Joseph Boju, Lea Frydman - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/lea-frydman/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Thu, 14 Sep 2023 06:49:21 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Entrer dans la carrière https://www.delitfrancais.com/2014/10/06/entrer-dans-la-carriere/ https://www.delitfrancais.com/2014/10/06/entrer-dans-la-carriere/#respond Tue, 07 Oct 2014 04:19:39 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=21375 Rencontre avec différents fantassins de la chose publique.

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concilier l’action et le discours, être à la fois éthique et authentique, représenter son peuple: être politicien. Réconcilier les différents engagements de son supérieur, être à la fois son cerveau et son laquais, le représenter devant les hommes: être assistant parlementaire. Le programme est de taille, beaucoup d’appelés, peu d’élus. La fonction est essentielle. Pour éclairer ses tenants et ses aboutissants, Le Délit est allé rencontrer différents étudiants et jeunes professionnels, québécois, français et américains, impliqués dans la représentation politique.

Pourquoi s’impliquer ?

La question est banale, quoique primordiale. Pour Stéphane Stril, étudiant au baccalauréat en sciences politiques à McGill et attaché politique au bureau de circonscription de la ministre de l’Immigration (Mme Kathleen Weil), l’engagement est une évidence: «Dans une société démocratique comme la nôtre, tout est politique. Si l’on s’intéresse à l’avenir de notre pays, province ou société alors la politique est un passage obligé car c’est à travers elle que l’on peut modeler notre avenir.»

Selon Gabrielle Beaulieu, étudiante à la maîtrise en littérature et ancienne représentante jeunes du Parti Québécois de Laval-des-Rapides, il s’agissait d’un appel à se mesurer: «je désirais relever le défi de m’impliquer dans une communauté représentative de la situation québécoise en 2014, c’est-à-dire avec une population immigrante très forte qui me ferait voir d’autres horizons culturels.»  

Comme de bien entendu, l’engagement est porté par une certaine idée de la politique et un ensemble de valeurs. Contactée en France par téléphone, Camille Durand, collaboratrice parlementaire depuis un an auprès du député UMP (Union pour un Mouvement Populaire) de Lozère, Pierre Morel-A‑L’Huissier, explique son attrait pour la politique parce qu’elle «combine la géographie et l’économie, l’histoire et les relations internationales. C’est un monde qui m’a toujours tenté. Je m’intéressais beaucoup aux lois, à l’actualité et aux institutions, à la manière dont notre pays fonctionnait».  

Au jour le jour

Le quotidien des collaborateurs parlementaires et des attachés politiques est sensiblement le même. Stéphane Stril avance que «la particularité du travail d’attaché politique c’est qu’il n’y a pas deux journées identiques. L’actualité politique façonne l’agenda. Deux choses reviennent cependant de façon quotidienne: la revue de presse et la période de questions. Visionner la période de question de l’Assemblée Nationale est un rituel pour les attachés politiques, c’est un moment essentiel afin de rester au courant des débats politiques du moment. Entre ces deux activités, les tâches varient grandement: rédiger des lettres ou des accusés de réception, traiter les demandes de subventions des organismes locaux, répondre aux demandes des citoyens, visiter des commerces ou des organismes communautaires en compagnie de la députée, etc.» Pour Camille Durand, les tâches se scindent en trois: le secrétariat, la communication et le travail législatif à proprement parler. Si elle se considère «potiche à 10%, secrétaire à 30% et politique à 60%», d’autres n’ont pas cette chance. Reggie Love, ancien aide de camp personnel de Barack Obama, avoisine plutôt les 90% potiche. 

 Larbin du président 

Rencontré le 23 septembre dernier, lors d’une conférence à l’ENAP (Ecole Nationale d’Administration Publique) organisée par le  Groupe d’études en relations internationales du Québec (Gériq), Reggie Love a été le «chief of stuff» de Barack Obama durant quatre ans et demi à la Maison Blanche. Après des études de sciences politiques à Duke University et un court passage chez Goldman Sachs comme stagiaire, Love est engagé avant la campagne présidentielle de 2008 comme assistant collaborateur parlementaire. À 23 ans, on lui propose de suivre Obama durant sa campagne, il accepte et durant deux ans, les deux vont parcourir les cinquante États de long en large, à raison de trois à quatre villes par jour, l’un faisant les discours et l’autre les valises. Larbin en chef du futur président des États-Unis, sa tâche consiste à s’occuper de tout ce qui est relatif à l’organisation logistique, par exemple «trouver des œufs et du bacon à six heures du matin». Après l’élection, le rythme effréné continue, il n’est pas rare que les journées de travail avoisinent les dix-huit heures. 68 pays visités plus tard (et autant de listes de lecture pour l’iPod du président), Reggie Love quitte son poste pour retourner aux études. L’expérience lui a plu même s’il n’est pas certain aujourd’hui de vouloir se lancer dans l’aventure politique. 

«La distrayante politique française»

Dans une chronique de Stéphane Laporte publiée dans La Presse du samedi 4 octobre, l’humoriste dresse un tableau satirique des pratiques politiciennes françaises, lorsque comparées avec les nôtres, et les bons mots fusent: «Il y a plus de scandales en France que de baguettes de pain». De façon concrète, certains commentaires de Camille Durand soutiennent fort bien cette critique: «C’est un milieu désabusant. Quand je suis arrivée [à l’Assemblée Nationale], les collaborateurs, les agents, tout le monde m’a dit ‘‘ici on fait les lois, mais on ne les respecte pas’’. J’ai l’impression de perdre mes idéaux et mes valeurs un peu plus chaque jour. À l’UMP comme au PS [Parti Socialiste], ce sont tous les mêmes. J’ai vent de toutes leurs magouilles financières. J’ai signé une clause de confidentialité qui me défend d’en parler, mais le système est pourri. Je me demande comment on peut vouloir rester en politique.» 

Doit-on alors être étonné que Stéphane Laporte prétende que «la politique française se suit comme un roman» et qu’il évoque coup sur coup, Balzac, Feydeau, La Fontaine et Amélie Nothomb? En suivant les propos de Camille, on reconnaît en effet un côté très balzacien dans cette perte d’illusions qu’imposerait l’entrée en politique: «Je me suis dit en prenant le poste que je resterais jusqu’aux présidentielles, maintenant j’en doute. J’ai l’impression d’être une mégère à 23 ans. J’ai même une vision glauque de l’amour à force de tous les voir se taper leurs maîtresses dans leurs bureaux. Et pourtant je ne me pense pas naïve, mais le peu de naïveté que j’avais a disparu.»

Et peut-être est-ce là un caractère strictement national. Ce célèbre cynique de Flaubert écrivait dans une lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie que la France «est le pays le plus irritant du monde pour les honnêtes natures, et [qu’] il faut avoir une fière constitution et être bien robuste pour y vivre sans y devenir un crétin ou un filou». Au Québec, les tensions à l’égard de la chose publique semblent moins cristallisantes d’après les témoignages de Stéphane Stril et Gabrielle Beaulieu. Stéphane Laporte, pour sa part, déplore le manque de «panache» que lui offre son théâtre politique national. Ces remarques générales sont peut-être l’effet du nombre; plus la faune est nombreuse, plus il y a de lions. 

Avis aux intéressés

Pour entrer dans l’arène politique, «il faut être armé, parce que c’est un boulot rude» prévient Camille. Elle recommande aussi d’aller voir ailleurs. «Je pense qu’il faut aller travailler en entreprise. L’Assemblée [Nationale], c’est une bulle dorée». Et c’est un des reproches les plus fréquents que l’on fait à la sphère politique: son décalage avec la réalité. Pour entrer dans la carrière, Reggie Love reste intraitable sur le comportement que doit adopter l’apprenti politicien: «il faut dire ‘‘oui’’ à tout, se donner de la valeur, se rendre indispensable, et surtout commencer le plus tôt possible.» Mais suffit-il d’entrer?

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Claude Ryan, dix ans plus tard https://www.delitfrancais.com/2014/02/18/claude-ryan-dix-ans-plus-tard/ Tue, 18 Feb 2014 05:19:48 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=20043 Une carrière célébrée.

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À l’occasion du 10e anniversaire des funérailles de Claude Ryan, le centre Newman de l’Université McGill a organisé les jeudi 13 et vendredi 14 février un symposium sur l’héritage de cet ancien premier ministre et journaliste. Dans la foulée d’une conférence récemment tenue à l’université par le libéral Justin Trudeau, ces deux jours de débat autour de la pensée libérale de Claude Ryan ne marquent en aucun cas une tendance politique à McGill, selon Robert Di Pede, organisateur de l’événement. Ce dernier parle d’une opportunité d’exprimer l’enthousiasme que les contemporains de Claude Ryan continuent à avoir pour lui. Le symposium a d’ailleurs pris une ampleur nationale de par l’envergure du public et des conférenciers. Étaient présents entre autres Bernard Descôteaux, directeur du quotidien Le Devoir, Jean Charest, ancien premier ministre du Québec et Brian Mulroney, ancien premier ministre du Canada. Une telle liste marque indéniablement le poids de la personnalité de Claude Ryan dans le monde intellectuel canadien.

Les débats de jeudi ont abordé la question du rapport entre trois entités «distinctes et pourtant inséparables» selon Robert di Pede, dans lesquelles Claude Ryan était très engagé de son vivant: la politique, la religion et l’éducation. La Chaire Kennedy Smith en études catholiques, la Faculté des études religieuses et le Centre de Recherche sur la Religion de McGill ont aussi pris part à l’organisation de ces deux journées. Monsieur Di Pede dit ainsi affirmer le statut de l’université comme endroit où se débattent de grandes idées, espérant des désaccords pour une discussion nuancée. Il souhaitait également rétablir l’image d’un homme de contrastes, souvent victime de nombreuses caricatures à son égard.

L’empreinte journalistique

D’abord engagé dans les mouvements sociaux, Claude Ryan s’est perpétuellement investi dans ce qu’il appelait le «réveil du sentiment du devoir public sous toutes ses formes», rapporte Bernard Descôteaux. Monsieur Ryan veut faire de la responsabilité un guide de la conscience collective. Il est alors intellectuel et journaliste. En 1964, il prend les rennes du quotidien Le Devoir, impliqué tant dans la production intellectuelle que matérielle du journal. Il veut réaffirmer l’image d’un quotidien fort de son «austérité» et de sa «vitalité», écrit-il à l’occasion des soixante ans du Devoir. En tant que journaliste, la plume de Monsieur Ryan émerge au milieu des années 1960 et 1970 dans un monde marqué par la prépondérance grandissante de l’électronique. Claude Ryan, quoique critiqué pour son manque d’adaptation à cette nouvelle technologie, a été reconnu pour la qualité de ses écrits, comme l’explique la journaliste indépendante Gisèle Gallichan. En effet, défend-elle, ses écrits lui confèrent une crédibilité et une renommée certaine. En matière de journalisme il devient «Dieu de l’Olympe». Le lire est une «nécessité professionnelle»: ses éditoriaux sont controversés, applaudis par certains et critiqués par d’autres, mais enfin toujours consultés. Idéologiquement, Claude Ryan est un homme qui voit de l’avant. «La perception que l’on a de certaines vérités est elle-même susceptible de progrès» écrivait-il dans son journal en 1970. Pourtant, le journaliste devenu homme politique influent ne s’adapte pas à aux plateformes multimédias qui prolifèrent de son vivant. Il est qualifié de rétrograde et en partie discrédité par son refus de travailler son image. «Qu’on me prenne comme je suis, c’est ce que je dis qui compte», déclarait-il.

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Rencontrer l’ailleurs https://www.delitfrancais.com/2014/01/14/rencontrer-lailleurs-3/ Tue, 14 Jan 2014 07:56:11 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=19472 Le voyage nous enseigne autant qu’il implique une part de renoncement. / Réflexion

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Différents motifs poussent les hommes à franchir les frontières de leur pays natal: la réussite économique, l’ouverture à l’autre, ou encore simplement l’accomplissement d’un rêve. Qu’ils soient contraints par des événements ou qu’ils le fassent par choix, ils découvrent autant qu’ils abandonnent une partie d’eux-mêmes lors de chaque voyage.

Voyager pour s’évader

Alors que la technique se développe et démocratise les transports, le voyage se fait de plus en plus accessible. Le nombre de déplacements à l’échelle mondiale a doublé dans les 40 dernières années. Parmi ces flux humains, 1 milliard d’entre eux sont motivés par des intentions touristiques. Qui n’a jamais songé à des paysages où n’éclosent que rareté et exotisme? Des cadres teintés de rose et d’or nous sont aujourd’hui vendus comme des icônes, retouchés en coulisses à l’ordinateur. Nous dépeignant des horizons infinis, les agences de voyage fleurissent. Il y a, c’est sûr, une idéalisation de ce qui nous est inaccessible. «N’importe où hors du monde» est là où aimerait se trouver Baudelaire, lui bel et bien désillusionné. Le réel voyage serait, en un sens, la vision que nous nous en faisons. Cet attrait mystique d’autres contrées lointaines est peut être en réalité une illusion: nous ne les cherchons pas pour elles-mêmes mais c’est l’évasion qui est une fin en soi.

À la rencontre de l’autre

Pourtant derrière ce mirage, il y a dans l’expérience du voyage aussi une rétribution sur le plan humain. Aller au-delà de son paysage quotidien, c’est s’affranchir des limites qui nous sont posées par le cloisonnement de nos habitudes. «J’ai rencontré à l’île d’Orléans (Québec) un adolescent de mon âge qui a arrêté d’aller en cours bien avant l’université. C’est l’une des personnes les plus cultivées et intéressantes avec qui j’aie jamais parlé. De l’auberge qu’il gère j’ai dû marcher 45 minutes pour arriver au supermarché le plus proche. Il n’y a pas de restaurant dans les environs», témoigne Eva, étudiante à McGill. Sortir du système de pensée formaté de nos métropoles, d’un parcours académique qui s’impose à nous par culture presque comme une obligation, c’est alors découvrir qu’il y a un univers hors du nôtre. Dans ce dernier il est bon de se perdre pour mieux s’y retrouver. «J’ai passé un mois dans un orphelinat au Vietnam. Je ne parlais pas la langue. On communiquait comme on pouvait. J’y ai redécouvert ma patience», raconte Marie-Alix. Voyager, c’est aussi échapper à soi-même et remettre en question notre rapport à l’humain. C’est libérer notre regard et du même coup réduire la distance qui nous sépare des autres.

L’abandon nécessaire

Conscient de cette réalité, de plus en plus nombreux sont ceux qui refusent de continuer à fouler la terre de leur région natale. À ce jour, plus de 210 millions d’êtres humains, ‑soit 3% de la population mondiale- résident hors de leur lieu de naissance. Parmi eux, une minorité d’étudiants. «Je viens d’une petite ville. Tout le monde y connaît tout le monde. Ça devenait étouffant», confie Julia, une étudiante de la faculté de Gestion. Plus de 20% des élèves de McGill proviennent d’un autre territoire que le Québec, et parmi ceux nés dans la région, 25,5% sont d’un autre endroit que Montréal. Du Québec, beaucoup sont venus chercher un cadre éducatif à la renommée mondiale. Du reste, nombreux cherchent un tremplin international. «McGill, c’est le juste compromis entre un modèle américain, bilingue, ouvert sur l’international, avec, dans la ville de Montréal, la possibilité de continuer à parler et écrire en français», confie Hugo, venu de Paris. Étudier à l’étranger peut être une façon de mieux réussir, donc, en se confrontant à de nouveaux horizons.

L’étudiant abandonne aussi une partie de sa personne en quittant le domicile familial. L’attachement s’amplifie de manière rétrospective. Nous sommes alors plus enclins à chérir le confort du foyer quitté. C’est un candide déracinement que celui de l’étudiant, mais il implique de réels enjeux personnels. Parfois, par ambition, nous tournons le dos à un être particulièrement cher et malgré les réseaux sociaux, les Skype, Facebook, Twitter, Whatsapp, Viber et Facetime, il est impossible de combler par un contact immatériel le vide spatial qui laisse place à un creux sentimental. Chacun laisse loin de lui un proche avec un brin d’amertume.

Partir pour vivre

Pour beaucoup, par ailleurs, l’exil est forcé par des réalités géo-politiques. En effet, plus d’un dixième des 210 millions mentionnés plus haut sont des réfugiés, qui fuient de chez eux les guerres ou les répressions politiques. Près des deux-tiers d’entre eux partent vers des pays disposant de meilleurs moyens économiques, que ce soit de l’Égypte au Qatar, ou encore en direction de l’Europe. Ceux-là sont arrachés à leur culture, à leur famille et à leur patrie. «Ne reviens jamais», dit sa mère à l’auteure et cinéaste iranienne Marjane Satrapi dans Persepolis, «l’Iran n’est pas pour toi.» Le public entend ces mots avec un amer pressentiment, après avoir vu l’héroïne du film dépérir en Autriche, perdue sans ses attaches culturelles. La marginalisation, la stigmatisation, et les douleurs qui en résultent sont indéniablement liées, elles aussi, à la mobilité humaine.

L’individu alors tangue à la croisée des chemins qu’il trace. Cette instabilité humaine engage la notion même d’identité. Nous portons nos empreintes génétiques et généalogiques, certes. Mais restent nos origines sociales, culturelles, et familiales. C’est la remise en question de celles-ci qu’engagent nos aventures.

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Rencontrer l’ailleurs https://www.delitfrancais.com/2014/01/14/rencontrer-lailleurs-2/ Tue, 14 Jan 2014 07:07:25 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=19462 Le voyage nous enseigne autant qu’il implique une part de renoncement.

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Différents motifs poussent les hommes à franchir les frontières de leur pays natal: la réussite économique, l’ouverture à l’autre, ou encore simplement l’accomplissement d’un rêve. Qu’ils soient contraints par des évènements ou qu’ils le fassent par choix, ils découvrent autant qu’ils abandonnent une partie d’eux-mêmes lors de chaque voyage.

 

Voyager pour s’évader

Alors que la technique se développe et démocratise les transports, le voyage se fait de plus en plus accessible. Le nombre de déplacements à l’échelle mondiale a doublé dans les 40 dernières années.Parmi ces flux humains, 1 milliard d’entre eux sont motivés par des intentions touristiques. Qui n’a jamais songé à des paysages où n’éclosent que rareté et exotisme? Des cadres teintés de rose et d’or nous sont aujourd’hui vendus comme des icônes, retouchés en coulisses à l’ordinateur. Nous dépeignant des horizons infinis, les agences de voyage fleurissent.

Il y a, c’est sûr, une idéalisation de ce qui nous est inaccessible. «N’importe où hors du monde» est là où aimerait se trouver Baudelaire, lui bel et bien désillusionné. Le réel voyage serait, en un sens, la vision que nous nous en faisons. Cet attrait mystique d’autres contrées lointaines est peut être en réalité une illusion: nous ne les cherchons pas pour elles-mêmes mais c’est l’évasion qui est une fin en soi.

 

À la rencontre de l’autre

Pourtant derrière ce mirage, il y a dans l’expérience du voyage aussi une rétribution sur le plan humain. Aller au-delà de son paysage quotidien, c’est s’affranchir des limites qui nous sont posées par le cloisonnement de nos habitudes. «J’ai rencontré à l’île d’Orléans (Québec) un adolescent de mon âge qui a arrêté d’aller en cours bien avant l’université. C’est l’une des personnes les plus cultivées et intéressantes avec qui j’aie jamais parlé. De l’auberge qu’il gère j’ai dû marcher 45 minutes pour arriver au supermarché le plus proche. Il n’y a pas de restaurant dans les environs», témoigne Eva, étudiante à McGill.

Sortir du système de pensée formaté de nos métropoles, d’un parcours académique qui s’impose à nous par culture presque comme une obligation, c’est alors découvrir qu’il y a un univers hors du nôtre. Dans ce dernier il est bon de se perdre pour mieux s’y retrouver. «J’ai passé un mois dans un orphelinat au Vietnam. Je ne parlais pas la langue. On communiquait comme on pouvait. J’y ai redécouvert ma patience», raconte Marie-Alix. Voyager, c’est aussi échapper à soi-même et remettre en question notre rapport à l’humain. C’est libérer notre regard et du même coup réduire la distance qui nous sépare des autres.

L’abandon nécessaire

Conscient de cette réalité, de plus en plus nombreux sont ceux qui refusent de continuer à fouler la terre de leur région natale. À ce jour, plus de 210 millions d’êtres humains, ‑soit 3% de la population mondiale- résident hors de leur lieu de naissance. Parmi eux, une minorité d’étudiants. «Je viens d’une petite ville. Tout le monde y connaît tout le monde. Ça devenait étouffant», confie Julia, une étudiante de la faculté de Gestion.

Plus de 20% des élèves de McGill proviennent d’un autre territoire que le Québec, et parmi ceux nés dans la région, 25,5% sont d’un autre endroit que Montréal. Du Québec, beaucoup sont venus chercher un cadre éducatif à la renommée mondiale. Du reste, nombreux cherchent un tremplin international. «McGill, c’est le juste compromis entre un modèle américain, bilingue, ouvert sur l’international, avec, dans la ville de Montréal, la possibilité de continuer à parler et écrire en français», confie Hugo, venu de Paris. Étudier à l’étranger peut être une façon de mieux réussir, donc, en se confrontant à de nouveaux horizons.

L’étudiant abandonne aussi une partie de sa personne en quittant le domicile familial. L’attachement s’amplifie de manière rétrospective. Nous sommes alors plus enclins à chérir le confort du foyer quitté. C’est un candide déracinement que celui de l’étudiant, mais il implique de réels enjeux personnels. Parfois, par ambition, nous tournons le dos à un être particulièrement cher et malgré les réseaux sociaux, les Skype, Facebook, Twitter, Whatsapp, Viber et Facetime, il est impossible de combler par un contact immatériel le vide spatial qui laisse place à un creux sentimental. Chacun laisse loin de lui un proche avec un brin d’amertume.

 

Partir pour vivre

Pour beaucoup, par ailleurs, l’exil est forcé par des réalités géo-politiques. En effet, plus d’un dixième des 210 millions mentionnés plus haut sont des réfugiés, qui fuient de chez eux les guerres ou les répressions politiques. Près des deux-tiers d’entre eux partent vers des pays disposant de meilleurs moyens économiques, que ce soit de l’Égypte au Qatar, ou encore en direction de l’Europe. Ceux-là sont arrachés à leur culture, à leur famille et à leur patrie.


«Ne reviens jamais», dit sa mère à l’auteure et cinéaste iranienne Marjane Satrapi dans Persepolis, «l’Iran n’est pas pour toi.» Le public entend ces mots avec un amer pressentiment, après avoir vu l’héroïne du film dépérir en Autriche, perdue sans ses attaches culturelles. La marginalisation, la stigmatisation, et les douleurs qui en résultent sont indéniablement liées, elles aussi, à la mobilité humaine.

L’individu alors tangue à la croisée des chemins qu’il trace. Cette instabilité humaine engage la notion même d’identité. Nous portons nos empreintes génétiques et généalogiques, certes. Mais restent nos origines sociales, culturelles, et familiales. C’est la remise en question de celles-ci qu’engagent nos aventures.

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Démocratie et technologie https://www.delitfrancais.com/2013/11/12/democratie-et-technologie/ Tue, 12 Nov 2013 06:56:17 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=19228 Al Gore fait le point sur les failles de la société.

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La salle Pollack de McGill était remplie ce mardi 5 novembre: Al Gore, ancien vice-président américain et co-lauréat du prix Nobel de la Paix en 2007, donnait une conférence sur les nouvelles technologies et ses enjeux dans la démocratie. Collaborateur important au documentaire oscarisé Une vérité qui dérange, Al Gore est venu rendre compte de la fragilisation, du renforcement, des possibilités et des mutations qu’opèrent les nouvelles technologies à l’échelle mondiale.

«Le changement en nature et en multiplicité des avancées techniques aujourd’hui bouleverse les perspectives de la démocratie et de la gouvernance», assure-t-il. Les grandes firmes multinationales participent à une économie mondiale, qui mêle les niveaux de pouvoir. Certaines de ces grandes compagnies disposent de capitaux qui excèdent les budgets des États eux-mêmes. Aussi, des flux d’argent considérables permettent la sous-traitance des ressources dans des pays qui ne sont plus maîtres de leur propre économie. Tel est le constat qu’Al Gore livre, entre deux anecdotes du temps de sa jeunesse.

Il s’agit alors de distinguer les différentes opportunités que cette technologie nous offre. Elle facilite l’accès à la connaissance, note Al Gore, mais de différentes manières qui ont toutes leurs propres vices. La télévision, par exemple, installe une relation unilatérale entre information et audience. Le spectateur reçoit, seulement, et n’est en mesure ni de débattre ni d’analyser, puisque la télé joue sur l’immédiateté. C’est grâce à Internet qu’Al Gore voit l’humanité se projeter vers une plus grande démocratisation. Demeure un problème de tri, nous dit-il, mais qui, bien orchestré, ne devrait pas en rester un.

Internet, pour sa part,  est un média «participatif» et «collaboratif». Al Gore associe l’invention de ce nouveau média à celui de la presse écrite: c’est un moyen de redonner du pouvoir, tant politique que de réflexion, aux populations oppressées, quelles qu’elles soient. Il faut une réorganisation et une redistribution d’Internet, pour que chacun y ait accès. «Parce que lorsque nous raisonnons ensemble nous prenons de meilleures décisions», dit Al Gore.

Redéfinir le progrès

La «pensée mondiale» devrait avant tout redéfinir la notion de progrès conçue par la société. Al Gore explique que le progrès est trop vite associé au rendement, laissant de côté le bien-être humain et la santé de la planète. La pollution, la déforestation et l’amas de déchets sont autant de conséquences directes de l’obsession du profit financier. Alors que les individus sont conscients de la nécessité de changer leurs habitudes de vie, ils trouvent encore difficile de les modifier.

Simon Kuznets lui-même, contributeur à la création de l’indicateur du produit intérieur brut (PIB), prévenait en son temps les dangers d’utiliser son invention comme un guide politico-économique. Précisément parce qu’il laisse de côté les coûts sociaux et l’impact environnemental dans les pratiques humaines. «Le fait que vous anéantissez progressivement votre futur n’est pas mentionné dans votre fiche de comptes», dit Al Gore. La dénonciation du système capitaliste ne s’arrête pas aux dommages sur la planète. La vie personnelle de chacun des habitants est, elle aussi, affectée.

À l’abord du sujet de la surveillance technologique, Al-Gore parle d’une «politique de harcèlement». Non seulement la technologie corrompt la notion de vie privée des individus qui l’utilisent, mais elle brouille aussi sa propre efficacité. La surveillance téléphonique contre le terrorisme ou la fraude, c’est un jeu dans lequel le gouvernement «cherche une aiguille dans une botte de foin». Étendre son rayon à l’échelle mondiale, c’est «empiler le foin pour chercher à enterrer l’aiguille, quand, parfois, elle est juste sous nos yeux», dit le conférencier.

Pourtant, le système capitaliste n’est pas remis en question lors de la présentation. L’ancien vice-président des États-Unis  continue à défendre l’économie de marché parce qu’elle constitue «le moins pire des systèmes», et cela malgré ses crises économiques, ses inégalités, et ses perturbations. «Le pouvoir corrompt, oui», mais c’est tout de même le capitalisme qui demeure «la structure la plus adéquate avec la liberté individuelle», dit-il.

Al Gore nous parle d’«espoir» et d’un moment pour choisir de s’engager, pour faire de notre planète «ce qu’elle devrait être», et ce par un engagement individuel et politique.

 

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L’art de la rue interné https://www.delitfrancais.com/2013/10/29/lart-de-la-rue-interne/ Tue, 29 Oct 2013 05:44:53 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=18956 Beaux Dégâts célèbre sa 13e édition aux Foufounes Électriques.

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«Oubliez les vernissages embourgeoisés, les attitudes, l’élitisme et les égos!» annonce la page Facebook de Beaux Dégâts. Le ton est donné. Pour cette 13e édition de l’événement, dix-huit graffeurs se sont réunis au premier étage des Foufounes Électriques mercredi 23 octobre.

Les règles sont simples. Six groupes de trois peintres se voient assigner un sujet, sur le thème commun d’Halloween. Après une demi-heure de brainstorming, les coups de pinceaux volent, portés par l’imagination des peintres et un fond de musique électro. Deux heures pour réaliser une œuvre d’art, sous le regard attentif d’un public hétéroclite, mélange de hipsters et de ceux que le mouvement hipster dépasse.

Dans cette foule agitée, les tâches sont bien réparties. Tandis qu’une minorité re-décore le bar avec leurs fresques, les autres se contentent de vider leurs canettes de bière, avant de les jeter dans une des poubelles placées à côté de chacune des œuvres. Un ballot de vote dont l’originalité risque de faire tourner la tête.

Et l’excentrique n’est pas que dans la bière. Beaux Dégâts aspire à modifier notre conception de l’art au 21e siècle, en lui redonnant les couleurs de la communauté et du partage. Il semble aux organisateurs que l’art, devenu purement commercial, est aujourd’hui dénaturé. Victime de la tendance massive à l’hyperconsommation, une peinture est aujourd’hui évaluée par sa valeur mercantile avant d’être approchée pour son esthétique. La beauté s’oublie en faveur du prix. Fini l’art comme une fin en soi, même l’artiste devient une commodité, comme le redoutait Marx, prisonnier d’un monde capitaliste fort peu sensible à la peinture.

Les organisateurs répudient cet art commercial, pour revenir aux authentiques valeurs de celui de la rue: celles d’un art à portée de tous. Présenter alors le graffiti, dans les confins d’un bar Montréalais, où l’entrée est payante et la bière à 4 dollars ne créerait-t-il pas un paradoxe à la lumière de leur désir d’accessibilité? L’art abordable a un prix, qui est aussi celui de notre précieux bulletin de vote.

Enfin, Beaux Dégâts fait tomber les conventions et les mondanités. Oublié, l‘aspect figé des galeries et des musées. Ici, la place est laissée à une joyeuse effervescence, dans laquelle se mélangent les rôles et les participants. Les artistes s’activent, offrant aux spectateurs l’opportunité d’assister au processus de création artistique. Simultanément le public, par sa présence et par ses votes, stimule incontestablement l’artiste, alors «spectateur de son œuvre en train de naître», selon les mots du philosophe Alain. Dans ce rapport de réciprocité, il y a un gain humain. «On crée une communauté en défaisant les barrières entre différents individus, qui, autrement, n’auraient pas interagi.» confie Monsieur Downey, fondateur de la Fresh Paint Gallery qui a donné naissance à ce joyeux bordel.

Beaux Dégâts «ce n’est pas une galerie d’art, ou alors c’en est une sans prétention», explique Ella Grave, la coordinatrice de l’événement. L’art de la rue arraché à la rue, est-ce une absurdité? Une nécessité, plutôt, puisqu’hors de ces cloisons entre lesquelles une poignée d’intéressés se retrouvaient mercredi dernier, la plupart des gens prennent rarement le temps de contempler les murs de leurs villes, considérant le graffiti comme une nuisance. Puisque peu s’attardent pour reconnaître le travail des artistes, Beaux Dégâts amène l’art aux gens, nous force à nous arrêter sur ce que nous apercevons furtivement.

Lorsque les dernières minutes s’écoulent et que les équipes abaissent leurs armes, les regards brillent. Nez-à-nez avec l’expression artistique qu’est l’art de rue, il devient difficile de ne pas admirer l’existence de ce mouvement digne de son appellation. L’œuvre réalisée par les gagnants, Collectif 203, illustre d’ailleurs une parcelle de rue tagguée dans ses moindres recoins. Cet art, grâce à Beaux Dégâts, revit, triomphe, et devrait nous porter vers une appréciation de ce qui s’offre tous les jours à nous. Sur les murs des écoles et sur les lampadaires. Encore faut-il lever les yeux vers ces dégâts harmonieux que font les graffeurs dans nos rues.

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L’indépendance des indépendants https://www.delitfrancais.com/2013/10/01/lindependance-des-independants/ Tue, 01 Oct 2013 05:54:01 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=18574 «La vraie information est celle qui n’est pas filtrée par de grosses sociétés », lance aux États Généraux du Journalisme Indépendant Dru Oja Jay, journaliste anglophone, auteur et co-fondateur de Média Co-op. Les États Généraux organisés par l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) se sont déroulés le samedi 28 septembre et avaient pour but… Lire la suite »L’indépendance des indépendants

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«La vraie information est celle qui n’est pas filtrée par de grosses sociétés », lance aux États Généraux du Journalisme Indépendant Dru Oja Jay, journaliste anglophone, auteur et co-fondateur de Média Co-op. Les États Généraux organisés par l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) se sont déroulés le samedi 28 septembre et avaient pour but de rendre compte de la réalité des journalistes indépendants en 2013 au Québec. Beaucoup de lieux communs ont été ressassés lors de cette journée de discussions, et de réels enjeux ont aussi été débattus. Des tables rondes sur différents thèmes ont aussi eu lieu, animées par des journalistes ou des professeurs d’université.

 

Impartialité vs réalité 

En premier lieu, comme l’introduit Oja Jay, il est question de l’indépendance des médias. Dans un Québec où le métier de journaliste est plongé dans la précarité, beaucoup se voient contraints d’écrire des articles promotionnels, dits de rédaction, pour subvenir à leurs besoins. Faut-il alors discerner le journaliste du rédacteur? En effet, au Québec aujourd’hui, les différences entre ces deux notions s’amenuisent inévitablement.

D’après l’article 2.1.3 des «Droits et Responsabilités de la Presse», publié par le Conseil de Presse du Québec, tous les journalistes se doivent «d’éviter les conflits d’intérêts […] ou toute situation qui risque de les faire paraître en conflits d’intérêts». L’impartialité est donc, en principe, intrinsèque au métier. Mais malgré le désir d’indépendance de beaucoup de journalistes à la pige, ceux-ci se retrouvent souvent déchirés entre survie financière et respect du code déontologique.

«Est-il possible de signer de son nom de journaliste un cahier spécial du Devoir financé par des entreprises?» se demande une journaliste débutante sous couvert d’anonymat. Elle explique se faire souvent dicter le choix des intervenants, sans même se voir préciser la source de financement de l’article. Une autre journaliste scientifique raconte avoir été sollicitée à plusieurs reprises par des universités pour publier des articles sur leurs recherches, avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’en louer les résultats. Telles sont les pratiques susceptibles de compromettre la confiance que le public accorde à la presse.

Pourtant, «être rédacteur ne signifie pas vendre son âme», précise une autre journaliste. Celle-ci estime que son travail de rédactrice est «valorisant» et qu’il consiste, dans son cas, à prendre parti contre l’extraction des hydrocarbures dans le nord du Québec. Se positionner oui, mais à quelles fins?

 

Un recours légal? 

Malgré le fait que le pigiste n’est pas voué à être l’esclave des entreprises de presse, son autorité légale n’est pas officielle. Nicolas Langelier, ancien président de l’AJIQ, propose de fournir un socle légal aux journalistes indépendants, en insistant sur la nécessité de «négocier collectivement». D’ailleurs, lors de l’atelier «Négocions ensemble», les participants se sont déclarés, à l’unanimité, en faveur d’une forme de syndicalisme. Une fois ceci mis en place, un porte-parole défendrait de meilleures conditions pratiques, rendues possibles par un soutien économique. La notion de salaire «plancher» a notamment été mentionnée lors de l’atelier, évoquant la possibilité de fixer une rémunération minimum par article. La presse serait ainsi libérée de toute pression financière et le lectorat aurait accès à une production de meilleure qualité, dont l’intégrité morale ne serait pas remise en question. De plus, elle rentrerait en compétition avec les travaux de rédaction, qui, quoi que volontairement biaisés, continuent à payer considérablement plus. Les journalistes pourraient ainsi mieux vivre de leur indépendance.

Une autre des facettes de cette «négociation collective» vise à la sensibilisation, non seulement des journalistes, mais aussi du public et des institutions politiques. Si aucune mesure officielle n’a été prise jusque-là, tous portent leur regard sur l’imposition légale d’un code déontologique commun aux entreprises de presse et aux journalistes. Forçant la morale au niveau institutionnel, ceci éviterait les conflits d’intérêt d’un contrat à l’autre.

Lors des États Généraux, les journalistes présents ont décrit la situation actuelle de leur métier comme alarmante. Toutefois, ensemble ils affirment être prêts à s’organiser, pour collectivement réécrire leur avenir.

Pour rendre l’intégrité des journalistes visible au lectorat, Le Délit propose avant tout l’établissement d’une étiquette «d’indépendance», qui confirmerait par un signe l’impartialité d’un article. Cette étiquette serait accordée en fonction de la source des financements et selon l’autonomie dont jouit le journaliste au moment de l’écriture de son texte. Cette mesure, émise par une instance gouvernementale et mise en vigueur par une loi, inaugurerait une nouvelle aire du journalisme au Québec.

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101 en lumières https://www.delitfrancais.com/2013/09/23/101-en-lumieres/ Tue, 24 Sep 2013 04:14:27 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=18417 Le français est-il en voie d’extinction?

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Une centaine de personnes sont venues redonner vie à la langue française en dessinant le chiffre 101 symbolique en une chaîne humaine illuminée à la Place des festivals le mercredi  18 septembre. «101», comme le numéro de la loi sur la francophonie adoptée en 1977 qui fait du français la langue officielle de la province québécoise.

Chaque participant a reçu un sac isotherme, contenant deux lampes et une fiche explicative pour les mouvements à effectuer. À trois reprises, un caméraman et un photographe sont montés dans le ciel, appareils en main, soulevés par une nacelle. Le public, patient, effectuait les mouvements de bras demandés par les organisateurs.

L’événement était organisé par les Partenaires pour un Québec Français (PQF), nouvelle coalition de forces nationalistes et d’associations syndicales, qui veut un coup de communication «artistique et rassembleur». Sur la page Facebook de l’événement, on pouvait lire que celui-ci s’inscrivait dans l’optique de rendre «la question linguistique prioritaire aux prochaines élections».

Durant les quelques heures de ce ballet de lumières, Karl Ussakoswki, participant passionné par les médias, déplorait la tendance conservatrice presque extrémiste que selon lui les journaux prêtent au mouvement. Lui parle d’une cause «légitime».

Guillaume, jeune étudiant qui travaille aux finances du PQF, présent sur place, estime militer contre la disparition du français qui serait «une perte pour le Québec, pour l’Amérique du Nord, dont le Québec est le bastion francophone, tout autant qu’une perte pour l’humanité». À ses côtés, Luc Lemoine, enseignant retraité et ancien directeur d’école chargé de la francisation des nouveaux arrivants au Québec, voit le français dans l’éducation nécessaire, parce que c’est là que se forme la relève du Québec. La province du Québec est la seule francophone du Canada, et c’est la raison pour laquelle le PQF entend lutter pour promouvoir le français. L’anglais, largement utilisé par les nouveaux arrivants, prend en effet une place de plus en plus importante au Québec, et en particulier sur l’Île de Montréal, où le poids des francophones est passé de 61% à 50% entre 1971 et 2006, selon le Secrétariat à la Politique Linguistique du Québec.

Beaucoup scandaient «Le Québec, en français!» mais aussi «Montréal, en français!», puisque la francophonie se défend d’abord dans la deuxième ville francophone du monde après Paris, où vit presque la moitié de la population québécoise.

L’Office québécois de la langue française note que l’accueil bilingue a progressé, passant de 1 à 13% dans les commerces en deux ans. «Nous ne sommes pas contre l’idée d’un bilinguisme à l’échelle individuelle, mais pour une francophonie à l’échelle institutionnelle» dit au Délit Mario Beaulieu, président de la société St Jean-Baptiste de Montréal, association patriotique apparemment très impliquée dans le PQF. L’homme se dit aussi contre «l’écrasante mondialisation». Il dénonce les subventions gouvernementales accordées aux universités anglophones, qui sont, selon lui, disproportionnées et injustes par rapport au poids des francophones au Québec. Pour lui la préservation de la langue, plus qu’un enjeu, est une priorité, une «lutte perpétuelle».

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