Sandra Klemet N'Guessan - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/sandraklemetnguessan/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 13 Apr 2016 16:46:50 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.2 «C’est dur l’éthique» https://www.delitfrancais.com/2016/04/05/cest-dur-lethique/ https://www.delitfrancais.com/2016/04/05/cest-dur-lethique/#respond Tue, 05 Apr 2016 05:05:45 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=25285 Le corps au cœur de la Rencontre interuniversitaire de performance actuelle (RIPA).

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La Rencontre interuniversitaire de performance actuelle (RIPA) a eu lieu le 2 avril 2016, dans la salle polyvalente de l’UQAM. Le nom de l’événement annonce déjà la couleur, il faut donc s’attendre à un méli-mélo de performances diverses et hautement contemporaines, représentatif de la sphère bohème et engagée de la jeunesse montréalaise. La RIPA confirme bien cette hypothèse: d’emblée, la salle entière apparait comme l’espace scénique, dans lequel les artistes se confondent avec les spectateurs. Certaines performances sont déjà en place et se poursuivent jusqu’à la fin de la soirée; c’est ainsi qu’un artiste attire l’attention générale par le son rythmé d’un tampon frappant une table.  Il s’appelle Félipe Goulet-Letarte et s’adonne à une tâche intrigante: tamponner le mot «Éthique» au milieu d’une feuille blanche. Durant quatre heures, il poursuit ce mouvement mécanique et ininterrompu qui donne naissance à des centaines de feuilles blanches tamponnées de cet unique mot, éthique. Éthique, est-ce «éthique» alors de sacrifier tout ce papier pour la cause artistique?  C’est l’occasion ou jamais de poser la question à l’artiste. Le bras et le dos engourdis, il répond avec un sourire: «c’est dur l’éthique».

Au milieu de la salle, une femme est couchée sur le sol, près d’une échelle, les pieds fermement attachés à des échasses en bois. Elle se meut par intermittence, les yeux hagards; elle ne regarde personne en particulier. Après une heure de performance, Caroline Boileau est libérée de ses échasses, et monte sur l’étrange échelle jusque là posée sur le sol. La marraine de cette édition regarde l’assemblée, et finit par prononcer un mot de bienvenue; l’événement est lancé. Parmi les nombreuses performances qui surgissent de manière soudaine et inattendue, à divers endroits de la salle, deux m’ont particulièrement attiré l’attention. Deux artistes, deux femmes qui, au travers de deux performances totalement différentes, semblent graviter autour d’un thème commun: la fragilité.

«Une performance qui semble être la manifestation d’une quête de l’équilibre»

La première artiste, vêtue d’une robe et de bottes rouges, entame sa prestation en marchant et en faisant le poirier. Par la suite, elle change de chaussures, se déshabille, et reprend son parcours en continuant son activité. Elle s’essouffle, tombe même une fois. Elle finit par se vêtir d’un tissu assorti à ses bottes beiges, pour enfin le déchirer de toutes parts, et recréer un nouveau vêtement en nouant différents morceaux. Finalement, l’artiste s’écrit «Y’a pas de punch» et sort de la salle. Une performance qui semble alors être la manifestation d’une quête perpétuelle de l’équilibre, et ce à travers les tentatives répétées de faire le poirier et la recherche d’une combinaison vestimentaire impossible. Le changement, le mouvement, la rupture puis la création, et la mise en avant du corps, peuvent traduire une certaine fragilité de cette femme qui ne parvient pas à trouver l’objet de ses recherches.

Magdalena Morales

La deuxième artiste, elle, nous emmène à travers une expérience sonore très désagréable. Sur fond de sons qui simulent le raffut d’une rue agitée, cette artiste produit, en jouant avec les câbles électriques reliés à un haut-parleur, des sons stridents, parfois très aigus, et difficilement supportables. Ces bruits sont entrecoupés de phrases que l’artiste prononce de temps à autre à l’aide d’un micro. Rose raconte une histoire, celle d’une fille déprimée, seule, qui dans ce milieu urbain, tente de trouver la quiétude, mais également une oreille attentive qui saurait l’écouter. L’artiste termine sa performance en écrivant ces mots: «Crier, faire du bruit, c’est important.» Cet appel, presque désespéré, projette un besoin de mise en avant de l’ego, traduisant également la fragilité du personnage représenté par l’artiste.

En somme, les performances de la RIPA sont des manifestations du corps sous différentes formes, et nous poussent à la réflexion et à l’analyse, par leur caractère quelques fois déconcertant.

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Lac des Cygnes revisité https://www.delitfrancais.com/2016/01/19/lac-des-cygnes-revisite/ https://www.delitfrancais.com/2016/01/19/lac-des-cygnes-revisite/#respond Tue, 19 Jan 2016 20:34:24 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24444 Rencontre galvanisante entre ballet classique et danse sud-africaine.

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L’appropriation, la réinterprétation et l’adaptation sont l’un des moteurs majeurs permettant aux grandes œuvres classiques de perdurer à travers les siècles, les époques et les civilisations. La chorégraphe et danseuse Dada Masilo et sa troupe Dance Factory de Johannesburg ne font que confirmer cette idée, en nous livrant une version innovante de l’un des ballets emblématiques du célèbre Théâtre du Bolchoï de Moscou, Le Lac des Cygnes. Du 14 au 16 janvier, dans la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des arts, la jeune chorégraphe sud-africaine nous faisait entrer dans son monde. Un monde qui mêle danses classique et africaine, humour et chants, dynamisme et sensualité.

Swan Lake de Dada Masilo est une œuvre hautement contemporaine, car de Moscou, elle s’implante en Afrique du Sud et y transcrit l’une des grandes thématiques sociales du pays: l’homophobie. Premier et unique pays africain à légaliser le mariage homosexuel, l’Afrique du Sud se positionne en avant-gardiste sur l’une des questions sociales majeure de notre époque. De plus, Dada Masilo joue avec les conventions généralement conservatrices du ballet classique. Elle n’hésite pas à affubler les danseurs — hommes comme femmes — de tutus, introduit des dialogues, des chants et de la rythmique vocale, substitue les ballerines aux pieds nus, et enfin montre des danseurs sud-africains s’appropriant cet héritage culturel occidental qu’est le ballet classique — et ce avec une maitrise et une technique indéniables.

Charlie

Nuances chorégraphiques

Dans cette version, les danseurs arrivent et commencent à danser, mais ils sont rapidement interrompus par une narratrice qui dresse une satire du ballet conventionnel. Elle nous raconte, non sans humour, la succession des événements habituels du ballet: l’apparition du prétendant et des autres danseurs mâles, celle de la prétendante et des autres danseuses femelles, les deux amoureux qui feignent de se chercher, leur danse finale, ou encore la sensibilité souvent surjouée de la prétendante.

Par la suite, cette satire est réellement mise en scène, mais ici, c’est le cygne blanc, Odette, incarné par la chorégraphe elle-même, qui est choisie à l’unanimité pour être la future mariée. Siegfried, loin d’être impressionné par cette nouvelle épouse, accepte à contrecœur le mariage. Vient ensuite le cygne noir, qui s’avère cependant être… un homme. Majestueux, à l’allure gracile et à la souplesse déconcertante, Odile charme immédiatement Siegfried et leurs deux cœurs s’éprennent, au rythme d’une danse nocturne endiablée.

«Swan Lake  de Dada Masilo est une œuvre hautement contemporaine»

S’ensuivent des disputes avec les parents de Siegfried, la manifestation du regard de la société à travers les autres danseurs, qui pointent Siegfried du doigt et le menacent. Paria, rejeté par tous, Siegfried tente de s’expliquer mais finit par s’en aller, faute d’attention à son égard. Le spectacle se clôt par une scène incroyable, dans laquelle les deux prétendants, Odette et Odile-homme, dansent torse nu et vêtus d’une longue jupe noire, peu à peu rejoints par tous les autres danseurs.

Sans aucun doute, l’œuvre de Dada Masilo séduit. L’influence sud-africaine apporte un dynamisme et une énergie éblouissante au spectacle. Elle se ressent à travers les musiques choisies — souvent différentes des musiques originales du Théâtre du Bolchoï —, à travers le déhanchement, les ondulations du corps, le pas frappé des danseurs… Et enfin à travers la dernière scène qui fait écho à l’habillement traditionnel léger du peuple zoulou, chez qui le torse est toujours nu, tant chez les femmes que chez les hommes. Cette dernière scène nous rappelle que la danse est avant tout un corps. Et ce sont ces envoûtantes silhouettes que le public acclame avec ferveur au son de la dernière note.

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Thina Sobabili: The Two Of Us https://www.delitfrancais.com/2015/10/06/thina-sobabili-the-two-of-us/ https://www.delitfrancais.com/2015/10/06/thina-sobabili-the-two-of-us/#respond Tue, 06 Oct 2015 18:58:10 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23439 Le Festival de Film Black nous plonge au cœur d’un ghetto sud-africain.

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Le 1er octobre 2015, l’Ancien Cinéma ONF ouvrait ses portes pour la projection du film Thina Sobabili: The Two Of Us. Cette œuvre indépendante sud-africaine faisait partie de la large sélection cinématographique proposée par la 11e Édition du Festival International de Film Black de Montréal. Elle commence par un ralenti ou l’on voit hommes, femmes et enfants courir affolés vers un lieu qui se révèle être une scène d’horreur. Un jeune homme allongé s’étouffe, la bouche et le visage remplit de sang, tandis que la foule s’attroupe autour de lui et que deux femmes pleurent et crient face à cette scène. Le ton du film est tout de suite donné.

Luce Engérant | Le Délit

Thina Sobabili retrace l’histoire d’un frère et une sœur. Thulani et Zanele vivent dans un des quartiers les plus pauvres d’Afrique du Sud qu’une simple route sépare de l’un des quartiers les plus riches. Thulani apparaît, au début du film, comme un frère excessivement protecteur, attentionné mais intransigeant avec sa sœur Zanele. Cette dernière, jeune adolescente studieuse et obéissante, ne tardera pas à vouloir se frayer un chemin à travers les murs de l’autorité et à expérimenter ce qui lui est interdit. L’omniprésence et l’agressivité permanente de Thulani se révèlent plus tard être les conséquences d’un passé sombre et traumatisant. Puis, on se retrouve devant un bébé qui pleure à chaudes larmes, un homme rebouclant sa ceinture et deux femmes qui crient d’effroi et s’en prennent à l’homme. Un jeune garçon regarde ce spectacle à travers l’embrasure de la porte. Zanele ne le sait pas, mais elle a été sexuellement abusée par le sugar daddy de sa mère. Des années plus tard, la boucle se referme lorsque l’on se rend compte de l’identité de celui qui a abusé d’elle, alors plus jeune.

Thina Sobabili réunit en une heure trente un condensé de sujets tabous, dépeignant ainsi une triste réalité non seulement en Afrique du Sud, mais également dans un grand nombre de pays africains. Il met en exergue les contrastes trop importants entre pauvres et riches, la pauvreté et l’absence de perspectives comme moteurs poussant des jeunes filles à se donner à des hommes âgés et aisés, afin de tenter de sortir de la misère et d’être assurées d’une certaine sécurité financière. Celles-ci se retrouvent ainsi à la merci de ces hommes sans morale, qui n’hésitent pas à abuser verbalement et physiquement d’elles. La scène de l’enfant qui pleure ainsi que celle où la mère de Zanele se fait violenter en pleine nuit en guise de «punition» sont très dures à regarder, mais font d’autant plus mal car elles sont vraies.

Le film n’exhorte pas le spectateur à prendre les personnages en pitié, mais met plutôt à jour ce que beaucoup ne savent pas, ou ce qui est passé sous silence. «Le film a été montré aux enfants du quartier et beaucoup d’entre eux me disaient “C’est moi là!”» nous rapporte Ernest Nkosi, réalisateur du film. Les jeunes du quartier rêvent de belles voitures et de costumes, mais sont contraints à être des arnaqueurs et à vandaliser des maisons: seule alternative qu’ils trouvent pour se sortir de la misère. L’extrême violence de Thulani témoigne non seulement des conditions de vie dans ces espèces de «ghettos», mais également des séquelles psychologiques que des traumatismes d’enfance peuvent laisser. La qualité du montage et des images est d’autant plus appréciée lorsque l’on apprend que tout a été filmé en seulement sept jours. Un film poignant, mais très beau.

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«Je te regarde et je me vois mourir» https://www.delitfrancais.com/2015/09/29/je-te-regarde-et-je-me-vois-mourir/ https://www.delitfrancais.com/2015/09/29/je-te-regarde-et-je-me-vois-mourir/#respond Tue, 29 Sep 2015 16:34:41 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23205 Le cri de détresse d’un jeune marginalisé, au Théâtre d’Aujourd’hui.

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Après Oxygène, le metteur en scène Christian Lapointe coupe à nouveau le souffle des Montréalais en présentant Sauvageau Sauvageau, au Théâtre d’Aujourd’hui du 22 septembre au 10 octobre. En se basant sur l’œuvre et la vie d’Yves Sauvageau, Christian Lapointe nous fait découvrir ce jeune artiste québécois des années 1970, mythique en son temps mais désormais inconnu du grand public.

Yves Hébert, de son vrai nom, était un brillant auteur et acteur dramatique qui connut un début de carrière fulgurant, peu de temps avant de se donner la mort, à l’âge de 24 ans. On fait alors la connaissance d’un homme au talent prometteur mais à la sensibilité à fleur de peau tout au long de la pièce, au travers des dialogues et des monologues de deux personnages seulement. Deux personnages, ou plutôt une seule et même personne sortie de deux époques différentes: un Sauvageau figé à 24 ans, et un Sauvageau qui aurait eu aujourd’hui 69 ans s’il n’était pas parvenu à ses fins suicidaires.

La pièce commence: entrent en scène les deux Sauvageau. L’un met en marche une vieille radio qui retransmet les témoignages de personnes ayant connu l’homme. En arrière-plan, une grande boîte qui ressemble à une télévision géante servira tout au long de la pièce à la fois d’écran de  projection, de livre et de cadre photo. En parallèle des témoignages, les photos de l’artiste défilent sur l’écran et retracent sa vie, de sa petite enfance jusqu’à ses derniers instants. Les deux acteurs sont assis de part et d’autre de la scène et assistent à cette commémoration comme des spectateurs. Les images s’accélèrent jusqu’à ce que tout s’arrête. Les Sauvageau se mettent au centre de la scène, revêtent les mêmes habits et c’est là que tout débute.

La pièce, sans entracte, se découpe en quatre plans principaux aux intensités différentes. Sur fond de piano, le jeune Sauvageau entame d’abord un discours à travers lequel il décrit sa faim et sa soif de vivre, ses frustrations, sa colère et son désarroi face à une société, un monde qu’il ne comprend pas. Il exprime son mal-être et s’entrechoquent des mots qui reflètent son envie  de vivre et d’être acteur de ce monde, avec d’autres paroles qui décrivent son désir ardent de mourir, de quitter cet environnement dans lequel il ne se retrouve pas et se sent marginalisé. Le vieux Sauvageau, plus lucide, lui répond de manière intermittente et tente de calmer ces pulsions de mort, tout en comprenant la rage exprimée par le jeune homme.

Le vieux Sauvageau représente la manifestation fantasmagorique de Sauvageau s’il n’avait dit oui à la mort. Il est blasé, mais il aime la vie. S’ensuivent deux autres plans, durant lesquels le  jeune Sauvageau monte en intensité, déclame sa colère de manière de plus en plus véhémente. Au cours d’un monologue de presque vingt minutes, véritable performance de l’acteur, une litanie de mots se déversera pour enfin mener au quatrième plan, durant lequel les deux Sauvageau se retrouvent et continuent leur dialogue. La scène se clôture par une danse psychédélique, presque candide.

Sauvageau Sauvageau est avant tout une pièce textuelle dont le but n’est pas d’être intégralement absorbée par le spectateur, mais plutôt que celui-ci perçoive les émotions et idées qui s’en dégagent. Le texte est sans aucun doute très beau et travaillé mais il demeure cependant très lourd et donc difficile à suivre jusqu’au bout. Heureusement, le metteur en scène a choisi d’équilibrer la densité de son texte par un décor sobre et les mouvements mesurés des acteurs. En définitif: une pièce pas évidente à regarder, mais l’exercice de concentration vaut le détour. 

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L’homme face à la nature morte https://www.delitfrancais.com/2015/09/15/lhomme-face-a-la-nature-morte/ https://www.delitfrancais.com/2015/09/15/lhomme-face-a-la-nature-morte/#respond Tue, 15 Sep 2015 21:19:03 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=22973 Photographies perpétuelles, la photographie en mouvement au MBAM.

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Dans une petite salle cachée, au sous-sol du Musée des Beaux-Arts de Montréal, les «Photographies Perpétuelles» d’Owen Kydd jalonnent les murs et éclairent la petite galerie par le biais de panneaux numériques qui leur servent de support. La 14e Édition du Mois de la Photo propose à travers cette série la dissolution des frontières entre la vidéo, qui permet d’enregistrer le sujet de façon continue et la photo, qui permet de capturer l’instant et se détacher de toute temporalité.

Les photographies perpétuelles en question sont donc une série d’images du même ou de différents sujets  qui défilent en boucle. L’objet, dans le sens large du terme est ici le thème central du projet. Sur l’un des panneaux, divers bibelots sont disposés sur un sol dont le bleu et la texture rappellent ceux  entourant les piscines des années 60. La lumière se reflète contre l’aluminium d’un morceau d’emballage de biscuits et scintille de manière intermittente comme le plastique transparent des bijoux de pacotille. Une petite brise fait voler ici et là les bords de ces différents objets et donne ainsi à cette nature morte et quelconque l’apparence du mouvement paisible. En face de cette dernière œuvre, un gros plan d’un couteau en argent qui semble avoir beaucoup vécu. Sur la saillante lame de ce couteau, les rayures et les rainures se succèdent comme des vagues de haine et de vie. Sur cette même lame, se reflètent les phares des lumières de diverses couleurs; ce sont les phares des voitures qui passent au loin, derrière la vitre qui sépare ce couteau de la danse nocturne de la ville.

«L’objet reflète le monde qui l’entoure et se soumet aux changements que cet environnement lui impose.»

Deux autres panneaux présentent également divers objets, allant de l’abat-jour vert en papier aux ballons bleus gonflables à l’hélium, en passant par un buste en marbre dont la tête à moitié coupée lui donne un aspect de vase. D’ici, c’est la représentation de l’objet et du quelconque qu’on discerne. C’est la représentation du plastique dont la texture est révélée à travers les inclinaisons de la lumière qui l’éclaire. C’est cette dite lumière, celle qui modifie les textures et se reflète sur les matériaux tels que le verre, le métal ou le plastique, qui me touche. Pourtant, plus loin,  de nouvelles hypothèses émergent.

La présence et le jeu de la lumière sont toujours importants, que ce soit sous forme de phares, de jets multicolores ou d’un néon dont la lumière blanche et vive éblouit le visiteur. À droite, une sorte de sculpture et à ses côtés un homme, qui est d’ailleurs le seul être vivant doté de souffle de toute l’exposition. Il ferme les yeux et tente de se faire objet, de se faire nature morte, de camoufler toute manifestation de vie. Cependant, les paupières s’animent et de légers mouvements de visage et de tête peuvent être perçus. Non, ce n’est pas un objet.  L’objet ne demande rien, n’a rien à prouver. Il est posé là, respire à travers son silence et son immobilité, s’active sous l’action des forces environnantes. L’objet reflète le monde qui l’entoure et se soumet aux changements que cet environnement lui impose. Les multiples photos d’objets statiques dégagent une certaine passivité et semblent plus majestueuse que celle de la tentative vaine de l’Homme à s’oublier; celui qui subit sa propre vie. La nature morte revient à la vie, quand l’Homme feint de faire le mort. Ce contraste révélé à travers le support d’images superposées est profondément intéressant.

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De l’art ou du cochon? https://www.delitfrancais.com/2014/11/11/de-lart-ou-du-cochon/ https://www.delitfrancais.com/2014/11/11/de-lart-ou-du-cochon/#respond Tue, 11 Nov 2014 05:47:44 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=21765 Les Nocturnes au Musée d’art contemporain, ou la rencontre de tous les arts.

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Vingt-heure quarante-cinq: la jeunesse chic et choc, la tranche 20–45 ans des bobos danseurs montréalais se pare de son rouge à lèvre le plus vif et met belle chaussure à son pied; ce soir, c’est fiesta au musée. Les Nocturnes de MAC (Musée d’Art Contemporain), 7 novembre, visite du musée jusqu’à 2h du matin, nous y voilà. Les portes sont grandes ouvertes et l’on croit apercevoir à 1 mètre de soi une personnalité quelque peu familière; tiens, bonsoir M. le Maire. Le public occupe déjà l’espace dans toute son étendue; une vraie scène de théâtre. Le son de la basse commence à s’amplifier et nous donne déjà envie de secouer la tête.

 En plein centre du hall d’entrée, quelque peu surélevé, le DJ s’en donne à cœur joie; ce soir, c’est fiesta…au musée? Ah mais oui, nous sommes au musée! On rentre dans une première salle, une belle plage s’offre à nous. Des vagues, la lumière vive du jour, puis la tombée de la nuit. Une maison abandonnée est filmée sous tous ses angles, et dans nos oreilles raisonnent les voix d’une femme et d’un homme de 85 ans. Le discours sombre et désabusé de ces deux retraités quant au futur et à la futilité de la vie tranche avec le fond de house music que l’on entend dans la salle d’à côté. Il tranche un peu, un peu trop. Alors on monte à l’étage et on tente de découvrir les secrets que chaque salle et mur renferment. Un petit verre de vin pris sur le rebord de l’un des nombreux bars installés ci et là; mettons-nous dans l’ambiance! 

À l’affiche, des œuvres allant de l’art visuel à la sculpture avec pour la plupart une démarche similaire: mettre le doigt sur l’un des aspects de l’humanité contemporaine et en dégager son caractère déconcertant, négatif voire révoltant. Ladite démarche est néanmoins respectée à des degrés très différents. Certains, en effet, semblent non pas utiliser le laid pour en faire ressortir une vérité amère, mais plutôt pour placarder l’obscène à travers la caricature de réalités de plus en plus communes aujourd’hui. Ainsi, se retrouver face à des dizaines de photos de type «selfie pornographique postée sur internet» sur le chemin de la sortie ou lire une série de messages textes entre de jeunes adolescents, après une soirée ayant très mal tournée nous laisse perplexe. Enfin, rassurons-nous, pas très loin est projeté un documentaire faisant intervenir deux sœurs nous rappelant que l’actuelle décadence des mœurs n’est qu’un passage épisodique de nos vies: «la foi est en tous» affirment-elles. 

Vingt-trois heures quarante-cinq. Les voix montent, les rires s’accentuent, le rouge monte aux joues et la musique se fait plus forte. Un étage au-dessus, la timidité et la retenue ont été abandonnées au profit de coups de hanche bien placés. Fini le côté sensible et les regards sérieux face aux œuvres, au diable le musée; ce soir, c’est fiesta. La piste de danse a rassemblé tous ses amateurs, gobelets rouges à la main; le spectateur devient spectacle. Certains s’adonnent à l’atelier «création» d’en face dont le but est d’utiliser les matériaux à disposition et d’imiter le style d’une des œuvres présentées, d’autres se racontent des anecdotes, main dans la poche. Le «voir et être vu» est au rendez-vous; l’intérêt artistique habilement déguisé ou volontairement atténué et le phénomène de démocratisation de l’art apparaissent comme thème général de la rencontre. Habituée des classiques visites de musées au silence religieux , mais également avide d’aventures originales, ma visite au «Club MAC»… c’était vraiment la fiesta. 

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À vos crayons! https://www.delitfrancais.com/2014/10/27/a-vos-crayons/ https://www.delitfrancais.com/2014/10/27/a-vos-crayons/#respond Tue, 28 Oct 2014 04:26:53 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=21587 Le dessin, porte ouverte sur tous les possibles.

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Derrière les grands tableaux se cachent l’esquisse, le «pur dessin». C’est à La Chaufferie que Camilla Vasquez et Claudette Lemay nous ont donné rendez-vous ce vendredi 24 octobre pour un vernissage haut en lignes et en formes. Le cadre minimaliste et intimiste de l’exposition ainsi que la présence de la plupart des artistes exposés ont permis d’avoir une meilleure appréciation des œuvres et du projet artistique qui s’y cache. Du crayon, des traits grossiers, épais, gras; une forêt. Ou alors des lignes plus fines mais apposées d’une main agile et sûre.

Michel T. Desroches est portraitiste et s’est imposé depuis un certain nombre d’années une discipline: dessiner trois croquis par jour. Trois par jour, plus de 900 par an, Michel «capture» les âmes et les retranscrit à travers ses portraits. Non pas des personnes en particulier, ces visages sont des émotions, «des visages habités et non pas des coquilles vides» affirme-t-il. Le dessin est son «laboratoire», l’essai avant le produit final, une manière d’acquérir une meilleure saisie et maitrise du sujet. À regarder ces dizaines de croquis, trois traits principaux semblent être accentués suivant le visage: le nez, la bouche, les yeux. L’étonnement, la colère, le simple cri, le regard sévère, la joie; toutes sortes d’expressions quotidiennes et de mimiques sont représentées. 

Pas très loin, une série de neuf petits tableaux carrés attire le regard. Beaucoup de couleurs, les crayons de couleur de notre enfance, des cours élémentaires. Des tonalités bonbons et des motifs à l’aspect naïf semblent émaner la joie et la candeur. Chaque cadre contient un cercle représentant la Terre et nous rappelle les petits bonshommes multicolores que l’on dessinait alors petits pour représenter «le monde de toutes les couleurs où tout le monde s’aime». Puis l’on se rapproche et l’on se rend compte que ce monde parfait s’avère être une illustration d’événements tragiques. «Tapisserie de l’économie de guerre» ou un vague souvenir de l’opération «Africa Command» en 2008. Des fusils, les ressources naturelles et richesses pillées, volées, le pouvoir et la soumission, les victimes et corps roses qui s’empilent les uns sur les autres sur un fond bleu ciel. L’artiste Stéphanie Morissette nous rappelle que la guerre est un véritable commerce dans un climat où la violence est banalisée. Le sang pour la gloire, la domination pour la puissance, et les responsables qui se délectent et se partagent «le pain d’or» derrière une longue table rectangulaire, autour d’un chef auréolé de victoire, comme une amère référence à La Cène de Leonardo de Vinci.

Sur les quatre murs de la salle se font écho un empilement de personnages calqués par un simple coup de crayon. On voit des forces de l’ordre, des affrontements, et cette sorte de brouhaha perpétuel sorte de brouhaha au centre du dessin où s’entremêlent des corps de manifestants et de policiers. On reconnaît la troublante expression de violence policière durant le conflit social de 2012 au Québec; une signature de Pascal Cauto. Enfin, des gravures, un carnet de bord dont une tache d’encre chaque fois différente est le seul motif représenté, de l’aquarelle en passant par le pastel, la matérialité à travers des frottis et le mouvement à travers la spirale; un large panel rendant compte de la pluralité des pratiques du dessin. André Cloutier, un des participants à l’événement, témoigne: «Des œuvres présentées émanent une certaine dynamique, vibration tandis que d’autres semblent être plus difficiles d’accès; une grande variété technique.» 

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Cinéma au «kafou» des cultures https://www.delitfrancais.com/2014/09/30/cinema-au-kafou-des-cultures/ https://www.delitfrancais.com/2014/09/30/cinema-au-kafou-des-cultures/#respond Tue, 30 Sep 2014 05:35:32 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=21341 «Pourquoi ne t’a-t-on pas appris le créole?»

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Cette semaine s’est tenu pour la 10e année consécutive le Festival international du film Black de Montréal. Parmi un large éventail de longs et courts-métrages venant des quatre coins du monde, la soirée «Relève et Diversité» a été l’occasion de présenter cinq jeunes cinéastes issus des communautés noires de Montréal sous le thème «Être Noir à Montréal». La singularité de chaque court-métrage a permis de rendre compte de la diversité des expériences de chacun des cinéastes. Lumières sur l’un de ces courts-métrages: Kafou Kreyol.

«Pourquoi ne t’a‑t-on pas appris le créole ?» Stefan Veran, Canadien d’origine haïtienne, balbutie et peine à expliquer la cause de sa méconnaissance de la langue de ses parents. Montréal,  kafou (carrefour) des cultures, Kafou Kreyol. Annick Maugile Flavien, jeune étudiante d’origine haïtienne née à Montréal et auteure du film propose une réflexion sur la place du créole dans la communauté haïtienne de Montréal, mais aussi sur sa terre d’origine, Haïti. Sept intervenants témoignent et nous font part de leur expérience avec cette langue. «98% des enfants issus de la diaspora haïtienne à Montréal ne parlent pas créole» nous explique Pierre Lubin, doctorant à McGill. Un malaise, une honte, presque un «rejet» de leur langue maternelle; la transmission de cet héritage linguistique ainsi que des traditions et de la culture liées à cette langue pose problème. Cette réalité trouverait son origine dans le contexte haïtien où le créole est délaissé au profit de l’enseignement de la langue, de la culture et de l’histoire françaises. Langue de «l’élite intellectuelle» haïtienne, le français est la langue des privilèges, celle qui donne accès aux meilleures opportunités, mais aussi la langue de la division. Alors que 95% de la population parle créole, le français continue de s’imposer comme la seule langue «de valeur», garante de réussite sociale. 

Ainsi, dans une ville où le français est la langue officielle, la diaspora haïtienne ne fait que reproduire un schéma qu’elle a toujours connu. «Les parents estiment que le créole n’est pas important, qu’il ne permet pas de se démarquer dans une société où l’on favorise le français. Ils ne font pas d’efforts pour exposer l’enfant au créole», déplore Pierre Lubin. Pourtant, le créole n’est pas la langue de l’échec; elle porte en elle une histoire, une culture, une philosophie, une mémoire: celle des ancêtres. Le créole, c’est «la langue des sentiments, de la vie de tous les jours» s’émerveille Bernadette Maugile, la mère d’Annick. Dans un contexte où la communauté noire demeure une minorité, il semble important de pouvoir se retrouver dans cet environnement, d’avoir des points de repère, de pouvoir s’identifier à quelque chose. Être Noir à Montréal, c’est faire partie de cette grande mosaïque multiculturelle, danser cubain et manger indien; mais c’est aussi contribuer à cette diversité en cultivant sa différence et sa singularité. On peut vouloir revendiquer cette mixité culturelle et se déclarer «citoyen du monde», mais il semble important aussi de se questionner sur la valeur et la richesse de nos origines. Ainsi, en prenant pour sujet cette réalité particulière,  Kafou Kreyol nous invite à nous interroger sur le rôle que l’héritage culturel peut jouer dans la construction de son identité. La thématique nous parle, on s’y retrouve d’une manière ou d’une autre, et c’est ce qui fait la force de ce documentaire. Un sujet complexe scellé en dix minutes. On en redemande. 

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