Gabrielle Potvin - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/potvingabrielle/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Mon, 03 Apr 2023 22:56:29 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Apprendre à s’aimer https://www.delitfrancais.com/2023/04/05/apprendre-a-saimer/ Wed, 05 Apr 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=51539 Politique de la jouissance personnelle.

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Toute sexualité est politique. Les femmes s’en rendent particulièrement compte en grandissant : tout ce qui touche au corps est un tabou, surtout lorsqu’il est question d’un corps qui diffère de la normalité d’un pénis érigé comme virilité. Je pense que nous, les femmes et autres minorités sexuelles, devons avoir notre mot à dire sur ce qui a trait à nos corps et apprendre à le connaître à notre rythme, dépourvu du regard extérieur. Dès qu’on regarde les nouvelles, on est confronté à un rappel constant de la fragilité de ce que nous avons pris pour acquis, par exemple l’avortement. Nous n’avons qu’à regarder le cas de la Floride, où le gouverneur Ron de Santis interdit déjà la mention de l’éducation LGBTQ+ dans les écoles. L’État du Tennesse, qui a décidé de bannir la culture drag dans l’espace public, met en danger les individus transgenres. Pourtant, il y a plus de 55 ans, le premier ministre Pierre-Elliott Trudeau a dit, lors de la présentation de sa loi omnibus qui allait décriminaliser l’avortement et l’homosexualité, que l’État n’avait rien à faire dans la chambre à coucher des citoyen·ne·s. Malheureusement, le temps passe, les menaces sont cycliques et reviennent continuellement pour nous dire que nous ne serons jamais en paix.

L’utilité et l’intersectionnalité

Tout ce qui sera énoncé comme un problème par une femme hétérosexuelle est seulement la pointe de l’iceberg que l’intersectionnalité peut révéler davantage. Un individu queer va rechercher la représentation dont il a besoin pour se sentir validé dans sa vie sentimentale et sexuelle. Tout signe d’individualité qui ne se réfugie pas dans l’hétéronormativité est jugé comme dérangeant. Il faut toujours se battre contre ce même regard qui sait uniquement juger. De plus, une personne transgenre se confronte à la cisnormativité, selon laquelle on s’attend à ce que celle-ci doive uniquement aller vers la féminité ou la masculinité, sans aucune zone grise. Sur les applications de rencontre, on leur répète qu’elles ne seront jamais assez valides et sont constamment ramenées à leurs parties génitales. La sexualité devient un traumatisme, une blessure constante, alors qu’elles ne cherchent qu’à être elles-mêmes. Voir des personnes queer heureuses est un affront, alors que ce n’est que ce qu’elles méritent, comme n’importe quel autre être humain cisgenre et hétérosexuel.

La subjectivité non-objective

Ce qui advient au niveau politique reflète la vie de tous les jours. Combien de fois pouvons-nous supporter de réentendre les mêmes commentaires sur les photos dévêtues d’une femme sur les réseaux sociaux tandis qu’une adolescente refusant de se faire sexualiser est couverte de honte par ses camarades de classes et les adultes? C’est sans mentionner la popularité grandissante des alpha males, qui considèrent les femmes comme des créatures uniquement utiles pour des fonctionnalités de femme au foyer sans aucune touche de modernité. Ils nous crient : « Comment osez-vous vous intéresser autant au sexe alors qu’on vous demande seulement d’être des vierges effarées prises par derrière ? Comment osez-vous refuser les va-et-vient d’un immense bâton qui se fout de ce que vous voulez ? » Même s’il est question d’une minorité d’hommes, cela nous rappelle un regard suffocant qui refuse de voir des êtres humains confortables dans leur peau. Notre corps ne devrait pas être contrôlé par quiconque d’autre que nous-mêmes, sous un regard qui n’est pas uniquement concentré sur le plaisir masculin.

« Notre corps ne devrait pas être contrôlé par quiconque d’autre que nous-mêmes, sous un regard qui n’est pas uniquement orienté vers le plaisir »

Se satisfaire soi-même

La solution à tout cela peut se trouver dans ce que nous choisissons de faire pour reprendre le contrôle sur notre corps, sur le regard qui est porté sur lui, sur les sensations que nous voulons vivre pour et grâce à celui-ci. L’intime est politique et expérimenter sa sexualité seul·e, sans un regard qui juge les minorités sexuelles, peut être une solution. Il y a désormais plusieurs expert·e·s, sexologues, éducateur·rice·s sur le bout de nos doigts qui peuvent nous inspirer et nous conseiller sur le sujet. En effet, la solution peut même se trouver dans notre fil de réseaux sociaux quotidien. Depuis quelques années, des comptes Instagram se concentrent sur la sexualité des femmes et des autres minorités sexuelles. Il y est question, et ce, sans tabous, d’orgasmes, de clitoris, d’éjaculation féminine, du plaisir procuré par la masturbation ou encore de l’importance de la communication avec un·e partenaire. Ce n’est que depuis très récemment que des études plus sérieuses sont menées sur la sexualité féminine, et chacune de ces nouvelles informations sont capitale dans la réduction des complexes par rapport au corps et pour éviter le miroir stéréotypé qui nous est renvoyé constamment. Cela permet à des comptes Instagram comme omgyesdotcom, thevaginablog, maman_ sexo, club_sexu, jouissance.club, de rendre plus accessible le contenu de ceux-ci. Ces comptes cherchent à démocratiser les enjeux féminins en lien avec la sexualité, notamment en publiant des statistiques pour normaliser ce qui est considéré comme « problématique », comme la douleur lors des règles ou le faible taux d’orgasmes. Ces pages Instagram sont une porte d’entrée à la découverte d’applications comme Dipsea, Oh Cleo et Emjoy, qui proposent gratuitement (puis par le moyen d’une rémunération modeste) des conseils sur l’expérience de la sexualité peu importe ce qui a été vécu par l’utilisatrice précédemment, de la déstigmatisation de conditions comme l’endométriose, la douleur pendant les relations sexuelles, jusqu’à l’expérience d’un premier orgasme. On y retrouve aussi un contexte efficace pour effacer la peur d’explorer et prendre confiance en ses fétiches et ses attirances, ce qui peut amener à la découverte des histoires audios érotiques qui plaisent davantage à un certain auditoire s’intéressant plus à l’écoute qu’à l’image, et qui laisse une place plus importante à l’imagination et à l’intimité. Selon Gina Gutierrez, cofondatrice de Dipsea, la recherche montre que les hommes préfèrent les images graphiques, tandis que les femmes préfèrent les histoires érotiques. Elles peuvent être elles-mêmes et s’échapper de la réalité plus facilement qu’avec la pornographie visuelle, reflétant souvent des stéréotypes sexuels qui enferment les femmes dans des cases dont elles veulent se défaire. Puisque ces applications sont souvent fondées par des femmes, on remarque rapidement l’absence du regard masculin, encourageant les visions erronées et empoisonnantes. On va au-delà de l’idée de la pénétration absolue, ajoutant davantage de douceur et de contrôle pour la personne auditrice avec une attention particulière accordée au respect. Cela redonne une agentivité féminine qui s’est perdue avec le temps et offre aux femmes davantage d’options pour apprendre à se connaître sans nécessairement avoir besoin d’un partenaire masculin à tout prix pour effectuer leur propre exploration sexuelle.

Le plaisir de s’éduquer

Avoir cette documentation à portée de main a changé ma vision de la sexualité et m’a enlevé des peurs sur mon propre corps. Je me suis rendue compte que parler de sexualité féminine ouvertement n’est pas aussi pervers et démoniaque qu’on pourrait le croire. Je dirais même qu’il faut en parler parce qu’en bâillonnant tout ce qui est en lien avec ce sujet, les problèmes de notre corps demeurent inconnus, amenant de la honte à
se sentir bien dans ce que nous sommes. Il s’agit de s’éduquer à notre propre rythme et de ne pas se condamner à se réfugier dans ces mauvais plis de retrait, de chuchotements à la place de conversations ouvertes sur le sujet.

En apprendre sur notre sexualité permet d’apprendre à aimer, à s’aimer et à se dire que notre ressenti est valide. Apprendre à définir ses propres limites et comprendre ses propres désirs devrait être un droit, et non un choix, ce qui est difficile à atteindre en tant que femme, et c’est sans mentionner les personnes non-binaires, transgenres ou tout simplement queer. Il faut alors se rappeler que cela nous a été refusé pendant plusieurs années. Grâce aux nombreuses éducateur·trices sur les réseaux sociaux et les applications qui ont été créées, la sexualité des femmes serait enfin peut-être au bout de nos doigts. Enfin!

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Les horaires boréals https://www.delitfrancais.com/2021/04/06/les-horaires-boreals/ Tue, 06 Apr 2021 11:12:20 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=43707 Lauréats et lauréates de la deuxième édition du concours Délier la poésie.

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Dans le cadre de cette deuxième édition du concours Délier la poésie, les participants et participantes étaient invités à s’inspirer d’un premier poème, écrit par l’éditeur François Céré et l’éditrice Elissa Kayal. Nous tenons à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont participé. La réponse poétique de chacune et de chacun d’entre vous a dépassé nos attentes. Merci énormément à tous et à toutes pour vos contributions!

C’est avec fierté que l’on vous présente ce zine, contenant notre poème de départ ainsi que les dix poèmes retenus pour notre cadavre exquis.

Lauréats et lauréates

Le cri de rage
Frank Herbier (première place)

Au début
La mère donne naissance à l’enfant
L’enfant tout d’innocence court
Court parmi les bois parmi les marées
Inutilement contre les vagues de sel
S’en fichant il passe par les champs en friche
À pleine joie en perte de moyens
Le coeur plein l’enfant a faim
La mère aussi
Une bestiole traîne
Ils la prennent et la mettent sous leur sein
La digèrent longuement
Deviennent un peu d’elle
Et elle un peu d’eux

Mais soudain pousse un cri le petit homme
L’exécrable petit homme
Un cri de rage un cri d’enfer
Un cri qui déchire naïvement les bulles d’air
Un cri en pointes de flèches
Lancées au hasard sur les planètes
Qu’il embroche une à une
Avec ces électrodes de Neptune
Les rapproche grâce à des câbles de fer
Fixés à l’enfant et à son diaphragme
Il connecte le tout ensemble, puis

Reprend son souffle…

Et crie plus fort
Si fort que l’enfant qui devait être dans la vie
Pousse un cri qui englobe toute la vie
Vie fort intérieurement explosive
Dynamitages insoupçonnés dans les endroits humides
De la gorge et du larynx
Où les mots ont fini par se donner

Plus rien n’est clair
Sur les lianes de fer court l’enfant
Par-dessus les bois par-dessus les marées
Oublie la houle et sa fertilité
Entre sa main dans la terre de si loin
Qu’elle ressort blanche dure moindre
Passe une clairière de béton
Fouette la cime des absurdités avec son rebord de pantalon
Passe les mornes forêts de bâtons
Vole pour ainsi dire déchante sur l’air d’une biche
Passe un des nombreux champs en affiches
Il se rend au coeur de la chose
Toujours enragé en criant
Il se rend au coeur de toutes choses
Désirant percer le voile rapiécé
Couvrant la cuisse dénaturante de sa vie
La surplomber du regard ne suffisant en rien
Il plombe sur elle comme un obus
Tombe sur elle en tyran
En tirant abrutissement sur ses vêtements
Pour que la chose fende
Pour que toutes bonnes choses fendent
Pendentif de soleil luette de lune
Cuirasse de pierre poitrail de montagne
Cheveux de grains herbe d’esprit
Sous la couche superficielle des nombres
Embusquée au bûcher
Se retrouve la petite fille
La petite vie
Que l’enfant criard aime tant à tourmenter
Maintenant nue petite réduite à son corps de lait et de miel
Elle regarde l’enfant
À la hauteur de sa perte d’âme
De ce regard que seuls lancent les bourreaux
Elle le regarde
Le juge
Et l’aime.


consomption
Geneviève Lagacé (deuxième place)

de la côte à ma gorge, nos horizons s’entrechoquent. tu fermes les volets,
le temps que passent les ouragans, mais rien n’y fait: les étincelles ne
s’éteignent plus, bruissent sous nos peaux de pointillés qui s’érodent; les
murs tremblent nos fractures et, dans les heures blanches, nous glissons,
coulons, nous échouons au pied des vagues

    l’écume sur la berge
comme l’écho de nos tempêtes

nous avalons le vent, déchaînons nos humeurs, fixons la fin de nos flots
lapidaires. au bout du rivage, nos secrets se créent des univers avec tout
ce qu’ils contiennent de failles, d’excès. ils alimentent nos brasiers,
courent

    longtemps
sans pour autant s’essouffler
sans pour autant s’éteindre

nous sommes des jardinières de crépuscule suspendues au tonnerre. nous
sommes l’imprévisible. des flambées qui touchent ciel, des confins
inatteignables. devant nos fureurs, je frissonne, électrique. tu refuses
d’arrêter le jeu, et dans les flammes frénétiques naufragent nos ombres,
mes lueurs bleues

    des fissures creusent nos peaux-porcelaines
nous crépitons, exaltés
nos échanges illusoires deviennent cri ardent
les ouragans stagnent –

fuir n’est jamais une option quand c’est toi
qui tiens les allumettes


Nos vicissitudes
Ketzali Yulmuk-Bray (troisième place)

Nos remords sont exhumés par les intempéries
Et la chasse ne sert qu’aux enfants
Qui préparent soupe et thé
En y crachant goulument nos grandes légendes
L’expiation s’écoule plus facilement par les trous

Ce qui est à venir ne nous regarde pas
Du moment que les bêtes s’attroupent
Ou se dispersent
Nous serrerons les dents, les coudes aussi
Rien ne s’oublie grâce à l’écorce
Sur laquelle sont écrites nos aptitudes

Nous apprenons tôt à fabriquer les couvertures
À tisser la honte sur le bas de nos crânes
Pour que vienne s’y abreuver l’oiseau de proie

(Je me souviens de ton grand saut, mon frère)

Nous bénissons nos terres d’origine
Chaque saison, l’arbre du temps fait sonner ses cloches
Et leur écho se répercute jusqu’aux confins de la zone
Ainsi se déroulent nos vies

Certains disent que nous devrions tout mettre en feu.

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Empreintes du reflet https://www.delitfrancais.com/2021/01/12/empreintes-du-reflet/ Tue, 12 Jan 2021 14:05:58 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=40264 Ligne de fuite.

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Il n’y a plus d’endroits qui restent
pour respirer le plein air
faire entrer en intermission
les bouffées dans mes poumons
souvent trop serrés à trop penser
tout le temps
trop souvent
je me dis
devant un miroir

J’ai sorti la balance
regardé les chiffres monter
mes bourrelets pressés
exponentiels
la dureté de la repousse de mes poils
sur mes bras
des jambes
la traîne sur mon ventre
le bas de mon dos
la jonction entre les cuisses
est la pire incapable
à contrôler
jamais rasée à blanc
comme souhaitée

Sur ma poitrine
j’ai créé une erreur
gonflée rose
elle dégoûte
mêlée à l’eau
de pluie salée
elle brûlera plus tard
comme ma tête
qui mélange
les chiffres
et les lettres

Polyphonie fouettée
inutilement dans la constance

Mes mots ne connaissent rien
face à la glace
ils deviennent monstres
naturellement intemporels
mes genoux fléchissent
contre les débalancements de la force
quittant mes ongles
couteaux de calme
reflets de mes vices

Je me perds
dans le trou noir
de mes pupilles
les lumières
ne sont plus
étoiles
je vois partout
des taches de
Jupiter

je sais qu’une main
caressait ma peau dans le moment
contre mes hanches
la seule force
qui me fait tenir encore debout

Mais je ne sais pas
si elle me tiendra encore
si je m’écroule
sous le poids
des fils

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