Marie-France Barrette - Le Délit Le seul journal francophone de l'Université McGill Mon, 20 Sep 2010 22:15:53 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.1 Le droit à la dignité https://www.delitfrancais.com/2010/09/14/le-droit-a-la-dignite/ Tue, 14 Sep 2010 22:13:36 +0000 http://delitfrancais.com/?p=3296 Les audiences publiques appellent dès maintenant aux jugements moraux et aux débats législatifs des Montréalais sur le droit de mourir ou de vivre dans la dignité.

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Les audiences publiques de la commission sur le droit de mourir dans la dignité, présidée par Monsieur Geoffrey Kelley, député de Jacques-Cartier, sont présentement enclenchées; neuf députés ont ainsi pour mandat d’examiner cette question délicate. Comme M. Kelley l’a rappelé lors du point de presse, il s’agit d’une démarche qui n’est associée à aucun parti politique en particulier et qui cherche à entendre les citoyens sur les thèmes de l’euthanasie, du suicide assisté et des soins palliatifs, dont les aspects légaux et moraux sont de plus en plus débattus dans la province et ailleurs dans le pays.

Le processus s’inscrit dans l’esprit d’une résolution ayant été adoptée à l’unanimité le 4 décembre 2009 par l’Assemblée nationale, visant la mise sur pied de la commission spéciale chargée d’étudier des questions concernant la fin de la vie. Ce sujet est donc passé sous la loupe des citoyens du 7 au 10 septembre à Montréal, et va se déplacer dans sept villes du Québec, choisies par les membres de la commission de façon à couvrir le plus de régions possibles.

Prises de positions

Le sujet sème la polémique au sein de divers représentants de la société civile. L’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité milite en faveur du respect de la volonté personnelle. Pour eux, les choix se rapportant à la fin de la vie devraient rester à la discrétion de l’individu, en accord avec son propre sentiment vis-à-vis de sa qualité d’existence en tant que malade.

Le Collège des médecins du Québec présente quant à lui une vision orientée vers les soins promulgués aux patients qui font face à une situation d’incurabilité. Comme le Collège le laisse entendre dans le mémoire qu’il a déposé à la Commission, la légalisation de l’euthanasie serait un moyen de «laisser les patients à eux-mêmes sous prétexte de respecter leur autonomie». Il se prononce donc en faveur d’une refonte du débat vers les soins qui peuvent être apportés aux patients en fin de vie.

Une question éthique

Cette question comporte de façon inhérente un caractère philosophique, ce que défend Margaret Somerville, professeure de droit et de médecine à McGill. Elle croit notamment que «l’aide au suicide peut affecter défavorablement nos jugements éthiques entourant la mort». La question de l’euthanasie en soi ne se limite pas à la légitimité de la fin de la souffrance physique. Il faut, selon elle, se demander si le bien-fondé du droit à la mort peut s’étendre dans le cas où une personne souhaite mettre fin à ses jours, mais pour des raisons autres que celles des limites de la médecine. Il s’agit de définir l’euthanasie, mais aussi d’autres concept-clés y étant reliés, telle que la dignité humaine. Cette dernière était une notion ne pouvant se dissocier du respect de la vie humaine qui, pour Mme Somerville implique «la valeur de l’humanité dans son ensemble».

Avec plus de 200 mémoires qui seront envoyés à la Commission, force est de constater que cette question polymorphe suscitera l’intérêt de la population québécoise. Ce sera à la Commission de trancher face aux dissensions rencontrées: la conclusion qui sera tirée des audiences publiques pourrait éventuellement mener à la mise en œuvre d’un projet de loi. Dans tous les cas, le Québec devra se limiter à la prescription de comportement pour les médecins, la légalisation de l’euthanasie relèvant d’un changement au code criminel et donc du gouvernement fédéral.

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Flagrant délit de tendresse https://www.delitfrancais.com/2010/03/23/flagrant-delit-de-tendresse-20/ Wed, 24 Mar 2010 02:13:53 +0000 http://delitfrancais.com/?p=2966 ÉPISODE 21
Résumé de l’épisode précédent: Delilah baigne dans le bonheur avec Francis, mais se rappelle des souvenirs douloureux de son passé pas aussi virginal qu’on aurait pu le croire. Elle fait un rêve prémonitoire: toujours le chiffre «2», une dualité qui la rend confuse. Emma et Steeve se retrouvent au cinéma, où ils découvrent leurs passions communes. C’est devant le grand écran qu’ils s’embrassent pour la première fois, mais c’est dans les toilettes qu’ils s’enlacent fougueusement.

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Comme à chaque fois qu’il était déprimé, Steeve se rendit au Café Chaos. Généralement, le temps de quelques bières, le malheur passait et il reprenait ses esprits. Mais cette fois, l’image d’Emma, la fille bourgeoise, persistait malgré les heures et l’alcool. Il ne parvenait pas à oublier ses lèvres et les folies qu’elle avait murmurées au creux de sa nuque, entre deux soupirs passionnés. Il aperçut un livre sur la table devant lui. Trente arpents. Ça ne lui disait rien. Il l’ouvrit et lut un passage au hasard: «Sur la terre, on se comprend sans presque jamais se parler; tandis que dans les villes, on se parle sans presque jamais se comprendre.» C’est fou comme cela résumait bien ce qu’il sentait avec Emma. Ils s’étaient à peine parlé, mais Steeve se sentait lié à elle d’une manière presque inexplicable. Et pourtant, Emma n’était pas québécoise; elle n’était pas «une vraie fille d’icitte». Il continua de feuilleter le livre, distrait. Un autre passage l’accrocha: «La patrie c’est la terre, et non le sang.» Il s’arrêta un moment. Si Emma acceptait de rester au Québec, elle deviendrait tout de même québécoise…

* * *

- Mom? You need to come to Montreal. I, I… I don’t know what to do, balbutie enfin Delilah au téléphone.

Deux jours plus tôt, Emma, qui avait eu une nuit particulièrement mémorable avec Steeve après leurs ébats dans les toilettes du Cinéma du Parc, s’était rendue à la pharmacie pour se procurer un test de grossesse, car malgré ses précautions habituelles, elle savait les femmes de sa famille très fertiles. Elle en avait pris deux, à cause du rabais. Le test lui avait annoncé en clair et en rose qu’elle n’était pas enceinte.

De son côté, Delilah couvait le désir d’essayer un test de grossesse. Chaque fois qu’elle regardait les comédies romantiques d’Hollywood, les yeux rivés sur l’écran, elle attendait le moment où tout allait changer, celui où la vie des personnages serait bousculée par les nombreuses péripéties déclenchées par la nouvelle d’un enfant à naître. Elle s’emporta en lisant l’emballage. Elle avait l’intention d’en racheter un, de cacher son petit dérapage irrationnel à Emma, mais quand la deuxième barre est apparue, elle n’a pu s’empêcher de hurler. Emma était accourue, l’avait calmée, consolée, conseillée. Emma avait aussi dit qu’il était impératif que Delilah appelle sa mère, la seule personne qui l’aimait inconditionnellement.

- Sweetie? What’s wrong? What’s going on?

Margaret était une bonne maman, une femme dévouée au bien-être de sa fille.

- Mom, I don’t know how to say this. I can’t find the words, I just can’t cope.

- Sweetie, whatever it is, I’m here for you, I love you, and I can help you. Just tell me.

- I’m pregnant.Oh dear! Stay put, I’ll be on the next flight to Montreal.

Femme autoritaire et quelque peu agressive, Margaret avait agi de manière remarquable. Celle qui avait toujours été le bras de fer de la famille avait comme devise: «C’est le coq qui chante, mais c’est la poule qui pond les oeufs.» Inutile de dire qu’elle n’attendait jamais l’approbation d’un homme ou, à bien y penser, de qui que ce soit pour se placer à la tête de l’action. Dès son arrivée, elle et sa fille étaient allées à une clinique privée où:

la gynécologue avait confirmé lagrossesse;

le radiologue avait souri: «des jumeaux»;

Delilah avait failli s’évanouir;

Margaret avait poussé un cri de joie;

Emma avait eu une larme;

et où les embryons s’étaient retournés dans leur liquide amniotique.

Après les premières réactions, Margaret avait regardé sa fille et lui avait dit: «I need to meet him. Invite him to High Tea. We’ll go to the Ritz.» Delilah avait appelé Francis, lui avait donné rendezvous. Au Ritz, elle lui avait expliqué ce qui lui était arrivé. Elle avait précisé qu’elle ne savait pas encore ce qu’elle voulait faire, mais que sa mère était prête à tout pour l’aider.

* * *

Francis était rentré perplexe. Il voulait parler à quelqu’un, mais Steeve n’était pas là. Il remarqua un livre sur la table du salon: Trente arpents. Ça ne lui disait rien. Il regarda l’affiche de Che et lui demanda: «Toi, Che, tu ferais quoi?» Pour se changer les idées, il se prépara du popcorn et s’assit devant The Motorcycle Diaries, un des films préférés de Steeve. Les images défilaient, mais rien ne parvenait à lui faire oublier la mère de Delilah et la déception qui transparaissait dans son regard lorsqu’il lui tendit la main. Il ne se sentait pas à sa place au Ritz-Carlton. Son seul pantalon propre était malheureusement un peu sale (il n’avait pas eu le temps de le déposer chez le nettoyeur). À la fin de l’après-midi, Margaret lui avait dit: «You’re a good kid, but stay in school.» Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire, alors qu’elle avait parlé de mariage blanc à Boston, de ramener Delilah avec elle à Boston, d’aider avec les enfants?

Avec ses yeux plus bleus que le bleu des cieux, Gael García Bernal avait résumé le dilemme de vie de Francis: «What do we leave behind when we cross each frontier? Each moment seems split in two; melancholy for what was left behind and the excitement of entering a new land.»

Francis poussa un soupir avant de se mettre à pleurer. «Je serai papa.»

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L’intimité à 150 personnes https://www.delitfrancais.com/2010/02/09/l%e2%80%99intimite-a-150-personnes/ Tue, 09 Feb 2010 18:59:34 +0000 http://delitfrancais.com/?p=2589 Catherine Millet brise les murs qui séparent les sphères privée et publique en créant avec son lectorat une intimité factice.

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Auteure de nationalité française, Catherine Millet publie en 2001, à 53 ans, le récit de ses aventures sexuelles. Il est tout de même surprenant qu’elle se livre à une telle exposition des faits de sa vie personnelle lorsqu’on connaît son parcours artistique: elle est la directrice de Art Press, une revue sur l’art contemporain.

Elle commence son témoignage en évoquant sa relation avec Dieu telle qu’elle la concevait dans son enfance, juste avant de faire son premier aveu: «J’ai cessé d’être vierge à dix-huit ans – ce qui n’est pas spécialement tôt – mais j’ai partouzé pour la première fois dans les semaines qui ont suivi ma défloration.» Celui qui est choqué par ces propos (plutôt gracieux comparé aux détails croustillants à propos des endroits où elle aime insérer sa langue) devrait d’emblée renoncer à ouvrir le livre.

Catherine Millet relate dans le premier des quatre volets du roman, sur un ton détaché et même désaffecté, les événements qui l’ont conduite tour à tour à délaisser la pudeur que son éducation catholique lui avait transmise, et à «affronter les manifestations de la jalousie», un sentiment qu’elle n’arrivait pas à comprendre vu son irréfutable nature de libertine. Si ce premier volet, intitulé «Le nombre», semble renvoyer à une énumération de ses partenaires sexuels, sachez que l’auteur l’ignore elle-même, vu sa préférence pour les séances à multiples partenaires. Pour ce qui est des détails, elle offre un cours sur la fellation avec des précisions quasi-scientifiques soutenues par les recherches (pratiques) qu’elle a faites au cours de sa vie. Millet interpelle cependant un lecteur compatissant lorsqu’elle exprime la douleur qu’elle ressent aux genoux quand elle s’y adonne.

Dans la foulée d’expériences qu’elle a connues, Catherine M. aurait tenté d’«élargir l’espace», c’est-à-dire, de faire place aux sentiments qui l’habitaient face, notamment, à l’absence de barrière sexuelle dans sa vie et face à l’idée d’avoir des enfants. Elle révèle tout, ne laissant aucune place à l’imagination du lecteur. Le récit est même ponctué de sous-titres qui annoncent les catégories de lieux dans lesquels Catherine M. a connu des expériences sexuelles. Serait-ce la preuve que la pudeur que nous inculque la société nous pousse à avoir de vives réactions face à une sexualité à ce point dénudée?

Le récit demeure frappant par sa nature révélatrice, et c’est sans doute pour cela que tout lecteur se verra porté à transformer ce texte narratif aux allures presque journalistiques en un roman érotique. Reste que ce récit n’est autre que le rapport que fait une femme, sans justification apparente, de tout ce qui se rapporte à la sexualité dans son existence. La simplicité de ses phrases et de ses images annonce une nouvelle ère dans la littérature, un partage sans frontières qui ne fait pas appel à l’anonymat pour se protéger. Après avoir scruté La vie sexuelle de Catherine M, il va sans dire que bon nombre de lecteurs apprécieront ces révélations sans pudeur.

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La justice selon Rosalie Abella https://www.delitfrancais.com/2010/02/02/la-justice-selon-rosalie-abella/ Tue, 02 Feb 2010 13:00:41 +0000 http://delitfrancais.com/?p=2492 Mme Rosalie Abella, juge à la Cour Suprême du Canada, était de passage à McGill pour faire un plaidoyer en faveur d’une application plus démocratique et plus humaine des lois.

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C’est mardi soir dernier qu’a eu lieu la conférence annuelle de la Revue de droit de McGill. Mme Rosalie Abella, juge à la Cour suprême du Canada, a été invitée à se prononcer sur le thème du droit international et des droits de la personne. À travers un exposé intitulé Le pouvoir et la pitié, la juge a soutenu que l’application des droits humains dans le monde est lacunaire et que «la démocratie et ses lois représentent la meilleure possibilité pour la justice».

En tant que première femme juive à être élue juge à la Cour suprême du Canada, cette survivante de l’Holocauste a présenté un discours judiciaire et politique qui était à la fois lucide et ponctué d’expériences personnelles. La juge Abella a certainement permis aux spectateurs de se forger une image différente du rôle que peut tenir une juge de la Cour suprême, rôle qui n’est pas uniquement celui d’une stricte interprétation des lois, mais également celui d’un être humain qui applique ses valeurs à son travail.

La conférencière a critiqué l’approche positiviste de la notion d’État de droit. Au Canada, nous avons l’habitude d’exempter de tout jugement moral les lois du Parlement et les jugements des cours, explique-t-elle sous prétexte qu’elles suivent la procédure légale préétablie. Pourtant, soutient Mme Abella, nous devons aspirer à plus et «nous devons cesser de promouvoir cet euphémisme qu’est l’État de droit» qui permet à certains chefs d’État à travers le monde de manipuler la justice à leur discrétion en poursuivant des politiques qui enfreignent les droits humains. L’État de droit doit lui-même être soumis au «droit substantiel» c’est-à-dire aux normes éthiques et morales universelles.

Le cas d’Omar Khadr

Ce discours théorique s’intègre bien dans un débat qui touche les Canadiens depuis juin 2009, le cas d’Omar Khadr. Bien que la cour fédérale ainsi qu’un vaste nombre d’ONG aient jugé pressante l’obligation du gouvernement Harper de rapatrier Khadr au pays, le gouvernement fédéral a fait appel de la décision. Vendredi, la Cour suprême du Canada a rendu son jugement à l’unanimité stipulant que bien qu’un refus de «libérer» le dernier citoyen canadien captif de la baie de Guantanamo représente un viol des droits constitutionnels (issus de la Charte) de l’individu, elle ne pouvait dicter la politique étrangère du Canada et ordonner de faire pression sur les États-Unis.

Ce jugement met en évidence non seulement les limites de l’État de droit, il peut nous pousser à remettre en question l’affirmation de la Juge Abella: la démocratie et ses lois représentent-elles vraiment le moyen de faire justice? L’opinion publique sur le cas Khadr reflète bien la dissonance entre les valeurs démocratiques à la base de la société civile et le système démocratique en soi: 64% de la population était en faveur du rapatriement. Comme l’explique l’étudiant en droit et éditeur de la revue, Michael Bookman, «toute démocratie possède une Charte qui préserve les libertés négatives de l’individu et protège ce dernier de l’État. [Cette] base de respect pour l’individu est essentielle à toute société juste, bien que souvent insuffisante.»

Depuis soixante-cinq ans, le droit international essaie de combler cette insuffisance. Mais comme le note Filippo Sabetti, professeur de science politique à McGill, la question fondamentale que soulèvent de nombreux cas de violation des droits humains est celle de «la tension inhérente entre les lois domestiques et les lois internationales». Étant consciente de cette réalité, la juge Abella est convaincue que nous devons aspirer à plus que seulement «des lois internationales que les gouvernements mettent en place pour ne jamais plus les exécuter par la suite». Le mot de la fin: «Ce n’est pas la position que l’on prend qui compte, mais celle pour laquelle on se lève.»

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