Sao-Mai Nguyen - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/saomainguyen/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Mon, 21 Sep 2015 23:24:40 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 La passion sublimée dans le sang https://www.delitfrancais.com/2014/09/23/la-passion-sublimee-dans-le-sang/ https://www.delitfrancais.com/2014/09/23/la-passion-sublimee-dans-le-sang/#respond Tue, 23 Sep 2014 05:30:14 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=21196 Being At Home With Claude marque la rentrée du Théâtre du Nouveau Monde.

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Le Théâtre du Nouveau Monde démarre sa saison 2014–15 en célébrant les trente ans de création de Being At Home With Claude une oeuvre phare de René-Daniel Dubois. Créée en cinq jours, elle a connu un succès international retentissant. Elle est remontée pour la cinquième fois au Québec, sous la direction de Frédéric Blanchette. Après trente ans, l’histoire d’amour homosexuel passionnel qui constitue le fond de cette pièce policière demeure incontestablement contemporaine.

Nous assistons aux 80 dernières minutes d’un interrogatoire qui a déjà duré 36 heures. Un prostitué dénommé Yves (défendu par Benoît McGinnis) a tué son amant, puis s’est caché dans le bureau d’un juge de la Cour supérieure du Québec. Il avoue son crime aux autorités, mais refuse d’en révéler davantage. L’inspecteur (interprété par Marc Béland), exaspéré par l’absurdité de la situation, l’interroge sans répit pour saisir les motifs du crime. Les deux hommes sont exténués, la tension monte, jusqu’au moment où Yves fait un aveu fracassant. Il a tué Claude par amour. Au zénith de leur union, il a préféré tuer leur amour transcendant pour que sa pureté soit sublimée au lieu d’être effritée par le temps.

Deux visions du monde s’affrontent au cours de l’interrogatoire. L’inspecteur tente de reconstituer les événements de façon rationnelle, mais bute sur un témoin mû par le désir, l’absolu et la passion.L’inspecteur comprend difficilement les motifs d’Yves, à la fois violents et romantiques; vice versa, Yves avoue difficilement avoir commis un crime.

Le décor très réaliste rehausse davantage le contraste entre le passionnel et le rationnel. Alors que le récit du crime frôle la folie et déborde d’émotions vives, le boisé sobre d’un bureau au palais de justice rappelle la rationalité qui sous-tend le système judiciaire. Le réalisme des décors anticipe le fait qu’ultimement, Yves aura à se défendre devant un juge, selon la loi, au sein d’un système qui n’acquittera pas nécessairement un tueur parce qu’il a tué par amour.

Le duo McGinnis-Béland nous offre un jeu intense, mais nuancé, simultanément cru et poétique. Ils maintiennent avec brio la tension dramatique pendant les monologues et les silences, ce qui n’est pas chose aisée. Les deux acteurs n’en sont pas à leur première production ensemble. Marc Béland a auparavant dirigé Benoît McGinnis dans Hamlet au TNM.  La complicité de leur jeu en témoigne. Par ailleurs, Marc Béland a interprété le rôle d’Yves en 1988 et fait un virage à 180° réussi du personnage passionnel au personnage rationnel.

Un article de Jean Siag, paru dans La Presse le 13 septembre 2014, rapporte quelques paroles de René-Daniel Dubois sur la place du théâtre dans la société québécoise d’aujourd’hui : «Quand je considère l’activité théâtrale au Québec en ce moment, j’ai l’impression de visiter le village fantôme de Val-Jalbert.» L’article porte un titre bien lourd: «La mort du théâtre.» Souhaitons tout de même longue vie à Being At Home With Claude, car elle constitue sans doute un exemple marquant du théâtre de création au Québec. 

Pour plus d’information sur le Théâtre du Nouveau Monde :  http://www.tnm.qc.ca/ 

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Ces cossins jetables https://www.delitfrancais.com/2014/03/18/ces-cossins-jetables/ Tue, 18 Mar 2014 15:31:23 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=20510 Le Théâtre d’Aujourd’hui se transforme en sous-sol glauque d’organisme de charité.

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Jusqu’au 5 avril, au Théâtre d’Aujourd’hui, vous mettrez les pieds à l’Armée du Rachat, organisme de bienfaisance qui récupère des objets as is pour leur donner de nouveaux maîtres. On y récupère aussi des âmes, as is, et on les réhabilite pour qu’elles redeviennent maîtresses d’elles-mêmes. Dès l’entrée au théâtre, le spectateur est curieux de s’installer dans la salle pour regarder As Is (tel quel) de Simon Boudreault, montée par l’équipe de Simoniaques Théâtre.

On pénètre donc dans la salle, et le voilà, cet univers de la bienfaisance, as is: un immense tas d’objets touche le plafond et des vêtements sont éparpillés au hasard sur les chaises des spectateurs. C’est l’univers glauque des trieurs, un sous-sol sans lumière, où l’on trébuche, où l’on ramasse, où l’on trie pour jeter bien plus que pour sauver.

Saturnin (Jean-François Pronovost) incarne la jeunesse intellectuelle idéaliste. Ce bon étudiant de philosophie politique s’enrôle dans l’Armée de Dieu, heureux de contribuer à une Bonne Cause. Seulement, l’intégration dans le milieu de travail ouvrier ne se fera pas sans heurts.

Simon Boudreault s’est inspiré de son propre expérience comme «trieur de cossins» à l’Armée du Salut. L’auteur se souvient de l’étudiant intellectuel de 18 ans qu’il était, confronté à des codes d’un milieu qu’il connaissait peu. «Devant un geste gentil, si c’est hors de tes codes, tu te demandes pourquoi les gens font ça», dit-il dans une entrevue accordée à La Presse. En effet, Saturnin aborde son nouvel emploi avec plein de bonnes intentions, mais il se bute à la méfiance de ses collègues. Le gentil fait-il toujours le bien? La gentillesse serait-elle un luxe que seuls ceux d’une certaine classe sociale peuvent se permettre d’exhiber?

Saturnin rencontre Suzanne (Marie Michaud), trieuse à l’Armée du Rachat depuis 37 ans. Son fils Pénis (Patrice Bélanger) y travaille aussi, et bien qu’elle ne l’aime plus, elle craint tout de même qu’il entame une vie sans issue comme la sienne. Diane (Geneviève Alarie) a horreur de sa propre propension à tout casser, elle qui a déjà brisé sa vie par la drogue et la prostitution. Johanne (Catherine Ruel), quant à elle, est mère de trois enfants, enceinte d’un quatrième, et se demande comment continuer à faire vivre sa famille grandissante et convoite ainsi un chaudron dans le tas d’objets à trier. Les trois actrices nous livrent sans fard le destin des femmes qui entament chaque jour de travail sans fierté, sans espoir de s’en sortir, et qui sont pourtant incapables d’observer avec indifférence leur lente mort sociale.

Tout microcosme se dote d’une hiérarchie. Ici le boss du sous-sol, c’est Tony (Denis Bernard), et tous ses employés rêvent d’une place au-delà du sous-sol. Pour se rassurer de ne pas être au plus bas des sous-sols, ils se cherchent quelqu’un à rabaisser. L’homme tout désigné est Richard, en désintox (Félix Beaulieu-Duchesneau), qui «donne du temps» pendant sa réhabilitation sociale. Quelle réhabilitation, peut-on se demander, quand sa réinsertion sociale commence par être l’exclu dans l’Armée de Dieu?

Les personnages nous dévoilent une partie d’eux-mêmes à travers une quinzaine de chansons aux paroles délicieuses. Trois musiciens accompagnent les personnages sur scène pour donner la note juste à tous les accords de la frustration et du dépit.

As Is (Tel Quel) nous livre la vie des trieurs d’objets épars, telle quelle. En même temps, cette pièce pose des questions dérangeantes par rapport au triage quotidien qui a lieu dans notre société, le triage des êtres humains épars que nous sommes. Qui d’entre nous ira au rebut, indigne d’être racheté? Et pour ces indignes-là, la gentillesse des autres suffit-elle à les sauver?

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Quand vieillesse peut https://www.delitfrancais.com/2014/02/25/quand-vieillesse-peut/ Tue, 25 Feb 2014 16:11:13 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=20153 Histoire de finissants au Monument national.

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Les finissants de l’École nationale de théâtre closent de façon magistrale leur formation en interprétant l’univers de ceux qui finissent leur vie. 80 000 âmes vers Albany, de Benjamin Pradet, permet à cinq personnes âgées de partir pour un dernier voyage avant le Grand Voyage. La mise en scène de Sébastien David permet aussi au spectateur de voyager, mais vers un monde redoutable, qu’on préférerait croire étranger –la vieillesse. Jusqu’au 21 février, l’École nationale offre une alternative à la maxime «si jeunesse savait, si vieillesse pouvait». On donne ici aux aînés le pouvoir de s’exprimer, de s’aventurer, de prouver leur valeur, et on montre que les jeunes ont tout ce qu’il faut pour les comprendre.

Au Château de Terrebonne, les résidents préparent un spectacle de Noël. Il y a Désirée Déluge (interprétée par Marie-Ève Bélanger) et Henri (Benoît Arcand), qui ont tout traversé ensemble. Il y a Gertrude (Gabrielle Côté), qui aime bien jouer au trou d’cul. Il y a Pierre-Pierre (Alexandre Bergeron), acteur qui travaillait au dépanneur, à la recherche d’une 23e femme. Puis Colette d’Orange (Marianne Dansereau) arrive à la résidence. Elle propose aux autres d’aller à Albany pour le mariage de… de qui encore?… pas important… Le cheval blanc est prêt, le fauteuil roulant aussi, c’est parti!

Les acteurs sont à la hauteur du texte de Benjamin Pradet. Il faut une grande sensibilité pour exécuter un tableau sur la vieillesse avec finesse, sans caricaturer ni sombrer dans le désespoir. Les uns marmonnent et répètent sans fin une idée entrecoupée, d’autres entretiennent des dialogues de sourds (littéralement), mais les acteurs et l’auteur ne nous permettent pas d’assimiler ces «petits vieux» à des enfants. Le visage est parfois absent, mais les voix intérieures sont vigoureuses, les souvenirs retentissants –un va-et-vient quotidien de réalités confuses.

Certaines réalités, cependant, dépassent les mots et ne peuvent s’exprimer qu’en silence. C’est alors que l’excellente mise en scène de Sébastien David prend le relai. Ses chorégraphies ressemblent à une scène de danse macabre, mais non moins vivante, une danse de l’âge où on se retrouve seul face à ce qui reste. Parfois, le rythme ralentit, donnant à un personnage tout le temps nécessaire pour monter un escalier ou traverser la scène. Et de simples actions –marcher, monter– deviennent en soi des chorégraphies. Les acteurs déploient un talent du corps inouï pour traduire le mouvement ankylosé d’une personne qui s’habitue tant bien que mal à son rhumatisme. Le temps n’est pas mort, il n’est qu’alourdi pendant qu’on admire la beauté d’un corps qui a perdu sa grâce.

L’équipe artistique réussit à créer un monde qui, malgré la banalité de ses éléments constitutifs, permet de faire apparaître une lueur de… quelque chose, à défaut d’espoir. Le plancher terne de la résidence a la capacité de se transformer en plancher de danse disco dans un bar de village. On recouvre les murs de papier peint défraîchi, avec tout de même un peu de verdure. Les costumes en laine, sombres, gris, terreux, ont pourtant tous des touches de rouge par-ci, par-là. Des sapins de Noël sont pendus tout à l’envers, mais leurs lumières s’efforcent de briller. C’est comme ça, on ne peut s’empêcher de chercher pour des indices de vie et d’y croire encore.

Quoique nous avancions tous vers la vieillesse, 80 000 âmes vers Albany nous rapproche d’elle. Elle nous rappelle que la solitude, l’abandon, la fragilité, la perte de contrôle des aînés se vivent au quotidien, et qu’il ne faut pas attendre une tragédie comme l’Isle-Verte pour s’en rendre compte. C’est une pièce à la fois belle et nécessaire, pour tous les âges.

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Vers les racines de nos amours https://www.delitfrancais.com/2014/02/18/vers-les-racines-de-nos-amours/ Tue, 18 Feb 2014 05:15:32 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=20035 Omnibus le corps du théâtre présente à l’Espace Libre un condensé des fatales amours de Jean Racine

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Condenser trois œuvres –déjà bien denses– de Jean Racine, voilà le défi que s’est lancé la troupe Omnibus. Réal Bossé, Sylvie Moreau et Jean Asselin, trois complices de longue date, se voient octroyés trente minutes chacun pour faire revivre Andromaque, Bajazet et Bérénice sur la scène de l’Espace Libre. Cinq comédiens (Marie Lefebvre, Kathleen Fortin, Gaétan Nadeau, Pascal Contamine et Charles Préfontaine) se partagent quatorze personnages. Amours fatales, la pièce qui en résulte, est une succession de crimes passionnels et un tourbillon d’amours violemment refoulées, rejetées ou imposées. Racine survit malgré tout à tant d’ébranlements, mais il en sort un peu étourdi et moins émouvant qu’il l’aurait peut-être souhaité.

Andromaque, rappelons-le, est l’archétype de la tragédie racinienne où évolue dangereusement une chaîne d’amours non-partagées: Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime sa captive Andromaque, qui n’a cessé d’aimer son défunt mari Hector, tué par le père de Pyrrhus. Andromaque s’accroche à sa seule bouée d’espoir: son fils. Or, Oreste arrive en messager funeste: la Grèce veut la mort du fils d’Andromaque et demande à Pyrrhus de livrer l’enfant. Les tractations politiques s’enchaînent, alors que se déchaînent des passions sombres. Réal Bossé choisit de situer son Andromaque «à l’époque où les animaux parlaient». La prémisse d’Ésope y est interprétée presque littéralement. Les personnages sont habillés en peaux d’animaux, rampent-grognent-reniflent sur un carré de terre tout en récitant des alexandrins galants.

Après trente minutes dans cet enclos de terre, l’éclairage rétrécit la scène et des tapis persans sont étalés dans le carré de lumière diminué. Les acteurs réapparaissent sur scène, en caftans châtoyants, pour Bajazet de Sylvie Moreau. La tragédie évolue dans le sérail du sultan Amurat, à Constantinople, au XVIIe siècle. Entre des murs immuables, les intrigues amoureuses font rage. Le vizir Acomat complote dans le dos du sultan pour rapprocher la favorite, Roxane, du frère du sultan, Bajazet. Roxane tombe sous le charme de Bajazet, qui cependant est amoureux d’Atalide, qui est convoitée par Acomat. Trahisons politiques et amoureuses se résolvent dans un bain de sang, et le tintement discret de bijoux librement ajustés à la taille.

L’éclairage rétrécit à nouveau la scène. Pour Bérénice de Jean Asselin, les acteurs doivent négocier leurs mouvements sur quatre carrés de marbre adjacents –à chacun son carré. Titus devient empereur de Rome et doit annoncer une nouvelle déchirante à Bérénice, la reine palestinienne dont il est éperdument épris: les lois de Rome interdisent l’union de l’empereur avec une reine. Titus ordonne à Bérénice de quitter Rome avec Antiochus, son compagnon d’armes, qui est secrètement amoureux de Bérénice. Rome… soit, mais les acteurs portent des tailleurs contemporains. Titubant sur leur carré de marbre, contorsionnés dans leur espace limité, les acteurs livrent un jeu excellent.

Les trois pièces invitent le spectateur à relever ce qu’il y a d’intemporel et d’universel dans l’amour racinien. Cet amour est à la base mû par des pulsions primaires. C’est pourquoi les personnages d’Andromaque, mi-humains mi-animaux, font éclater leurs émotions dans un décor de terre mise à nue. Contraint à un espace physique sans issue, comme le sérail de Bajazet, cet amour s’empoisonne en intrigues meurtrières. Contraint par des obstacles sociaux, tels que les lois romaines dans Bérénice, cet amour implose dans la solitude. Ce sont les costumes qui illustrent le caractère intemporel de cet amour: on passe des peaux d’animaux aux tailleurs, de la préhistoire à nos jours. Puis, pour rappeler que cet amour est universel, qu’il est ici comme il l’est ailleurs, on dote Bajazet d’un décor clairement oriental. C’est, somme toute, une démarche bien réfléchie pour distiller Racine et intellectualiser l’amour.

Cependant, à trop vouloir extirper l’essence de Racine, on s’éloigne de certains traits de la tragédie racinienne. Par exemple, la physicalité animale des acteurs dans Andromaque fait éclipser la galanterie classique. Oui, Racine fait indubitablement régner les pulsions violentes, mais il y a tout de même quelque chose d’incongru à voir Hermione cracher sur sa rivale, puis se souiller et se débattre dans la terre. Tout concupiscent qu’il puisse être, un Pyrrhus qui renifle à quatre pattes l’entre-jambe de l’être désiré perd un peu de crédibilité.

Il faut reconnaître que la troupe Omnibus est reconnue pour l’emphase qu’elle donne à l’expression du corps. On comprend donc la tentation de vouloir extérioriser les pulsions amoureuses très explicitement. Le résultat est intense, mais manque de puissance. Au contraire, un jeu du corps plus contenu, plus cohérent avec la galanterie des alexandrins récités, laisse mieux bouillir ces pulsions internes, qui n’éclateront qu’avec plus de force.

De plus, la salutaire catharsis, qui caractérise le genre tragique, est trébuchante. Un des objectifs d’une tragédie est de permettre aux spectateurs de purger leurs passions à travers celles des personnages. Or, trente minutes ne laissent pas assez de temps pour accompagner chaque personnage à travers ses tergiversations, ses doutes et ses dilemmes souffrants. Jean Asselin, dans une entrevue accordée à Olivier Dumas, de l’Espace, dit avoir coupé en moyenne 600 vers par scène. Le texte final maintient la cohérence de l’original, ce qui est tout à l’honneur d’Asselin, mais inévitablement, chaque coupure diminue le temps de rapprochement entre les spectateurs et les personnages. Au bout de trente minutes, quand les personnages atteignent le paroxysme de leurs passions, le spectateur n’est pas tout à fait prêt à le partager. Et déjà, il faut passer à la prochaine pièce.

Les longs temps morts entre chaque pièce n’aident pas non plus à maintenir la charge émotive pour que se concrétise la catharsis. La trame sonore qui joue pendant le changement de décor, amalgame de grognements bestiaux, de gémissements calculés et de soupirs gutturaux, ne parvient pas à garder vivante cette tension tragique qui doit ultimement consommer personnages et spectateurs.

Amours fatales est donc une adaptation réussie, à condition que le spectateur ne soit pas trop attaché aux canons de la tragédie classique. C’est déjà un exploit que de réduire une œuvre de Racine sans réduire la beauté du texte, ni la cohérence narrative. Jusqu’au 8 mars 2014, l’Espace Libre nous offre donc une contradiction intéressante: du Racine épuré, moins racinien en même temps.

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