difficulté émotionnelle de se débarrasser de leurs objets précieux. Dans ce processus de lâcher-prise souvent difficile à affronter, il est important de se rappeler que même si l’on peut ressentir un certain vide dans l’instant, les objets que l’on abandonne trouveront une nouvelle vie entre les mains d’un·e prochain·e, qui saura tout autant les apprécier.

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Lettres à nos vrais amours https://www.delitfrancais.com/2024/09/18/lettres-a-nos-vrais-amours/ Wed, 18 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55808 L’hégémonie du couple est largement dépassée.

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Cet été, lors d’un voyage à Paris, j’ai retrouvé mon amie Margaux, que je n’avais pas vue depuis un an, et nous avons discuté de nos amours et de nos amitiés. J’ai parlé de mes rencontres de la dernière année. Margaux m’a parlé de sa lecture du moment, Nos puissantes amitiés d’Alice Raybaud. Après un long échange sur les différentes formes que peut prendre l’amour, nous sommes arrivées à la conclusion que les amitiés – bien trop souvent considérées comme futiles ou secondaires – avaient fautivement été remplacées par le couple comme source principale d’amour au quotidien. Toutes deux, nous avons convenu que nous nous devions de refuser la sacralisation du couple, comme la société semble si souvent le faire, parce que nous percevons nos amitiés comme un véhicule unique d’amour qui se doit d’être revalorisé. Nous rêvons d’un monde où le couple est relégué au second plan et où les amitiés sont réimaginées et mises au centre de nos vies.

La place de l’amour dans nos vies

On s’entend tous·tes pour dire qu’être aimé·e est crucial au bon déroulement de nos vies. Quelqu’un·e qui se sent constamment seul·e, ou entouré·e de personnes ne lui accordant pas l’amour qu’il·elle requiert, se sentira vite déprimé·e, abandonné·e. Ceci dit, dans la vingtaine, on semble souvent associer couple et amour comme deux concepts intrinsèquement liés. Néanmoins, cette association omet les formes d’amour platonique, toutes aussi importantes que l’amour romantique. Pour beaucoup, l’amitié offre un réconfort comparable au couple – sinon supérieur – en procurant une connexion profonde et un soutien sans contraintes.

Pourtant, il est normalisé dans notre société de délaisser ces liens amicaux afin de privilégier son·sa partenaire, son travail ou ses enfants. Replacer nos amitiés au centre de nos vies requiert un effort conscient qui peut être difficile lorsqu’on navigue dans un emploi du temps chargé au début de la vingtaine. L’amitié, contrairement aux relations de couple qui peuvent parfois être marquées par la possession ou la dépendance, propose un amour dénué d’attentes exclusives. Elle permet une exploration plus vaste des sentiments, une découverte de soi et de l’autre, où chacun·e peut s’épanouir. C’est pourquoi, comme le note Raybaud dans Nos puissantes amitiés, les amitiés peuvent offrir un sentiment de liberté puissant, souvent initiateur d’émancipation. Ces relations, comme l’autrice le souligne, peuvent faire de l’amitié un outil de révolution, un espace de résistance.

Histoire du couple

Le couple, tel qu’il vit dans notre imaginaire collectif, est loin d’avoir toujours été fondé sur l’amour et le romantisme. Pendant des siècles et encore aujourd’hui selon les cultures, le mariage servait d’abord à consolider des alliances sociales et économiques, au détriment de satisfaire des désirs affectifs. C’est à partir du 20e siècle, avec l’émergence des idéaux bourgeois et la montée d’une société individualiste, que l’amour romantique a pris la place centrale qu’on lui connaît. Adulte, il n’est désormais plus commun de vivre avec nos parents et grands-parents sous le même toit. Alors, on met des attentes irréalistes sur le·la partenaire avec qui on vit, qui doit combiner à la fois le poids émotionnel d’une relation amoureuse, et le rôle de famille. Dès l’enfance, on nous inculque dans les contes de princesses qu’il nous faut trouver un prince charmant et qu’on devrait consacrer la majorité de notre temps à notre partenaire romantique. Aujourd’hui, notre société est organisée de manière couple-centrique, avec une monogamie largement privilégiée. Sur le plan fiscal, les avantages offerts aux couples mariés ou en union civile, comme les réductions d’impôts et les facilités pour l’acquisition de biens immobiliers, renforcent cette norme. La cohabitation avec son·sa partenaire est banalisée et surtout, moins chère à tous les niveaux. Cette incitation à former une famille, souvent réduite à une structure biologique et hétéronormative, marginalise les autres formes de relations.

L’idée que le couple doit être l’unique source d’épanouissement et d’accomplissement personnel est ainsi une construction récente, souvent liée à l’idéal de la famille nucléaire. En retraçant l’Histoire du couple, il devient évident que ce modèle n’a jamais été une réalité fixe mais bien une invention culturelle qui évolue avec le temps. Alors pourquoi ne pas imaginer de nouvelles formes d’organisations sociales, plus adaptées à notre vision de la vie?

« En fin de compte, l’idée n’est pas de rejeter le couple ou de nier son importance pour ceux et celles qui s’y épanouissent, mais de faire de la place à d’autres manières d’aimer et de vivre ensemble »

Remettre l’amitié au cœur de nos vies

Être et vivre en couple n’est pas un problème en tant que tel : le binôme conjugal convient à bon nombre de personnes. Ce que nous jugeons problématique, c’est qu’il s’agisse du seul horizon possible et acceptable pour exister dans l’ensemble du paysage social. L’« amatonormativité », théorisée par la philosophe Elizabeth Brake, décrédibilise et invisibilise toute autre relation d’affection et d’intimité, à commencer par l’amitié. Les personnes aromantiques ou asexuel·le·s, par exemple, sont les premier·ère·s à exprimer d’autres façons de donner et recevoir de l’amour. Sur TikTok, on voit apparaître des hashtags platonic life partnership (partenariat de vie platonique, tdlr) qui accompagnent des vidéos du quotidien d’ami·e·s qui collaborent financièrement et domestiquement, sans sentiment romantique ni attirance sexuelle.

Cette création de liens de communauté revient donc au cœur de la discussion, car nous avons tous·tes besoin de partage, de mise en commun et de solidarité pour se construire individuellement. Mais pourquoi chercher à construire ces relations exclusivement avec des partenaires romantiques, avec qui on a des relations sexuelles ou dont on est amoureux·se? Cette faible valorisation de l’amitié dans les projets de vie est paradoxale. Au quotidien, nous sommes tous·tes d’accord pour dire que les ami·e·s sont essentiel·le·s et que l’on nécessite leurs conseils, leur soutien, leur humour et amour. De même, un deuil amical est tout autant voire plus déchirant qu’un deuil amoureux.

Margaux Thomas | Le Délit

Une nouvelle hiérarchisation de nos relations s’impose. Les réflexions autour de la sororité commencent à grandir avec le féminisme. La vie en communauté attire et c’est grâce à l’influence de la communauté queer – trop souvent amenée à choisir sa famille – que nous avons vu les bienfaits de faire de ses ami·e·s et de sa famille choisie les pilliers de nos vies.

À notre échelle

Il est bien beau de prêcher l’amitié comme forme ultime d’amour, mais comment peut-on appliquer ces belles paroles à notre quotidien? Dans un monde où l’on nous pousse à prioriser carrière, couple et enfants, on peut choisir des modes de vie alternatifs, comme la colocation à un âge plus avancé ou l’éducation d’enfants en coparentalité amicale. Ces choix permettent une remise en question de l’idée que le couple doit être le pilier de toute organisation sociale, et permet de choisir les relations centrales à nos vies.

Cependant, ce sont les avantages institutionnels, légaux et financiers accordés aux couples qui rendent ces changements plus complexes. Acheter une maison ou bénéficier de réductions fiscales sont des privilèges souvent réservés aux couples, reléguant ce choix de mode de vie hors couple aux marges.

Une nouvelle manière de vivre

L’amitié, et toutes les autres formes de relations fraternelles·sororales, est, selon nous, un modèle de vie qui peut s’ajouter à la vie binomiale déjà largement acceptée. Dans l’habitation, la parentalité, la vieillesse, c’est le désir de prendre soin les uns des autres qui prime, et ce besoin de mutualité est loin d’être exclusif au cadre étroit du couple romantique. Ce que Margaux et moi avons envisagé au cours de notre discussion, c’est une nouvelle manière de vivre, où les amitiés ne seraient plus des compléments à nos quotidiens, mais des piliers fondamentaux de nos existences.

En fin de compte, l’idée n’est pas de rejeter le couple ou de nier son importance pour ceux et celles qui s’y épanouissent, mais de faire de la place à d’autres manières d’aimer et de vivre ensemble. D’ailleurs, Mona Chollet nous fait mettre en perspective notre épanouissement amoureux dans son ouvrage que nous vous conseillons, Réinventer l’amour. En réinventant nos relations et en remettant l’amitié au cœur de nos vies, nous ouvrons la voie à des formes de solidarité et d’amour plus inclusives, plus libres, et peut-être, finalement, plus justes.

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#bratsummer https://www.delitfrancais.com/2024/09/11/bratsummer/ https://www.delitfrancais.com/2024/09/11/bratsummer/#respond Wed, 11 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55682 Que du bien associé à la tendance de l’été?

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Tout l’été, du moins pour ceux·celles dit·e·s « chroniquement en ligne » comme moi, nous avons été bombardé·e·s de contenu mettant en avant le nouveau concept du Brat Summer. L’expression qui se traduit en français comme « l’été des pestes (tdlr) » est le fruit du nouvel album de la chanteuse britannique Charli XCX, disponible sur les plateformes d’écoute depuis le début du mois de juin. Depuis, Internet s’est emparé du titre Brat et en a fait son hymne pour l’été, voyant se décupler le nombre de publications utilisant le vert néon caractéristique de l’album, créant dans cet élan l’expression virale de notre été 2024. Mais qu’est-ce qu’implique la philosophie du Brat Summer, et est-ce que son impact sur la jeunesse peut être vu comme positif? Y a‑t-il plus de négatif à mettre en avant une telle idéologie, et est-il possible que cette tendance ait été poussée trop loin?

Historique du Brat Summer

Tout commence le 7 juin dernier, avec le lancement de l’album Brat de la chanteuse pop Charli XCX. Dès lors, les fils d’actualité d’Instagram et Tiktok ont connu une vague déferlante de publications en lien avec l’album. Avant même sa sortie, ce sont les singles, notamment Von Dutch sorti le 29 février dernier, qui faisaient le buzz. Dès juin, avec l’entièreté de l’album désormais disponible à l’écoute, c’est d’abord la chanson Apple qui gagne en momentum sur les réseaux sociaux, grâce à la danse lui étant associée. Sur Tiktok, ce sont 1,6 millions de publications qui utilisent la chanson, devenue pour plusieurs la bande sonore du Brat Summer.

En comparaison au Hot Girl Summer

Une question que j’ai aussi jugée importante de relever quant au Brat Summer, c’est en quoi ce phénomène diffère de l’expression qui avait marqué les derniers étés, le fameux Hot Girl Summer. Selon Charli XCX, « la fille brat est une fille qui est un peu bordélique et qui aime bien faire la fête, qui fait des choses un peu débiles parfois… mais qui est aussi très honnête. » Le Hot Girl Summer, popularisé dès 2019 avec la sortie de la chanson du même titre par Megan Thee Stallion, pour sa part, se définissait comme une attitude confiante et insouciante prônée auprès des femmes, les encourageant à prioriser leur bonheur avant celui des autres. Le Hot Girl Summer valorisait également une attitude positive et inclusive en ce qui a trait à l’image corporelle et célébrait l’individualité de tous·tes et chacun·e.

« Il me semble clair que le Hot Girl Summer avait beaucoup à faire avec le physique et l’inclusion de tous les corps, alors que le Brat Summer représente plutôt une envie collective de se libérer des dogmes sociétaux et de réellement s’émanciper du regard de l’autre »

Si l’on compare ces deux mouvements, il me semble clair que le Hot Girl Summer avait beaucoup à faire avec le physique et l’inclusion de tous les corps, alors que le Brat Summer représente plutôt une envie collective de se libérer des dogmes sociétaux et de réellement s’émanciper du regard de l’autre. D’une part, on avait donc un mouvement centré sur l’acceptation de ses différences, et d’une autre, ce même esprit du je‑m’en-foutisme, mais appliqué à nos actions. Sous l’ère du Brat Summer, c’est alors sans souci de la perception de l’autre que les gestes et actions sont posés.

Et ses impacts?

Le Brat Summer a certainement su créer un sentiment de communauté qui transcende les barrières géographiques. À travers le monde, les jeunes se sont senti·e·s interpellé·e·s par l’envie de liberté qui sous-tend la philosophie mise en avant dans les différents morceaux de l’album. Qui plus est, l’album Brat a connu un écho retentissant au sein de la communauté queer, qui a été particulièrement interpellée par cet esprit de liberté, autant au niveau des actions qu’au niveau de l’expression personnelle. Les fans queer, souvent en quête de liberté face aux normes rigides de la société, se sont identifié·e·s au caractère rebelle et désinvolte du Brat Summer. Cet état d’esprit leur a permis de se réapproprier des espaces où ils·elles peuvent exprimer leur identité sans entraves, où la fête devient un acte de résistance et où la spontanéité devient un moyen d’affirmation de soi.

Stu Doré

Trop loin?

Cependant, il est essentiel de se questionner sur les potentielles dérives d’une telle philosophie. Si le Brat Summer encourage une certaine forme d’émancipation, il peut également normaliser des comportements irresponsables sous prétexte de liberté, des actions entreprises dans un esprit de « je le peux, donc je le fais ». Dans certains cas, le fait de glorifier l’insouciance et de minimiser les conséquences de certaines actions peut mener à des situations où l’on se sent autorisé·e·s à franchir certaines limites, qu’elles soient légales, morales, ou personnelles. On peut donc, sous le prétexte du Brat Summer, poser des actions qui heurtent les gens qui nous entourent ou encore nous-même. Il reste donc à méditer si notre génération est dotée de lobes frontaux assez développés pour discerner où se trouvent les limites de l’acceptable.

Un album quelque peu controversé

Je crois également impératif de discuter des principales controverses associées à la sortie de l’album de Charli XCX. La polémique est née du soutien de Charli à la candidate présidentielle démocrate, Kamala Harris, déduit du tweet de la chanteuse britannique publié le 22 juillet, où elle écrivait « Kamala IS brat ». Rapidement, la campagne électorale de Harris a adopté le vert néon de l’album, certainement par envie d’interpeller le jeune électorat américain. Ceci dit, Charli XCX, qui ne peut d’ailleurs pas voter aux États-Unis, a reçu de nombreuses critiques en lien avec son soutien pour Harris, notamment en ce qui concerne le passé de la candidate aux élections présidentielles comme procureure en Californie, ainsi que ses opinions quant au génocide qui a actuellement lieu en Palestine. Au final, Charli a offert comme réponse que « sa musique n’est pas politique » et qu’elle espérait que ce tweet, soit « positif et léger ».

Dans la même veine, Charli a aussi été critiquée pour son amitié avec Dasha Nekrasova, co-animatrice du podcast Red Scare. Celle qui aurait d’ailleurs inspiré le morceau Mean girls a vu une vidéo d’elle faire surface, où elle habillait sa cible en carton dans un centre de tir avec une keffiyeh, dont le port est actuellement largement associé à la lutte palestinienne. Leur amitié a donc attiré l’attention des fans de la chanteuse – et avec raison – et mené à des questions quant aux prises de position politiques de Charli.

Le titre 365 a lui aussi beaucoup fait parler. La controverse entourant cette chanson est principalement liée à son traitement explicite de la consommation de drogues, notamment de la cocaïne. En effet, les paroles font une référence directe à l’usage de cette substance, ce qui a provoqué de vives critiques de la part de certains auditeur·rice·s, choqué·e·s par une telle banalisation, voire glamourisation de l’usage de drogues dures, en particulier auprès de ses jeunes fans. Bien que certain·e·s défendent le titre, en disant qu’il reflète une réalité sombre et personnelle plutôt qu’une incitation à consommer, cette dimension de la chanson a ravivé un débat sur la responsabilité des artistes pop dans la manière dont ils abordent des sujets sensibles, comme l’usage de drogues, récréatif ou non.

Brat Summer : Bien ou pas?

Pour conclure, le mouvement peut parfois risquer de basculer dans une glorification excessive du chaos, faisant passer au second plan des valeurs importantes telles que la bienveillance, l’esprit critique ou la responsabilité sociale. Ceci étant dit, tout comme le Hot Girl Summer a marqué une génération, il est indéniable que le Brat Summer a su incarner un souffle nouveau pour l’été 2024 et continuera certainement d’inspirer la Génération Z. Il aura su redéfinir les contours de la liberté individuelle, de choix et d’expression, dans une période post-pandémique où l’envie de légèreté et de festivité a pris une importance particulière. Le véritable défi réside alors dans la capacité de cette nouvelle tendance à trouver un équilibre entre l’expression de soi et le respect des autres et du monde qui nous entoure. Somme toute, je crois que le Brat Summer aura su être un été de fêtes, d’amitiés et de sourires, du moins en ce qui me concerne. J’espère donc qu’on gardera à l’esprit cette frivolité qui a rendu l’été 2024 tant mémorable.

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S’enrichir l’esprit à en oublier son privilège https://www.delitfrancais.com/2024/08/28/senrichir-lesprit-a-en-oublier-son-privilege/ Wed, 28 Aug 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55521 Voyager dans la vingtaine, c’est une chance.

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Cet été, j’ai eu la chance de pouvoir partir en voyage pendant un mois et demi. Pour tout vous dire, c’est un heureux concours de circonstances : les étoiles se sont alignées en ma faveur, ce qui m’a permis de prendre un mois de vacances que j’ai pu passer en Europe. À l’instant même, j’y suis toujours, et tous les jours, je me répète que c’est un privilège immense que de pouvoir se permettre de telles vacances, d’une part au niveau financier, et d’une autre en termes de temps.

Je vous rassure, ce n’est pas parce que j’oublie mon privilège que je choisis de réitérer de façon quotidienne ma gratitude de pouvoir voyager. C’est plutôt à cause des discours auxquels j’ai pu être confrontée durant ce voyage, qui m’ont forcée à constater que nombreux·euse sont les voyageur·euse·s de mon âge qui tiennent pour acquis ce privilège – celui-ci est d’ailleurs offert à une infime partie de la population – et qui ont tendance à minimiser la chance qu’ils·elles ont de pouvoir s’offrir de telles expériences à un si jeune âge. Je pense notamment à mes parents, qui ont grandi moins nantis que leurs enfants, et qui n’ont pu se permettre de voyager que passé la trentaine.

Rome et Selma

Durant les quelques jours que j’ai passés à Rome, j’ai fait la rencontre de Selma*, jeune voyageuse égyptienne dans sa vingtaine, qui elle aussi voyageait en solo et se trouvait à passer quelques jours en Italie entre deux destinations européennes. C’est elle qui a initié ma réflexion sur le privilège, parce qu’en discutant avec elle, j’ai rapidement remarqué que le discours qu’elle tenait à l’égard des voyages entrait en contradiction directe avec les conceptions que j’avais rencontrées en ce qui a trait au voyage. Autour d’un café qui nous avait à peine coûté deux euros, elle se plaignait des prix en Italie qu’elle trouvait odieux, des touristes qui, selon elle, rendaient la ville invivable, ainsi que de la chaleur qui était – je lui accorde – accablante. La pauvre Selma, qui en était à sa sixième journée de voyage sur un total d’environ 10 jours, avait déjà hâte de rentrer. Elle avait hâte de rentrer en Égypte non parce qu’elle s’ennuyait de sa famille ou de ses ami·e·s, mais bien parce qu’elle ne reconnaissait pas la beauté ou la grandeur de ce qui se trouvait sous ses yeux et préférait s’attarder sur les quelques problèmes qu’elle avait pu vivre. Pour elle, les petits désagréments du voyage pesaient si lourd dans la balance qu’elle en oubliait de profiter, de saisir tous les petits moments et d’en garder des souvenirs mémorables. Parler avec elle a remis en perspective mon avis sur le voyage, et m’a poussée à vouloir encore plus découvrir tout et tout absorber, malgré les possibles dérangements qui font partie intégrante de l’expérience du·de la jeune voyageur·euse.

Voyager, c’est un privilège qu’on oublie trop souvent.

À Montréal, certain·e·s en ont marre du voyage

En prenant des nouvelles de certain·e·s ami·e·s durant mes vacances, un sujet qui est revenu à plusieurs reprises lors de nos appels, c’est ce discours qui se propageait au sein de nos entourages qui soulignait qu’après un certain temps en vacances, il était normal d’avoir hâte de rentrer à Montréal, et ce pour retrouver son confort. C’est vrai que les longs voyages peuvent engendrer un certain sentiment de mal du pays, mais à mon avis, c’est extrêmement privilégié de se plaindre qu’on s’ennuie de son lit quand on vit le voyage dont certain·e·s ont possiblement rêvé toute leur vie.

Aujourd’hui, ça fait un mois tout juste que je suis en Europe. C’est vrai que j’ai parfois hâte de retrouver mes ami·e·s, ma mère, mon chat ; mon confort quoi. Mais à chaque fois que ces pensées font surface, je me rappelle à quel point j’ai travaillé fort pour m’offrir ces vacances. J’ai de la chance d’avoir un emploi étudiant qui paye assez bien, de ne pas avoir une famille qui dépend de ce salaire, de vivre chez mes parents de bénéficier de prêts qui payent mes études, et j’en passe. Tous ces facteurs réunis ont créé un scénario qui m’a permis de pouvoir prendre ce temps et m’offrir ce voyage. En parlant avec certain ·e·s de mes ami·e·s, on m’a dit à quel point j’étais chanceuse de pouvoir partir en vacances parce qu’eux·elles n’avaient pas de vacances, parce qu’eux·elles avaient un loyer à payer, ou encore parce qu’ils·elles ne pouvaient pas se permettre de partir aussi longtemps, car ils·elles devaient prendre soin d’un parent. Voyager, c’est un privilège qu’on oublie trop souvent.

Jeanne Marengère | Le Délit

Morale de l’histoire

Ce qu’il faut tirer de mon expérience, c’est que chaque voyage, quel que soit sa durée ou sa destination, est une opportunité d’apprentissage bien plus importante que les moments passagers qui nous font remettre en question ce qu’on gagne à voyager. C’est bien plus qu’une simple pause dans notre routine quotidienne, c’est un moment pour grandir, pour découvrir le monde, et surtout, pour mieux se comprendre soi-même. Lorsque je regarde en arrière, je réalise que le voyage n’est pas seulement un luxe matériel, mais aussi un luxe au niveau personnel. C’est une parenthèse dans le quotidien où l’on peut enfin sortir de sa routine, rencontrer de nouvelles personnes, découvrir des cultures, et se reconnecter avec le monde qui nous entoure.

Je ne dis pas que chaque instant du voyage est parfait. Comme Selma a su me le souligner, j’ai moi aussi eu des moments d’agacement, de fatigue et même de frustration face à des imprévus ou des aspects de mon voyage que je n’avais pas anticipés. Malgré tout, ce sont ces quelques complications, ces dérangements, qui donnent tout son relief, toute sa richesse, à l’aventure qu’est le voyage à notre âge. Ils nous rappellent que, même si tout ne se déroule pas toujours comme prévu, ce sont ces souvenirs qui marqueront nos esprits et qui sauront nous faire grandir.

À présent, avec quelques jours encore devant moi en Europe, je me sens pleine de gratitude pour chaque instant vécu, même ceux qui n’étaient pas toujours plaisants. Pour tout vous dire, je dirais même que ce sont ceux pour lesquels je suis la plus reconnaissante, parce que ce sont ces moments qui mettent en perspective toutes les belles choses que j’ai pu vivre et pour lesquelles je suis tant heureuse d’avoir pu faire ce voyage à mon âge. Si je pouvais donner un conseil à toute personne qui voyage, ce serait de toujours se rappeler que ce qu’on vit n’est pas donné à tout le monde, et que ce voyage qui nous a par moment semblé long est profondément formateur parce qu’il a su nous forcer à renoncer à notre confort auquel on est souvent bien trop attaché.

*nom fictif

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Laissons aux femmes le droit de choisir https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/laissons-aux-femmes-le-droit-de-choisir/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55176 Pourquoi les hommes ont-ils encore leur mot à dire sur l’habillement féminin dans le sport?

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Depuis que le sport compétitif nécessite des vêtements, celui-ci a été régi par des règles concernant l’habillement des athlètes. Ces restrictions existent pour plusieurs raisons, incluant la sécurité des participant·e·s, pour maximiser leur performance, ainsi que pour rendre le sport plus visuellement attrayant pour les spectateur·trice·s. Cependant, ces règles ont une tendance pernicieuse : celle de mettre en avant les corps des athlètes féminines afin de plaire au regard masculin. L’histoire du sport est marquée par de multiples instances où les femmes ont dû se soumettre à des normes strictes en matière d’apparence, souvent dictées par les standards sociaux découlant du patriarcat et de l’objectifiation historique des corps féminins. Dans le sport compétitif, l’hypersexualisation du corps féminin perpétue des préjugés sexistes injustes sur les femmes athlètes, et aujourd’hui, elles en ont assez d’être traitées comme de la chair servant à attirer le spectateur masculin.

Victimes du regard masculin

Va-t-on un jour laisser à nos athlètes féminines la chance de choisir leur tenue? Il semblerait que ce n’est pas pour tout de suite : les dernières années ont été ponctuées d’incidents liés aux revendications d’athlètes féminines
concernant des restrictions leur étant imposées quant à l’habillement. On pense à l’équipe norvégienne de handball de plage qui a été forcée à payer une amende de plus de 2 000 dollars canadiens pour avoir opté pour des cuissards au lieu du bikini traditionnellement imposé lors d’un championnat européen en 2021. Des gymnastes allemandes ont aussi été ciblées par la critique après s’être présentées aux qualifications des Jeux olympiques de Tokyo en 2021 habillées de combinaisons couvrant les jambes et les bras, au lieu des léotards échancrés auxquels le public est habitué. Il aura fallu attendre 2023 pour que le tournoi de tennis Wimbledon assouplisse ses restrictions ultra-strictes quant à l’habillement complètement blanc qui était imposé aux joueurs
comme aux joueuses, mais qui était depuis bon temps remis en question par les joueuses qui se disaient inconfortables de devoir porter du blanc durant leurs menstruations. Ce qu’il faut en comprendre, c’est que les femmes dans le sport ont toujours été contraintes par des tenues inconfortables, inadéquates ou tout simplement trop révélatrices.

Une tendance se dessine en ce qui concerne les questions esthétiques dans le sport féminin : celle de la prévalence du male gaze dans les décisions prises à l’égard des tenues féminines dans le sport compétitif. Il semblerait qu’il soit nécessaire que le spectateur masculin se sente interpellé par les tenues légères des athlètes –
et non par leurs prouesses sportives – pour daigner s’intéresser au sport féminin. À mon avis, il est déplorable qu’on réduise encore aujourd’hui les femmes athlètes à leur apparence physique plutôt qu’à leurs performances sportives, et qu’on accorde autant d’importance au fait que leurs jambes soient dévoilées au lieu de leur offrir la reconnaissance qu’elles méritent.

« Ce qu’il faut en comprendre, c’est que les femmes dans le sport ont toujours été contraintes par des tenues inconfortables, inadéquates ou tout simplement trop révélatrices »

Je pense aussi qu’on se doit de souligner la prédominance des hommes sur les comités responsables de légiférer sur les tenues vestimentaires imposées aux athlètes féminines. Si on se penche sur le cas du Comité international olympique (CIO), on remarque rapidement que les neuf présidents ayant été à sa tête sont des hommes depuis
sa création en 1894. En date de décembre 2023, sur les 16 personnes administrant le CIO, seules cinq étaient des femmes. Cette inclination n’existe pas seulement au sein du CIO, mais aussi dans de nombreuses autres instances dirigeantes du monde sportif. Cette sous-représentation féminine dans les organes décisionnels renforce les inégalités de genre et influence sans doute les politiques qui régissent les tenues sportives féminines.

Le pouvoir de choisir

Selon Guylaine Demers, membre du Groupe de travail fédéral sur l’équité des genres en sport et professeure titulaire à l’Université Laval, c’est bien plus qu’une controverse sur le port du bikini : il s’agit d’une question
d’autonomie et de choix. En effet, les femmes dans le milieu sportif réclament bien plus que la simple autorisation de porter certains vêtements, mais une réelle considération de leurs préférences, de leur confort et de leur liberté de choix en ce qui concerne leur apparence et leur habillement lors de leur participation aux évènements sportifs. Dans ses mots : « L’enjeu n’est pas d’interdire le bikini et d’imposer le short, mais que les athlètes puissent prendre des décisions par et pour elles-mêmes, qu’elles puissent se réapproprier leur corps. »

« Il semblerait qu’il soit nécessaire que le spectateur masculin se sente interpellé par les tenues légères des athlètes – et non par leurs prouesses sportives – pour daigner s’intéresser au sport féminin »

Cela m’a fait penser à l’interdiction du port du hijab pour les athlètes féminines françaises lors des Jeux olympiques de 2024. Dans la foulée du mouvement de laïcité en France, l’équipe olympique française a annoncé l’automne dernier son intention de bannir le port du hijab pour ses athlètes. Bien qu’il existe des explications culturelles sous-tendant cette interdiction, il m’apparaît clair que c’est encore une fois une forme de légifération sur les corps féminins qui n’a pas lieu d’être. Il est malheureux qu’encore une fois, on force ces athlètes à devoir
choisir entre leur passion pour le sport qu’elles pratiquent et leur religion.

Il est impératif de reconnaître que la lutte pour l’égalité dans le sport va bien au-delà de la simple question de vêtements. Ceci étant dit, l’habillement reste un combat central à la cause féministe dans le sport de haut niveau, puisque ces règles reflètent souvent des normes sexistes et patriarcales qui réduisent les femmes à leur apparence physique plutôt qu’à leurs compétences athlétiques. L’histoire du sport est marquée par de multiples situations où
les femmes ont été contraintes de se conformer à des normes esthétiques injustes, souvent dictées par le regard masculin. Il est essentiel que les athlètes féminines aient le pouvoir de choisir leurs tenues en fonction de leurs préférences, de leur confort et de leur liberté individuelle. En donnant aux femmes athlètes la possibilité de se réapproprier leur corps et de prendre des décisions autonomes, nous pouvons travailler vers un sport plus inclusif et équitable pour tous·tes. Enfin, de récentes controverses entourant notamment le port du hijab dans le sport mettent en lumière la nécessité de lutter contre toute forme de légifération sur les corps féminins. Il est temps de mettre fin à ces pratiques discriminatoires et d’adopter une approche plus respectueuse de la diversité et de l’autonomie des athlètes féminines.

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Boycotter pour faire entendre sa voix https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/boycotter-pour-faire-entendre-sa-voix/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55063 Nos actions parlent souvent plus que nos mots.

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Dans un monde de plus en plus interconnecté et conscientisé, le pouvoir du boycott comme véhicule de protestation et comme outil pour initier le changement social n’a jamais été aussi prégnant. Au cœur de ce mouvement se trouve l’acronyme BDS, signifiant Boycott, Divest, Sanctions, une campagne mondiale de boycott économique et culturel visant à faire pression sur Israël afin de les contraindre à se conformer au droit international en ce qui concerne les droits des Palestinien·ne·s. Sur leur site, on peut lire : « BDS soutient le simple principe que les Palestinien·ne·s ont droit aux mêmes droits que le reste de l’humanité (tdlr) ». Cette initiative, qui trouve ses racines dans la société civile palestinienne et la diaspora, s’est étendue à travers le monde, suscitant un débat passionné sur les questions de justice, de droits de l’Homme, mais surtout, sur les résultats concrets de telles mesures. Malgré sa popularité, un discours continue de circuler au sein des cercles universitaires, soulevant un doute quant à l’efficacité du boycott, particulièrement pour les jeunes qui ont un pouvoir d’achat limité. Aujourd’hui, dans le contexte sociopolitique actuel, je juge qu’il est crucial de boycotter, peu importe qui nous sommes, peu importe notre sentiment de petitesse face aux grandes entreprises.

« À notre niveau, les sanctions ne sont peut-être pas de notre ressort, mais il est crucial qu’en tant que jeunesse consciente et révoltée, nous continuions de réclamer des sanctions économiques et diplomatiques sur le régime génocidaire sioniste »

Boycott, Divest, Sanctions

Le mouvement BDS repose sur une stratégie non violente visant à faire entendre la voix des Palestinien·ne·s et de leurs allié·e·s afin de mettre fin à l’occupation israélienne de la Palestine, ainsi qu’à d’autres politiques discriminatoires imposées par le régime colonial d’Israël. En réponse à cette campagne, des individus, des organisations et même des États ont pris des mesures pour boycotter des produits, des entreprises et des événements ayant des liens directs ou indirects avec Israël. Le boycott peut prendre plusieurs formes : on peut penser à la Ligue arabe qui, de 1945 à 1980, a mis en place un boycott massif de tous produits dit « sionistes » ou encore à nos choix du quotidien, incluant le boycott d’institutions montréalaises qui peuvent avoir tenus des propos répréhensibles vis-à-vis du génocide en Palestine.

Le boycott d’Israël est donc un acte concret d’opposition à l’État sioniste, qui consiste à refuser de participer à son économie ou à sa culture, dans le but de limiter les gains économiques résultant de l’oppression des Palestinien·ne·s, tout en refusant d’accorder une quelconque légitimité à l’État. Dans notre ère, teintée par l’attrait du consumérisme, le boycott conscient de certains produits représente la seule avenue pour faire entendre aux grandes industries et aux sionistes – notre désaccord avec leur rôle, actif ou passif, dans le génocide des Palestinien·ne·s. À tous les niveaux, que notre portefeuille soit bien garni ou que nous soyons étudiant·e·s avec un budget limité, nous pouvons faire front commun contre le traitement inhumain des Palestinien·ne·s.

Le boycott en proie à la critique


Cependant, le boycott comme prise de position politique n’est pas sans controverse. Certain·e·s le voient comme un outil légitime pour exercer une pression pacifique en faveur du changement, tandis que d’autres le condamnent, allant parfois même jusqu’à dire qu’il est inutile. Ces appréhensions quant à l’efficacité du boycott proviennent souvent d’un sentiment d’impuissance. On pourrait comparer un tel discours aux gens qui disent « Pourquoi voter? Mon vote ne sera pas celui qui fera la différence. » Effectivement, nous vivons dans une ère où nous sommes constamment bombardé·e·s de nouvelles accablantes, nous pouvons donc parfois être sous l’impression d’être impuissant·e·s face aux grandes entreprises qui sont parties prenantes dans plusieurs enjeux globaux actuels. Néanmoins, c’est bien dans ce contexte que les petites actions du quotidien comptent le plus.

Selon mon expérience, le boycott fonctionne. Depuis le 7 octobre, j’ai moi-même participé au boycott de plusieurs institutions et produits aux affiliations répréhensibles aux côtés de plusieurs ami·e·s et connaissances. Je ne mentirai pas, ce n’est pas simple quand nous sommes habitués à consommer certains produits au quotidien et que soudainement, nous sommes confronté·es à la dure réalité qu’il faut boycotter pour rester fidèles à nos valeurs. Ceci étant dit, il m’est clair que depuis, le boycott a su faire sentir ses effets sur les plus grandes entreprises. Je pense notamment à la chaîne de cafés Starbucks : nombreux·euses sont ceux·celles qui ont choisi d’arrêter d’y acheter leurs boissons après avoir entendu parler d’un nouvel incident avec la compagnie, qui a d’ailleurs un historique assez controversé en ce qui a trait à la situation en Palestine.

Cette fois-ci, c’est la réponse de Starbucks à une publication sur X d’un de ses syndicats, le Starbucks Workers United, où il était mentionné « Solidarité avec la Palestine » accompagné d’une image montrant une clôture délimitant la bande de Gaza se faisant démolir, qui est à la source du boycott. Après cette publication, Starbucks s’est empressé de condamner l’union pour sa prise de position, menant à un boycott massif de la fameuse compagnie de café. Depuis, des employé·e·s ont témoigné que les succursales connaissent des temps difficiles, avec moins de client·e·s et une chute du prix de l’action de 7%, en date de décembre dernier. On peut également penser à la filiale de Starbucks en Égypte, où des coupures importantes ont eu lieu suite aux attaques meurtrières commises sur le peuple palestinien depuis octobre. On peut donc constater que le boycott fonctionne si suffisamment d’individus se sentent interpellé·e·s par la cause pour agir, pour en faire un mouvement d’action collective.

« Aujourd’hui, dans le contexte sociopolitique actuel, je juge qu’il est crucial de boycotter, peu importe qui nous sommes, peu importe notre sentiment de petitesse face aux grandes entreprises »

Le désinvestissement et les sanctions

Chez les étudiant·e·s, ayant été témoins des conséquences d’un boycott bien orchestré, la question qui persiste est celle à savoir si le boycott est un moyen de pression suffisant lorsqu’il opère seul. Je pense en effet qu’il est crucial de rappeler que le boycott c’est bien, mais que ce n’est pas assez. Pour maximiser son impact, il est important qu’il soit jumelé à d’autres initiatives qui imposent une pression similaire sur les institutions qu’on cherche à faire flancher. Jeudi dernier, le 22 février, le groupe SPHR (Students for Palestinian Human Rights) a organisé une action collective impliquant l’obstruction de l’entrée du bâtiment Bensadoun pendant une journée entière, empêchant ainsi la tenue régulière des cours de la Faculté de gestion Desautels. Cette protestation servait spécifiquement à demander à l’Université de mettre fin à un de ses programmes d’échange avec des universités en Israël. D’autres formes de mobilisation organisées sur le campus incluent la grève de la faim (@mcgillhungerstrike), qui dure déjà depuis le 19 février.

À notre niveau, les sanctions ne sont peut-être pas de notre ressort, mais il est crucial qu’en tant que jeunesse consciente et révoltée, nous continuions de réclamer des sanctions économiques et diplomatiques sur le régime génocidaire sioniste. Le désinvestissement, pour sa part, est entre nos mains : si nous continuons de nous organiser autour de la cause palestinienne, les institutions comme McGill finiront bien par entendre la voix de ceux·celles qui lui permettent de fonctionner, et se devront d’agir de pair avec l’opinion étudiante. Bien que cela puisse venir avec son lot de difficultés, c’est maintenant que nous devons prendre action, et le boycott n’est qu’une façon parmi tant d’autres de faire entendre son désaccord. Boycottons maintenant, boycottons pour faire entendre nos voix!

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O’Keeffe et Moore au MBAM https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/okeeffe-et-moore-au-mbam/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54976 La nature au cœur des œuvres des deux artistes modernistes.

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Le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) accueille du 10 février au 2 juin 2024 une exposition rétrospective sur la vie de deux des artistes les plus influents du mouvement moderniste ; Georgia O’Keeffe et Henry Moore. D’une part, O’Keeffe est connue pour ses peintures, de l’autre, Moore l’est pour ses sculptures. O’Keeffe, géante de l’art moderne américain, et Moore, reconnu comme l’un des artistes britanniques les plus importants de sa génération, se rencontrent pour une valse harmonieuse au MBAM. De salle en salle, le visiteur est plongé au cœur même de leurs mondes, presque écrasé par l’omniprésence grandiose de la nature et du vivant dans leurs œuvres. Malgré le fait que les deux artistes ne se soient croisés qu’une seule fois durant leur vivant, leurs œuvres se marient harmonieusement grâce à leur amour commun pour la nature environnante, leur servant de source majeure d’inspiration. Passant des fleurs bien connues d’O’Keeffe aux ossements méticuleusement sculptés par Moore, l’exposition nous transporte au cœur de leurs vies, au cœur de leurs arts.

La juxtaposition de leurs œuvres permet de déceler les similitudes existantes entre leurs arts : on remarque plusieurs ressemblances dans leurs démarches artistiques, donnant un sens plus clair au jumelage de leurs entreprises. Un autre point commun relevé lors de l’exposition est que les deux artistes ont notamment expérimenté avec le style surréaliste. Là où O’Keeffe jouait sur les limites de l’abstraction avec ses fleurs, Moore optait pour des techniques de sculpture rappelant des formes humaines, tout en explorant les frontières du figuratif. Ainsi, on se retrouve en pleine immersion dans un monde de coquillages et de fleurs, qui brouille la frontière entre l’abstrait et le réel. De plus, les techniques de juxtaposition en peinture ont été exploitées
autant par O’Keeffe que par Moore, et ajoutent à l’aspect surréaliste de leurs arts. Plusieurs peintures, de Moore comme d’O’Keeffe, représentaient la perspective d’un os ou d’un coquillage devant le ciel ou encore devant un paysage désertique néo-mexicain, offrant des panoramas surréalistes fascinants. La mise en dialogue de leurs œuvres force le visiteur à constater la grande similarité entre leurs travaux : dans une marée de roches, de coquillages, d’ossements et de fleurs, leur passion pour la nature est indéniable.

Pour ce qui est de l’expérience lors de la visite, l’exposition est plutôt courte, ne regroupant que trois salles, mais comprenant tout de même plus d’une centaine d’œuvres des deux artistes. Les murs ont subi un traitement leur donnant un aspect plus organique et fluide afin de créer un univers susceptible d’accueillir et de mettre en valeur les œuvres des artistes. La pièce la plus marquante est probablement celle qui nous permet d’observer une reconstruction des ateliers d’O’Keeffe et de Moore : le visiteur est alors invité à s’immiscer dans l’intimité des artistes, en des lieux teintés par l’individualité de ces derniers, mais qui partagent plusieurs similitudes. On note qu’ils avaient tous deux des collections extensives de roches, d’os et de coquillages. L’éclairage était relativement tamisé, mais sans pour autant enlever au dynamisme des salles. En général, la scénographie de l’exposition a été réalisée avec beaucoup de finesse, permettant une visite agréable.

Bien que son œuvre puisse sembler redondante, il aurait été intéressant qu’on dédie à O’Keeffe une exposition lui étant entièrement consacrée, où l’on aurait pu explorer avec plus de profondeur la complexité de son travail et sa place de pionnière au sein du mouvement moderniste. Malgré le fait qu’elle et Moore aient été des icônes du milieu artistique de façon concomitante, le lien entre leurs œuvres se limite à l’importance accordée par chacun à la nature comme source d’inspiration. Ainsi, j’aurais aimé voir une telle exposition – joignant l’œuvre de deux artistes d’envergure – regrouper des artistes ayant partagé plus qu’une passion, ou encore ayant travaillé ensemble. Malgré tout, l’exposition vaut la peine par le simple fait qu’elle offre une mise en dialogue inédite entre les œuvres d’O’Keeffe et de Moore, permettant de jeter un regard nouveau sur leurs entreprises respectives.

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Mettre la Saint-Valentin à la poubelle https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/mettre-la-saint-valentin-a-la-poubelle/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54729 Pourquoi s’agit-il d’une fête dépassée?

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Ce matin, en entrant à la pharmacie, j’ai été témoin de l’annuelle prise d’assaut des tablettes par les cœurs rouges et roses, les chocolats aux emballages thématiques, ainsi que les peluches tout aussi insignifiantes les unes que les autres. Dans l’esprit de cette effervescence éphémère et rituelle, j’ai constaté que cette année encore, la Saint-Valentin se trouvait à nos portes. Une journée teintée par le rouge de la passion pour certain·e·s, pour d’autres par l’horreur d’être encore seul·e·s cette année, la Saint-Valentin n’a plus de raison d’être en 2024. Certain·e·s diront que la fête de l’amour a encore un rôle important aujourd’hui, qu’elle nous permet de consacrer une journée à l’amour, mais il me semble plus que clair que sa période glorieuse est depuis longtemps révolue. Cette frénésie annuelle n’est en réalité que le fruit d’un travail méticuleusement orchestré par les doigts agiles du capitalisme et des normes sociales rigides : la Saint-Valentin n’est aujourd’hui rien de plus qu’un prétexte pour se dire « je t’aime ». Dans cet océan d’hétéronormativité et de consumérisme, il est grand temps de remettre en question la superficialité de cette célébration ponctuelle de l’amour, et de se questionner sur la nécessité d’une telle journée.

Célébration de l’hétéronormativité

Cupidon par ci, « veux-tu être mon·ma valentin·e » par là, la Saint-Valentin est une fête qui trouve sa pérennité dans le confort que représente le couple hétérosexuel. Cette fête est en réalité profondément enracinée dans des normes sociales étroites et rigides, limitant l’inclusivité d’une fête qui, au contraire, devrait être ancrée dans l’amour, peu importe qui cela unit. Cette célébration perpétue un récit romantique qui ne correspond plus toujours à la réalité des couples d’aujourd’hui : nombreux·euses sont ceux·celles qui disent ne plus s’identifier avec la célébration traditionnelle de cette fête. En se focalisant principalement sur les partenariats hétérosexuels et les expressions d’affection conformes aux normes sociétales, la Saint-Valentin exclut implicitement de nombreuses autres formes d’amour et de relations. De plus, pour ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’image hétérogenrée du couple, cette journée devient souvent un rappel malheureux de leur manque d’inclusion au sein de la société. Bien que plusieurs tentent de se réapproprier la Saint-Valentin afin d’en faire une fête à leur image, les couples non conventionnels, ceux qui sortent des normes de genre peuvent se sentir exclu·e·s ou invisibilisé·e·s par cette fête centrée sur des idéaux romantiques stéréotypés. En réalité, la Saint-Valentin, loin d’être une célébration universellement accueillante de l’amour, reflète plutôt les limites et les préjugés de nos normes sociales établies.

Appel au consumérisme capitaliste

Un aspect déjà longuement dénoncé de cette fête est son incitation à la consommation matérielle excessive. Escapade au spa, bouquets de fleurs qui finiront à la poubelle d’ici la semaine prochaine, cartes personnalisées ou encore bijoux aux prix exorbitants : la Saint-Valentin est une invitation à dépenser sans réfléchir aux potentiels impacts de notre consommation. La fête est reconnue par tous·tes les amoureux·euses comme l’occasion de faire plaisir à son·sa partenaire en lui offrant du chocolat, des fleurs ou encore toute sorte de cadeaux hors de prix. Effectivement, peu se questionnent sur le besoin réel d’offrir quelque chose de matériel au-delà de sa présence pour l’être aimé : plusieurs se contenteraient de passer une belle journée en compagnie de leurs êtres chers, sans pour autant céder à la pression commerciale inhérente à cette fête. En effet, l’industrie capitaliste profite largement de la Saint-Valentin en bombardant les consommateur·rice·s avec une multitude de produits soi-disant essentiels à l’expression de leur amour. L’industrie crée ainsi un climat de compétition sociale où l’expression de l’affection est mesurée en fonction de la valeur monétaire des cadeaux offerts. Pourtant, l’amour véritable est loin de se mesurer à une valeur monétaire, et devrait plutôt l’être en gestes sincères et en moments partagés. Cette commercialisation de la Saint-Valentin perpétue une culture de la consommation où l’amour est souvent réduit à une transaction financière. La véritable essence de l’amour réside dans les petites attentions quotidiennes, la présence attentive et le soutien mutuel, bien loin des artifices matérialistes imposés par la société de consommation.

« C’est triste de constater que nous avons besoin d’une célébration ponctuelle commune pour accorder du temps à l’amour, alors que chaque jour devrait être une opportunité de cultiver et de nourrir nos relations de manière spontanée et sincère »

Pour une vision plus authentique de l’amour

À mes yeux, la Saint-Valentin s’est développée à travers les années comme une fête vide de sens, j’irais même jusqu’à dire fake. Les œillères que la société s’est imposées quant à la célébration de la Saint-Valentin limitent l’infinité de formes que peut prendre l’amour. En effet, l’amour ne peut être canalisé en une unique journée : il s’agit d’un concept plus grand qui devrait transcender l’ensemble de nos actions et pensées. Qu’on ait envie de passer notre Saint-Valentin avec nos ami·e·s, avec notre famille, ou encore avec notre partenaire, on devrait mettre au placard le stigma qui existe autour de l’amour atypique. L’amour, platonique comme romantique, devrait avoir sa place au sein de la société et se doit de recevoir la même reconnaissance, peu importe sa forme. Il ne devrait pas y avoir de pression à célébrer cette journée avec quiconque en particulier, considérant que préférer être entre ami·e·s, en famille ou seul·e, est tout aussi légitime que passer la journée avec un·e partenaire romantique. Devoir s’entendre sur cette date, le 14 février, pour démontrer tous en cœur notre amour perpétue une vision étroite de l’affection, où l’expression des sentiments est dictée par les conventions sociales plutôt que par le désir organique de montrer notre amour. C’est triste de constater que nous avons besoin d’une célébration ponctuelle commune pour accorder du temps à l’amour, alors que chaque jour devrait être une opportunité de cultiver et de nourrir nos relations de manière spontanée et sincère.

Vers un futur plus amoureux

Dans un article satirique publié au Délit en 2018, l’autrice suggérait à McGill de faire de la Saint-Valentin un congé férié. Bien que cela puisse sembler loufoque, ce serait véritablement la manière de permettre une célébration de la fête de l’amour en bonne et due forme : on pourrait ainsi s’accorder une journée complète de célébration qualitative avec les gens qu’on aime. Bien qu’il y ait une part de bon à assigner une journée internationale à l’amour, je plaiderais en faveur d’une reconsidération de sa valeur, et proposerais de faire de nos vies une célébration continue de l’amour, incitant tous·tes à chérir les gens qui les entourent au quotidien. Ça peut paraître cynique, mais j’irais même jusqu’à dire qu’on devrait abolir la Saint-Valentin. Sachant que ce n’est pas près d’arriver, je suggère qu’en tant que communauté, nous nous contentions d’un effort conscient visant à faire de nos vies une célébration perpétuelle des gens qu’on aime, tout en accordant une attention particulière à la déconstruction des normes sociales qui sous-tendent la célébration de cette fête.

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Être Noir·e à McGill https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/etre-noir%c2%b7e-a-mcgill/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54546 Professeur·e·s et étudiant·e·s s’entendent qu’il faut faire plus

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L’expérience académique pour les étudiant·e·s noir·e·s de McGill s’avère être sensiblement différente de celle du reste des élèves. Pour en apprendre plus sur le bien-être de la communauté noire au sein de l’environnement étudiant mcgillois, Le Délit s’est entretenu avec Reggie, Kendra-Ann et Sophie, qui étudient respectivement en science politique, développement international et Med‑P (année préparatoire pour le programme de médecine). Le Délit a aussi eu la chance de discuter avec deux professeurs noirs au sein de l’Université : Khaled Medani, professeur en science politique, et N. Keita Christophe, professeur au sein du département de psychologie. Les prochaines sections ont pour objectif d’offrir un portrait général des expériences vécues par les étudiant·e·s et professeur·e·s noir·e·s à McGill, en identifiant les défis récurrents auxquels ceux·celles-ci ont pu faire face dans le milieu académique.

« En tant qu’élève, il faut vraiment que tu recherches les professeurs noirs, que tu essaies de les trouver. C’est ce que j’ai fait. Je n’ai pas eu de professeur noir dans mes cours. Pour les rencontrer, il faut aller à des événements »


Kendra-Ann, étudiante en développement international

Ressentis sur la sous-représentation

Malgré leurs différents programmes, les trois étudiantes se sont toutes accordées sur la sous-représentation évidente, ou du moins le sentiment de sous-représentation dans leurs classes et sur le campus en général. Reggie explique avoir l’impression « qu’en science politique il n’y a pas beaucoup de personnes noires dans les cours. La majorité des gens sont blancs ». De son côté, Kendra-Ann raconte son ressenti durant ses premières semaines à McGill : « Je ne rencontrais pas beaucoup de personnes noires, j’en trouvais peu dans mes cours. J’ai pris un cours de macroéconomie, et je dirais qu’on était environ cinq élèves noirs dans le cours, alors qu’il comptait plus d’une centaine d’étudiants au total. Je pense que la sous-représentation est claire. J’ai l’impression que spécifiquement, il n’y a pas assez d’hommes noirs. Je vois pas mal de femmes noires, mais pas assez d’hommes noirs, je ne sais pas pourquoi c’est le cas. » Dans son programme Med‑P, une classe préparatoire destinée à intégrer les prestigieux programmes de médecine de McGill, Sophie complète le tableau : « J’ai ressenti une certaine isolation parce qu’on n’est vraiment pas beaucoup de personnes noires comparé au reste de la classe. On est peut-être quatre ou cinq sur une centaine d’étudiants. De ce côté-là, j’ai quand même eu un choc. Par exemple, on avait eu notre journée d’orientation en août avant de commencer l’école. On était assis dans la salle, j’ai vu qu’on était très peu, et j’ai eu un peu peur parce que je me suis dit : « quand je vais étudier à McGill, ça sera comment? »

Cependant, Sophie a confié avoir constaté un certain progrès dans la représentation des Noir·e·s dans son programme, notamment grâce à une initiative de l’administration : « Ça s’est amélioré au fil des années parce qu’ils ont mis en place le Black Candidate Pathway. Les étudiant·e·s noir·e·s peuvent passer par ce processus qui facilite leur entrée. Ça encourage beaucoup les élèves noirs à appliquer dans ce programme-là. De ce qu’on m’a dit les autres années, il y avait beaucoup moins d’étudiant·e·s noir·e·s que maintenant. » Cependant, les initiatives de ce genre restent limitées, notamment selon le domaine d’étude. Le Black Student Pathway reste limité à la faculté de médecine, et sur le site on comprend rapidement que le processus vise directement à pallier les différences au niveau du nombre de personnes provenant de populations sous-représentées strictement en médecine.

Pour ce qui est des professeur·e·s interrogé·e·s, il semblerait que ceux·celles-ci perçoivent la communauté étudiante d’un œil différent que les étudiantes rencontrées. Le professeur N. Keita Christophe nous confie : « Je constate facilement en me promenant sur le campus et dans mes cours que McGill a un corps étudiant très diversifié. (tdlr) » Professeur Medani renchérit : « Je pense que la plupart reconnaîtraient fièrement que le corps étudiant de McGill est diversifié, et, qui plus est, que c’est l’un des aspects les plus admirables de la communauté du campus. » Cette discordance entre la perception des étudiant·e·s et des professeur·e·s de McGill peut être due aux différents domaines d’études, certains étant beaucoup plus diversifiés que d’autres, ou encore à une compréhension différente de ce qu’est la diversité : du côté des étudiant·e·s, l’enjeu est de trouver des personnes qui leur ressemblent en classe, alors que du côté des professeur·e·s, c’est de voir une salle de classe marquée par sa diversité. On peut notamment se référer à la faculté de droit de McGill, qui a une politique claire recommandant l’auto-identification des membres de la communauté noire lors du processus d’admission. Malgré sa reconnaissance de la diversité du corps estudiantin, le professeur N. Keita Christophe conclut en disant : « Il y a encore tellement plus à faire dans ce domaine. » Ainsi, bien que les professeur·e·s notent une certaine diversité culturelle sur le campus mcgillois, il reste encore du travail à faire du côté de l’administration pour véritablement permettre aux personnes noires de se sentir incluses.

« Le niveau actuel de représentation des personnes noires au sein du corps professoral mcgillois est encore relativement bas, mais il s’est certainement amélioré grâce à l’initiative Anti-Black Racism (ABR) de McGill »

Khaled Medani, professeur en science politique et études islamiques

Le professeur N. Keita Christophe a également soulevé sa préoccupation quant au projet d’augmentation des frais de scolarité pour les étudiant·e·s internationaux·ales, qui a le potentiel de limiter directement l’accès à l’éducation supérieure pour les personnes noires. Il affirme que ce projet met en danger l’inclusion des personnes noires à McGill : « Le gouvernment du Québec prévoit d’offrir des frais de scolarité provinciaux aux étudiants francophones venant exclusivement de la France, de la Belgique et de la Suisse, alors que ces tarifs réduits ne sont pas disponibles pour les étudiants provenant d’autres pays francophones. Je suis certain que ce n’est en rien une coïncidence : tous ces pays francophones dont les ressortissants n’ont pas accès à ces tarifs réduits sont majoritairement non blancs. Le français est la seule langue officielle dans 10 pays en Afrique, il est parmi les langues officielles dans de nombreux autres pays et est encore couramment utilisé dans les anciennes colonies françaises telles que le Maroc, la Tunisie et l’Algérie. Il est à noter qu’il y a une population haïtienne particulièrement importante à Montréal, ce qui peut rendre McGill attrayante pour les personnes en provenance d’Haïti (un autre pays francophone à majorité noire), mais cette réduction de frais ne s’appliquerait pas non plus à eux. Cela constitue une preuve flagrante de majoritairement non blancs. À mon avis, McGill, en tant qu’institution d’enseignement supérieur, a la responsabilité de dénoncer cela et de veiller à pallier à cette décision. »

Antoine Chedid

Représentation au sein du corps professoral

Les ressentis sur la sous-représentation des professeur·e·s noir·e·s semblent similaires, voire même plus inquiétants. Quand on lui demande si elle estime qu’il faudrait avoir plus de professeur·e·s noir·e·s à McGill, Kendra-Ann raconte : « En tant qu’élève, il faut vraiment que tu recherches les professeurs noirs, que tu essaies de les trouver. C’est ce que j’ai fait. Je n’ai pas eu de professeur noir dans mes cours. Pour les rencontrer, il faut aller à des événements, notamment ceux de Black Student Network (BSN). Sinon c’est très compliqué. Dans les cours obligatoires que je dois prendre, la plupart du temps, il n’y a pas de personnes de couleur, mais bien souvent des hommes blancs. » Sophie et Reggie confient avoir des impressions similaires.

Les professeur·e·s avec lesquels Le Délit s’est entretenu partagent aussi l’avis qu’il existe une disparité au niveau de l’embauche chez les professeur·e·s embauché·e·s par McGill. Professeur Medani relève que « Le niveau actuel de représentation des personnes noires au sein du corps professoral mcgillois est encore relativement bas, mais il s’est certainement amélioré grâce à l’initiative Anti-Black Racism (ABR) de McGill. Le fait que McGill ait mis en place ce projet suggère qu’il y a une reconnaissance étendue que l’Université doit encore atteindre des objectifs plus élevés en termes de recrutement et de rétention des membres du corps professoral noir ». L’initiative ABR est un programme valant 15 millions de dollars, qui s’étend de 2020 à 2025, qui cherche à s’attaquer à différentes préoccupations de la communauté noire de McGill, notamment de promouvoir le recrutement, la représentation, la rétention, le bien-être et le succès des employé·e·s noir·e·s à McGill. L’initiative a également pour but d’améliorer l’expérience étudiante pour les étudiant·e·s noir·e·s à McGill, de s’engager à examiner les liens institutionnels entre l’Université et la traite transatlantique des esclaves, de mettre en lumière les contributions de la communauté noire à McGill à travers son histoire, ainsi que d’établir des liens avec les communautés locales afin de mieux représenter la diversité montréalaise sur le campus, tout en créant un campus plus accueillant pour la communauté noire. Les entrevues menées par Le Délit ont permis de relever l’importance d’avoir un corps professoral plus inclusif, notamment en encourageant l’embauche de professeur·e·s noir·e·s. Selon professeur Medani, « c’est la diversité au sein du corps étudiant qui rend nécessaire le recrutement de davantage de professeurs noirs dans le cadre des politiques de diversification et d’inclusion. De nombreuses études ont montré un écart important entre la diversité du corps étudiant et celle du corps professoral au sein de multiples établissements d’enseignement en Amérique du Nord. C’est cet écart qui doit être comblé, non seulement pour des raisons de collégialité et de représentation, mais aussi parce que réduire cet écart engendre des avantages académiques, intellectuels et pédagogiques concrets pour tous les membres de la communauté universitaire ». Il ajoute que « l’environnement académique bénéficie de la diversification du corps professoral en termes de production de connaissances, de diversité pédagogique, d’élargissement du contenu du programme, et contribue à moderniser l’institution en harmonie avec un corps étudiant de plus en plus diversifié ». Le professeur N. Keita Christophe confie : « Du côté des étudiants, je pense qu’un énorme manque de professeurs noirs signifie implicitement aux étudiants noirs que les personnes qui leur ressemblent et viennent des mêmes endroits qu’eux ne sont pas les bienvenues dans les espaces académiques. »

Sentiment d’isolation et difficulté d’intégration

Cette impression de sous-re-présentation a un impact déterminant sur l’intégration des élèves noirs dans la communauté mcgilloise, et crée un sentiment d’isolation. Reggie, étudiante de première année, raconte : « C’est mon deuxième semestre, personne n’est venu me parler dans mes classes. J’ai moi-même seulement interagi avec d’autres étudiants noirs. Eux-mêmes m’ont dit la même chose. Ils m’ont expliqué que parfois, ils pouvaient se sentir inconfortables, que les gens vont rarement faire le premier pas pour devenir amis. Au final, ils sont souvent dans un coin en classe, écoutent leur cours et rentrent chez eux. Ce n’est pas vraiment le type de vie sociale auquel tu t’attends avoir à l’université. » Cette difficulté d’intégration semble toucher particulièrement les étudiant·e·s noir·e·s à McGill, et il peut en découler un véritable mal-être pendant les cours et sur le campus en général. Reggie continue : « Il y a une sorte de malaise dans ce que les gens attendent de toi. J’ai beaucoup de cours qui parlent de l’esclavage ou de la colonisation en Afrique. Plusieurs fois, les professeurs, quand ils en parlent ou posent des questions qui abordent ce sujet, ils vont te regarder toi, ou ils vont pointer vers toi pour répondre à la question. C’est comme si c’est toi qui devenait le professeur, celui qui doit éduquer la classe au complet sur le sujet, juste parce que ça parle de quelque chose qui entoure la communauté noire. Ils veulent que tu deviennes la personne qui va éduquer les gens, mais en réalité, tu n’as pas envie de faire ça. »

Par ailleurs, cette difficulté d’intégration semble impacter plus profondément les étudiant·e·s noir·e·s internationaux·ales. Interrogée sur les besoins des étudiant·e·s noir·e·s internationaux·ales en matière de santé mentale, Reggie exprime ses inquiétudes : « Je pense que c’est très important [la santé mentale, ndlr] surtout pour les élèves qui ne viennent pas d’ici. Personnellement, j’avais des amis noirs au cégep, puis au secondaire aussi. J’avais déjà cette communauté ou cet entourage, mais les étudiants qui viennent d’autres pays ou qui viennent d’autres provinces canadiennes, eux, ils n’ont souvent pas cette chance. Il y a alors un risque de dépression, ou un sentiment d’isolement. Ça serait bien d’avoir quelqu’un qui peut aider pour ça. »

McGill : une image à retravailler

Les étudiantes avec les quelles Le Délit a pu discuter se sont entendues sur la question de l’image particulière projetée par McGill. « Quand je suis arrivée ici, je me suis dit que je ne trouverais personne comme moi, que ça serait difficile de m’intégrer. Concordia et l’Université de Montréal, par exemple, sont connues pour avoir une assez grande communauté noire, et aussi africaine. Il y a beaucoup de choses qui se rattachent à l’image élitiste de McGill. Avant même de regarder les exigences de l’Université, les gens se disent que McGill c’est prestigieux et qu’ils ne pourront jamais y rentrer. C’est très décourageant, alors que c’est souvent très probable qu’ils soient acceptés », confie Sophie. De son côté, Reggie identifie ce point comme un problème majeur à régler pour McGill : « Je pense que McGill doit changer un peu son image pour avoir l’air plus attrayant pour la communauté noire. Je pense que d’autres universités comme Concordia n’ont pas ce genre de problèmes. Le prestige, c’est bien, mais il faut quand même aussi avoir l’air ouvert et accueillant pour toutes les communautés. Moi, j’ai été motivée à postuler parce que des étudiants noirs de McGill sont venus visiter mon cégep, et nous ont parlé de la sous-représentation noire à l’université. Alors, ça m’a motivée. S’ils continuent à faire ça, ça pourrait encourager d’autres étudiants également. »

« Je pense que McGill doit changer un peu son image pour avoir l’air plus attrayant pour la communauté noire. Je pense que d’autres universités comme Concordia n’ont pas ce genre de problèmes. Le prestige, c’est bien, mais il faut quand même aussi avoir l’air ouvert et accueillant pour toutes les communautés »

Reggie, étudiante en science politique

Le vécu des étudiant·e·s noir·e·s à McGill est marqué d’une sous-représentation sur le campus, suscitant des sentiments d’isolement et des défis d’intégration. Les étudiant·e·s comme les professeur·e·s soulignent un besoin clair pour une plus grande inclusion des personne·e·s noir·e·s parmi le corps professoral, affirmant que des mesures favorisant l’embauche et la rétention de professeur·e·s noir·e·s pourraient jouer un rôle considérable dans la création d’un espace plus accueillant et inclusif à McGill. En outre, le professeur N. Keita Christophe a noté sa préoccupation quant au manque de données sur la situation de la communauté noire à McGill : « L’une des plus grandes lacunes au niveau universitaire, qui, selon moi, perpétue les disparités existantes, est l’absence de collecte (ou du moins de publication) de données démographiques sur la race des étudiants. Je ne suis pas sûr s’il s’agit d’une politique de McGill, du Québec ou du Canada, mais de ce que je comprends, l’université n’est soit pas disposée à collecter, soit pas disposée à publier des données sur l’origine ethnique-raciale des étudiants. Des données sur la nationalité existent, mais bien sûr, la nationalité n’est pas synonyme d’origine raciale. » Nous aimerions faire écho à cette inquiétude, et souligner l’importance de mettre en avant ces chiffres, qui permettraient sans doute d’avoir une meilleure idée quant à la situation à McGill, mais surtout, quant aux défis qu’elle se doit de relever.

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Témoigner au milieu des ruines de Gaza https://www.delitfrancais.com/2024/01/24/temoigner-au-milieu-des-ruines-de-gaza/ Wed, 24 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54412 Dans l’oeil du public : regard sur trois journalistes palestiniens.

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Le journalisme en temps de guerre joue un rôle crucial de par sa capacité à témoigner, informer et contextualiser les événements pour le public international. En temps de guerre, les journalistes de terrain deviennent les yeux et les oreilles du monde, transmettant au mieux de leur capacité des récits complexes qui transcendent les frontières géographiques. La récente situation en Palestine aurait dû en être gage, et bien que la manipulation des médias fasse souvent partie intégrante des stratégies militaires (coupure de réseau, limitation de l’accès à Internet dans les zones attaquées…) ; les choix de publications des journaux occidentaux n’offre une perspective que très limitée du conflit. En privant le public d’un point de vue, on limite sa capacité à prendre conscience des réalités vécues par les Palestiniens.

Ainsi, en réponse à la couverture médiatique défaillante reçue par la cause palestinienne, plusieurs journalistes palestiniens se sont tournés vers des plateformes alternatives aux médias traditionnels afin d’exposer la réalité vécue par leur peuple. En soulignant l’importance du journalisme dans de telles circonstances, nous reconnaissons son pouvoir de façonner les perceptions, d’inspirer le dialogue, et de donner lieu à la pluralité des perspectives hors des médias traditionnels. Nous vous présentons donc trois profils de journalistes palestiniens qui ont su apporter une perspective complémentaire, mais pas moins vraie, durant les derniers mois.

« En temps de guerre, les journalistes de terrain deviennent les yeux et les oreilles du monde, transmettant au mieux de leur capacité des récits complexes qui transcendent les frontières géographiques »

Bisan Owda

Bisan Owda est une cinéaste palestinienne qui publie également du contenu sur les réseaux sociaux depuis quelques années. Elle travaillait également auprès des Nations Unies pour l’égalité des sexes. Avant le début des bombardements et des opérations terrestres israéliennes dans la bande de Gaza, le profil Instagram de Bisan était essentiellement composé de vidéos d’elle parlant de ses projets ou de ses engagements. Ses vidéos étaient divertissantes ou informatives : elle partageait sur sa vie mais aussi sur son statut de femme, sur la situation à Gaza, et plus généralement sur la cause palestinienne. Les couleurs, le montage et les lumières de ses vidéos étaient travaillées, celles-ci étaient mêmes souvent écrites. Bisan a alors progressivement gagné en popularité, mais sa notoriété a réellement explosé à partir du moment où Israël a entamé ses interventions. Elle publie alors tous les jours – parfois même plusieurs fois par jour – des vidéos sur les conditions dans lesquelles les gazaouis et elle-même évoluent. Elle parle souvent de son expérience personnelle, du manque d’eau, de nourriture, des conditions sanitaires dans lesquelles elle vit, de la mort et de la souffrance qui l’entoure, mais réalise aussi des entrevues avec d’autres palestiniens de la bande de Gaza. Le 14 octobre, elle publie notamment une vidéo d’une jeune palestinienne porteuse de trisomie, dont la maison a été détruite, dans le but de faire valoir les enjeux spécifiques que représentent des bombardements pour les personnes atteintes d’un handicap. Ses vidéos sont une source d’information précieuse qui est depuis peu compromise par la coupure d’Internet dans la bande de Gaza. Elle appelle régulièrement le monde occidental à la grève générale, rappelant qu’il s’agit pour elle du seul espoir. Elle explique aussi souvent qu’elle ne sait pas combien de temps elle survivra. Sa maison et son lieu de travail ont été détruits lorsque la ville de Gaza a été bombardée, emportant son matériel, ses chats et une partie de sa vie.

Motaz Azaiza

Motaz est un photojournaliste qui avait pour sa part déjà une certaine notoriété avant les événements du 7 octobre dernier, étant employé par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Il est reconnu pour ses images prises à l’aide de drones représentant les paysages dévastés de la Palestine, qu’il partage avec son auditoire comptant aujourd’hui plus de 18 millions d’abonnés sur Instagram. Il est actuellement l’un des journalistes les plus suivis du réseau social. Motaz a perdu le 11 octobre dernier plus de 15 membres de sa famille en raison d’une frappe aérienne israélienne sur le camp de réfugiés Deir el-Balah, situé dans la bande de Gaza. C’est également là où Motaz a grandi. Le 7 janvier dernier, Motaz commémorait aussi sur sa page le décès de deux de ses collègues, Hamza Wael Dahdouh et Mustafa Thraya, qui s’ajoutent à la longue liste de journalistes qui ont péri depuis le 7 octobre.

Plestia Alaqad

Plestia se démarque des autres journalistes puisqu’elle fait partie d’un grand mouvement émergent de journalisme citoyen. Cette forme particulière de journalisme consiste à véhiculer l’information uniquement par les plateformes numériques telles que les réseaux sociaux pour documenter, comme le font les médias plus traditionnels, les évènements de la vie quotidienne. Plestia a rapidement gagné en popularité sur Instagram lorsqu’elle a commencé à documenter sa vie à Gaza via des vidéos publiées quotidiennement sur sa page, comme une forme de journal personnel. Sa communauté Instagram compte aujourd’hui 4,7 millions d’abonnés, qui suivent son quotidien où elle souligne fréquemment ses inquiétudes quant à la perpétuation des attaques contre Gaza, et demande constamment un cessez-le-feu. Sa page sert également pour plusieurs de ressource éducative, vers laquelle tous peuvent se tourner lorsqu’ils ont des questions concernant les différentes façons de venir en aide à la Palestine. Son profil compte parmi ceux ayant eu une croissance des plus rapides, en raison de son format qui réussit à capturer la réalité palestinienne de façon authentique. Elle se trouve présentement en Australie, ayant dû fuir les attaques quotidiennes sur Gaza.

Pensées à celles et ceux qui ne sont plus

La guerre a causé la mort de plus de 100 journalistes palestiniens depuis son commencement, bien que ces derniers soient supposés bénéficier d’une protection particulière selon le droit international. Muhammad Abu Huwaidi, Hamza Wael Dahdouh, Mustafa Thraya, et bien d’autres encore, assassinés parfois même pendant qu’ils effectuaient leur travail, un travail essentiel et vital, celui du partage de l’information vraie. Ils sont les seuls yeux à travers lesquels nous pouvons voir ce qui se passe localement, les violences qui ébranlent douloureusement un peuple prisonnier de quelques kilomètres de terre.

En tant que journal, ces morts nous touchent nécessairement, car nous ne pouvons imaginer que la volonté d’informer le monde, d’utiliser les mots pour changer les choses, d’imprimer le présent pour que tous puissent le comprendre, puisse mener à la mort. En plus de tenter de survivre, ils persistent dans leur travail afin que le monde puisse savoir et se souvenir. Pour cela, nous nous souviendrons d’eux.

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La lutte du Front commun est-elle un combat féministe? https://www.delitfrancais.com/2024/01/10/la-lutte-du-front-commun-est-elle-un-combat-feministe/ Wed, 10 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54050 Rôle des femmes dans le syndicalisme québécois.

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À l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, en mars dernier, des militantes du Front commun s’étaient déjà réunies devant le Secrétariat du Conseil du trésor afin d’exprimer leur mécontentement quant à l’offre initiale du gouvernement de François Legault. Celui-ci prévoyait alors une inflation de 16,6% sur cinq ans, mais n’offrait qu’une bonification salariale de 9% sur la même période. Ainsi, le Front commun, qui compte une majorité importante de femmes, a choisi de se battre contre l’appauvrissement inévitable qu’aurait impliqué l’acceptation d’une telle offre. En discutant avec des membres de ma famille durant le temps des Fêtes, qui travaillent eux·elles-mêmes dans le secteur public, j’ai eu cette même réalisation : les femmes non seulement recevaient un traitement moins favorable que les hommes, mais étaient spécifiquement les cibles d’une marginalisation consciente au sein de la fonction publique. Leur lutte m’est apparue comme un combat servant clairement la cause féministe, puisqu’il s’agit de militer contre l’appauvrissement des Québécoises, celles qui portent sur leurs dos la société québécoise.

Depuis novembre, le Front commun a ébranlé l’écosystème québécois, lorsque quelque 420 000 fonctionnaires du niveau provincial, regroupé·e·s au sein de quatre centrales syndicales majeures, ont décidé de faire la grève pour de meilleures conditions de travail. Si on compte la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), ce sont près de 575 000 travailleuses et travailleurs qui se sont mobilisé·e·s pour démontrer leur insatisfaction vis-à-vis le traitement que leur réserve la fonction publique.

« Sans enlever à la noblesse du combat et à son aspect universel, il est indéniable que les femmes sont au cœur même de cette lutte, et que le traitement que ces employé·e·s subissent est grandement lié au caractère systémique de la discrimination contre les femmes, encore aujourd’hui »

Parmi les grévistes, on note une majorité indéniable de femmes, représentant entre 80 et 85% des militants. Malgré tout, on continue de voir des commentateurs remettre en question la nature féministe du combat du Front commun. Mais est-ce que le nombre écrasant de femmes portant cette lutte permet en lui-même au Front commun de s’inscrire dans un plus grand mouvement féministe, ou est-ce simplement, comme plusieurs le suggèrent, un combat humain pour une plus grande dignité pour ces travailleur·euse·s? Sans enlever à la noblesse du combat et à son aspect universel, il est indéniable que les femmes sont au cœur même de cette lutte, et que le traitement que ces employé·e·s subissent est grandement lié au caractère systémique de la discrimination contre les femmes, encore aujourd’hui.

D’une part, l’argumentaire en faveur de l’aspect féministe de la lutte du Front commun est grandement soutenu par la propension des rôles revendicateurs à être occupés par des femmes. On pense notamment aux enseignantes et aux infirmières, deux corps d’emploi largement dominés par les femmes. Ceci étant dit, il y a plusieurs autres titres d’emploi plus méconnus, plus souvent occupés par des femmes, qui sont également en grève : les orthopédagogues, les psychologues, les techniciennes de laboratoire, les éducatrices spécialisées, les orthophonistes, et j’en passe. Ainsi, bien que des hommes occupent également ces rôles au sein de notre société, il est indéniable que ces emplois, au sein de la fonction publique spécifiquement, sont largement occupés par des femmes, et subissent une marginalisation économique cooptée par le gouvernement. En refusant de leur accorder des conditions de travail et de vie – favorables, le gouvernement met ces femmes en situation de précarité, et perpétue leur situation fragile en leur faisant des offres en deçà de l’inflation.

« Bien que tous·tes préféreraient croire que le Québec n’est plus sol fertile pour la discrimination genrée, celle-ci est profondément institutionalisée, et le sera probablement pour les années – voire décennies – à venir »

D’autre part, il n’est pas complètement erroné de mettre de l’avant l’idée que le Front commun se bat pour plus d’égalité entre les secteurs publics et privés québécois. Dans une certaine mesure, il est vrai que les hommes travaillant dans les réseaux de l’éducation, de la santé et de l’administration publique sont tout autant marginalisés économiquement que les femmes. Néanmoins, ce n’est pas pour autant que les femmes et les hommes recevront un traitement similaire dans leur milieu de travail. Bien que tous·tes préféreraient croire que le Québec n’est plus sol fertile pour la discrimination genrée, celle-ci est profondément institutionalisée, et le sera probablement pour les années – voire décennies – à venir. Si on se penche simplement sur la question de l’équité salariale au Canada, en date de 2021, les employées de genre féminin gagnaient encore en moyenne 11,1% de moins que les hommes, selon Statistique Canada. Bien que les salaires soient standardisés au sein de la fonction publique, il existe plusieurs autres formes de discrimination bien plus insidieuse qui peuvent avoir lieu dans de tels milieux de travail : on pense notamment à l’ascension vers les postes de direction ou encore à l’administration des tâches, parmi tant d’autres. On peut donc imaginer qu’il est plus difficile pour une femme de gravir les échelons du milieu professionnel, y compris dans la fonction publique.

Avancée féministe pour le Front commun

Cette semaine, le Front commun et le gouvernement ont confirmé avoir atteint une entente de principe, signifiant que les différentes instances du Front commun ont décidé de recommander l’adoption de cette entente à l’ensemble de leurs membres. Les membres pourront donc passer au vote afin de confirmer l’adoption de l’entente négociée, qui comprend une augmentation salariale de 17,4%, sur cinq ans, ainsi qu’une provision protégeant le pouvoir d’achat des travailleuses et travailleurs de la fonction publique, pouvant atteindre jusqu’à 1% pour chacune des trois dernières années de la convention collective. Ainsi, l’offre du gouvernement Legault est passée de 9% sur cinq ans à 17,4% sur cette même période, offre finale représentant un compromis de la part du gouvernement qui permettra de freiner l’appauvrissement de ses employé·e·s.

Il est à souligner qu’une telle offre représente une victoire tangible pour les femmes du secteur public. En effet, cette offre est considérée comme l’augmentation la plus importante sur la durée d’une convention collective depuis 1979. Il est donc crucial de reconnaître le rôle vital des femmes, qui s’est manifesté au cours des derniers mois dans les rues montréalaises et à travers tout le Québec, dans la lutte pour de meilleures conditions de travail pour des corps d’emploi, il faut le dire, dominés par les femmes.

Un pas pour la cause féministe

La mobilisation du Front commun au Québec pour de meilleures conditions de travail dans la fonction publique a dévoilé une dimension féministe au syndicalisme québécois. Face à une offre gouvernementale initialement insuffisante, les fonctionnaires concernées, en majorité des femmes, ont manifesté contre les offres dérisoires du gouvernement Legault. La mobilisation massive, comptant des centaines de milliers de travailleurs, aura su mettre en lumière la prédominance féminine parmi les grévistes. En refusant des conditions de travail justes à ses employé·e·s, le gouvernement Legault a jusqu’ici renforcé la précarité économique des femmes, certaines grevant sans fonds de grève, signifiant que plusieurs étaient sans salaire depuis déjà quelques semaines.

Toutefois, cette mobilisation a également mis en évidence la nécessité de promouvoir une plus grande égalité entre les secteurs public et privé, afin de freiner l’exode massif vers le privé que plusieurs milieux subissent. L’accord de principe conclu entre le Front commun et le gouvernement représente une victoire majeure pour les travailleuses et travailleurs du secteur public. Cette avancée, fruit d’une mobilisation exceptionnelle des femmes, marque une progression pour le féminisme québécois en reconnaissant et en luttant contre les discriminations structurelles persistantes dans le monde du travail. Cette lutte souligne l’importance de poursuivre les efforts pour l’égalité des genres et la reconnaissance du rôle crucial joué par les femmes dans tous les secteurs de la société québécoise, notamment au sein de la fonction publique.

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Tour du monde avec Le Délit https://www.delitfrancais.com/2023/11/22/tour-du-monde-avec-le-delit/ Wed, 22 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53502 Les éditrices du journal vous racontent leurs histoires de voyage.

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Les réminiscences de voyage vont au-delà des simples souvenirs et font naître bien plus que des sourires nostalgiques. Notre esprit tout entier est plongé dans une douce épopée vers le passé, qui nous ramène là-bas avec une telle force que nous perdons nos repères et sommes transportés par notre pensée volatile. Les souvenirs de voyage, c’est la force du moment, ce qui nous lie à notre passé, et ce qui nous offre un aperçu de notre évolution personnelle. Les réminiscences d’un voyage, c’est la beauté. Celle d’un temple grec ou d’un bout de plage croate, celle d’un glacier de Patagonie, des marmonnements d’excuse d’un Tokyoïte ou de l’ambiance chaleureuse d’un café new-yorkais.

Outre ces pérégrinations poétiques, le voyage détient une force unique : celle de profondément nous changer. L’enrichissement de nos opinions, la remise en question de nos habitudes de vie, vestimentaires, alimentaires ou langagières, nos expressions, nos références, en somme, le développement de notre moi, passent grandement par le voyage. Il nous permet de nous décentrer de notre chez-soi, de notre confort, avec une force particulière qui favorise le questionnement profond et la prise de recul. Le voyage remet en perspective nos convictions et nos façons de faire à travers l’observation et l’apprentissage, ces dernières pouvant parfois être brutales et saisissantes, à un tel point qu’on en ressort souvent changé à jamais, équipé de souvenirs inoubliables.

Le voyage, c’est la mémoire, certes, mais c’est aussi l’instant présent, ainsi que l’avenir. Au vu de son impact, il est important de garder en tête que le voyage est un privilège hors du commun. Il est différent pour chacun d’entre nous, c’est pourquoi nous avons décidé de compiler quelques anecdotes et photos de voyage des éditeur·rice·s du Délit. Nous espérons vous permettre de voyager à travers nos yeux, à travers nos souvenirs, de vivre une aventure qui vous permettra sûrement de vous replonger également dans le bonheur du voyage, avec ses surprises et ses émotions, dans sa grandeur et sa perfection.

LE MAROC AU TRAVERS DES YEUX DE LAYLA

Layla Lamrani | Le Délit
Layla Lamrani | Le Délit
Layla Lamrani | Le Délit
Layla Lamrani | Le Délit

EMA, SAGE-FEMME DE TORTUES

Ema, Coordonnatrice Réseaux : L’été passé, j’ai été bénévole dans un projet de conservation des tortues de l’océan Pacifique au Costa Rica. C’était situé dans une ferme qui s’appelle Finca Ganadito. C’était ma première patrouille de nuit : on marchait en groupe de cinq personnes sur la plage, dans le noir, avec des lampes frontales, puis on essayait de détecter s’il y avait des nids de tortues ou des tortues qui pondaient leur œufs, pour les prendre et les mettre dans un sanctuaire spécialisé. Là-bas, le vol d’œufs de tortues est vraiment commun. C’est ce que les locaux appellent des « bandits », qui s’emparent des oeufs et les revendent au marché noir, souvent avec des connexions aux cartels de drogue. Soudainement, au loin, on a vu une sorte de boule noire sortir de l’eau. À ce moment-là, tout le monde s’est dit : « Oh mon dieu, une tortue! » C’était une tortue particulière, appelée « tortue olivâtre ». On a alors commencé à s’approcher tranquillement, et on s’est aperçu·e·s qu’elle était en train de faire son trou. Un professionnel qui nous accompagnait a expliqué qu’elle se préparait à pondre des œufs. À partir de ce moment-là, notre mission était de récupérer les œufs, prendre des mesures, et les mettre dans un sac pour les ramener au sanctuaire. Notre « professeur » nous a tous regardé·e·s, et nous a dit : « OK, Ema, ce soir, tu vas être celle qui va attraper les œufs, puis les mettre dans le sac ». J’étais très stressée. J’ai mis les mains dans le trou, puis j’ai commencé à compter les œufs. Ils étaient très fragiles, et sont extrêmement précieux pour les tortues. J’ai commencé à compter « 1, 2, 3 … » et je me rends à 87. Je ne m’y attendais tellement pas! 87 œufs en environ 15 minutes! Quand la tortue a terminé sa ponte, on a reculé, et on l’a laissée repartir dans l’eau. Je ne réalisais toujours pas ce qui s’était passé, c’était tellement magique. C’était honnêtement un moment merveilleux. Je ne sais pas comment le décrire exactement, mais je recommande fortement cette expérience. Cependant, il faut le faire dans les bonnes conditions, être encadré·e et le faire dans un contexte éthique. Ça m’a vraiment marquée. C’est quelque chose que j’ai partagé avec des étrangers, mais grâce à ça, on est tous liés. C’était tout simplement fou.

DOMINIKA À DEUX DOIGTS D’ÊTRE SANS PASSEPORT

Dominika, Photographe : J’étais en backpacking solo et j’ai pris un Flixbus de nuit de Zagreb pour me rendre à Varsovie. Vers cinq heures du matin, le chauffeur annonce qu’on va prendre une pause de 10 minutes à une gare routière se trouvant sur le chemin. J’avais très faim, donc j’ai décidé d’aller m’acheter quelque chose à manger au dépanneur de la gare. Il y avait une petite file, et je commençais à trouver ça un peu long, mais j’avais cru voir au loin quelqu’un qui ressemblait à mon chauffeur donc je me suis dit que ça allait. Je paye mes courses et lorsque je sors de la gare, je ne vois plus mon autobus où il était stationné lorsque je l’avais quitté. Je regarde autour en panique et je vois l’autobus vert fluo qui roule vers la sortie du parking souterrain, à une cinquantaine de mètres. Je me mets à sprinter avec mes lacets détachés. Arrivée côte à côte avec l’autobus, celui-ci ne s’arrête toujours pas. Sans penser, je lance de toutes mes forces la canette de breuvage que je venais de m’acheter sur la portière, et l’autobus finit par s’arrêter. J’ai failli me retrouver au milieu de nulle part sans mon sac à dos, et donc, sans tous mes biens essentiels pour le reste de mon voyage.

SOUVENIR D’AURORES BORÉALES DE CAMILLE

Camille, Coordonnatrice de la production : En 2019, j’ai eu la chance de partir en colonie de vacances en Finlande. J’avais 16 ans et je rêvais depuis toute petite de voir des aurores boréales. Pendant le séjour, nous sortions plusieurs fois chaque soir pour surveiller le ciel, mais sans succès, puisqu’il restait couvert de nuages pendant la nuit. Les animateurs nous préparaient donc à devoir retourner chez nous, sans avoir pu apercevoir les belles traînées vertes dont tout le monde rêvait. Ce n’était pas facile de se dire que seuls quelques nuages nous séparaient peut-être de ce spectacle. Nous étions arrivés en Finlande le samedi et ce n’est que le jeudi soir, un peu après 23 heures, alors qu’on était tous couchés prêts à dormir, que quelqu’un a crié dans le couloir du chalet qu’il fallait s’habiller. En plus d’être dégagé, le ciel commençait à être vert. C’est devenu l’une des plus belles nuits de ma vie. Malgré la température glaciale, j’ai passé plusieurs heures couchée dans la neige à regarder les aurores boréales danser au-dessus de moi et changer de couleur en quelques secondes. Elles étaient bien plus impressionnantes que tout ce que j’avais souhaité, c’était vraiment magique.

Camille Matuszyk | Le Délit

BÉATRICE DANS UN TOUT-INCLUS MEXICAIN

Béatrice, Coordonnatrice de la correction : Quand j’avais à peu près 12 ans, j’ai été au Mexique avec ma famille passer une semaine dans un tout-inclus. Ma soeur et moi voulions nourrir les coatis (une espèce de raton laveur méxicain) qu’il y avait sur le site, et nous avions jugé que leur donner les bananes que nous subtilisions du buffet le matin était un choix judicieux. Un matin, on sort deux bananes et on commence à nourrir un coati, qui semblait heureux de recevoir un tel traitement. Rapidement, plusieurs autres coatis émergent des buissons avoisinants et on se retrouve embusquées assez vite. Ceux-ci étaient également plus agressifs que le premier, tentant de grimper sur les jambes de ma sœur pour qu’elle les nourrisse. On se rend bien vite compte que c’est maintenant une horde de ratons laveurs mexicains qui nous entoure. Je hurle à ma sœur : « Lance la banane! Lance la banane! » Heureusement pour nous, on a été épargnées.

LA FROUSSE SRI LANKAISE DE JEANNE

Jeanne, Éditrice Opinions: Durant mon voyage au Sri Lanka, j’ai été témoin d’un événement des plus choquants : le quasi-décès d’une dame. Pour voyager de ville en ville, il est commun de prendre le train. Ces trains sont assez particuliers, puisqu’ils offrent des vues incroyables sur les paysages verts sri lankais. Pour beaucoup, il s’agit aussi d’une opportunité photo à ne pas manquer. Il est important de noter que ces trains ont aussi comme caractéristique que leurs cabines ne sont pas dotées de portes coulissantes comme les trains que nous connaissons. Imaginez-vous donc que plusieurs touristes entreprennent des cascades peu recommandées pour obtenir la photo parfaite. C’est ainsi qu’une touriste suédoise munie d’un selfie-stick a entrepris une manœuvre dangereuse, où son corps se trouvait complètement hors de la cabine, à laquelle elle restait accrochée à une main. Comme vous pouvez vous l’imaginez, la pauvre dame, sous nos yeux, est tombée hors du train. En panique, nous avons enclenché le frein d’urgence. Le train s’est remis en marche peu après, mais sans qu’on revoit la dame. Il fallut quelques jours pour qu’on recroise la dame et son copain, sur la plage, dans une autre ville. Apparemment, elle avait subi une grosse commotion cérébrale et était condamnée à passer quelques semaines de plus ici parce qu’elle ne pouvait pas reprendre l’avion.

LA CHINE VUE PAR ROSE

Rose Chedid | Le Délit
Rose Chedid | Le Délit
Rose Chedid
Rose Chedid | Le Délit

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Le Front commun : une grève historique à nos portes https://www.delitfrancais.com/2023/11/08/le-front-commun-une-greve-historique-a-nos-portes/ Wed, 08 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53316 Le secteur public québécois est à bout de souffle.

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Dans les prochaines semaines, une série de grèves se dessine à l’horizon. Depuis déjà plusieurs mois, trois grands secteurs publics sont en négociation de conventions collectives : la santé et les services sociaux ; l’éducation primaire et secondaire ; l’enseignement supérieur au niveau collégial. Les regroupements syndicaux représentant les employé·e·s du secteur public ont annoncé leur intention de grever tout au long du mois de novembre afin de signifier au gouvernement de François Legault leur insatisfaction face à la stagnation des négociations de ces multiples conventions collectives.

D’une part, le Front commun s’attaque aux questions de « table centrale », comme les salaires, les droits parentaux, les régimes de retraite et autres, qui affectent la majorité des conventions collectives des milieux de la santé, de l’éducation et des services sociaux. Il regroupe quatre cellules syndicales défendant les employé·e·s de la fonction publique : la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). 420 000 employé·e·s du secteur public sont en grève ce lundi 6 novembre, et ont annoncé tôt sur les lignes de piquetage l’ajout de trois jours consécutifs de grève, du 21 au 23 novembre.

« Le mois de novembre s’annonce mouvementé pour le gouvernement provincial de François Legault, qui devra jongler entre les négociations en cours et la menace d’interruption de plusieurs services au public québécois »

Dans les grandes lignes, le Front commun espère assurer « l’amélioration des conditions de travail et de pratique de même que les conditions salariales [des employé·e·s] ; un enrichissement visant un rattrapage salarial général pour l’ensemble des personnes salariées [ainsi qu’] une protection permanente contre l’inflation ».

D’autre part, des regroupements professionnels comme la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ont choisi de ne pas se joindre au Front commun, mais comptent aussi utiliser parallèlement la grève comme moyen de pression afin de faire entendre leurs demandes. La FIQ sera en grève les 8 et 9 novembre prochains, et attend 80 000 professionnel·le·s de la santé. Pour ce qui est de la FAE, 65 000 enseignant·e·s du primaire et du secondaire seront en grève générale illimitée à compter du 23 novembre, signifiant la fermeture des établissements d’éducation si une entente n’est pas atteinte d’ici là.

Ainsi, le mois de novembre s’annonce mouvementé pour le gouvernement provincial de François Legault, qui devra jongler entre les négociations en cours et la menace d’interruption de plusieurs services publics québécois.

Une histoire de solidarité québécoise

Il y a de cela 50 ans, le Québec a vu naître son premier Front commun, qui a marqué l’imaginaire collectif et a su s’imposer comme un moment charnière dans l’histoire syndicale de la province. Au printemps 1972, trois centrales syndicales – la CSN, la FTQ et la Centrale d’enseignement du Québec (CEQ, mais aujourd’hui connue comme la CSQ) – se regroupent afin d’affronter ensemble le gouvernement provincial lors de la troisième ronde de négociations du renouvellement des conventions collectives des employé·e·s du secteur public québécois.

Tout commence dans le contexte turbulent des années 1960 et 1970, dans le courant de la Révolution tranquille. En 1966, l’Union nationale est élue et met en place différentes mesures limitant les libertés des institutions d’éducation et de santé, ainsi qu’une nouvelle politique salariale pour le secteur public. Cette dernière visait à réduire les disparités entre les régions, entre les sexes, et entre le public et le privé. Selon l’historien et professeur à l’Université de Montréal Jacques Rouillard, les travailleur·euse·s de l’État demeuraient insatisfaits par cette politique, menant aux deux premières rondes de négociations avec le gouvernement de Daniel Johnson, mais sans toutefois arriver à un accord.

En 1970, Robert Bourassa et le Parti libéral du Québec sont élus, mais maintiennent les politiques salariales de l’administration précédente. C’est alors que la troisième ronde de négociations se met en branle, cette fois-ci avec un nouveau gouvernement. Il est question de salaires, assurance- salaire, des régimes de pension et de retraite, et de la sécurité d’emploi. Malheureusement, c’est rapidement l’impasse. Le gouvernement de Bourassa fait preuve d’intransigeance et ne cède pas face aux pressions des employé·e·s du public : les trois syndicats, la CSN, la FTQ et la CEQ, choisissent alors d’unir leurs forces afin d’accroître leur poids dans les négociations avec l’État.

C’est sous ces circonstances que le Québec connaît la grève la plus importante de son histoire, le 11 avril 1972, lorsque le Front commun annonce une grève générale illimitée mobilisant 200 000 travailleur·euse·s du secteur public. Malgré la mise en place d’injonctions limitant le droit de grève d’employé·e·s du milieu hospitalier et les conséquences légales afférentes à leur désobéissance, les grévistes choisissent tout de même d’exercer leur droit et se joignent au piquetage.

Le 21 avril 1972, le gouvernement Bourassa décrète la Loi spéciale 19, imposant un terme à la grève le 23 avril à minuit ainsi que le retour au travail des employé·e·s du secteur public. Le Front commun se réunit et vote en référendum le non-respect de la loi spéciale. Trois chefs syndicaux sont accusés – et condamnés – pour avoir incité à la désobéissance civile et encouragé la violation de la Loi spéciale 19. En réponse, des employé·e·s de plusieurs milieux, notamment de la presse, du gouvernement fédéral et du milieu de l’éducation se mettent également en grève, paralysant plusieurs sphères d’activité de la province. Cette mobilisation collective, et démonstration de solidarité, aura su attester du pouvoir de l’union, et aura permis des gains importants pour les syndicats, notamment au niveau des salaires et des retraites. Elle représente un moment phare dans l’histoire des droits du travail et des combats syndicaux au Québec.

À nouveau, le Québec fait front commun

Aujourd’hui, le syndicalisme québécois est bien en vie. Quatre des centrales syndicales majeures représentant la fonction publique – la CSN, la FTQ, la CSQ et l’APTS – s’inspirent du mouvement des années 1970 pour faire entendre leurs demandes au gouvernement Legault, qui continue de leur faire des offres sous le seuil de l’acceptabilité. Dans la communication Info-Négo du Front commun en date du 30 octobre, on peut lire : « Il faut se rendre à l’évidence : la grève est la seule solution pour que le gouvernement comprenne. » Samuel Sicard, président du SCFP Centre-Sud, une filiale de la FTQ, nous a indiqué que le sentiment est généralisé : « Nous avons déjà fait plusieurs moyens de pression comme le port de t‑shirts, plusieurs manifestations, dont celle du 23 septembre, à laquelle plus de 100 000 personnes ont participé. Malgré cela, le gouvernement n’a pas bougé. »

Le Front commun dénonce dans son communiqué les offres du gouvernement Legault, qui selon les chiffres présentés, ne suivent pas les prédictions d’inflation des années à venir. On peut y lire, avec une touche d’humour, que « l’éléphant a encore accouché d’une souris ». Les syndiqués du Front commun ont notamment rejeté la semaine dernière l’offre du Conseil du Trésor, qui comprenait une bonification salariale passant de 9% à 10.3% sur cinq ans, ainsi qu’un montant forfaitaire de 1 000$, disant d’elle qu’elle était « dérisoire ».

À chacun ses revendications : le Front commun

Pour commencer, la CSN représente 170 000 travailleur·euse·s des milieux publics et parapublics au Québec, réparti·e·s dans les réseaux de la santé et des services sociaux, de l’éducation collégiale – autant des membres des corps professoraux que le personnel de soutien – ainsi que des employé·e·s d’organismes gouvernementaux. Les négociations de la CSN se centrent notamment sur des questions de conditions de travail dans le réseau de la santé et dans les services sociaux. Ce lundi 6 novembre, le vice-président de la CSN, François Enault, déclare qu’ « avec ce qu’on a eu comme offre la semaine passée, un ajout de 1,3 % après un an de négociation, ça n’a pas de bon sens […] Le message, c’est que [les syndiqués, ndlr] sont tannés de s’appauvrir. Ce n’est pas vrai qu’on va creuser encore le trou dans le salaire ».

M. Sicard a aussi indiqué au Délit que « La FTQ est composée de 35 syndicats indépendants les uns des autres, mais nous avons tous et toutes le même objectif : celui d’améliorer la collectivité. À la FTQ, avec d’autres cen- trales, on milite pour un salaire minimum horaire à 18$, une assurance médicament universelle et plusieurs autres demandes qui seraient bénéfiques pour la société ». Entre autres, la FTQ, qui compte plus de 600 000 membres, représente des travailleur·euse·s œuvrant dans tous les secteurs de l’économie québécoise et dans toutes les régions du Québec. Selon M. Sicard, « la qualité des services publics est menacée. Cette négociation est celle de la dernière chance. Chaque année, ça devient plus difficile d’attirer, recruter et garder les employés ». C’est pourquoi, comme plusieurs autres centrales syndicales, ils centrent leurs demandes autour des salaires : l’objectif, c’est de « ne pas s’appauvrir et essayer d’avoir un rattrapage salarial ».

La CSQ représente les intérêts des enseignant·e·s, professionnel·le·s et du personnel de soutien des commissions scolaires, des cégeps et des universités, les intervenant·e·s en services de garde, certain·e·s infirmier·ère·s et employé·e·s du milieu de la santé et des services sociaux, ainsi que certain·e·s travailleur·euse·s du milieu communautaire, des loisirs et du municipal. Sur son site, on peut lire : « L’état de nos réseaux est le résultat de décennies d’austérité et de sous-investissement. Même s’il est vrai que le gouvernement a récemment investi davantage, c’est loin d’être suffisant pour pallier les conséquences multiples qui affectent, rappelons-le, l’ensemble des réseaux et des catégories d’emplois. » Ils·elles militent principalement au niveau des conditions de travail des types d’emploi cités précédemment.

Pour ce qui est de l’APTS, elle représente 65 000 technicien·ne·s et professionnel·le·s des milieux de la santé et des services sociaux. Alors que plusieurs de leurs syndiqué·e·s bénéficient de primes et de mesures temporaires mises en place depuis la pandémie, celles-ci sont menacées. Ils·elles militent donc actuellement notamment pour la prolongation de ces mesures, qui sont perpétuellement menacées.

Rose Chedid | Le Délit

Une lutte partagée : la FIQ et la FAE

Le Délit s’est entretenu avec Sébastien Roy, infirmier clinicien qui travaille en sites de consommation supervisée et qui est syndiqué auprès de la FIQ. Selon lui, « le réseau de santé publique est en train de s’effondrer sous nos yeux. Les mauvaises conditions du réseau public ont créé un exode des infirmières vers le privé et les agences de placement. Le sous-financement chronique a mené à la fermeture de centaines de lits d’hôpitaux et la fermeture de certaines urgences. Les listes d’attente en chirurgie sont plus longues que jamais. Certaines personnes attendent plusieurs mois simplement pour avoir une consultation avec un médecin spécialiste. Les conséquences sont catastrophiques pour la population ».

Le Délit a aussi eu la chance de rencontrer Denis Joubert, président de la FIQ-SPSS Centre-Sud-de‑l’Île-de-Montréal, une section locale de la FIQ, qui nous a expliqué le choix de son syndicat de grever parallèlement au Front commun: « Nos demandes intersectorielles et sectorielles sont différentes de celles du Front commun. » Il souligne : « Si nos concitoyen·ne·s ne devaient retenir qu’une seule chose de cette grève, c’est la suivante : nous faisons la grève pour que nos patient·e·s puissent être soigné·e·s dans la dignité, et ce, dans tous nos établissements de santé, nos CHSLD, et partout dans le réseau. » Il faut donc comprendre que la FIQ a fait un choix stratégique en optant pour une grève indépendante du Front commun.

« Les mauvaises conditions du réseau public ont créé un exode des infirmières vers le privé et les agences de placement. Le sous-financement chronique a mené à la fermeture de centaines de lits d’hôpitaux et la fermeture de certaines urgences »

M. Roy soulève également que « les seuls moyens qui vont réellement nous permettre de créer un rapport de force [lors des négociations, ndlr] sont les méthodes de syndicalisme de combat et de lutte des classes. Face à un gouvernement hostile, nous n’avons pas le choix d’utiliser des moyens combatifs comme la grève. Ce qui fait la force de la classe ouvrière, c’est qu’elle est au cœur du fonctionnement de la société. En arrêtant de travailler, c’est le système entier qui est paralysé, voilà où réside notre pouvoir! » Il souligne que la grève, autant pour le Front commun que pour la FIQ, est le moyen de pression qui permettra aux syndicats d’obtenir ce qu’ils veulent : « Toutes les méthodes douces de négociation ont déjà été testées. »

Pour ce qui est de la FAE, Le Délit a pu discuter avec quelques enseignant·e·s des cégeps Ahuntsic et Marie-Victorin. Ce qui ressort de ces conversations est la fatigue qui transcende le milieu de l’enseignement. Contrairement au Front commun et à la FIQ, la FAE a opté pour le déclenchement d’emblée d’une grève générale illimitée à compter du 23 novembre, sans passer par des journées de grève isolée préalablement. Comme l’a souligné Mélanie Hubert, présidente de la FAE, « le compte à rebours est commencé. Le message qu’on envoie ce soir à Sonia LeBel, à Bernard Drainville, à François Legault, c’est que les profs sont à bout de souffle. Personne ne fait la grève de gaieté de cœur ».

« Nous faisons la grève pour que nos patient·e·s puissent être soigné·e·s dans la dignité, et ce, dans tous nos établissements de santé, nos CHSLD, et partout dans le réseau »

Uni·e·s dans l’oppression

Dans les dernières années, le Québec a été victime d’un exode massif du public vers le privé, notamment dans le milieu de la santé, mais aussi dans plusieurs autres sphères d’activité. Pour citer Magali Picard, « les députés se sont votés une augmentation de 30%, le gouvernement offre 21% à la Sûreté du Québec : je me demande si c’est parce qu’on représente 78% de femmes que l’équité salariale traîne ». En effet, les milieux en grèves – la santé, l’éducation, le personnel de soutien, etc. – représentent des domaines largement dominés par les femmes, et il semble naturel de se demander si le gouvernement est conscient de la marginalisation économique qu’il continue d’imposer aux travailleuses qui font rouler ces secteurs.

« Ce qui fait la force de la classe ouvrière, c’est qu’elle est au cœur du fonctionnement de la société. En arrêtant de travailler, c’est le système entier qui est paralysé, voilà où réside notre pouvoir! »


Sébastien Roy, infirmier clinicien syndiqué auprès de la FIQ

L’histoire du Front commun de 1972 et celle de cette année rappellent toutes les deux l’importance de la solidarité et de l’action collective dans la lutte pour de meilleures conditions de travail. L’héritage d’un syndicalisme québécois fort rappelle aux travailleur·euse·s du Québec que l’union fait la force. En espérant que cette année, l’union saura une fois de plus faire la différence dans le combat pour des conditions de travail plus justes et respectueuses.

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Peut-on être objectif en temps de guerre? https://www.delitfrancais.com/2023/10/25/peut-on-etre-objectif-en-temps-de-guerre/ Wed, 25 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52952 Rarement avons-nous été inondé·e·s d’autant d’informations, et rarement a‑t-il été aussi difficile de s’informer que dans le contexte actuel. Les médias, pièces maîtresses du fonctionnement des démocraties modernes, n’ont peut-être jamais été autant impliqués que depuis la récente escalade du conflit israélo-palestinien. À travers des événements aussi complexes, le sociologue Dominique Wolton avance que le… Lire la suite »Peut-on être objectif en temps de guerre?

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Rarement avons-nous été inondé·e·s d’autant d’informations, et rarement a‑t-il été aussi difficile de s’informer que dans le contexte actuel. Les médias, pièces maîtresses du fonctionnement des démocraties modernes, n’ont peut-être jamais été autant impliqués que depuis la récente escalade du conflit israélo-palestinien. À travers des événements aussi complexes, le sociologue Dominique Wolton avance que le public peut avoir l’impression frappante de ne rien savoir malgré sa consommation abondante d’informations.

Alors que la communauté montréalaise et internationale semble divisée par les événements des dernières semaines, l’équipe du Délit fait face une question de déontologie journalistique : comment doit-on s’y prendre pour rapporter l’information le plus justement possible à la population étudiante? Comment assurer une couverture équilibrée dans le contexte de conflits aussi polarisants?

Dans le monde du journalisme, l’objectivité est placée au rang de valeur idéale : tous·tes les journalistes espèrent s’en approcher. Afin de mieux cerner les enjeux du quotidien, nous pouvons considérer que le journalisme mise sur une approche qui vise soit la neutralité, soit la pluralité d’opinions. Quoi que nous fassions, se libérer entièrement des biais individuels est loin d’être simple, et malgré nos efforts, nous craignons que ce soit impossible.

Au même titre que le·a journaliste, l’historien·ne s’abstient de juger ; la discipline historique autonome est largement marquée par le positivisme : « expliquer les choses comme elles se sont passées. » Toutefois, cette objectivité se perd dès qu’un fait historique est amené par un·e témoin, à un moment et à un endroit donné. Depuis près de trente ans, ces observateur·rice·s se multiplient avec l’accroissement des télécommunications : la prolifération des chaînes de télévision, l’essor d’Internet, l’omniprésence des téléphones portables et toutes les autres avancées technologiques ont profondément remodelé nos canaux de communication. Les outils de communication de masse demandent une réponse rapide, un besoin de se faire une opinion à tout prix et d’en aviser les autres, alors même que les informations sur la situation ne sont parfois pas complètes, ni vérifiées. La multitude de sources d’information « rapides » relèguent progressivement, de par leur nature éphémère, le journalisme traditionnel au second plan.

Cette constante circulation de nouvelles et d’opinions pousse à la polarisation. Comme le suggère Hannah Arendt – politologue et philosophe américaine – dans La condition de l’homme moderne, la politique est un domaine dans lequel la vérité est inévitablement étirée, déformée et relativisée, plutôt que délibérément exprimée. Alors, comment éviter de colporter les visions d’acteur·rice·s politiques – ou médiatiques – intéressé·e·s à créer des divisions encore plus marquées?

Ces visions, dans le contexte de guerre, font naître la notion fondamentale d’altérité. Ce concept évoque la reconnaissance de l’autre, de la différence, dans le contexte de relations interpersonnelles, culturelles, éthniques ou sociales. Les guerres et conflits mettent souvent en évidence ces différences, au risque d’être exagérées et instrumentalisées pour justifier la violence. En temps de guerre, la propagande peut être également utilisée pour déshumaniser l’ennemi en le représentant comme une menace abstraite, enracinée dans la peur de l’autre. Il est donc plus facile pour les parties en conflit de mobiliser leur population en les encourageant à percevoir l’autre comme radicalement différent·e, dangereux·se, voire inférieur·e. Le professeur Cornett – avec lequel Le Délit s’est entretenu dans le cadre du conflit israélo-palestinien – souligne que « celui qui est un patriote aux yeux de l’un est un terroriste aux yeux de l’autre ».

En tant que journal étudiant, nul besoin de rappeler que nos moyens sont limités. Malgré nos efforts constants visant à fournir un contenu qualitatif, il demeure que nos moyens sont loins d’égaler ceux d’Agence France-Presse ou encore Reuters. Alors que ces dernières ont les pieds au cœur de l’action, nous sommes forcé·e·s de consommer ce qu’ils voient en temps réel, à travers leurs productions journalistiques.

Bien que nous ne puissions rivaliser avec ces presses internationales, qui mettent la main sur un événement à la seconde où il se produit, nous avons un engagement envers la population étudiante mcgilloise, et souhaitons continuer de produire du contenu de qualité, malgré les défis qui s’imposent. Nous tenons à ce que notre population étudiante soit informée, et Le Délit tient à cœur son rôle de véhicule d’information recherchée. En tant que journal étudiant, nous ne sommes pas une entité politique. Dans le contexte actuel, nous pensons donc que prendre position n’est pas l’approche à privilégier. Nous souhaitons continuer à écrire sur la beauté qui nous entoure, sur les petites joies de la vie, sur le théâtre, sur les avancées étudiantes, sur la danse, ou encore sur l’Halloween. Nous estimons que les étudiant·e·s pourraient en avoir besoin ces temps-ci.

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Inégalités genrées en horreur https://www.delitfrancais.com/2023/10/25/inegalites-genrees-en-horreur/ Wed, 25 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52972 Un réel cauchemar pour les femmes.

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Avec l’Halloween qui arrive à grands pas, j’imagine ne pas être la seule à m’être replongée dans l’univers captivant du cinéma d’horreur. Cependant, en explorant une nouvelle fois les classiques de ce genre, une réalité persiste : pendant de nombreuses années, les femmes ont été reléguées au second plan des scénarios, condamnées à des rôles de victimes désespérées. Toutefois, l’exploration de l’évolution des personnages féminins dans le cinéma d’horreur, allant de rôles traditionnels de femmes opprimées à des héroïnes puissantes, nous offre un aperçu des perceptions de la femme à travers les époques, ainsi que des changements conséquents dans l’industrie cinématographique.

La femme en détresse

Le cinéma d’horreur prend vraiment son envol dans les années 1930, période durant laquelle la femme est présentée à l’écran comme un objet fragile, nécessitant constamment l’aide d’un personnage masculin, reflet du dogme patriarcal typique de cette période. Entre les années 30 et 40, peu d’évolution s’opère au niveau des rôles occupés par des femmes : les personnages féminins se résument bien trop souvent au rôle de la pauvre demoiselle en détresse criant à l’aide.

On peut penser au personnage d’Ann dans King Kong (1933), présentée comme une jeune actrice sans emploi, délicate et fragile. Son personnage est une caricature de la femme vulnérable : elle est kidnappée par King Kong et est sauvée par le héro masculin. Dans Frankenstein (1931), les personnages féminins sont rares. Elizabeth, la fiancée d’Henry Frankenstein, est confinée au second plan et dépeinte comme une femme douce et aimante, correspondant au stéréotype de la femme vertueuse de l’époque. Les normes genrées qui régnaient durant cette période se reflétaient dans les films d’horreur, et perpétuaient l’image de la femme subjuguée, nécessitant l’aide perpétuelle de l’homme. On est loin de passer le test de Bechdel!

Nouveaux sommets pour les personnages féminin

Dans les décennies qui suivent, les personnages féminins vivent un tournant. Durant les années 1950 et 1960, le cinéma d’horreur connaît l’émergence de personnages féminins complexifiés, en comparaison à leurs prédécesseurs. Les films de cette période proposent de plus en plus de personnages principaux féminins, mais encore une fois, ceux-ci ne sont pas égaux à l’archétype masculin moyen de l’époque, généralement illustré comme puissant et en contrôle de sa situation.

Dans Psycho (1960), le personnage de Marion est une femme en quête d’indépendance, et elle vole de l’argent, action loin d’être typique pour les personnages féminins de cette période. Bien que l’intrigue ne soit centrée autour d’elle que pour la première moitié du film, sa disparition mystérieuse suite à une rencontre malencontreuse avec Norman Bates est le point de départ d’une série d’événements terrifiants, et marque l’importance de son personnage. Rosemary, dans Rosemary’s Baby (1968), représente pour plusieurs un point marquant dans le genre de l’horreur parce qu’elle est parmi les premières protagonistes féminines à occuper une place si importante dans une histoire. Ces deux personnages jouent des rôles centraux dans leurs intrigues respectives et démontrent l’évolution des rôles féminins en horreur à cette époque.

Les final girls

Pendant les années 70 et 80, les fans d’horreur voient la montée en puissance du personnage de la final girl (la dernière survivante). Des films emblématiques comme Halloween (1978), avec Jamie Lee Curtis dans le rôle de Laurie Strode, mettent en scène le prototype de la survivante, alors qu’elle lutte contre le tueur en série Michael Myers. Cette nouvelle représentation de la femme résiliente, déterminée, et qui se bat pour sa vie remet en question les stéréotypes genrés qui prévalaient dans l’horreur au cours des décennies précédentes. On peut aussi penser à A Nightmare on Elm Street (1984) ou encore à The Texas Chainsaw Massacre (1974) comme de bons exemples de la final girl. Malgré tout, il me semble inquiétant qu’on ait à regrouper en une catégorie ces films d’horreur, qui offrent à leurs personnages féminins le minimum : leur survie.

« Ces films sont d’une importance inestimable : bien que cela puisse sembler trivial, la défaillance des stéréotypes genrés dans des milieux tels que celui de l’horreur joue un rôle important dans la déconstruction de ces croyances dans l’imaginaire populaire »

Traitement médiocre des actrices

Durant cette même période, le tournage de The Shining (1980) de Stanley Kubrick est extrêmement difficile pour Shelley Duvall, qui joue Wendy, et soulève des inquiétudes face au traitement des femmes dans le cinéma. Selon Jack Nicholson, qui jouait son mari, Kubrick agissait complètement différemment quand il dirigeait Duvall. On lui demandait de pleurer sur commande et de reprendre des scènes des dizaines de fois. Le film détient d’ailleurs le record Guinness pour la scène avec dialogue ayant nécessité le plus de reprises, Kubrick étant connu pour être extêmement exigeant. Duvall a été soumise à un stress émotif et psychologique important sur le plateau, sous prétexte que c’était nécessaire pour qu’elle puisse exprimer la terreur vécue par son personnage. Stephen King aurait même admis avoir détesté l’adaptation de Kubrick, spécifiquement parce qu’il jugeait que la représentation cinématographique de Wendy était misogyne, et différait complètement de ce qu’il avait prévu dans le livre.

Isabelle Adjani, qui joue Anna dans le film Possession (1981) d’Andrzej Żuławski, a elle aussi vécu un tournage extrêmement demandant, car le thriller psychologique exigeait d’elle une performance haute en émotion et physiquement drainante. Une scène graphique très connue la présente sur un quai de métro, se contorsionnant de souffrance dû à une fausse couche. Dans une entrevue avec The Playlist en 2016, Adjani mentionne que Żuławski « est le genre de directeur qui t’entraîne avec lui dans son monde de noirceur (tdlr) ». Ceci étant dit, Adjani révèle : « C’était un film assez incroyable à tourner, mais il m’a détruite de l’intérieur. »

Le nouveau cinéma d’horreur féministe

Dans les dernières décennies, on est témoin d’une transformation significative des personnages féminins dans le milieu de l’horreur. Des réalisatrices comme Kathryn Bigelow et Mary Harron nous offrent des films marquants comme Near Dark (1987) et le film culte American Psycho (2000). Ceux-ci apportent une perspective féminine à des genres traditionnellement masculins. Plus récemment, on a aussi eu la chance de voir la naissance de films comme Get Out (2017) ou encore Midsommar (2019), où les personnages féminins sont complexes et nuancés. On pense aussi à The Witch (2015), Hereditary (2018), et A Quiet Place (2018), mettant en avant des femmes protagonistes, fortes et complexes, et explorant même des thèmes féministes.

« En renversant les stéréotypes de genre dans le cinéma d’horreur, ces œuvres contribuent au démantèlement des pré- jugés et attentes liés aux préconceptions dictées par le patriarcat, et ouvrent lentement la voie à une représentation plus diversifiée des femmes dans le cinéma, et dans la vie de tous les jours. »

Importance de l’horreur féministe

Ces films sont d’une importance inestimable : bien que cela puisse sembler trivial, la défaillance des stéréotypes genrés
dans des milieux tels que celui de l’horreur joue un rôle important dans la déconstruction de ces croyances dans l’imaginaire populaire. En renversant les stéréotypes de genre dans le cinéma d’horreur, ces œuvres contribuent au démantèlement des pré- jugés et attentes liés aux préconceptions dictées par le patriarcat, et ouvrent lentement la voie à une représentation plus diversifiée des femmes dans le cinéma, et dans la vie de tous les jours.

Dans le futur, j’espère voir un milieu de l’horreur plus intersectionnel. Les femmes cisgenres blanches ont effectivement été les premières à briser les barrières préconçues du cinéma d’horreur, mais il est crucial de continuer à produire de la diversité dans nos rôles féminins. Pour une représentation plus complète, il serait pertinent d’adopter une approche intersectionnelle à la création de personnages féminins, afin de mettre de l’avant des voix et des expériences diverses et complexes. Le prochain pas vers un genre cinématographique plus complet sera l’inclusion de ces identités variées, et j’attends avec impatience la poursuite de cette évolution.

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Laissez nos écoles tranquilles https://www.delitfrancais.com/2023/10/04/laissez-nos-ecoles-tranquilles/ Wed, 04 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52660 Nous devons éduquer sur la sexualité et l’identité de genre dans les écoles québécoises.

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Avec la sortie de la quatrième saison de Sex Education et la récente manifestation 1 Million March 4 Children, qui avait pour objectif de « plaider en faveur de l’élimination du programme d’orientation sexuelle et d’identité de genre, de l’éducation sur les pronoms, sur l’idéologie de genre et des toilettes mixtes dans les écoles (tdlr) », l’éducation à la sexualité et aux identités de genre est le sujet de l’heure. Notre ministre provincial de l’Éducation, Bernard Drainville, s’est lui aussi lancé dans une croisade anti-inclusion quand il a exprimé son refus catégorique de voir des toilettes non genrées devenir la norme au Québec. Pour sa part, le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon (PSPP), prétend être témoin d’une montée des idéologies de la « gauche radicale » et dit craindre que ces idées deviennent la norme sans être débattues à l’Assemblée nationale. Il a donc proposé une commission parlementaire qui viserait à déterminer si l’identité de genre doit prendre davantage d’espace dans le cursus d’éducation sexuelle, et à partir de quel âge on devrait y exposer les enfants.

L’éducation sexuelle et à la diversité de genre au Québec

Depuis 2018, le ministère de l’Éducation a mis en place un cursus d’apprentissage lié à la sexualité, qui est enseigné partout à travers le Québec. Ce dernier est obligatoire pour les élèves d’établissements primaires et secondaires, autant pour les étudiant·e·s du privé que du public. Au primaire, les jeunes commencent par apprendre les concepts plus globaux liés à la sexualité, comme la croissance sexuelle, l’image corporelle ainsi que la vie affective et amoureuse. Ils·elles apprennent ensuite à reconnaître la violence à caractère sexuel, et suivent un module intitulé « Identité, rôles, stéréotypes sexuels et normes sociales ». Celui-ci initie les jeunes aux stéréotypes genrés de féminité et de masculinité, afin de les reconnaître et de se situer par rapport à ces normes. Ils·elles doivent comprendre en quoi la perpétuation de ces stéréotypes et la discrimination liée à l’orientation sexuelle ou à l’expression et l’identité de genre sont problématiques.

Au secondaire, le programme québécois d’éducation à la sexualité recentre son attention sur la prévention des infections transmises sexuellement et par le sang (ITSS), sur les concepts de consentement, de contraception, et de plaisir et désir sexuel. Bien qu’on parle toujours d’identité de genre dans le cursus académique, d’autres sujets semblent prévaloir sur l’éducation à la diversité de genre à cet âge.

L’éducation sexuelle : un indispensable?

Selon l’organisation Action Canada pour la santé et les droits sexuels, « l’éducation à la sexualité vise à autonomiser les jeunes personnes en leur fournissant les outils et l’information dont elles ont besoin pour faire des choix éclairés et pour vivre selon leurs valeurs (notamment religieuses, spirituelles et familiales) ».

L’organisation souligne l’importance de cette pratique, et met en garde contre la croyance populaire que c’est en fait une sorte de « propagande de la promiscuité », ou encore que cette forme d’enseignement est incompatible avec la foi.

Au Québec, l’éducation sexuelle et sur la diversité de genre cause toujours des vagues. Nous en avons été témoins la semaine dernière, quand des centaines de manifestants se sont rassemblés pour la 1 Million March 4 Children au centre-ville de Montréal, afin de protester contre l’éducation à l’idéologie de genre dans les écoles. Leur rhétorique se centrait principalement sur le droit des parents de décider s’ils·elles désirent leur en parler, et à quel âge ce sujet devrait être abordé.

En revanche, les contre-manifestants étaient d’avis que les protestataires tentaient d’importer les guerres culturelles américaines ici, au Québec, et désiraient priver les jeunes Québécois·e·s d’enseignements importants sur l’inclusion et le respect des personnes de diverses identités sexuelles et de genre. Quant à elles·eux, il est essentiel d’éduquer en jeune âge à la diversité de genre, parce que c’est durant ces années formatrices que les stéréotypes et les attitudes discriminatoires s’enracinent.

Réfuter un argumentaire réducteur et discriminatoire

Pour commencer, l’éducation sexuelle et sur la diversité de genre est une pratique qui, comme mentionné précédemment, ne vise pas à influencer l’identité sexuelle ou de genre de qui que ce soit, mais plutôt à créer un environnement inclusif et accueillant pour tous·tes dans les écoles québécoises. Quand PSPP parle d’une montée de la « gauche radicale », je dis plutôt que c’est le bon sens qui commence à émerger, tout simplement. Il s’agit du minimum que de s’assurer que tous·tes les jeunes se sentent bien dans leurs écoles, sachant que ce n’est parfois pas le cas à la maison. Mais dans quel univers ne voudrions-nous pas rendre nos écoles plus accueillantes aux jeunes vivant déjà au quotidien avec le défi de se sentir différent·e·s?

« Il est essentiel d’éduquer en jeune âge à la diversité de genre, parce que c’est durant ces années formatrices que les stéréotypes et attitudes discriminatoires s’enracinent »

Non seulement l’éducation sexuelle et à l’idéologie de genre rend nos écoles plus inclusives et accueillantes, mais aussi plus sécuritaires. Une jeunesse mal éduquée est une jeunesse en danger. Le programme d’éducation sexuelle permet aux jeunes d’apprendre une panoplie de notions, telles que le consentement, les abus sexuels non traditionnels, comme l’abus verbal ou psychologique, les différents modes de contraception, et plusieurs autres. C’est le manque d’éducation de la jeunesse qui permet à des rhétoriques transphobes, homophobes et autres de se perpétuer : en initiant à la diversité en bas âge, on démonte les murs bâtis autour de la différence, et on ouvre le dialogue, laissant place aux questions et en leur offrant des réponses.

Les discussions autour de différents sujets associés à la sexualité et à l’identité de genre font partie intégrante de l’éducation de nos enfants, et celles-ci passent non seulement par la sphère privée, mais aussi par la dispersion de cette information dans
les écoles. Certains diront : « Mais pourquoi ne pas attendre l’âge adulte, quand nos enfants pourront prendre des décisions pour elles·eux-mêmes? » Selon Action Canada pour la santé et les droits sexuels, il n’y a pas d’âge auquel on devrait initier les enfants à la diversité sexuelle et de genre, ainsi qu’aux différentes facettes d’une sexualité saine. Selon l’organisation, « l’éducation sexuelle à la maison commence dès la naissance, en montrant par exemple à nos enfants que nous respectons leurs limites lorsqu’ils et elles ne veulent pas qu’on leur donne de câlin ou qu’on les chatouille, en répondant à leurs questions sur ce qu’est une famille, ou en contestant l’idée selon laquelle le rose est une couleur réservée aux filles ».

Cette responsabilité d’éducation se transpose par la suite à la sphère publique lorsque les enfants entrent à l’école. Bien que les parents soient les premiers enseignants, l’éducation à la sexualité et aux identités de genre en milieu scolaire sert de complément à l’enseignement offert –ou non–à la maison.On ne peut donc pas supposer que les parents font un travail exhaustif quant à la santé sexuelle et en ce qui a trait à la diversité. Il faut donc que ces sujets soient abordés à l’école, afin de permettre un environnement de compréhension, d’acceptation et de célébration de la différence, non seulement dans nos écoles, mais dans toutes les sphères de la vie.

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Jouer toujours et encore plus https://www.delitfrancais.com/2023/09/27/jouer-toujours-et-encore-plus/ Wed, 27 Sep 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52471 Comprendre les dynamiques d’addictions aux jeux vidéo.

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L’avènement de l’ère numérique a bouleversé les dynamiques sociales, économiques et culturelles qui régissaient précédemment la civilisation humaine. La percée du monde virtuel dans les sphères publique et privée a provoqué une restructuration de nos relations interpersonnelles, de notre façon de travailler, de consommer, mais aussi de se divertir. C’est sur ce dernier point que nous aimerions nous pencher. En effet, le monde du numérique, depuis son invention, nous offre différentes formes de divertissement, mais ces dernières années, le succès d’un d’entre eux a été particulièrement retentissant : le jeu vidéo.

Bien que disponibles depuis une cinquantaine d’années déjà, les jeux vidéo sont devenus au fil du temps un phénomène gagnant une popularité impressionnante auprès des jeunes. Au Canada, les jeux vidéo se sont imposés comme un moyen de divertissement majeur : selon une étude de l’Association canadienne du logiciel de divertissement (ALD) réalisée en 2022, 53% des Canadien·ne·s jouent régulièrement, et ce, pendant presque huit heures par semaine en moyenne. Ceci étant dit, certain·e·s y jouent de façon plus importante, à un niveau qui peut devenir inquiétant. Le Délit a tenté de démystifier ce que cela signifie d’être addict aux jeux vidéo.

Mais qu’est-ce qu’une addiction?

Le Délit s’est entretenu avec Valérie Van Mourik, travailleuse sociale et clinicienne-chercheuse à l’Institut universitaire sur les dépendances du Centre-Sud-de- l’Île-de-Montréal (CIUSSS) où elle travaille sur le développement de programmes de réadaptation pour les gens souffrant de dépendance aux jeux en ligne ou à Internet. Van Mourik nous cite Aviel Goodman, un psychiatre américain, et sa définition proposée en 1990 de l’addiction : « C’est un processus dans lequel est réalisé un comportement qui peut avoir pour fonction de procurer du plaisir et de soulager un malaise intérieur et qui se caractérise par l’échec répété de son contrôle et sa persistance en dépit des conséquences négatives. » Il y a donc une dimension de jeu pathologique, mais aussi un manque de contrôle sur la relation entre jeu et joueur. Elle ajoute que «l’obsession est l’une des dimensions de la dépendance. À cela, il faut ajouter la notion de perte de contrôle. La personne touchée doit donc avoir tenté de contrôler son comportement sans succès, et il faut que ça ait des conséquences négatives dans les différentes sphères de vie de la personne ».

Selon elle, la dépendance n’apparaît pas du jour au lendemain : c’est un phénomène graduel. « On passe d’un usage à faible risque à un usage à risques, puis à un usage problématique. La majorité des gens ont un usage à faible risque, mais une minorité de personnes qui développent un usage problématique nécessitent de consulter dans un centre de réadaptation. »

Van Mourik nous indique que « la première étude sur le phénomène de la dépendance à Internet a été faite en 1996 par la docteure Kimberly Young, qui a présenté des critères diagnostiques [pour l’addiction aux jeux vidéos, ndlr] calqués sur ceux du trouble de jeu de hasard et d’argent. Dès l’essor de l’utilisation d’Internet, certaines personnes ont commencé à demander de l’aide pour des difficultés associées à leur usage des jeux, et ainsi la communauté scientifique s’est intéressée à ce phénomène. La première reconnaissance officielle du trouble du jeu vidéo a eu lieu en 2013 avec le DSM 5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), qui a inscrit ce diagnostic en annexe afin que les recherches puissent se poursuivre avec des critères diagnostiques communs. Ensuite en 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a inscrit le trouble du jeu vidéo dans le CIM-11 (la classification internationale des maladies) ». La reconnaissance par la communauté scientifique du trouble de dépendance aux jeux vidéo est donc récente et « il n’y a pas encore de critères diagnostiques ou de consensus en ce sens », explique Van Mourik.

Dynamiques d’âge et de genre dans le jeu vidéo

Selon l’étude de l’ALD, le phénomène vidéoludique serait régi par une dynamique d’âge et de genre : alors que chez les hommes, la tranche d’âge qui joue le plus sont les adolescents âgés de 13 à 17 ans, à raison de 11,5 heures par semaine, chez les femmes, ce sont les 55–64 ans qui sont les plus actives et jouent en moyenne 8,4 heures par semaine.

« On joue de plus en plus souvent, et ça devient une habitude, qui, graduellement, peut devenir une dépendance »


Valérie Van Mourik, travailleuse sociale et clinicienne-chercheuse à l’Institut universitaire sur les dépendances

Pourtant, Van Mourik soutient que « tout le monde peut être à risque de développer un usage problématique des jeux vidéo. Toutefois, si on regarde en clinique, on observe que les garçons sont surreprésentés parmi les gens qui demandent de l’aide en centre de réadaptation en dépendance ». Elle maintient qu’on doit se pencher sur les multiples facteurs qui peuvent influencer cette tendance : « Les caractéristiques de certains jeux favorisent leur utilisation accrue : renforcements constants et/ou irréguliers et imprévisibles ; socialisation et collaboration entre joueurs ; personnalisation des offres et des récompenses dans le jeu qui favorisent l’habitude de se connecter, évolution dans un milieu peu encadré, de vivre dans un contexte marqué par l’instabilité, le manque de communication ou les conflits et avoir de la difficulté à gérer ses émotions, son anxiété, ou à aller chercher de l’aide. Ça peut venir d’une recherche d’intensité et/ou d’une faible tolérance à l’ennui, ou même d’être fragilisé par de l’isolement social, par une rupture amoureuse, un décès, des difficultés vécues dans le passé, des traumatismes, abus, etc.»

COVID-19 : incubateur de l’addiction aux jeux vidéo

Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 a propulsé les bénéfices de l’industrie du jeu vidéo, avec une augmentation drastique du nombre de joueurs qui se trouvaient soudainement avec plus temps à tuer. Une étude publiée en 2022 en France démontre que durant la pandémie, « une très grande majorité, pour ne pas dire la quasi-totalité des participants, rapporte une augmentation moyenne ou forte de leur fréquence d’usage des jeux vidéo ». La majorité des personnes concernées disaient avoir eu recours au jeu pour s’évader, afin de mieux supporter cette période difficile.

Ceci étant dit, Van Mourik nous explique que les jeux vidéo ont une tendance addictive, non seulement parce qu’ils ont la capacité de soulager ou de divertir, mais aussi parce que le cerveau enregistre l’association entre le jeu et ses qualités. « En effet, les jeux stimulent le circuit de la récompense qui libère de la dopamine dans le cerveau, un neurotransmetteur associé au plaisir. On joue de plus en plus souvent, et ça devient une habitude, qui, graduellement, peut devenir une dépendance. Notre cerveau devient très sensible à la stimulation du système de la récompense et il n’arrive plus à freiner ou à changer les comportements qui sont devenus conditionnés. Donc, l’envie d’aller jouer est de plus en plus forte et fréquente, et la personne touchée a de plus en plus de difficultés à contrôler ce comportement. »

Elle rappelle aussi que « parmi les profils de joueurs problématiques, plusieurs recherchent l’évasion face aux émotions perçues comme étant négatives, aux événements de vie difficile ou aux traumatismes. Il est donc important en clinique de travailler sur le fait de tolérer ses émotions au lieu de chercher à les fuir, puisque cette acceptation permettra plus facilement d’agir, si cela est possible, sur les déclencheurs de cette émotion ». On peut donc s’imaginer que durant la pandémie, plusieurs ont vécu le confinement, l’isolement et le deuil comme des formes de traumatisme, qui ont pu mener des jeunes à se tourner vers les jeux vidéo comme une échappatoire.

« Quand une personne souffre de dépendance, elle ne va pas bien, elle a honte de ses difficultés et de sa perte de contrôle, ce qui peut la mener à s’isoler. Ne pas aller chercher de soutien, ne pas parler de ce qu’on vit, empire le problème »


Valérie Van Mourik, travailleuse sociale et clinicienne-chercheuse à l’Institut universitaire sur les dépendances

Il semble donc important de maintenir une perspective nuancée sur les jeux : bien qu’ils puissent être la source de plaisir pour plusieurs, ils peuvent aussi être au cœur de problèmes bien plus profonds et devenir le déclencheur de comportements obsessionnels, ou même d’une dépendance.

Un concepteur de jeux vidéo mitigé

Le Délit a aussi rencontré Ewen*, un concepteur de jeux vidéo pour un grand éditeur de jeux au succès international. Son rôle est « de mettre en place ce qu’on appelle des features, des systèmes dans le jeu pour travailler sur la rétention et la monétisation ». Interrogé sur le potentiel de dépendance associé aux jeux vidéo, il explique premièrement l’importance de l’évolution des modèles commerciaux au sein de l’industrie : « Il y a l’approche plus traditionnelle, et l’approche moderne des jeux free-to-play, sur lesquels je travaille. Là, le but, ça va être de faire de l’argent et de retenir le joueur. Or, au début, le marché ne s’est pas structuré comme ça. À l’origine, sur les premières consoles, c’était des jeux qui étaient finis. L’idée, c’était de vendre une expérience sur un temps donné. Là, on n’est plus dans ces modèles-là. » Aujourd’hui, le modèle dominant est celui des free-to-play, dont l’objectif est de ratisser toute la masse en offrant un jeu gratuit, comportant des mécanismes d’engagement pour que les joueurs restent connectés le plus longtemps possible.

« PC, console ou mobile, ce n’est pas la même chose. Le PC, il faut avoir du temps disponible pour y jouer. Ça, c’est un facteur. Le mobile, on l’a directement dans la poche. On peut ouvrir des sessions n’importe quand »


Ewen, concepteur de jeux pour un grand éditeur vidéludique

Ewen considère que les mécanismes d’addiction dépendent de deux facteurs. Le premier est, comme expliqué ci-dessus, le type de jeu. Il explique : « Les jeux premium [ou payants, ndlr] auront moins de mécaniques de dépendance, puisqu’on sait qu’on achète une histoire qui va d’un point A à un point B, et puis c’est tout. Après, il y aura toujours des extensions, mais l’idée fondatrice reste la même. Cependant, avec du free- to-play, le but, c’est de garder le joueur actif le plus longtemps possible. Effectivement, ça peut rapidement devenir une drogue. Les free-to-play, selon moi, favorisent vraiment le développement d’addictions. »

De plus, il explique que la plateforme de jeu a également son rôle à jouer : « PC, console ou mobile, ce n’est pas la même chose. Le PC, il faut avoir du temps disponible pour y jouer. Ça, c’est un facteur. Le mobile, on l’a directement dans la poche. On peut ouvrir des sessions n’importe quand. C’est ce qui est dramatique. » Ce facteur est, pour lui, déterminant, car les contraintes organisationnelles et géographiques disparaissent. Le jeu est accessible partout, tout le temps, et pour tout le monde.

Ewen connait les mécanismes d’addiction, puisqu’il les manipule lui-même au quotidien dans son travail. Il explique que les studios sont directement impliqués dans le développement d’addictions : « On va exploiter les ressorts psychologiques de la boucle d’apprentissage et de récompense. Sur mobile, on a deux ou trois minutes pour accrocher le joueur. Dans ce laps de temps, il faut qu’il comprenne les règles du jeu grâce à un tutoriel, et dans ce tutoriel-là, on va envoyer énormément de récompenses pour qu’il revienne. Une fois qu’il a compris le jeu, on peut aussi créer volontairement des mécanismes de friction. Typiquement, on peut choisir à un certain moment de stopper l’avancement du joueur, et lui proposer une offre – parfois payante – pour faire en sorte que sa progression dans le jeu accélère. »

Clément Veysset | Le Délit

La dépendance : impacts et conséquences

Ewen nous confie que le jeu s’est révélé pour lui être un échappatoire. « Pendant mon adolescence, j’ai développé une addiction aux jeux compétitifs. Mon addiction était aussi liée à un contexte familial, qui a fait des jeux un refuge pour moi. Le moment où ça devient problématique est facilement reconnais- sable. C’est à partir du moment où tu passes beaucoup trop de temps [sur les jeux vidéo, ndlr], que ça empiète sur tes performances professionnelles, que ça empiète sur ton entourage. C’est là que ça devient un problème. À ce moment-là, il faut chercher de l’aide. »

« Quand une personne souffre de dépendance, elle ne va pas bien, elle a honte de ses difficultés et de sa perte de contrôle, ce qui peut la mener à s’isoler. Ne pas aller chercher de soutien, ne pas parler de ce qu’on vit empire le problème »

Le Délit a aussi pu rencontrer Jean*, qui a été témoin de l’addiction de son colocataire lors de sa première année en résidence. « Au début du semestre, c’était à peu près normal. Il essayait d’aller en cours, mais au bout de deux semaines, c’était fini. Je pense qu’il n’allait qu’aux cours qui n’étaient pas enregistrés, et il restait dans la chambre tout le reste du temps. Soit il était sur son ordi en train de jouer aux jeux vidéo, soit sur son téléphone dans le lit, et faisait des allers-retours entre les deux. » Jean spécule que son colocataire s’est isolé volontairement, et utilisait lui aussi possiblement les jeux comme refuge. « Au début de l’année, à la résidence, tout le monde à l’étage sortait ensemble, mangeait ensemble. Les deux premiers jours, il sortait, et à partir d’un moment, il a juste commencé à dire non. Il ne voulait plus se forcer, il n’aimait pas ça. Et au bout d’un moment, lorsqu’on t’a dit non dix fois, t’arrêtes de demander. Ça lui a forcément porté préjudice dans ses relations sociales. Et même en dehors de ça, il préférait manger et regarder une vidéo ou jouer plutôt que de manger à la cafétéria. » Jean confie aussi que la relation particulière de son coloc avec les jeux vidéo l’a poussé à s’éloigner physiquement. « Les jeux vidéo avec clavier mécanique, ça fait du bruit. Je tentais de réviser un truc, et je devais aller dans la chambre d’une pote qui m’avait laissé sa clé. J’étudiais pendant des heures là-bas et je retournais dans la chambre à la fin, juste pour dormir. »

Van Mourik explique : « Quand une personne souffre de dépendance, elle ne va pas bien, elle a honte de ses difficultés et de sa perte de contrôle, ce qui peut la mener à s’isoler. Ne pas aller chercher de soutien, ne pas parler de ce qu’on vit empire le problème. La personne rumine ses pensées noires et n’arrive plus à trouver de solutions. Les conflits et les difficultés relationnelles se multiplient. La personne se réfugie dans les jeux pour ne pas penser à tout ça et la situation empire encore plus. Elle néglige ses obligations et perd de l’intérêt pour les activités qu’elle pratiquait avant. Le sommeil et l’alimentation se détériorent, ce qui a également un impact sur l’état mental. En bref, il s’agit d’un cercle vicieux. »

Savoir trouver la nuance

Néanmoins, comme Ewen et Van Mourik le rappellent, il est inutile de diaboliser les jeux vidéo. La plupart d’entre eux sont conçus pour faire vivre un moment plaisant au joueur, le plonger dans un univers immersif, ou encore de lui permettre d’entrevoir la vision artistique des développeurs.

Le problème principal est donc l’évolution de l’industrie du jeu, qui a opéré un changement de mentalité, se tournant vers des modèles commerciaux centrés sur le profit et la sur-stimulation du cerveau. Selon Ewen, les jeux vidéo ne représentent pas la pire menace sur le plan des addictions : « Les réseaux sociaux sont plus problématiques, ils sont basés sur des mécanismes de boucle de récompense, qui sont beaucoup plus courts. […] Pour moi, c’est une catastrophe. Il faut que ce soit beaucoup plus contrôlé. » Les jeux vidéo sont une grande richesse, et ne sont pas à condamner ; simplement, il faut savoir trouver un équilibre, et ce pour toutes les formes de médias.

*Noms fictifs

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McGill et les terres non cédées : promesses et (in)action https://www.delitfrancais.com/2023/09/20/mcgill-et-les-terres-non-cedees-promesses-et-inaction/ Wed, 20 Sep 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52186 Les reconnaissances territoriales peuvent-elles mener vers la réconciliation?

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Les reconnaissances territoriales sont aujourd’hui mises de l’avant comme une manière de souligner l’appartenance des territoires sur lesquels nous vivons aux peuples autochtones, mais aussi de rappeler qu’il est important d’honorer leurs droits ancestraux et la préservation de leur culture sur les terres qui leur ont été enlevées durant la période coloniale. Cette forme de réappropriation symbolique du territoire, loin d’être une finalité en soi, doit servir de rappel constant du passé des terres sur lesquelles nous nous retrouvons pour étudier.

L’Université McGill, dont le campus du centre-ville est situé sur les terres autochtones de la communauté Kanien’kehá:ka, a non seulement un devoir de reconnaissance, mais doit également être l’instigatrice d’un mouvement de sensibilisation à l’égard de la cause autochtone sur le campus car elle demeure parfois mal comprise. Alors que les reconnaissances de territoire se retrouvent dans la plupart des plans de cours et dans la majorité des événements académiques de l’Université, leur lecture conserve-t-elle leur pertinence si elles ne sont pas suffisamment mises en contexte et n’entraînent pas d’actions concrètes de la part de McGill?

Que fait McGill pour la cause autochtone?

En 2017, le Groupe de travail du vice-principal exécutif sur les études et l’éducation autochtones publie un rapport final, au sein duquel sont émis 52 appels à l’action « jugés essentiels au succès du projet de réconciliation et de reconnaissance des peuples autochtones de McGill », comme l’indique le site web du Bureau des initiatives autochtones (BIA). Ce Bureau, qui a été créé en réponse à l’appel à l’action 48, incite McGill à se mobiliser davantage pour encadrer les étudiant·e·s autochtones à travers leur parcours universitaire et accroître le financement accordé à la cause autochtone.

Interrogée par Le Délit, Frédérique Mazerolle, agente des relations avec les médias de l’Université McGill, a développé sur la mission du Bureau : « En tant que responsable institutionnel de la vision de McGill en matière d’enjeux autochtones, le BIA, dirigé par la vice-principale exécutive adjointe (Initiatives autochtones), joue un rôle à plusieurs niveaux en s’efforçant d’intégrer l’identité autochtone dans toutes les facettes de la vie universitaire. Il s’emploie également à renforcer la sensibilisation et l’harmonisation des diverses initiatives autochtones dans l’ensemble de l’Université, à favoriser la réussite des étudiants et des professeurs autochtones, et à soutenir la mise en œuvre des 52 appels à l’action de McGill en matière d’études autochtones et d’éducation autochtone. »

Or, la manière dont s’orchestrent les consultations entre l’Université et les communautés autochtones sur le campus nous paraissent floues et difficilement accessibles. Frédérique Mazerolle soutient que « l’Université s’engage à travailler en collaboration avec les membres de la communauté mcgilloise pour faire avancer les appels lancés par la Commission de vérité et de réconciliation du Canada et les engagements en faveur de la décolonisation et de l’autochtonisation dans les domaines de l’enseignement autochtone, de la réussite des étudiants autochtones, des communications, des événements et de l’établissement de relations, en renforçant la présence autochtone et la représentation physique des autochtones sur nos campus ».

« Les colonisateurs ne comprennent pas le sens [des reconnaissances territoriales], n’ont pas fait de recherches sur ce qu’ils disent, et [ leur emploi] est générique et trop souvent répété »


Aaron, membre des communatés Anishinaabe et Haudenosaunee

Témoignage d’étudiant·e·s mcgillois·e·s

Le Délit s’est entretenu avec Aaron*, un étudiant de première année à McGill et membre des communautés Anishinaabe et Haudenosaunee. Il nous confie : « Je crois que les reconnaissances de territoire sont une pratique importante. Aux temps pré-coloniaux, lorsque les peuples autochtones se déplaçaient sur les territoires d’autres nations, ils remerciaient la nation hôte pour son hospitalité et reconnaissaient la terre sur laquelle ils étaient invités. Bien que les reconnaissances de territoire soient importantes, il existe tout de même une tendance chez les colonisateurs à les instrumentaliser pour signifier leur solidarité. Souvent, les colonisateurs n’en comprennent pas le sens, n’ont pas fait de recherches sur ce qu’ils disent, et utilisent une reconnaissance de territoire générique et trop répétée. Ceci amoindrit la nécessité et la valeur de ces reconnaissances et propage une fausse solidarité qui est préjudiciable et blessante pour les personnes autochtones qui partagent leur espace avec des colonisateurs. (tdlr) » À une question sur les actions entreprises par l’Université McGill, Aaron précise qu’il n’est qu’en première année et juge ne pas être pleinement renseigné sur les initiatives de McGill. Ceci dit, il juge que « les reconnaissances de territoire ne cachent pas nécessairement un manque d’actions concrètes. Effectivement, dans plusieurs cas, les colonisateurs croient qu’une reconnaissance de territoire représente la majeure partie du travail qu’ils doivent accomplir, alors que la plupart des personnes autochtones préféreraient éviter les reconnaissances de territoire vides de sens et superficielles. Malgré tout, McGill a lentement entrepris des actions concrètes pour améliorer ses relations avec les peuples autochtones. Cela inclut la mise en place de mécanismes de consultation, des cours d’études autochtones, ainsi que le financement de la First Peoples’ House. Cependant, McGill devrait également éduquer sur la compréhension des reconnaissances territoriales, ainsi qu’améliorer les ressources disponibles sur l’importance de la terre sur laquelle les colons résident ».

Le sens que revêtent ces reconnaissances de territoire et le contexte dans lequel elles interviennent est-il en revanche bien compris par tous·tes? Selon Clara*, ayant été coordonnatrice à l’édition 2023 de Frosh et ayant suivi des formations afin de bien réciter les reconnaissances territoriales, « il y a un manque de communication de la part de McGill sur la raison derrière ces reconnaissances de territoire. Il a fallu que je reçoive un entraînement pour comprendre pourquoi on en faisait ».

Elle a reçu de la part des personnes responsables de son entraînement des directives qui pourraient paraître « contradictoires », selon ses propres mots. La première de ces directives, « c’est surtout ne pas écorcher les noms, et que si on pense ne pas être en mesure de les prononcer, il faut mettre l’audio, pour une question de respect. Mais la deuxième directive demande aussi de faire un effort individuel [pour respecter la prononciation, ndlr] », nous explique-t-elle. Elle dit avoir tenté de comprendre comment bien les dire, car il s’agit d’« une manière de respecter l’histoire, de respecter ce qui s’est passé, et surtout de faire un travail de non-oubli sur l’histoire et ces territoires non cédés ».

Marie Prince | Le Délit

Que des paroles en l’air?

Les témoignages d’Aaron et Clara nous éclairent sur le manque d’exhaustivité quant aux raisons pour lesquelles on s’adonne aux reconnaissances territoriales, et leur absence de corrélation avec des gestes significatifs posés par McGill. Bien que les reconnaissances de territoire partent d’une intention noble, elles semblent presque surfaites dans le contexte mcgillois, et on doute que leur impact soit conséquent pour initier un véritable désir de s’informer sur ses enjeux adjacents de la part de la communauté étudiante. La préservation des langues, la défense des droits, la promotion des cultures autochtones sont tout autant des dossiers de taille, qui semblent délaissés, mais qui devraient faire l’objet d’une attention continue. Alors que les reconnaissances de territoire sont en soi un pas dans la bonne direction, il reste du devoir de McGill d’accorder la même importance à ces enjeux que celle donnée à l’histoire du territoire mcgillois.

Au-delà du fait que les reconnaissances territoriales manquent parfois de contextualisation, on juge que l’élocution expéditive qui les caractérise dénote souvent une certaine indifférence. Initialement, la mise en place d’une telle mesure a dû sembler novatrice, et a certainement mené un certain nombre d’étudiant·e·s à se renseigner sur les questions autochtones, mais on craint qu’à l’usure, les reconnaissances territoriales ne soient devenues dans l’oreille de plusieurs que des mots dénués de sens qu’on nous répète au début de chaque trimestre. Bien qu’on juge important de continuer à en faire, leur portée nous semble actuellement limitée.

L’Université devrait en ce sens faire un travail beaucoup plus conséquent pour rendre publiques et facilement accessibles les informations qui ont trait aux initiatives dont l’accomplissement est en cours. La communication de la part de McGill quant aux avancées des appels à l’action est aussi défaillante, et laisse transparaître une forme de laxisme pour tenir informée la population étudiante quant aux initiatives relatives aux causes autochtones. Parmi les 52 appels à l’action rédigés en 2017, le cinquantième nous semble assez représentatif de l’état des affaires autochtones à McGill. Ce dernier invitait l’Université à « créer une stratégie de communication coordonnée concernant les initiatives, les programmes et les peuples autochtones. […] le Groupe de travail invite en outre notre Université à explorer et à développer des modes systématiques visant à améliorer la prise de conscience générale et la compréhension quant aux questions autochtones et à stimuler la participation ayant trait aux initiatives d’éducation par tous les membres de la communauté mcgilloise ».

« La réconciliation ne consiste donc pas simplement à cocher une case permet- tant d’affirmer que tel ou tel problème est résolu. Au contraire, c’est plutôt un continuum d’actions visant à aborder les préoccupations, les problèmes existants et à créer des relations positives entre colonisateurs et colonisés »


Aaron, membre des communautés Anishinaabe et Haudenosaunee

Six ans après le rapport du Groupe de travail, il nous semble difficile d’affirmer avec confiance que McGill a réussi dans ce domaine. Nous aurions aimé pouvoir témoigner de la réussite de l’appel à l’action 50, mais cela nous semble loin d’être accompli.

Pour Aaron, « La réconciliation signifie la prise de mesures significatives par les institutions coloniales afin de résoudre les problèmes qu’elles ont créés, causant des préjudices et des traumatismes aux peuples autochtones, et un engagement à marcher main dans la main tel que prévu dans les traités de ceintures wampum et autres accords. Cela inclut notamment comme première étape cruciale la reconnaissance des méfaits et des rôles joués par les colonisateurs dans la création d’une structure de racisme institutionnalisé et systémique. La réconciliation ne consiste donc pas simplement à cocher une case permettant d’affirmer que tel ou tel problème est résolu. Au contraire, c’est plutôt un continuum d’actions visant à aborder les préoccupations, les problèmes existants et à créer des relations positives entre colonisateurs et colonisés ».

Bien que les reconnaissances territoriales soient essentielles à la sensibilisation aux causes autochtones, elles devraient s’inscrire au sein d’un effort constant pour la réconciliation. Comme Aaron le souligne, McGill se doit d’entreprendre des actions concrètes de façon continue afin d’amoindrir les effets de l’institutionnalisation de la discrimination à l’égard des personnes autochtones.

*Noms fictifs

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