Archives des Canada - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/actualites/canada/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 29 Oct 2024 23:18:50 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.1 Choisir entre prospérité et sécurité https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/choisir-entre-prosperite-et-securite/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56320 Les relations Inde-Canada dégénèrent.

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Le 14 octobre, la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, annonce que des avis d’expulsion du territoire canadien ont été envoyés à six diplomates indiens, incluant le haut-commissaire. Quelques heures plus tard, le gouvernement indien riposte, faisant de même avec le haut-commissaire canadien à New Delhi, et cinq autres diplomates canadiens. Ces développements représentent l’aboutissement de tensions croissantes entre l’Inde et le Canada, et remettent en question la solidité de la relation entre les deux pays du Commonwealth.

Résumé des tensions

Le 18 juin 2023, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) retrouve Hardeep Singh Nijjar, un Canadien Sikh impliqué dans le mouvement indépendantiste du Khalistan, fatalement atteint de balles tirées depuis un véhicule à Surrey, en Colombie-Britannique. Le 18 septembre 2023, Justin Trudeau annonce à la Chambre des communes que les agences de sécurité canadiennes auraient démontré l’implication d’agents du gouvernement indien dans l’assassinat de M. Nijjar. Le refus du gouvernement indien de coopérer dans l’enquête mène à l’expulsion d’un de ses diplomates du territoire canadien. Cette décision du gouvernement canadien reste controversée, considérant l’absence de preuves divulguées au public pour soutenir une telle accusation. Bien que l’Inde continue de nier toute implication dans l’affaire, le Canada retire le deux tiers de ses diplomates et leurs dépendants de l’Inde en octobre 2023.

Le 3 mai 2024, la GRC procède à l’arrestation de trois ressortissants indiens impliqués dans le meurtre de M. Nijjar. Le 11 mai 2024, un quatrième ressortissant est arrêté en lien avec l’affaire. Le 14 octobre 2024, le gouvernement Trudeau publie une déclaration concernant plusieurs enquêtes menées sur le meurtre de M. Nijjar. Selon le bureau du premier ministre, « la GRC dispose de preuves claires et convaincantes que des agents du gouvernement indien se sont livrés, et continuent de se livrer, à des activités qui constituent une menace importante pour la sécurité publique ». Ces activités inclueraient des « techniques de collecte d’informations clandestines, des actes coercitifs visant des Canadiens d’origine sud-asiatique, et la participation à plus d’une douzaine d’actes violents et menaçants, incluant le meurtre ». Ces accusations mènent donc à l’expulsion mutuelle de diplomates du 14 octobre 2024, annoncée par la ministre Joly.

« Le Canada a été confronté à un choix difficile entre la sécurité des Canadiens et sa propre prospérité économique »

Quelques jours avant, selon le Globe and Mail, David Morrison, sous-ministre délégué des Affaires étrangères, ainsi que Nathalie Drouin, conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre, se seraient entretenus avec le Washington Post. Lors de cet entretien, les deux fonctionnaires auraient divulgué à la publication américaine des informations sensibles concernant l’implication possible du gouvernement indien dans le meurtre d’un deuxième leader sikh canadien, Sukhdool Singh Gill. Cette information devait être divulguée par Mike Duheme, commissaire de la GRC, lors d’une conférence de presse, et les deux fonctionnaires fédéraux affirment que cette information n’était pas classifiée. Le 14 octobre, Duheme a affirmé que des agents du gouvernement indien avaient joué un rôle dans des actes de violence « répandus » au Canada, incluant des homicides. Cependant, il n’a pas spécifié si l’affaire Gill faisait partie de ces actes de violence, et les circonstances et la nature de l’information divulguée lors de l’entretien entre Morrison, Drouin et le Washington Post, ainsi que le déroulement même du breffage, restent incertains.

Risques pour l’économie

L’effet de ces tensions diplomatiques sur les relations économiques entre les deux pays n’est pas encore clair. L’Inde représente le dixième partenaire commercial du Canada, faisant d’elle un marché prioritaire, selon Affaires mondiales Canada. L’importance des relations économiques est illustrée par l’Accord de partenariat économique global Canada-Inde (ou l’APEG), renégocié pour la dernière fois en 2017. On peut aussi citer à l’appui les partenariats entre les deux pays dans le domaine de l’éducation, avec 41% des étudiants internationaux au Canada étant originaires de l’Inde.

« Dans ce cas-ci, il est clair que le Canada a décidé de mettre au devant son discours sur la souveraineté de l’État et la lutte contre l’ingérence étrangère »

Mais le Canada peut-il se permettre de mettre fin à ses relations économiques avec l’Inde? Le Délit s’est entretenu à ce sujet avec Catherine Viens, professeure associée à l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire de l’UQAM et chercheuse postdoctorale des Fonds de recherche du Québec – Société et culture.

Selon elle, « d’un point de vue économique et géopolitique, le Canada a beaucoup à perdre » en rompant ses liens avec l’Inde. Les allégations émises par Justin Trudeau en septembre 2023 ont notamment interrompu les négociations en cours de l’APEG, et qui auraient permis « d’accroître le commerce bilatéral de 8,8 milliards de dollars par an, augmentant le PIB annuel de 0,25% d’ici 2035 ». Cependant, Viens note que malgré l’importance de l’Inde pour l’économie, le risque posé à la souveraineté canadienne par cette situation est assez conséquent « pour voir dans la position du Canada une tentative de remettre au premier plan son refus de se faire piler sur les pieds ».

Une situation sans précédent

Bien que le Canada ait mis fin à des relations diplomatiques auparavant, cette situation, selon Viens, est sans précédent. Elle explique que l’élément surprenant de cette affaire concerne sa nature publique. En effet, il est très inhabituel que la GRC rende publiques des accusations lorsqu’une enquête est toujours en cours. C’est cependant ce qu’elle a fait avec l’affaire du meurtre de M. Singh Nijjar. Selon Viens, ceci démontrerait le sérieux des allégations faites par la GRC, qui soutient avoir pour but de « défaire le réseau qui s’est mis en place par le gouvernement indien pour orchestrer des activités criminelles en sol canadien ».

Il semble que l’inhabituel de la situation s’étende au-delà de la question de la sécurité. Comme Viens le souligne, « ce qui est aussi surprenant et assez rare pour un pays qui souhaite accroître ses liens économiques comme le Canada, c’est de prendre une décision diplomatique de ce genre, en sachant très bien qu’elle affectera ses liens diplomatiques de manière importante et drastique ».

Un choix difficile

Viens affirme : « Le Canada est surtout tiraillé entre poursuivre des allégations publiques, ou coopérer avec l’Inde, malgré les circonstances. » En d’autres mots, le Canada a été confronté à un choix difficile entre la sécurité des Canadiens et sa propre prospérité économique. D’une part, s’abstenir d’accuser l’Inde d’avoir enfreint à la souveraineté canadienne aurait établi un précédent dangereux quant à la sécurité des Canadiens sur leur territoire. D’une autre, accuser l’Inde et mener des enquêtes publiques sur son implication dans le meurtre de M. Nijjar met à risque d’importants liens diplomatiques et économiques. Viens soutient que « dans ce cas-ci, il est clair que le Canada a décidé de mettre au devant son discours sur la souveraineté de l’État et la lutte contre l’ingérence étrangère ».

Dénouements

La possibilité d’un dénouement des tensions diplomatiques entre les deux pays est intrinsèquement liée au rôle d’autres acteurs internationaux. « L’une des seules manières par laquelle le Canada pourra s’extirper de cette fracture diplomatique, c’est s’ il réussit à avoir le soutien d’autres pays occidentaux, dont les pays des Five Eyes [une alliance des services de renseignements de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni, et des États-Unis, ndlr]. » Toutefois, comme le précise Viens, le soutien de ces pays risque d’être étroitement lié à la menace directe que leur pose l’Inde. Le résultat des enquêtes menées aux États-Unis concernant un assassinat similaire en territoire américain sera donc décisif quant aux relations diplomatiques Inde-Canada.

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Incertitude pour les libéraux https://www.delitfrancais.com/2024/09/18/incertitude-pour-les-liberaux/ Wed, 18 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55846 La fin de l’entente entre les libéraux et le NPD marque un retour à la normale.

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Le 4 septembre dernier, Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), met fin à son entente de soutien sans participation avec le Parti libéral du Canada (PLC). Ceci marque, d’une part, un retour à la normale marqué par l’incertitude caractéristique d’un gouvernement minoritaire, et ouvre, d’autre part, la possibilité d’une élection prématurée. En mars 2022, le NPD accordait au PLC une entente de soutien sans participation. Cette entente représentait un accord de confiance entre le NPD et les libéraux, élus en gouvernement minoritaire. Grâce à ce soutien, le Parti libéral a pu agir comme un parti majoritaire en coalition avec le NPD. Cela signifie qu’au cours des deux dernières années, les libéraux ont pu obtenir aisément les votes de confiance des membres du Parlement, sans avoir à négocier chaque vote avec les partis d’opposition, tel qu’il est courant de le faire pour un gouvernement minoritaire.

« Il existait des tensions [entre le NPD et les libéraux], par exemple, autour de projets sur l’assurance médicament, dont la mise en œuvre tardait »

Daniel Béland, professeur de sciences politiques à McGill

Fin de l’entente : Pourquoi ?

J’ai pu m’entretenir avec Daniel Béland, professeur au Département de sciences politiques de l’Université McGill, afin d’obtenir des réponses à la suite de la fin de l’entente entre le NPD et le PLC. Une première explication concerne des divergences sur des dossiers clés : « Il existait des tensions [entre le NPD et les libéraux, ndlr], par exemple, autour de projets sur l’assurance médicament, dont la mise en œuvre tardait. Je pense qu’un aspect important a été la décision du gouvernement libéral concernant la grève dans le secteur des chemins de fer, alors que les travailleurs en grève ont été forcés à retourner au travail », explique le professeur. Cependant, un autre enjeu plus stratégique a sans doute aussi influencé la rupture de l’entente entre les partis : « Je pense que sur le plan politique, le NPD est trop étroitement associé aux libéraux, et ces derniers sont en baisse dans les sondages depuis plus d’un an », constate Professeur Béland. « Le NPD est associé directement au gouvernement libéral, ce qui nuit à sa popularité. Certains députés du NPD sont insatisfaits de cette entente, et leur association directe à Justin Trudeau et à son gouvernement leur déplaît fortement. »

Cette mise à terme de l’entente de soutien sans participation survient une semaine après l’annonce de Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur, dans laquelle il encourageait le NPD à mettre fin à l’entente. Poilievre souhaite maintenant obtenir le soutien du NPD et du Bloc québécois lors d’un éventuel vote de confiance durant lequel il voterait en défaveur des libéraux. Dans l’éventualité où ces derniers n’obtiendraient pas de soutien d’un parti de l’opposition, une élection fédérale prématurée serait envisageable.

« Selon le Professeur Béland, […] les probabilités d’une élection générale prématurée sont maigres. En effet, dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, le NPD et le Bloc québécois détiennent un certain pouvoir de négociation »

Élection fédérale : un risque réel ?

Depuis l’annonce de la dissolution de l’entente entre le NPD et les libéraux, une question se pose : une élection prématurée serait-elle possible? Certains affirment que oui, évoquant l’annonce de Poilievre durant laquelle il annonce que « Justin Trudeau ne va pas démissionner. Il faut le congédier ». Cependant, selon le professeur Béland, les probabilités d’une élection générale prématurée sont minces. En effet, dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, le NPD et le Bloc québécois détiennent un certain pouvoir de négociation. Ceci dit, si une élection devait se tenir cet automne, les sondages prédisent une victoire majoritaire des conservateurs, retirant aux NPD et au Bloc une grande part de leur influence au Parlement. Le Professeur Béland affirme que : « Pour le Bloc et surtout pour le NPD, il serait préférable de maintenir les libéraux au pouvoir au moins jusqu’au printemps. Effectuer le vote de confiance après le prochain budget, ce serait peut-être une meilleure occasion de faire tomber le gouvernement pour déclencher des élections vers la fin du printemps 2025. Cela dit, si les libéraux réussissent à se négocier des ententes, ils pourraient survivre jusqu’à la fin de leur mandat, soit jusqu’à la fin de l’année 2025. »

Il faudra donc attendre une journée d’opposition [journée durant laquelle les partis d’opposition peuvent choisir la motion à débattre, ndlr] pour découvrir si une élection aura lieu.

Retour à la normale

Selon le Professeur Béland, ce qui est normal dans un contexte de minorité au sein d’un gouvernement, c’est l’incertitude du parti au pouvoir, qui le contraint donc à négocier et faire des concessions avec les autres membres du Parlement, comme dans le cas de l’entente entre les néo-démocrates et les libéraux.

La rupture entre le NPD et le PLC représente donc un retour aux négociations pour tout ce que le gouvernement souhaite entreprendre. Il est à noter que même en tant que gouvernement minoritaire, le Parti libéral reste relativement fort parce qu’il ne requiert le soutien que d’un seul autre parti d’opposition pour mener à bien ses projets. Comme note professeur Béland, les libéraux risquent donc de se tourner vers le Bloc québécois, ce qui pourrait leur garantir une certaine capacité d’action.

« Si on écoute le discours politique d’Yves-François Blanchet [chef du Bloc québécois, ndlr], et de d’autres députés du bloc, il est évident que le parti voit maintenant son influence grandir », affirme le Professeur Béland. « Ça ne veut pas nécessairement dire que le Bloc votera en faveur des libéraux et leur offrira un soutien inconditionnel, mais il est évident que les libéraux ont maintenant les yeux tournés vers le Bloc, et non le NPD. Par contre, c’est un jeu dangereux pour les libéraux étant donné que le Bloc québécois n’est pas actif ailleurs qu’au Québec, et que c’est un parti souverainiste : s’allier avec eux pourrait poser des risques politiques. » La seule certitude pour les libéraux semble donc être l’incertitude de leur avenir politique, au vu de leur retour à un statut minoritaire.

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74 jours d’occupation https://www.delitfrancais.com/2024/08/28/74-jours-doccupation/ Wed, 28 Aug 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55489 Une chronologie du campement pro-palestinien à McGill.

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Le Délit revient sur les faits concernant le campement pro-palestinien, en vous offrant une chronologie non-exhaustive des événements qui se sont déroulés au cours de ces 74 jours d’occupation. 

27 avril - Début du campement sur la partie inférieure du campus de l’Université, notamment mené par les organismes Solidarity for Palestinian and Human Rights (SPHR), et SPHR Concordia. Les groupes, qui s’identifient comme mouvements d’étudiants issus des universités McGill et Concordia, déclarent le campe ment « zone libérée », en y installant des tentes et des grillages en guise de délimitation. Leurs revendications sont claires : le désinvestissement des fonds des deux universités envers les compagnies « financant le génocide et l’apartheid en Israël (tdlr) » et la fin de toute relation académique entre les universités et Israël. 

27 avril - Le campement fait appel au soutien de la communauté, demandant à ceux et celles qui peuvent se le permettre d’apporter de l’eau, de la nourriture, et du matériel. Les membres du campement incitent également les étudiants à se joindre à eux pour accroître leur présence sur le campus. Ces appels font augmenter le campement d’une vingtaine de tentes, à plus d’une cinquantaine d’entre elles. Dès les premiers jours du campement, la présence policière augmente sur le campus. 

29 avril - Dans un courriel adressé à la communauté mcgilloise, Deep Saini, président et vice-chancelier de l’Université McGill, déplore le comportement des manifestants, citant des commentaires antisémites et affirmant que leur présence sur les terrains privés de l’Université enfreint non seulement a ses politiques, mais également la loi. Saini affirme également avoir essayé d’établir une entente en dialoguant avec les représentants étudiants du mouvement, sans succès. 

1er mai - L’administration de McGill propose aux manifestants de les convier à un forum pour discuter de leurs demandes, à la condition qu’ils abandonnent le campement de manière permanente. 

2 mai - Une manifestation pro-Israël s’organise devant le portail Roddick, pour contester le campement. Les manifestants remplissent la rue Sherbrooke, tandis que des contre-manifestants pro-palestiniens s’organisent de l’autre côté du grillage. Une présence policière importante sur le campus et dans les rues environnantes se fait remarquer dès le début des rassemblements, et les tensions augmentent au cours de la journée. Les manifestants sont séparés non seulement par le grillage et par les policiers, mais aussi par des bénévoles du campement, identifiés par des dossards jaunes. Les manifestations restent pacifiques, et les foules se dispersent en soirée. 

Ysandre Beaulieu | Le Délit

10 mai - McGill annonce son intention de déposer une injonction demandant le droit de démanteler le campement, et d’obtenir, si nécessaire, l’assistance du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour ce faire. L’Université cite plusieurs raisons, dont des inquiétudes vis-à-vis la santé et la sécurité publique, des tensions grandissantes, et le dérangement causé par la présence des manifestants. 

15 mai - La demande d’injonction provisoire se rend jusqu’à la Cour supérieure du Québec, qui décide de rejeter la demande de McGill, citant l’absence d’incident violent depuis le début de sa mise en place. Le juge, Marc St-Pierre, justifie cette décision en expliquant qu’une injonction ne peut être préventive et que les risques à la santé et à la sécurité publique cités par l’Université ne se sont pas matérialisés. 

26 mai - Au cours d’un événement pro-palestinien sur le campus lors duquel s’est mobilisé le SPVM, un portrait d’un politicien israélien « vêtu d’un vêtement à rayures évoquant un uniforme de prisonnier » est suspendu, comme l’explique un courriel du recteur à la communauté mcgilloise. L’incident est rapporté au SPVM, qui n’intervient pas

29 mai - Dans un courriel, Deep Saini dénonce des méthodes qu’il qualifie de « coercitives et discriminatoires ». À l’appui, il mentionne l’incident du 26 mai et associe le vêtement à rayures à l’uniforme revêtu par des millions de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. D’autres incidents sont décrits. Parmi eux, le harcèlement de certains membres du personnel de l’administration et des graffitis « blasphématoires » sur des murs des bureaux de l’Université. 

6 juin - Occupation du bâtiment James McGill. Vers 16h00, un groupe pénètre dans le bâtiment, s’y barricade, et dessine des graffitis sur les murs. Près d’une heure plus tard, c’est l’arrivée d’une présence policière, qui, vers 19h30, disperse la foule qui bloque l’accès à l’entrée du bâtiment. 

10 juin - L’Université McGill émet une nouvelle proposition, qui est refusée par les manifestants. Celle-ci inclut quatre éléments : un examen de la possibilité de désinvestir dans des entreprises de fabrication d’armes ; une divulgation de tous les placements de l’Université (incluant ceux inférieurs à 500 000 dollars) ; une prise en compte accrue des institutions et des intellectuels palestiniens et une offre de soutien, notamment financier, aux universitaires déplacés sous les auspices du réseau Scholars at Risk, ainsi qu’une amnistie pour les personnes qui occupent le campement. 

14 juin - Selon une porte parole du campement, l’Université refuse de répondre à l’appel des manifestants et de poursuivre les négociations. 

17 juin - Dans un courriel destiné aux étudiants de McGill, Deep Saini dénonce le programme d’été révolutionnaire de la SPHR, citant l’imagerie violente utilisée sur ses tracts (un individu portant un fusil automatique). Il demande également à l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) de dénoncer le programme, et de rompre tout lien avec la SPHR qui est inclus dans sa liste de clubs affiliés, le cas échéant étant interprété par l’Université comme support de la SPHR.

2 juillet - Sur leurs réseaux sociaux, le mouvement SPHR dénonce le manque de volonté de l’Université de répondre à leurs demandes, et déplore sa décision de cesser toute négociation.  

5 juillet - Des manifestants commettent des actes de vandalisme, « fracassant des vitres et les tapissant de graffitis où l’on pouvait lire slogans et obscénités », menant à l’arrestation d’un individu. 

9 juillet - SPHR émet un communiqué de presse dénonçant la réaction de McGill face à la mobilisation étudiante, notamment leurs négociations menées « de mauvaise foi » avec les représentants du campement et leurs tentatives de diviser l’intifada.  

Ysandre Beaulieu

10 juillet - Le campement pro-palestinien reste en place jusqu’au 10 juillet, lorsqu’une firme de sécurité privée, engagée par l’Université, initie son démantèlement. Dans un courriel diffusé à l’ensemble de la communauté mcgilloise, le recteur de l’Université, Deep Saini, annonce le démantèlement du campement situé sur la partie inférieure du campus, citant « de nombreux graffitis haineux et menaçants » et « des risques importants en matière d’hygiène, de sécurité et d’incendie ».

À la suite au démantèlement du campement, le campus est partiellement fermé avec une réouverture graduelle au cours de laquelle les points d’entrée sont limités aux individus détenant une permission. À partir du 5 août, le campus est accessible à tout le monde entre 6h et 22h, ainsi qu’aux membres du personnelet aux étudiants détenant une carte d’identité de l’Université en dehors de ces heures.

Malgré le démantèlement du campement, les tensions persistent sur le campus. Il est difficile de prédire les formes qu’elles prendront une fois les cours commencés. Cependant il est clair que des efforts importants de la part de la communauté mcgilloise seront nécessaires pour rétablir la stabilité.

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Plonger dans l’esprit des Jeux Paralympiques https://www.delitfrancais.com/2024/08/28/plonger-dans-lesprit-des-jeux-paralympiques/ Wed, 28 Aug 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55502 Entretien avec la nageuse paralympique canadienne Sabrina Duchesne.

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Après les Jeux Olympiques de Paris 2024, le spectacle continue ce 28 août avec la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques, qui auront lieu jusqu’au 8 septembre prochain. Moins suivis que les Jeux Olympiques, cet événement sera organisé pour la première fois dans la capitale française et s’annonce déjà historique : 4400 athlètes, 22 sports et pas moins de 168 délégations, soit quatre de plus que lors des Jeux de Tokyo 2020. Les sites Paralympiques compteront des monuments parisiens iconiques, tels que le Grand Palais et le Château de Versailles. Par ailleurs, la cérémonie d’ouverture promet un spectacle grandiose, entre la place de la Concorde et les Champs-Elysées.

Le Canada espère se démarquer suite à ses performances admirables aux Jeux Olympiques, lors desquels il s’est emparé de 27 médailles, dont neuf en or, un record.

Le Délit s’est entretenu avec Sabrina Duchesne, nageuse paralympique de l’équipe canadienne ayant participé aux Jeux de Rio 2016 et Tokyo 2020. Lors de ces derniers, Sabrina Duchesne a offert une performance remarquable, obtenant une médaille de bronze lors du relais 4x100 mètres nage libre avec ses coéquipières canadiennes. Individuellement, elle a terminé cinquième au 400 mètres nage libre. En 2023, elle a remporté le bronze aux championnats du monde de para-natation lors du 400 mètres nage libre, une performance inédite dans sa carrière. Duchesne est originaire de la ville de Québec et étudie actuellement la criminologie à l’Université Laval, où elle performe également au sein du club de natation de l’Université.

L’athlète est atteinte de dyparésie spastique, une forme particulière de paralysie cérébrale qui affecte ses membres inférieurs depuis sa naissance : « Je marche avec la jambe gauche orientée vers l’intérieur. C’est vraiment une question de démarche : mon équilibre n’est pas optimal, il arrive que je le perde. Je suis tout de même capable de marcher, de me tenir debout, et de me déplacer sans problème. Dans l’eau, je nage avec le haut de mon corps. Mes jambes, je m’en sers seulement pour garder une certaine stabilité. Je fais des mouvements légers pour les garder à la surface. »

« Quand tu es introduit au monde des Jeux, ou de la para-natation en général, cela représente énormément, tu te rends compte que tu n’es pas seule »

Sabrina Duchesne, Nageuse paralympique canadienne

Que signifient les Jeux Paralympiques ?

Les Jeux Paralympiques comptent beaucoup pour Duchesne sur le plan personnel. Elle raconte que les Jeux ont suscité chez elle des émotions jamais ressenties : « Quand tu es introduit au monde des Jeux, ou de la para-natation en général, cela représente énormément, tu te rends compte que tu n’es pas seule. Ça suscite un petit peu un sentiment d’appartenance à un autre monde. Parce que quand on arrive dans le village paralympique, on n’est pas une minorité, on est une majorité. Tout le monde a un handicap. La minorité, ce sont ceux qui n’en ont pas, les bénévoles par exemple. C’est réconfortant, d’une certaine manière. » Les Jeux l’ont aussi aidée à faire des rencontres marquantes qui perdurent depuis son arrivée au sein de l’équipe canadienne en 2015 : « J’ai créé de fortes amitiés en étant dans l’équipe paralympique canadienne. J’y ai connu mes meilleurs amis. »

Duchesne décrypte également le rôle particulier de l’handicap dans le développement de relations interpersonnelles et dans le milieu sportif : « Entre personnes qui ont un handicap, on se comprend mieux. Il est clair que si je parle à ma famille, ils comprennent le fait que j’ai un handicap. Mais c’est différent d’entretenir une relation avec quelqu’un qui nous connait bien mais qui est également dans la même situation que nous. Les liens créés sont très forts. »

Jade Lê | Le Délit

Les Jeux Paralympiques : un manque de reconnaissance ?

Duchesne estime que les Jeux Paralympiques sont toujours victimes d’une méconnaissance importante de la part de son auditoire : « Je pense qu’il y a beaucoup de monde qui ne savent même pas ce que signifie le mot “paralympique”. C’est évident qu’il y a beaucoup d’éducation à faire à ce propos. Beaucoup de gens ne connaissent même pas le logo des Jeux Paralympiques (les trois petites vagues). » En outre, Duchesne reste sceptique quant aux conséquences des décisions organisationnelles pour les Jeux, notamment concernant les dates de l’événement. Elle considère que le fait que les Paralympiques soient organisés un mois après les Jeux Olympiques contribue à la perte de la ferveur olympique estivale. Les spectateurs sont souvent moins énergiques et résolus lorsqu’il s’agit de soutenir les para-athlètes. Par ailleurs, le fait que le début des Jeux Paralympique coïncide avec la fin des vacances d’été et donc la reprise des cours s’avère un obstacle supplémentaire qui nuit à la visibilité des Jeux : « Il est clair que les Paralympiques n’ont pas la visibilité qu’ils méritent. Pendant l’été, les gens sont tellement dans l’esprit des Jeux Olympiques, ils les regardent, ils passent de très bons moments. Les Paralympiques, c’est en début de session d’école, en début de reprise du travail, ça complique les choses. »

Selon les comités d’organisation, le choix d’organiser les Jeux Paralympiques suite aux Jeux Olympiques semble avant tout avoir été fait dans une volonté de respecter les athlètes paralympiques afin de permettre une plus grande médiatisation de ces Jeux. Paris 2024 déclare également que des raisons logistiques expliquent ce choix, puisque les installations de logement et les infrastructures de sport devraient tout simplement voir leurs capacités doubler. Cité dans un article du site des Jeux de Paris 2024, Andrew Parsons, président du comité international paralympique, explique que « les Jeux Paralympiques sont un moment unique de célébration des athlètes paralympiques. C’est leur moment! Faire un évènement unique banaliserait ou noierait les performances exceptionnelles de ces athlètes qui méritent toute notre attention ». Cependant, selon Duchesne, la couverture médiatique des Jeux est un autre élément important qui explique leur moindre popularité, puisque les médias, notamment les chaînes de télévision, semblent être moins attirés par les Paralympiques que par les Olympiques.

Il est néanmoins important de reconnaître que les choses changent progressivement : Paris 2024 a annoncé un nombre record de diffuseurs pour couvrir les Jeux Paralympiques cette année, et a également proclamé que l’organisation des Jeux serait la première de leur histoire à proposer une couverture en direct de chacun des 22 sports. Ce nombre s’élevait à 15 à Rio et à 19 à Tokyo. En outre, Duchesne évoque la survie du tabou lié aux handicaps, qui expliquerait en partie la réticence persistante à médiatiser les Jeux Paralympiques comme ils le méritent, évoquant des « problèmes de société » qui s’enracinent plus profondément dans les perceptions populaires liées à la différence avec autrui, dans ce cas-ci celle de l’handicap.

Quels objectifs pour Paris ?

Bien que Duchesne révèle avoir un objectif de médaille, elle reste pragmatique et avoue vouloir par-dessus tout profiter de ces Jeux au maximum : « C’est sûr qu’une médaille, en individuel, au 400 mètres nage libre, c’est un gros objectif. Mais je ne veux pas me mettre cette pression. Je veux juste me dire que je vais passer de bons moments. Honnêtement, c’est quand je m’amuse que je performe le mieux. Je ne sais pas si ce seront mes derniers Jeux ou pas. Tout ce que je veux, c’est profiter de l’expérience, y prendre plaisir, et savoir qu’après mon épreuve, je pourrai me dire : “OK j’ai fait tout ce que je pouvais, j’ai performé au maximum.” »

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Baisse drastique des permis d’études https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/baisse-drastique-des-permis-detudes/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54754 Le Ministre de l’immigration annonce une baisse de 35% des visas étudiants

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Ce 22 janvier 2024, l’Honorable Marc Miller, ministre de l’Immigration, a déclaré dans un communiqué de presse un plafond sur deux ans limitant le nombre de visas octroyés aux étudiants étrangers. Le gouvernement a prévu l’approbation d’environ 360 000 permis d’études en 2024, soit une baisse de 35% en comparaison aux 500 000 délivrés l’année précédente. Miller a souligné que ces mesures ne concerneraient pas les étudiants à la maîtrise ou au doctorat, ni les détenteurs actuels de permis d’études.

Le ministère de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) répartira le plafond de demandes de permis entre les provinces et les territoires proportionnellement à leurs populations, qui alloueront à leur tour ce quota à leurs établissements d’enseignement choisis, selon le communiqué de presse du ministre Miller. À compter de l’annonce du gouvernement fédéral, chaque demande de permis d’études présentée à IRCC devra être accompagnée d’une lettre d’attestation de la province ou du territoire concerné.

« L’annonce d’aujourd’hui vise à protéger un système qui a ouvert la voie à des abus, ainsi qu’à soutenir une croissance démographique durable au Canada »

Marc Miller

« L’annonce d’aujourd’hui vise à protéger un système qui a ouvert la voie à des abus, ainsi qu’à soutenir une croissance démographique durable au Canada (tdlr) », a énoncé le ministre Miller en conférence de presse le 22 janvier. Le ministre Miller déplore la prolifération d’établissements « bidons », qui abusent du système d’immigration et contribuent à l’accroissement de la population étudiante qui exerce de fortes pressions sur la demande de logement et des services de santé. Ces « institutions monnayeuse de diplômes » prennent avantage des droits de scolarités exorbitants payés par les étudiants internationaux en opérant sur des campus inadaptés.

« Ces mesures ne sont pas dirigées contre les étudiants étrangers, je pense qu’il est très important de le souligner », a voulu clarifier le ministre dans une conférence pour les médias étudiants canadiens le 2 février, organisée par IRCC. « Elles visent à garantir que les futurs étudiants arrivant au Canada recevront la qualité d’éducation pour laquelle ils se sont engagés, qui leur a été promise et pour laquelle ils ont payé. Permettre aux mauvais acteurs de poursuivre leurs activités serait une injustice à tous les établissements qui s’enorgueillissent d’offrir une expérience universitaire de premier ordre ». Les étudiants internationaux sont une source de revenu non négligeable dans les provinces. Ceux-ci paient des droits de scolarité jusqu’à cinq fois plus élevés que les résidents canadiens permanents. En 2018, les étudiants de provenance étrangère contribuaient près de 22,3 milliards de dollars au PIB Canadien, tout en soutenant plus de 218 000 emplois selon des données gouvernementales.

L’explosion récente du nombre de ces étudiants, comptés à 900 000 en 2023 contre un peu moins de 240 000 en 2011, atteste l’engouement des établissements universitaires autour de l’accueil d’étudiants internationaux. Cette augmentation de la population étudiante est souvent pointée du doigt comme contribuant à la crise du logement au Canada. Miller s’est exprimé sur l’incidence: « La diminution du volume [d’étudiants, ndlr] va avoir un impact sur les loyers, principalement, mais ce n’est pas le cas que du jour au lendemain, le prix et l’abordabilité vont être réglés à cause du fait qu’on a réglé ou qu’on a diminué le nombre d’étudiants internationaux qui s’en viennent au Canada. C’est un élément, ça a un impact, mais l’impact et le motif principal aujourd’hui, c’est d’enrayer un système qui a perdu le contrôle » a‑t-il déclaré.

Frédérique Mazerolle, agente des communications avec les médias de McGill, a commenté sur le futur de la place des internationaux au sein de l’université à la suite de l’annonce ministérielle dans un email. « Le nombre d’étudiants étrangers inscrits à McGill est resté stable au cours de la dernière décennie, soit environ 12 000 étudiants, ce qui représente 30% de l’ensemble de la population étudiante de l’Université. », écrit Mazerolle. « Nous ne nous attendons pas à ce que les nouvelles mesures entraînent un changement significatif. » L’Université McGill estime donc que la nouvelle réglementation ne devrait pas bouleverser le fonctionnement de l’université, en contraste avec la récente législation provinciale mandatant la hausse des frais de scolarité pour les étudiants non-québécois, annoncée en octobre dernier.

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Regard critique sur le Mois de l’histoire des Noir·e·s https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/regard-critique-sur-le-mois-de-lhistoire-des-noir%c2%b7e%c2%b7s/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54513 Entretien avec Rosemary Sadlier, ancienne présidente de l’Ontario Black History Society.

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Le 1er février a marqué le début du Mois de l’histoire des Noir·e·s. Afin de souligner l’occasion, l’Université McGill, en coopération avec Le Bureau de l’équité de L’Université McGill, organise une série d’événements mettant de l’avant l’excellence des personnes noires au sein de l’Université. Cependant, sa longue histoire de discrimination et d’exclusion raciale, décrite par Suzanne Morton dans l’un de ses récents travaux, soulève plusieurs questions sur la manière dont l’Université McGill aborde ce mois.

Pour contextualiser la célébration du Mois de l’histoire des Noir·e·s en 2024, Le Délit s’est entretenu avec Rosemary Sadlier, ancienne présidente de l’Ontario Black History Society (OBHS), qui a joué un rôle fondamental dans sa mise en place.

Le Mois de l’histoire des Noir·e·s au Canada

Le mois de février est reconnu en 1995 au niveau fédéral comme le Mois de l’histoire des Noir·e·s, grâce aux efforts de Sadlier et de la députée parlementaire Jean Augustine. Ce mois est plus communément associé aux États-Unis, où il est officialisé 19 ans plus tôt. Ce retard, selon elle, est dû à la tendance canadienne à se considérer moins raciste que son voisin du sud, et même à ignorer sa propre histoire d’esclavage.

Sadlier explique avoir consacré 20 ans de sa carrière à l’instauration du 1er août comme Jour de l’émancipation, combat qui a finalement abouti en 2021 à la Chambre des communes. En effet, comme les discours soulignant l’inclusivité et la tolérance des Canadiens dominent, Sadlier explique qu’ils « rendent le travail de personnes comme moi très compliqué et difficile (tdlr) ». Elle identifie un manque d’éducation sur l’histoire des personnes noir·e·s dans le pays, ce qui « rend difficile la pensée critique chez les étudiants », et accorde donc aux institutions éducatives un rôle fondamental pendant le Mois de l’histoire des Noir·e·s.

Cette éducation commence par l’inventaire du contenu disponible au sujet de l’histoire des personnes noires au Canada. Sadlier explique que les manquements potentiels dans cette histoire posent problème aux étudiant·e·s de tous les niveaux. Bien que cette éducation soit cruciale pour tous·tes, plusieurs étudiant·e·s noir·e·s se voient sous-représenté·e·s dans le curriculum pendant leur scolarité. Mais le problème ne s’arrête pas là. Un·e étudiant·e noir·e qui arrive au niveau universitaire fait encore face à de nombreux obstacles : « Je connais un étudiant noir qui voulait faire son doctorat sur un chapitre de l’Histoire des personnes noires, qui a été rejeté sous prétexte qu’il n’y avait pas assez de contenu. »

McGill dans l’équation

Selon Sadlier, le Mois de l’histoire des Noir·e·s a pour mission de faire ressortir la vérité. Ceci requiert en première partie l’avancement des points de vue des personnes noires dans les milieux universitaires. Elle explique : « Si le rôle de l’université est d’élargir les horizons de ses étudiants, de promouvoir la diversité, d’enseigner la pensée critique, il est important de considérer la contribution des personnes noires. » Dans le contexte universitaire, comme elle le fait remarquer, ceci requiert aussi l’honnêteté de la direction et de l’administration de McGill par rapport à leur propre histoire de discrimination : « La plupart des universités au Canada ont une connexion à l’esclavage des personnes noires et autochtones. » Sadlier conclut que plusieurs d’entre elles ont tendance à filtrer et même omettre certains épisodes peu glorieux de leur passé colonial.

« Si le rôle de l’université est d’élargir les horizons de ses étudiants, de promouvoir la diversité, d’enseigner la pensée critique, il est important de considérer la contribution des personnes noires »

Rosemary Sadlier

McGill ne fait pas exception à la règle. En effet, le dernier projet ayant pour but de rapporter une histoire exhaustive de McGill a été publié en 1980, et omet entièrement le statut de propriétaire d’esclaves de son fondateur James McGill. D’après Sadlier, il est donc important de garder un esprit critique et de se questionner sur ce qui est pris pour acquis. Elle explique : « La vérité doit prendre le dessus sur les non-vérités. Elle fera éventuellement surface, et quand ce sera le cas, il sera difficile de l’aborder. Il est donc important pour les institutions universitaires d’être proactives dans leur approche. »

Cependant, l’Université McGill n’est pas restée entièrement inactive, et a publié un Plan de lutte contre le racisme anti-noir en 2020. Le document souligne les connexions historiques de l’Université avec la traite transatlantique d’esclaves, et établit un plan d’action et des cibles ancrées dans les expériences et les espaces étudiants, la recherche et l’action communautaire. Depuis, des rapports annuels ont été publiés par l’Université, décrivant ses progrès vers les cibles établies dans le plan, le dernier étant sorti en 2023.

Échapper à la responsabilité

Une ambiguïté persiste autour de la commémoration du Mois de l’histoire des Noir·e·s dans les universités en 2024. Sadlier elle-même éprouve une certaine ambivalence envers cet événement. « Est-ce un système parfait? Non, évidemment pas. (…) Moi-même, j’en ai fait la promotion [du Mois de l’histoire des Noir·e·s, ndlr] en faisant des présentations dans 2000 écoles, mais c’était parce qu’il n’y avait rien. Il n’existait aucune base pour l’enseignement de l’histoire des Noir·e·s. » Le manque de ressources disponibles pour la promotion de l’histoire des Noir·e·s faisait des victoires autrement superficielles de bons points de départ.

Bien que la commémoration du Mois de l’histoire des Noir·e·s constitue une avancée de la part de l’Université, Sadlier clarifie que cette stratégie s’avère souvent performative. « Quand une université souligne le Mois de l’histoire des Noir·e·s, elle n’a pas à faire autre chose, à faire des changements substantiels. Ce n’est pas dans son intérêt de le faire. »

Il est donc d’autant plus important de situer le Mois de l’histoire des Noir·e·s dans un plus grand contexte de décolonisation, un mouvement qui favorise l’action concrète aux avancées symboliques. Sadlier affirme que les obstacles auxquels les personnes noires font face sont similaires à ceux des personnes autochtones, surtout au sein du milieu universitaire. « Les Premières Nations étaient “l’Autre”, comme les personnes noires, elles ont été traitées de la même manière ». « L’Autre » correspond à n’importe quelle personne perçue comme n’étant pas blanche. « La doctrine de la découverte a été appliquée sur les terres autochtones, comme sur les terres africaines. Ces deux groupes et leurs luttes sont donc unis », conclut-elle.

La reconnaissance attribuée à McGill pour sa commémoration du Mois de l’histoire des Noir·e·s et même son plan contre le racisme anti-noir est à relativiser, considérant son traitement des groupes autochtones. Le projet d’expansion du campus de McGill illustre cette ambiguïté. En effet, une entente conclue mettait les Mères Mohawk à la tête du projet, mais l’Université aurait ignoré plusieurs recommandations du panel indépendant d’archéologues mandaté par la Cour Supérieure du Québec. Conséquemment, plusieurs sont d’avis que McGill réduit intentionnellement au silence les voix autochtones.

Sadlier fait remarquer que « si une institution opprime un groupe et manque de respect à leur histoire et à leurs voix, cette même institution traitera n’importe quel autre groupe minoritaire de la même manière ». Il est donc important de garder un œil critique sur l’usage du Mois de l’histoire des Noir·e·s comme représentatif d’universités comme McGill, et de situer leurs actions dans un plus grand contexte.

« Si une institution opprime un groupe et manque de respect à leur histoire et à leurs voix, cette même institution traitera n’importe quel autre groupe minoritaire de la même manière »

Rosemary Sadlier

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Un Nazi ovationné à l’Assemblée https://www.delitfrancais.com/2023/10/04/un-nazi-ovationne-par-la-chambre-des-communes/ Wed, 04 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52638 Le président de la Chambre des communes du Canada démissionne.

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Le 22 septembre dernier, lors de la visite d’État du président ukrainien Volodymyr Zelensky, la chambre des communes du Canada a ovationné Yaroslav Hunka, alors présenté comme un vétéran ayant combattu pour l’indépendance de l’Ukraine contre la Russie pendant la seconde guerre mondiale. Lors de l’ovation, l’ensemble des députés et Volodymyr Zelensky se sont levés pour applaudir l’homme. Cette décision d’ovationner l’ancien combattant avait été prise par Anthony Rota, président de la Chambre des communes depuis 2019, et député libéral de la circonscription de Nipissing-Timiskaming (Ontario). À la suite de cette ovation, des découvertes sur le passé de Yaroslav Hunka ont troublé la classe politique et choqué la société canadienne.

Un ancien soldat SS?

Rapidement après cette ovation, plusieurs médias et de nombreuses associations, comme le journal Forward, ont dévoilé
la réelle identité de Yaroslav Hunka. En effet, plusieurs preuves montrent que ce dernier a combattu pour la 14e Division Waffen Grenadier de la SS. Créée en 1943 par l’administration militaire nazie, cette division était essentiellement composée de recrues et volontaires ukrainiens de la région de Galicie (ce qui lui vaudra le nom « SS Galicie »), située dans l’ouest de l’Ukraine. Cette unité avait pour but de combler les pertes parmi les troupes nazies, qui s’affaiblissaient dans un conflit enlisé à Stalingrad.

Bien qu’elle ait été formée à la fin de la guerre, la division n’a pas été exemptée de commettre des crimes. Il est à noter que la SS Galicie a tout de même fait partie de la Waffen SS, la branche militaire principalement utilisée par le troisième Reich pour commettre des crimes de guerre, crimes de génocide et crimes contre l’humanité durant la seconde guerre mondiale.

L’association Les Amis du Centre Simon Wiesenthal pour les Études de l’Holocaust (ACSW), une association consacrée à la mémoire de la Shoah, a considéré cet événement comme « choquant ». Et à travers un communiqué adressé le 24 septembre, l’association a voulu rappeler que « cette unité [la SS-Galicie, ndlr] a été responsable du meurtre de masse de civils innocents, d’un degré de brutalité et de malice inimaginable (tdlr) ».

Des excuses à la démission

Le 25 septembre, le lendemain de la révélation, le président de la Chambre des communes a présenté ses premières excuses. Malgré cela, l’embarras provoqué ne s’est pas dissipé et les premiers appels à la démission d’Anthony Rota ont commencé.
Le Nouveau Parti Démocrate et le Bloc Québécois ont premièrement réclamé cette démission, avant d’être rejoints par des membres de la même famille politique que le président (Parti Libéral du Canada). Mélanie Joly par exemple, la ministre des affaires étrangères du Canada, a affirmé le 26 septembre : « Ce qui s’est passé vendredi était inacceptable, embarrassant pour la Chambre et pour les Canadiens. Je pense que le président devrait écouter les membres de la chambre, et résigner. » De son côté, l’association ACSW a appelé Rota à résigner « pour la crédibilité des institutions du parlement ».

Finalement, le 26 septembre, quatre jours après l’ovation, Anthony Rota a présenté sa démission du poste de président de la Chambre des communes, en affirmant qu’il assumait « la responsabilité totale » de ses actions. Plusieurs partis ont réagi, comme le NDP, affirmant qu’ils « ne s’en réjouissaient pas » mais que c’était la « bonne décision à prendre ».

« Bien que la polémique semble toucher à sa fin, les conséquences de voir Volodymyr Zelensky applaudir un ex-soldat nazi vont marquer l’image de ce dernier encore quelques temps. »

À la suite de cette démission, Le Délit a interrogé une source anonyme, membre du Parti Libéral du Canada. Selon cette source, « lorsqu’on a un rôle aussi important, on est responsable même de ce dont on n’est pas au courant ». La source a par la suite ajouté que « c’est triste parce que c’est quelqu’un [Anthony Rota, ndlr] qui est sincèrement dédié aux institutions, par contre une erreur très grave a été commise, donc il était de son devoir de quitter ».

Bien que la polémique semble toucher à sa fin, les conséquences de voir Volodymyr Zelensky applaudir un ex-soldat nazi vont marquer l’image de ce dernier encore quelques temps. En effet, depuis le début de la guerre en Ukraine, le gouvernement de Vladimir Poutine a mené une propagande massive caractérisant le président ukrainien de Nazi. Cette erreur de la part de Mr. Rota, faisant paraître la Chambre de communes et M. Zelensky comme gratifiant un Nazi, ne va donc que conforter Poutine dans l’établissement de sa propagande.

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Les tensions entre l’Inde et le Canada https://www.delitfrancais.com/2023/10/04/les-tensions-entre-linde-et-le-canada/ Wed, 04 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52626 Le Délit s’est entretenu avec le Professeur Daniel Béland.

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Le 18 septembre dernier, le premier ministre canadien, Justin Trudeau déclarait devant la Chambre des communes du Canada être en possession d’« éléments crédibles selon lesquels il existerait un lien possible entre les agents du gouvernement de l’Inde et le meurtre de Hardeep Singh Nijjar [un leader sikh, ndlr], citoyen canadien (tdlr) ». Cette déclaration, qualifiée d’« absurde » par le gouvernement indien a déclenché une crise diplomatique menant à la suspension de la délivrance de visas par l’Inde aux ressortissants canadiens. Afin de mieux comprendre les origines et les implications de cette escalade diplomatique, Le Délit s’est entretenu avec Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill (IÉCM).

Des tensions en filigranes

Le 18 juin dernier, Hardeep Singh Nijjar a été assassiné en Colombie-Britannique. Militant pour la création d’un état sikh indépendant, le Khalistan, Nijjar était considéré comme un terroriste par le gouvernement indien depuis 2020.

Nijjar était une figure importante de la diaspora sikh canadienne, la plus large au monde, représentant 2% de la population totale du Canada. Pr Béland nous l’a précisé lors d’une entrevue : « Beaucoup de Sikhs sont arrivés dans les années 1980, dont la personne qui a été assassinée, alors que le mouvement nationaliste sikh était très actif au Punjab [un état indien, ndlr]. Mais cette cause est aujourd’hui moins mobilisatrice et moins présente. Au sein de la communauté sikh canadienne, il y a donc des éléments qui sont plus indépendantistes ou plus nationalistes que ce qu’on voit en moyenne aujourd’hui au Punjab. »

Nijjar était actif depuis le Canada dans l’organisation de référendums non officiels pour la création du Khalistan, avec l’organisation Sikh for Justice. L’un d’eux, organisé en juin dernier, avait fait parler de lui. Dans un défilé organisé dans le cadre d’un référendum à Brampton, en Ontario, on pouvait voir un tank allégorique célébrant l’assassinat de la première ministre Indira Gandhi par ses gardes du corps sikhs en 1984. Le ministre indien des affaires étrangères avait alors adressé des critiques au gouvernement Trudeau, déclarant qu’il « existait un problème [au Canada, ndlr][…] concernant l’espace accordé aux séparatistes, aux extrémistes et à ceux qui prônent la violence ».

Interrogé sur les tensions historiques entre le Canada et l’Inde au sujet de la diaspora sikh, Pr Béland nous a confié : « Il y a toujours eu des tensions en filigrane sur ce sujet, mais pas nécessairement à l’avant scène. Le gouvernement canadien est conscient depuis des décennies des préoccupations du gouvernement indien sur la présence de nationalistes sikhs sur son sol. Mais avec Modi [le premier ministre indien, ndlr], l’Inde a adopté une approche plus pugnace, plus revendicatrice sur la question. » Cependant, il a souligné : « Il ne faut pas oublier qu’il y a des rapports forts entre l’Inde et le Canada, commerciaux et interpersonnels. 4% de la population est d’origine indienne, dont la moitié sont sikhs. Beaucoup voyagent en Inde et il y a un grand nombre d’étudiants étrangers indiens qui sont au Canada. Avec le débat sur les ingérences étrangères chinoises, le Canada a investi davantage dans sa relation avec l’Inde. »

« Il y a toujours eu des tensions en filigrane sur ce sujet, mais pas nécessairement à l’avant scène. »

Professeur Béland

L’escalade diplomatique

Si la déclaration de Trudeau devant la Chambre des communes le 18 septembre dernier a été qualifiée d’improvisée par de nombreux médias, le premier ministre était acculé, comme nous l’a confié Pr Béland. « Est-ce qu’il avait vraiment le choix? Non, parce que le Globe and Mail allait sortir la nouvelle. Et donc, comme Trudeau était accusé de ne pas avoir fait assez pour contrer l’influence étrangère chinoise, il a décidé d’être transparent au sujet de la situation indienne. »

Dans la foulée de cette déclaration, le gouvernement indien a rejeté les accusations, puis les deux pays ont entamé des représailles en expulsant chacun un diplomate de leur territoire. Le 20 septembre dernier, le ministère des affaires étrangères indienne avait invité « tous les ressortissants indiens présents sur place et ceux qui envisagent de voyager au Canada à faire preuve de la plus grande prudence ». Les tensions ont atteint leur paroxysme le lendemain, lorsque l’Inde a annoncé suspendre le traitement des visas des ressortissants canadiens, avant de connaître un début de désescalade le 26 septembre dernier. En déplacement à New York à l’occasion de l’assemblée générale des Nations Unies, le chef de la diplomatie indienne a déclaré que « s’il y a un incident qui pose problème et que quelqu’un me donne des informations précises en tant que gouvernement, bien entendu que j’examinerais la question ».

Interrogé sur ce début de désescalade, Pr Béland nous a affirmé : « Je pense que nos alliés, certainement les États-Unis, se sont probablement appliqués à essayer de calmer le jeu et à faire pression sur l’Inde. C’est possible que certaines des informations qu’on a obtenues des services secrets proviennent de la CIA. Les Américains étaient probablement au courant de l’ingérence indienne. Le Canada et l’Inde, je ne dirais pas que c’est David et Goliath, mais ce ne sont certainement pas des puissances du même ordre. Je pense que le Canada a besoin de ses alliés dans ce dossier-là, surtout des États-Unis. Parce que Modi n’écoutera probablement pas Trudeau, mais peut-être Biden. » Trudeau se retrouve désormais isolé sur la scène internationale, et ce depuis le G20 qui s’est clôturé à New Delhi, en Inde, le 10 septembre dernier. Le premier ministre canadien avait dû subir les remontrances publiques de Narendra Modi sur l’approche laxiste du Canada envers les extrémistes sikhs sur son sol. Interrogé sur l’isolement du gouvernement Trudeau, Pr Béland a tenu à préciser : « Ce n’est pas un isolement total. Les États-Unis ont quand même apporté un appui, bien que nuancé. Mais je pense que Trudeau espérait avoir plus de soutien sur la scène internationale. Cependant, il faut faire la différence entre ce qui est dit en public, et ce qui se fait derrière les portes closes. »

Les implications domestiques

L’escalade diplomatique entre les deux pays a aussi eu des conséquences au Canada. Au-delà des implications commerciales, cet événement a ravivé les tensions au sein de la communauté indienne. Pr Béland nous a précisé : « Ça a un coût économique certain : le Canada était en pleine négociation sur une entente de libre échange avec l’Inde, qui est désormais suspendue. Mais il y a aussi un coût pour la diaspora indienne. Il ne faut pas oublier les divisions internes au sein de la communauté indienne au Canada. Ce n’est pas une communauté homogène. La moitié sont sikhs, mais il y a aussi beaucoup d’hindous, qui soutiennent le gouvernement Modi. »

L’Université McGill, contactée par Le Délit et interrogée sur l’impact des tensions diplomatiques sur la communauté mcgilloise, nous a répondu : « Nous comprenons que les tensions diplomatiques actuelles entre le Canada et l’Inde peuvent avoir un impact réel sur la vie quotidienne de nos étudiants indiens et de ceux d’origine indienne, leur causant de l’incertitude et de la détresse. Nos étudiants apportent sur nos campus et dans nos salles de classe une grande diversité de langues, de points de vue et de parcours. L’Université continuera de favoriser une atmosphère d’ouverture où tous sont les bienvenus et encouragés à participer à l’échange enthousiaste d’idées. »

« Ça a un coût économique certain : le Canada était en pleine négociation sur une entente de libre échange avec l’Inde, qui est désormais suspendue. »

Professeur Béland

Si les tensions avec l’Inde ont rapidement été éclipsées par l’ovation d’un ex-nazi à la Chambre des communes et par la démission de son président, le retour à la normale prendra du temps. Pr Béland nous a assuré : « Je suis optimiste, mais de façon prudente. On a changé d’agenda politique, mais les relations avec l’Inde, ça va prendre des mois et des mois, sinon des années à revenir à la normale. »

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Tirez sur les ballons! https://www.delitfrancais.com/2023/02/22/tirez-sur-les-ballons/ Wed, 22 Feb 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=51003 Quatre objets volants ont été abattus au-dessus du territoire nord-américain ces dernières semaines.

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Le 4 février dernier, après plusieurs jours d’observation, un ballon chinois survolant le territoire américain a été abattu par les États-Unis au-dessus de la Caroline du Sud. Selon la Maison Blanche, ce dernier aurait été utilisé à des fins d’espionnage. La Chine a nié toutes les accusations et a à son tour accusé les États-Unis. Trois autres objets volants non identifiés ont depuis été détectés et abattus au-dessus du territoire nord-américain. Le Délit s’est entretenu avec Mark R. Brawley, professeur de relations internationales à McGill afin de comprendre la situation.

La crise du ballon chinois

Après plusieurs jours d’observation et de débats au sein de la classe politique américaine, le président américain Joe Biden a donné l’ordre, contre les recommandations du Pentagone, d’abattre le ballon chinois qui avait pénétré le territoire américain le 28 janvier dernier. L’aérostat d’environ 60 mètres de hauteur, porteur d’une nacelle de plus d’une tonne recouverte de panneaux solaires, serait, selon la Maison Blanche, « probablement capable de collecter et géolocaliser des communications (tdlr) » et aurait été envoyé dans le but d’espionner les infrastructures militaires américaines.

« L’aérostat […] aurait été envoyé dans le but d’espionner les infrastructures militaires américaines »

Dans la foulée, Washington a accusé Pékin d’opérer une « flotte » d’aéronefs espions sur les cinq continents et a placé une branche de l’entreprise d’état chinoise China Electronics Technology Group Corporation (CETC) sur la liste noire des restrictions à l’exportation vers les États-Unis. En réponse à l’incident, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a aussi décidé de reprogrammer sa visite en Chine lorsque « les conditions le permettront ».

De son côté, la Chine maintient que ce ballon était un « aéronef civil, utilisé à des fins de recherches, principalement météorologiques » qui avait dévié de sa route. Par la suite, Pékin a à son tour accusé les États-Unis d’avoir violé l’espace aérien chinois « plus de 10 fois » depuis mai 2022, selon le porte-parole du ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Wenbin. Ces allégations ont été contestées par les États-Unis.

Samedi dernier, au cours de la conférence sur la sécurité de Munich réunissant des experts et dirigeants internationaux, Wang Li, chef de la diplomatie chinoise, a dénoncé une réaction « absurde et hystérique » de la part des États-Unis. M. Li a accusé Washington de chercher à « détourner l’attention de (ses, ndlrproblèmes intérieurs ».

Contacté par Le Délit, Mark R. Brawley, professeur de relations internationales à McGill, a accepté de nous éclairer sur la montée des tensions entre les deux pays. Selon lui, « il y a bien une hystérie (vis-à-vis de la Chine, ndlr), mais il y a surtout une pression croissante due aux critiques que les républicains ont fait de l’administration Biden sur ce sujet ». En effet, les tensions sino-américaines des dernières semaines sur les soi-disant ballons espions ont constitué un terrain propice aux critiques républicaines. Après les hésitations de l’administration Biden à abattre le ballon, le sénateur républicain du Mississippi Roger Wicker a dénoncé « une preuve accablante de faiblesse de la part de la Maison Blanche ».

« Si la provenance du premier engin abattu le 4 février ne fait pas de doute, celle des trois autres objets descendus au-dessus des territoires canadien et américain le 10, 11 et 12 février est pour l’heure inconnue »

Les trois autres aéronefs, des « ballons publicitaires »?

Si la provenance du premier engin abattu le 4 février ne fait pas de doute, celle des trois autres objets descendus au-dessus des territoires canadien et américain le 10, 11 et 12 février est pour l’heure inconnue. John F. Kirby, porte-parole pour le conseil de sécurité nationale américain, a reconnu que ces objets volants sont probablement « simplement liés à des entités commerciales ou de recherche et donc inoffensifs », hormis pour des risques de collisions ou de perturbation du trafic aérien. Ces objets, plus petits que le ballon chinois abattu plus tôt dans le mois, ont pu être repérés par le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) après un recalibrage des capteurs et des systèmes radar, permettant de localiser des engins plus petits dans des zones normalement réservées au trafic aérien. Ce recalibrage a entraîné une prolifération de nouveaux objets jusqu’alors non détectés sur les écrans radar de la NORAD.

Le Délit a interrogé le professeur Brawley sur la décision des États-Unis d’abattre ces trois objets volants non identifiés. Selon lui, « il semble de plus en plus probable que ce soit des ballons publicitaires ou quelque chose de similaire, et ce n’est pas parce que des ballons publicitaires s’échappent que vous devez dépenser des centaines de milliers de dollars au minimum pour les abattre ». Le professeur Brawley a questionné la réaction des États-Unis : « Ils ont peut-être eu la gâchette un peu facile. » Il avance que « généralement, vous attendez d’évaluer si (l’objet volant non-identifié, ndlrreprésente une menace avant de le détruire ».

« Ils ont peut-être eu la gâchette un peu facile »

Mark R. Brawley

L’impact sur les relations sino-américaines

Alors que la Chine et les États-Unis s’accusent mutuellement de violations de souveraineté territoriale et d’espionnage, cette nouvelle crise entre les deux pays vient jeter un nouveau froid sur des relations déjà au plus bas.

De nombreux différends opposent Washington et Pékin : la situation de Hong Kong, les relations avec Taïwan, les droits de l’homme, une rivalité commerciale et technologique. Le déplacement de la visite officielle d’Antony Blinken après l’incident du ballon chinois aurait été le premier d’un secrétaire d’État américain en Chine depuis 2018 et repousse ainsi une occasion de renouer un dialogue entamé par Xi Jinping et Joe Biden lors du sommet du G20 en novembre dernier. Malgré la montée des tensions entre les deux pays, Washington a réitéré sa volonté de garder « les lignes de communications ouvertes ». De son côté, Pékin juge que l’incident a « gravement affecté et endommagé » les relations sino-américaines.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a rencontré Wang Yi en marge de la conférence de Munich sur la sécurité samedi dernier. Cette rencontre est le premier face-à-face entre les deux pays depuis que les États-Unis ont abattu un ballon chinois survolant le territoire américain le 4 février dernier. 

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McKinsey visé par une enquête du fédéral https://www.delitfrancais.com/2023/01/25/mckinsey-vise-par-une-enquete-du-federal/ Wed, 25 Jan 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50603 McKinsey, «un gouvernement fantôme»?

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Mercredi 18 janvier, une enquête en comité parlementaire a été lancée pour faire lumière sur les 101,4 millions de dollars de contrats octroyés par le gouvernement Trudeau au cabinet de conseil multinational McKinsey depuis 2015. Le Délit s’est entretenu avec Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill (IÉCM), pour mieux comprendre les enjeux de cette enquête.

La consultocratie

La montée des consultants dans le domaine de l’administration publique date des années 1980–1990. Elle coïncide avec ce que l’on a appelé la nouvelle administration publique (New public management) : la modernisation de l’État par l’introduction de stratégies et d’approches empruntées au secteur privé. Visant l’efficacité et la responsabilisation des hauts fonctionnaires, ces nouvelles méthodes ont démocratisé le recours aux consultants privés au sein de l’administration publique. L’expertise et le prestige de ces derniers ont servi à légitimer et appuyer les décisions d’acteurs publics.

Selon le professeur Daniel Béland, l’emploi de plus en plus fréquent de consultants externes dans le secteur public est lié à «l’idée que l’État ne peut pas toujours se fonder sur l’expertise interne des fonctionnaires». «De plus en plus, on a fait appel à des consultants pour aider l’État à gérer des crises ou à réformer certains secteurs», souligne-t-il. Cette pratique soulève selon lui plusieurs questions notamment «au niveau de la sécurité nationale, mais aussi sur le plan fiscal».

L’enquête en comité parlementaire

Face à un gouvernement libéral minoritaire, les trois partis d’opposition, le Nouveau Parti démocratique, le Parti conservateur et le Bloc Québécois, se sont entendus pour forcer une enquête en comité parlementaire sur l’octroi, la gestion, et le fonctionnement des contrats accordés par le gouvernement fédéral au cabinet de conseil McKinsey. En présentant sa motion commissionnant la tenue d’une enquête, adoptée le mercredi 18 janvier dernier, la députée conservatrice Stéphanie Kusie a qualifié McKinsey de «gouvernement fantôme » avant de demander : «Qui dirige véritablement le Canada?» Au cours de l’enquête en comité parlementaire, sept ministres devront répondre aux questions des élus du comité, ainsi qu’un haut directeur de McKinsey Canada et Dominique Barton, ancien directeur de la multinationale et ambassadeur du Canada en Chine de 2019 à 2021. Les membres du comité parlementaire se pencheront sur l’efficacité, la gestion et le fonctionnement des contrats octroyés à McKinsey depuis 2011. Au total, 23 contrats totalisant 101,4 millions de dollars auraient été donnés à la multinationale sous le gouvernement Trudeau depuis 2015. Sur ces 23 contrats attribués, seuls trois l’ont été dans le cadre d’un processus concurrentiel, représentant cependant plus de la moitié de la valeur totale des contrats octroyés à McKinsey.

«Il y a des théories du complot qui entourent McKinsey. Politiquement parlant, le nom McKinsey est source de controverses» 

Daniel Béland

Un cabinet de conseil controversé

Le 4 janvier dernier, Radio-Canada révélait dans une enquête l’influence croissante de McKinsey sur la politique d’immigration canadienne. 24,5 millions de dollars canadiens en contrats ont été octroyés à la firme américaine par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) depuis 2015, sans pour autant préciser la nature de ces conseils. Le pouvoir de suggestion de McKinsey sur l’immigration canadienne ne s’arrête pas à ces contrats. L’enquête de Radio-Canada révèle aussi l’influence probable de la firme américaine sur le plan d’immigration du gouvernement annoncé en novembre dernier. Les objectifs et propos de ce dernier reprenaient en effet de manière quasi-similaire les recommandations d’un comité économique dirigé par Dominique Barton, alors directeur de McKinsey. L’influence de la firme américaine de conseil en politique a aussi fait scandale récemment en France, où un rapport du Sénat publié en mars 2022 concluait à un «phénomène tentaculaire» du recours aux consultants et soulevait la question de la «bonne utilisation des deniers publics» et de la «vision de l’État et de sa souveraineté face aux cabinets privés.» Trois enquêtes ont également été ouvertes en novembre dernier par la justice française sur l’implication de McKinsey dans les campagnes électorales d’Emmanuel Macron en 2017 et 2022. Interrogé sur ces scandales, le professeur Daniel Béland confie : «Il y a des théories du complot qui entourent McKinsey. Politiquement parlant, le nom McKinsey est source de controverses. […] On met l’accent sur McKinsey à cause de ce qu’il s’est passé à l’international, notamment en France». Cependant, le professeur s’est montré sceptique face aux théories selon lesquelles McKinsey agirait comme un «gouvernement fantôme » selon les mots de la députée conservatrice Stéphanie Kusie. «Est-ce qu’il y a une idéologie derrière ces firmes de conseil? McKinsey me semble être très pragmatique, mais en même temps, ça peut être dangereux aussi. » Selon lui, «les consultants suivent les orientations de base du gouvernement et l’aident à atteindre ses objectifs. Mais si les objectifs du gouvernement sont de tromper la population, McKinsey va sans doute les aider. Ils sont payés pour servir le gouvernement».

«Si c’est seulement une enquête partisane dans un comité parlementaire, on fait une erreur, parce qu’on met l’accent sur un acteur seulement alors qu’il y en a plusieurs»

Daniel Béland

«McKinsey n’est que la pointe de l’iceberg»

Alors que Radio-Canada révélait que McKinsey avait été utilisé trente fois plus sous le gouvernement Trudeau que sous celui de Harper, le professeur Daniel Béland relativise la situation : «McKinsey est utilisé davantage par les libéraux que par les conservateurs de Stephen Harper, c’est certain. […] Mais est-ce que les conservateurs avaient d’autres consultants?»

En effet, McKinsey n’est qu’un cabinet de conseil parmi d’autres opérant au niveau fédéral, avec notamment Deloitte, PricewaterhouseCoopers (PwC) et Accenture. Dans un communiqué de presse publié peu après que les partis d’opposition aient annoncé leur décision de lancer une enquête, McKinsey se défendait, soutenant «être un acteur relativement modeste», ne détenant que 5% des parts du marché.

Selon le Pr Béland, McKinsey ne représente que «la pointe de l’iceberg» : «Je pense que ça (le recours aux consultants, ndlr) pose un risque en matière d’espionnage, de sécurité nationale, donc je pense que ça devrait être mieux encadré en général, pas seulement McKinsey.»

L’enquête actuelle représente selon lui l’occasion de remettre en cause une «pratique qui existe depuis des décennies». «Si c’est seulement une enquête partisane dans un comité parlementaire, on fait une erreur, parce qu’on met l’accent sur un acteur seulement alors qu’il y en a plusieurs», soutient-il. Pour le professeur Béland, le véritable enjeu de cette enquête sera de dépasser les divisions partisanes pour mieux encadrer le recours aux consultants privés en général. 

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Les non-Canadiens interdits d’investir dans l’immobilier pendant deux ans https://www.delitfrancais.com/2023/01/18/les-non-canadiens-interdits-dinvestir-dans-limmobilier-pendant-deux-ans/ Wed, 18 Jan 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50464 Entretien avec le professeur David Wachsmuth.

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La Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens, sanctionnée par le gouvernement fédéral en juin 2022, est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Les non-Canadiens (autres que citoyens ou résidents permanents canadiens), se voient désormais interdits l’achat de propriétés résidentielles pour une période de deux ans, alors que le Canada connaît une crise du logement. Le Délit s’est entretenu avec le professeur David Wachsmuth, titulaire de la chaire de recherche du Canada en gouvernance urbaine à l’Université McGill afin de mieux comprendre les enjeux de cette loi.

La crise du logement

La crise immobilière que connaît le Canada n’est pas nouvelle : une étude de la Banque Scotia publiée en 2021 pointait du doigt «un déséquilibre sans précédent entre l’offre et la demande de logements» avant la pandémie de la Covid-19. Ce déséquilibre structurel a été accentué lors de la pandémie par des taux d’intérêts et hypothécaires proches de zéro pourcent, accroissant la demande pour les logements. La reprise économique post-pandémie et plus spécifiquement l’accélération de l’immigration risque de mettre de nouvelles pressions sur la demande de logements alors que l’écart entre offre et demande se creuse depuis 2016.

Selon le Pr Wachsmuth, ce décalage entre l’offre et la demande de logements est dû en grande partie à des taux d’intérêt très bas jusqu’à la récente intervention de la banque centrale : «Au cours des dernières années, les taux d’intérêt étaient très proches de zéro. Il était donc avantageux d’emprunter de l’argent. Les prix des logements ont vraiment explosé, car les gens ne se soucient pas du prix réel d’une propriété : ce qui les intéresse, c’est ce qu’ils payent chaque mois. Et lorsque le taux d’intérêt était proche de zéro, vous pouviez vous permettre d’emprunter plus d’argent tout en payant à peu près le même montant chaque mois. (tdlr) » Cet excès dans la demande de logements a entraîné une hausse des prix : au premier trimestre 2022, le prix de l’immobilier au Canada a connu un bond de 25 pourcents par rapport à la même période en 2021.

«La crise immobilière que connaît le Canada n’est pas nouvelle : une étude de la Banque Scotia publiée en 2021 pointait du doigt ‘‘un déséquilibre sans précédent entre l’offre et la demande de logements’’ avant la pandémie de la Covid-19»

Interrogé sur l’urgence de la situation immobilière au Canada, Pr Wachsmuth nous a confié : «Ce n’est pas nouveau pour les personnes qui se trouvent en bas de l’échelle des revenus et qui sont confrontées à des problèmes d’accessibilité du logement depuis des décennies. La nouveauté, c’est que le coût élevé du logement affecte maintenant la classe moyenne. Il y a donc une pression politique croissante pour s’attaquer à ce problème.»

Dans un rapport publié en juin dernier, la Société Canadienne de l’hypothèque et du logement (SCHL) qualifiait la situation de la pénurie de logements de «crise», particulièrement pour l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique. Après avoir refusé pendant plusieurs mois d’employer ce terme, le gouvernement québécois s’est ainsi vu contraint par les projections de la SCHL de reconnaître « une situation de crise du logement », selon les mots de la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest.

La réponse du fédéral

Pressé de répondre à la crise immobilière, le gouvernement fédéral s’est attaqué au problème de l’offre au cours de ces dernières années. Dans son budget 2021, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement de 2,5 milliards de dollars et la réaffectation de 1,3 milliard de dollars de fonds existants pour «accélérer la construction, la réparation ou le soutien de 35 000 unités d’habitations abordables». La réponse du fédéral s’inscrit dans l’initiative plus large de la Stratégie nationale sur le logement promulguée en 2020, proposant un plan de 72 milliards de dollars sur 10 ans pour construire 160 000 nouveaux logements.

La Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens s’attaque, elle, au problème de la demande. À compter du 1er janvier dernier, les non-Canadiens se sont vus dans l’interdiction d’acheter une propriété au Canada pour deux ans, sanctionné d’une amende de 10 000 dollars pour les contrevenants. Les travailleurs étrangers et les étudiants internationaux qui suivent une démarche d’obtention de résidence permanente ne sont pas concernés par cette interdiction. Selon le Pr Wachsmuth, cette mesure vise principalement les investissements chinois : «La motivation était l’investissement chinois dans le logement canadien. C’est une question politique importante, particulièrement en Colombie-Britannique depuis une dizaine d’années.» En 2015, un tiers des logements vendus à Vancouver ont été achetés par des investisseurs chinois.

Selon le Pr Wachsmuth, l’immobilier canadien représente pour eux «un endroit stable où placer leur argent, hors de contrôle du gouvernement chinois». Seulement ces investissements massifs ne sont pas sans conséquence pour l’offre et l’accessibilité aux logements, ce qui avait poussé la Colombie-Britannique à prendre une série de mesures en 2018 visant à limiter les investissements étrangers et la spéculation immobilière. L’interdiction aux non-Canadiens d’acheter un logement pour deux ans s’inscrit dans la continuité des mesures mises en place par la Colombie-Britannique.

Le Pr Wachsmuth a cependant émis des réserves quant à l’impact réel de cette loi : «Les chiffres ne sont pas très précis et il n’y a pas de collecte systématique de ces informations au Canada, mais nous parlons probablement de moins de 1% des ventes de maisons neuves. Je pense qu’il est raisonnable d’être assez sceptique quant à l’impact de ces règles, simplement parce que les principaux facteurs qui influencent les prix des logements sont le nombre de logements disponibles et le nombre de logements construits, ainsi que les conditions économiques générales, en particulier les taux d’intérêt.»

« Nous parlons probablement de moins de 1 % des ventes de maisons neuves. Je pense qu’il est raisonnable d’être assez sceptique quant à l’impact de ces règles »

Pr Wachsmuth

Une mesure symbolique?

Il s’agit pour le Pr Wachsmuth d’une mesure plus symbolique que concrète pour lutter contre la crise du logement, dont il sera compliqué de dégager l’effet. «Il sera très difficile de détecter l’impact d’une telle mesure. Dans la situation économique globale, les taux d’intérêt ont été rehaussés, réduisant la demande pour les logements. Cette baisse va se produire, que cette loi soit entrée en vigueur ou non».

Pr Wachsmuth nous a indiqué que la réponse du gouvernement fédéral à la crise du logement sera déterminée par la réussite ou l’échec de la Stratégie nationale sur le logement : «Les mesures moins symboliques sont celles qui ont été annoncées au cours des deux dernières années et qui visent davantage à soutenir la construction de nouveaux logements, ce dont nous avons besoin. Le problème qui persiste, c’est que l’offre ne suit pas le rythme de la demande de logements, et il est difficile d’y répondre du côté de la demande.»

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COP15 : une avancée «historique» critiquée https://www.delitfrancais.com/2023/01/11/cop15-une-avancee-historique-critiquee/ Wed, 11 Jan 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50334 La COP15 pour la biodiversité s’est tenue du 7 au 19 décembre à Montréal.

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Du 7 au 19 décembre dernier a eu lieu à Montréal la Conférence internationale sur la biodiversité (COP15), organisée par la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. L’événement réunissait les délégations de 196 pays sur la question de la protection de la biodiversité. Un accord qualifié d’«historique» par Steven Guilbeault, ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, a été conclu le 19 décembre, mais a été largement critiqué pour son manque de vision et d’ambition par certaines délégations et groupes de la société civile. En parallèle de la COP15, l’Université McGill s’est engagée pour la protection de la biodiversité en signant l’engagement Nature Positive.

L’accord Kunming-Montréal

Au terme de 12 jours de négociations, les délégations mondiales se sont arrêtées sur 23 cibles pour endiguer la perte de biodiversité. Le «30 pour 30» a été l’une des mesures phares de cet accord, appelé Kunming-Montréal. Les 188 pays signataires se sont engagés à protéger 30% des terres, eaux intérieures et océans d’ici 2030. À l’heure actuelle, cette protection ne concerne que 17% des aires terrestres et 10% des aires marines. Les pays signataires ont également établi comme objectif la réduction des subventions gouvernementales néfastes à la biodiversité de 500 milliards US$ par an, et la diminution du gaspillage alimentaire de moitié pour 2030.

De plus, avec les cibles cinq et neuf, les pays signataires s’engagent à «respecter et protéger l’usage traditionnel et durable [de la biodiversité, ndlr] par les populations autochtones (tdlr)». En effet, les populations autochtones, représentant 5% de la population mondiale, assurent la gestion de territoires où l’on trouve 80% de la biodiversité mondiale.

La dernière COP pour la biodiversité, qui avait eu lieu au Japon en 2010, s’était soldée par un échec, aucun des objectifs annoncés n’ayant été mené à terme. L’arrivée à un accord lors de la COP15 répondait à des alertes urgentes de la communauté scientifique prévenant que nous serions en train de vivre la sixième extinction de masse. En effet, entre 1970 et 2018, la faune sauvage a chuté de 69% en moyenne, et plus d’un million d’espèces sont aujourd’hui menacées d’extinction.

La question du financement de l’accord a été source de conflits. Les délégations ont convenu d’une contribution des pays développés de 20 milliards US$ par an d’ici 2025 et de 30 milliards US$ par an d’ici 2030 au fond pour l’environnement mondial (FEM) des Nations Unies. La délégation camerounaise a qualifié cet accord de «fraude», tandis que celle de l’Ouganda a dénoncé un «coup d’État». Ces pays demandaient un financement plus important, et à l’instar de la République Démocratique du Congo, la création d’un fond indépendant du FME, dont les principaux dépositaires sont la Chine, l’Inde, l’Indonésie et le Brésil.

«Les 188 pays signataires se sont engagés à protéger 30% des terres, eaux intérieures et océans d’ici 2030. À l’heure actuelle, cette protection ne concerne que 17% des aires terrestres et 10% des aires marines»

Les étudiants à la COP15

La COP15 a aussi été l’occasion de faire entendre la voix des jeunes sur la question de la préservation de la biodiversité lors d’événements annexes. Le Délit s’est entretenu avec Ambrine Lambert, une étudiante mcgilloise en sciences politiques et développement international qui s’est rendue à l’un de ces événements parallèles organisé par Youth Climate Lab. Les étudiants réunis en groupes ont discuté sur la question de l’éducation climatique, thématique présente dans les cibles 16 et 21 de l’accord Kunming-Montréal. Il s’agit «d’améliorer notre rapport à l’environnement par l’éducation», nous a expliqué Ambrine. Un point de désaccord rencontré lors des discussions étudiantes a été le «problème d’universaliser l’éducation» environnementale.

Interrogée sur l’aboutissement de la COP15, Ambrine a souligné que l’accord représente un «pas révolutionnaire pour la biodiversité», mais a déploré «l’absence de mécanismes de suivi» des 23 cibles de l’accord et une «temporalité qui manque d’urgence» face aux menaces pesant sur la biodiversité. Ambrine a aussi dénoncé le «manque de synergie» entre la COP15 sur la biodiversité et la COP27 sur le climat organisée en Égypte en novembre dernier. En effet, alors que cette dernière avait réuni des chefs d’États du monde entier, la COP15 n’a accueilli aucun président ou premier ministre à l’exception de Justin Trudeau.

Une COP contestée

Tout au long de la COP15, de nombreuses manifestations contre sa tenue ont eu lieu dans le centre de Montréal. Des centaines de protestataires étaient réunis le 9 décembre, arborant des banderoles «Pour la biodiversité, contre la COP» pour dénoncer l’« hypocrisie » de la COP15. Au sein de McGill, la COP15 a fait l’objet d’une résolution de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM), prenant position contre sa tenue.

Contacté par Le Délit, Divest McGill a accepté de nous livrer sa lecture de l’accord Kunming-Montréal. «Nous souhaitons que cet accord apporte des avancées sérieuses pour la préservation de la biodiversité, mais l’histoire de ces conférences nous rend sceptiques (tdlr)», nous a confié Divest McGill, avant de critiquer les «conséquences néfastes» que pourraient avoir certains objectifs. «Des mesures comme celles-ci [30 pour 30, ndlr] ont historiquement légitimé la saisie de terres autochtones et d’autres violations des droits humains», souligne le groupe activiste environnemental.

En effet, l’objectif de protéger 30% des terres et océans d’ici 2030 pourrait passer en partie par un système de conservation-forteresse, transformant des aires terrestres ou marines en sanctuaires naturels interdits à l’humain, expulsant ainsi les communautés vivant sur place, expliquait Fiore Longo, responsable de recherche pour l’organisation non gouvernementale Survival International au journal Libération.

McGill s’engage à son tour pour l’environnement

Le 8 décembre dernier, l’Université McGill, à l’instar de 117 universités à travers le monde et 11 au Québec, a signé l’engagement Nature Positive. Lancé par l’Université d’Oxford et le programme des Nations Unies pour l’environnement afin de coïncider avec le début de la COP15, cet engagement souligne l’importance du rôle des universités dans la protection de la biodiversité. Contactée par Le Délit, Frédérique Mazerolle, agente des relations avec les médias de McGill, a accepté de nous expliquer ce que cet engagement signifie pour l’Université. «En adhérant au mouvement, les universités québécoises reconnaissent […] qu’elles ont une responsabilité au regard de la crise de la biodiversité et, surtout, qu’elles font partie des solutions», nous a écrit Mme Mazerolle. L’engagement Nature Positive de McGill, qui s’inscrit dans la stratégie climat et développement durable 2020–2025 de l’Université, vise à «intégrer la durabilité dans tous les secteurs clés de l’Université». McGill devrait publier sa stratégie officielle pour la biodiversité en 2023, afin d’accroître le financement de recherches et projets liés à la biodiversité.

Interrogé sur l’engagement Nature Positive de l’Université, Divest McGill n’a pas hésité à le qualifier de «présentation trompeuse de l’Université comme étant progressiste et respectueuse de l’environnement ». Pour eux, les prises de position et les programmes de l’Université en faveur de la protection de la nature «sont de bons projets en apparence, mais ils sont loin de respecter l’engagement de l’Université envers une véritable “nature positive», prenant pour exemple le refus de l’université de « désinvestir des énergies fossiles, ignorant les dommages environnementaux et sociaux infligés» malgré les demandes répétées du groupe. 

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Remettre les pendules à l’heure https://www.delitfrancais.com/2022/11/09/remettre-les-pendules-a-lheure/ Wed, 09 Nov 2022 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49826 La pratique du changement d’heure arrive-t-elle à sa fin?

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Aux petites heures du matin, le dimanche 6 novembre dernier, les cadrans de nos téléphones intelligents sont passés de 1h59 à 1h00. Après plus de six mois sous le régime de l’heure avancée, nous voilà ainsi de retour à l’heure normale. Le Délit s’est penché sur les origines de cette pratique ainsi que sur ses perspectives d’avenir.

La petite histoire

L’idée de l’heure avancée est souvent erronément attribuée à Benjamin Franklin. Bien que le Père fondateur des États-Unis ait promu les rayons du soleil comme alternative économique aux chandelles dès 1784, Franklin défendait la thèse d’une modification de l’horaire de sommeil plutôt qu’une modification de l’heure elle-même. Il faudra attendre la Première Guerre mondiale pour la première implantation de l’heure avancée. En 1916, en vue d’économiser son énergie électrique, l’Allemagne est le premier pays à adopter «l’heure d’été», suivie de près par l’Angleterre. Ce n’est que deux ans plus tard, en 1918, que le Canada et les États-Unis emboîteront le pas à ces nations européennes. Toutefois, en Amérique du Nord, la mesure est abandonnée à la fin du conflit pour n’être réinstaurée qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette période, l’heure avancée sera en vigueur à l’année longue au Canada.

Et aujourd’hui?

Depuis la fin des années 1980, le changement d’heure est réglementé par les gouvernements provinciaux et fédéral en vue d’éviter des disparités régionales. Aujourd’hui, l’heure avancée commence toujours le deuxième dimanche de mars et se termine le premier dimanche de novembre. Or, le changement d’heure n’est pas une pratique à laquelle adhère l’ensemble du pays: la Saskatchewan et le Yukon ne touchent pas à leurs horloges.

L’idée d’abandonner l’heure avancée fraye son chemin dans les sphères politiques canadiennes, mais elle dépend largement du choix que feront les États-Unis. À titre d’exemple, la Colombie-Britannique a légiféré en vue de mettre fin au changement d’heure, à condition de voir un changement en ce sens de la part des États voisins de la Californie, de l’Oregon et de Washington.

En effet, les gouvernements semblent reconnaître que la pratique du changement d’heure est de moins en moins justifiable au vu des connaissances scientifiques actuelles. Alors que sa vocation première était la conservation énergétique, certaines études démontrent que l’heure avancée aurait plutôt entraîné une augmentation des dépenses d’énergie. Effectivement, malgré une réduction de la consommation énergétique dédiée à l’éclairage, la pratique entraînerait une hausse des dépenses énergétiques liées à la climatisation.

À cette absence de bénéfices environnementaux s’ajoutent les effets néfastes du changement d’heure sur notre rythme circadien. La manipulation artificielle de nos pendules deux fois par an interfère avec nos besoins de lumière (en novembre) et de sommeil (en mars). En effet, en limitant la clarté du matin et l’obscurité de la nuit, l’heure avancée rend le réveil difficile et repousse le moment de s’endormir, en raison de changements à notre production de mélatonine. Plusieurs associations scientifiques penchent donc en faveur de la réinstauration permanente de l’heure normale, mieux alignée avec la progression du soleil, et donc avec notre horloge biologique.

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Michelle O’Bonsawin: « si normale, si exceptionnelle » https://www.delitfrancais.com/2022/08/31/michelle-obonsawin-si-normale-si-exceptionnelle/ Wed, 31 Aug 2022 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=48581 Une première femme autochtone siègera à la Cour suprême du Canada.

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L’honorable Michelle O’Bonsawin siègera à la Cour suprême du Canada à partir du 1er septembre prochain, remplaçant le juge ontarien Michael Moldaver. Abénaquise d’Odanak, elle est la première Autochtone à atteindre le banc du plus haut tribunal du pays. Le Délit s’est rendu à Ottawa le 24 août dernier pour assister au témoignage historique de la juge O’Bonsawin devant député·e·s, sénateur·rice·s et étudiant·e·s en droit.

« Une perspective unique »

Les différentes facettes de l’identité de la juge O’Bonsawin se sont établies comme fil conducteur de l’événement. Tant la magistrate que les parlementaires qui l’interrogeaient ont évoqué le fait qu’elle est autochtone, franco-ontarienne et mère de deux garçons. La juge O’Bonsawin a admis que ces aspects d’elle-même ont parfois été source d’adversité. Alors qu’enfant, elle rêvait déjà d’être avocate, d’autres se moquaient de son nom ou encore doutaient que la profession juridique était pour «une p’tite franco-ontarienne» comme elle. Des années plus tard, un avocat qui plaidait dans sa salle de cour l’a traitée de «Pocahontas du nord». Malgré ces épreuves, la juge O’Bonsawin considère que «tout est possible si on y travaille assez fort», y compris pour les jeunes femmes, en particulier d’origine autochtone, qu’elle souhaite inspirer. 

La juge O’Bonsawin se démarque également de ses futur·e·s collègues à la Cour suprême par ses expériences professionnelles. Alors que les huit autres juges ont principalement œuvré en pratique privée, dans la fonction publique ou dans le milieu universitaire avant de se joindre à la magistrature, l’honorable Michelle O’Bonsawin a majoritairement travaillé en contentieux, c’est-à-dire au sein du département juridique d’une organisation. Elle a notamment travaillé au service de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), de Postes Canada et du Groupe des services de santé Royal Ottawa avant d’être nommée juge à la Cour supérieure de justice de l’Ontario en 2017. Elle détient ainsi une expertise en droit criminel, en droit du travail, en droit de la santé mentale et en droit autochtone. «Mon expérience [professionnelle] m’est unique, et elle me sera bénéfique à la Cour et sera bénéfique à la Cour elle-même», a affirmé la juge O’Bonsawin. En effet, 55% des appels entendus à la Cour suprême concernent le droit criminel, et les liens entre la maladie mentale et la criminalité sont reconnus par la Cour elle-même. 

«Un avocat qui plaidait dans sa salle de cour l’a traitée de “Pocahontas du nord”»

L’atmosphère même de la salle de comité semblait influencée par la présence rafraîchissante de la magistrate de 48 ans, qualifiée de «si normale, si exceptionnelle» par le sénateur Peter Harder. En effet, malgré son imposant curriculum vitae et la solennité de sa nouvelle fonction, plusieurs ont été séduits par la nature terre-à-terre de la juge O’Bonsawin. Elle a fait rire et a attendri l’auditoire à plus d’une reprise, notamment en lui faisant part de la véritable ménagerie qu’elle tient chez elle : «trois chiens, huit poules et un gecko nommé Lizzie». 

Des efforts continus vers la réconciliation

Bon nombre des questions posées par les parlementaires étaient liées aux enjeux de la réconciliation entre l’État canadien et les peuples autochtones du territoire. La juge O’Bonsawin a limité ses réponses à plusieurs moments en raison de son obligation de retenue judiciaire, qui exige de ne pas donner son avis sur les matières qui pourraient être adjugées par son tribunal dans l’avenir. Toutefois, elle a su mettre en relief son propre vécu en ce qui concerne le cheminement vers la réconciliation.

Pour la magistrate autochtone, ce cheminement exige dialogue et éducation, notamment au sein de la fonction judiciaire. Elle a insisté sur l’importance pour tous·tes de lire des rapports tels que celui de la Commission de vérité et réconciliation (CRT) ou encore celui de la Commission Viens pour connaître l’histoire des peuples autochtones du Canada. Surtout, la réconciliation devrait être un sujet de conversation à toutes les tables, même celle des juges de la Cour suprême, croit-elle. La juge O’Bonsawin considère  «essentiel» que les rapports Gladue fassent partie de la formation continue des juges. Ces rapports – sujets de la thèse de doctorat de la juge O’Bonsawin – obligent les juges à considérer les expériences uniques de l’accusé·e en tant qu’Autochtone au moment de déterminer sa sentence. Selon elle, «cette compréhension est requise pour que les juges rendent des décisions complètes».

Des échos jusqu’à McGill

La nomination de la juge O’Bonsawin est un événement marquant pour l’ensemble de la population canadienne, mais elle revêt une importance particulière pour les membres de la profession juridique et les étudiant·e·s en droit. Ruo Lan Wang, étudiante à la Faculté de droit de l’Université McGill qui a assisté au témoignage de la magistrate autochtone à Ottawa, s’est dite «fière de voir une femme comme elle siéger à la Cour suprême». L’étudiante a souligné l’expertise en santé mentale de la juge O’Bonsawin qui «contribuera à déstigmatiser les troubles de maladie mentale dans la société». Notant la «ténacité, la curiosité intellectuelle et l’optimisme» de la juge, Ruo Lan Wang estime qu’elle sera «un modèle» pour plusieurs.

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À la rencontre de l’autre https://www.delitfrancais.com/2022/02/23/a-la-rencontre-de-lautre/ Wed, 23 Feb 2022 13:26:33 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=47492 Comment le clivage linguistique exclut-il les personnes racisées et autochtones?

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L’Institut d’études sur le Canada a tenu le 15 février dernier une conférence bilingue d’Émilie Nicolas, chroniqueuse chez Le Devoir et The Gazette, universitaire et activiste connue pour sa collaboration et ses publications dans divers médias en français et en anglais. Elle affirmait qu’il y aurait un clivage entre les médias francophones et anglophones lorsque surviennent des conversations au sujet du racisme et de la réalité coloniale. Selon elle, ces discours tendent vers une compétition du meilleur colonisateur entre les groupes linguistiques et au rejet du blâme de la colonisation. Elle a également discuté des particularités de la lutte décoloniale et antiraciste résultant du bilinguisme canadien.

La conférencière a introduit le sujet en lien avec son expérience dans une campagne pour que le gouvernement du Québec reconnaisse l’existence du racisme systémique en 2016. Elle a expliqué que la notion de racisme systémique était alors moins utilisée en français. Elle dénonce que les discours gouvernementaux favorisent plutôt la promotion du vivre-ensemble: «C’est plutôt vague, je ne sais toujours pas ce que ça veut dire», a‑t-elle dit. Cette campagne avait reçu davantage d’attention de médias anglophones même si la majorité des porte-paroles étaient francophones. C’était alors à titre de commentatrice de la couverture des manifestations Black Lives Matter (Les vies Noir·e·s comptes, ndlr) aux États-Unis qui lui avait permis, ainsi qu’à ses collègues, de rappeler que ces enjeux existent encore au Québec. Des politiciens comme Jean-François Lisée avaient alors soutenu que le racisme systémique serait un concept «anglais» qui n’existerait pas au Québec. Le débat s’était polarisé le long des lignes linguistiques, a résumé Émilie Nicolas. Elle dénonce que «beaucoup de temps et d’énergie ont dû être dépensés pour déterminer ce qu’il était acceptable de dire comme Québécois racisés, en français et en anglais».

Voir aussi : Les langues collaborent aux quotidiens

La conférencière a notamment expliqué que les francophones du Québec sont mieux outillés pour discuter des enjeux linguistiques en détail, alors que les anglophones du Canada et d’ailleurs ne partagent pas cette sensibilité. Ce clivage poserait aussi obstacle aux discussions et aux échanges entre les groupes linguistiques. Elle a soutenu qu’il en résulte une différence entre les discours acceptés en français et en anglais, ce qui complique le travail des militants décoloniaux et antiracistes. «Ça nous donne une hyper-conscience par rapport aux mots, au vocabulaire que nous employons, mais aussi dans quelle langue nous tenons ces propos. C’est vraiment spécifique au Canada comme enjeu dans la militance», a‑t-elle dit.

Émilie Nicolas a défini le racisme et le colonialisme comme des discours servant à «légitimer l’accumulation inégale des capitaux entre les mains d’une élite blanche par la déshumanisation et l’exploitation du travail d’autres personnes». Ils prendraient ainsi différentes formes à travers le temps et l’espace comme tout discours: «Tous ces régimes ont des façons particulières d’opérer. Ils ont des discours qui sont spécifiques même si la logique est commune», a‑t-elle soutenu. Elle a ajouté que «partout en Occident où il est question de colonialisme, il est question de suprématie blanche». Elle a donné l’exemple de la France où la doctrine du républicanisme a amené l’État à être «aveugle» à la race en ignorant les inégalités raciales. Un autre exemple serait l’Amérique du Sud, où la prévalence du métissage a permis de masquer les violences structurelles associées à la race. «Le réflexe du déni ou de légitimer la hiérarchie [raciale], la distribution des capitaux dans une société, la façon dont le pouvoir est distribué dans une société, c’est partagé. Ceci dit, dans chaque société, il y a des spécificités dans la manière dont ça s’articule», a‑t-elle expliqué. Toutefois, la particularité du Canada repose sur la manière dont ces discours racistes s’entremêlent au bilinguisme du pays.

Selon Émilie Nicolas, le Canada serait «la meilleure campagne de marketing», puisqu’il a réussi à créer un univers de symboles comme l’érable du drapeau du Canada. Cela donnerait l’image d’un pays libéral, bienveillant et courtois en comparaison aux États-Unis. Cette apparence servirait à dévier l’attention des injustices et des systèmes de violence perpétrés contre les peuples autochtones et la population racisée.

Au Québec et au Canada, Émilie Nicolas a donné comme exemple le débat entre l’interculturalisme et le multiculturalisme. Les adeptes du premier reprochent au multiculturalisme de réduire le fait français et la culture francophone à une minorité parmi les autres dans le contexte de la culture dominante anglophone. Elle a toutefois soulevé que malgré cette critique, l’interculturalisme tombe lui aussi dans le même piège car il accorde une place centrale à «la culture québécoise». Cependant, ces deux discours – le multiculturalisme et l’interculturalisme – relègueraient à l’arrière-plan la domination des groupes colonisateurs sur les peuples autochtones et les personnes racisées.

Selon la conférencière, il persiste à ce jour dans une partie du Canada anglais une volonté de ne pas reconnaître que l’inégalité entre les groupes colonisateurs contribue à la suprématie des descendants anglais. Dans cette perspective, la colonisation britannique serait constamment un projet à compléter: «Les francophones sont perçus comme “difficiles” de ne pas se laisser assimiler et d’insister sur le maintien de leur différence.» Elle a ajouté que «tellement de gens tiennent ces propos sans se rendre compte de la violence coloniale qui y est inhérente».

Toutefois, les francophones, et en particulier les Québécois, seraient habitués à se voir comme les plus persécutés du Canada. Cette perception leur donnerait de la difficulté à concevoir leur rapport de domination par rapport aux peuples autochtones. Selon elle, les développements amenés par la Révolution tranquille et l’avènement de la classe moyenne québécoise ont contribué à intégrer les Québécois dans la blancheur contemporaine.

Ces attitudes contribuent au clivage linguistique, ce qui mènerait selon elle à des façons différentes de vivre et de comprendre les enjeux de politiques publiques. Autrement dit, il y aurait des décalages entre groupes linguistiques sur ce qui est compris comme des problématiques ou des enjeux. Ces décalages nuiraient à la productivité des échanges et discussions, a expliqué la conférencière. Par exemple, lors de la campagne électorale fédérale, c’était la formulation jugée offensante de la Loi sur la laïcité de l’État (couramment appelée Loi 21, ndlr) qui aurait retenu l’attention, et non un débat sur la légitimité et l’impact de la Loi. «C’était un moment qui était frustrant pour les personnes qui sont musulmanes évidemment, mais aussi celles qui sont racisées», a‑t-elle soutenu. «Le fait qu’on ne s’écoute pas et qu’on ne regarde pas comment les dynamiques de racisme et de colonialisme s’appliquent à l’échelle rendent plus difficiles les conversations sur cette Loi».

Voir aussi : Réconcilier les langues

Émilie Nicolas a soulevé qu’à Toronto, le bilinguisme officiel est perçu comme une barrière d’entrée aux postes gouvernementaux pour les personnes racisées. Elle souligne que retirer l’exigence des deux langues ne règlerait pas le problème. Par exemple, elle a souligné que plusieurs personnes de Montréal-Nord n’ont pas l’opportunité d’apprendre l’anglais. «Ne pas parler français n’a jamais empêché les hommes blancs de dominer dans plusieurs départements». L’apprentissage d’une deuxième langue est dans plusieurs endroits au pays réservé aux personnes privilégiées, peu importe leur langue maternelle.

La conférencière a conclu sa présentation en résumant la tension entre les deux approches. D’une part, le déni de la violence raciste et coloniale n’a rien d’unique au Canada; il faudrait donc s’y opposer comme ailleurs. Toutefois, elle note que le bilinguisme empêche de reprendre les théories de justice sociale issues des grandes universités américaines ou d’ailleurs telles quelles. Il y aurait donc un travail à faire pour décortiquer les récits collectifs locaux afin de faire évoluer les mentalités.

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L’ire du peuple https://www.delitfrancais.com/2022/02/23/lire-du-peuple/ Wed, 23 Feb 2022 13:26:31 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=47485 Comment comprendre les manifestations anti-mesures sanitaires qui envahissent la capitale canadienne?

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Depuis le 29 janvier dernier, la capitale canadienne – la Colline du Parlement et les bureaux du premier ministre Justin Trudeau – est occupée par des milliers de personnes qui composent le mouvement du «Convoi de la liberté». Le 13 février dernier, pendant la troisième fin de semaine de l’occupation, Le Délit s’est présenté sur le terrain de la colline parlementaire afin de comprendre les revendications qui alimentent les manifestations à Ottawa. 

Le 15 janvier dernier, le gouvernement fédéral a annoncé la levée de l’exception vaccinale pour les routiers transfrontaliers. On exige désormais aux camionneur·se·s non vaciné·e·s de se placer en quarantaine pour une période de 14 jours. Selon l’Alliance canadienne du camionnage et les associations américaines du camionnage, environ 26 000 des 160 000 des camionneur·se·s canadiens traversent régulièrement la frontière canado-étasunienne et sont non vaciné·e·s. Les revendications se sont vite répandues: des millions de personnes, dont des camionneur·se·s, se sont ralliées et stationnées à Ottawa le 29 janvier dernier pour contester l’obligation vaccinale. Le mouvement a su mobiliser des gens de divers horizons politiques: certains sont désabusés du système politique actuel et d’autres sont «apolitiques». Le «Convoi de la liberté» est associé à l’extrême-droite et à quelques groupes extrémistes suprématistes blancs. En effet, un·e des organisateur·rice·s du Convoi, Tamara Lich est la secrétaire du parti séparatiste Maverick, un mouvement qui préconise l’indépendance des provinces du l’Ouest canadien.

Myriam Bourry-Shalabi | Le Délit

L’ambiance est enflammée et festive. Les coups de klaxons des camions stationnés sont incessants, des bains chauds sont installés sur la rue Wellington pour le plaisir des manifestant·e·s. Les parfums d’un barbecue circulent dans l’air et la musique rythmée fait vibrer le sol. Les lieux sont décorés d’une panoplie de drapeaux, parmi lesquels se trouvent des feuilles d’érables, des fleurs de lys et des inscriptions «Fuck Trudeau». 

«À l’annonce de l’obligation vaccinale, j’étais avant tout fâché contre le gouvernement de Trudeau. Mais petit à petit, ce sentiment s’est transformé en déception contre le gouvernement [fédéral, ndlr]. Se vacciner reste un choix que je respecte, mais c’est un choix et non une obligation»

JD Meaney, un manifestant

JD Meaney, un candidat aux élections 2021 pour le Parti populaire du Canada (PPC), travaille pendant la semaine à Oakville, au sud de l’Ontario, et retourne à Ottawa chaque fin de semaine pour «montrer sa solidarité avec le Convoi», affirme-t-il au Délit. Meaney explique que le Convoi n’est pas une «une minorité marginale», comme dénonce le premier ministre Justin Trudeau. «À l’annonce du mandat, j’étais avant tout fâché contre le gouvernement de Trudeau. Mais petit à petit, ce sentiment s’est transformé en déception contre le gouvernement [fédéral, ndlr]. Se vacciner reste un choix que je respecte, mais c’est un choix et non une obligation», a‑t-il expliqué. 

Myriam Bourry-Shalabi | Le Délit

Retour au calme?

Le 14 février dernier, le gouvernement Trudeau a décidé d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence à l’échelle du pays afin de mettre terme aux manifestations qui bloquent le centre-ville et les postes transfrontaliers canadiens. «On n’accepte pas que les gens viennent endommager notre économie et faire mal, brimer les libertés de leurs concitoyens avec des manifestations illégales», a expliqué le premier ministre lors d’une conférence de presse le 14 février dernier. L’armée n’a pas été déployée, mais la loi octroie aux policier·ère·s des pouvoirs exceptionnels, dont celui d’imposer des amendes maximales de 5000$ et des peines allant jusqu’à cinq ans de prison. De plus, les compagnies de sociofinancement doivent rapporter les dons douteux, et les institutions financières peuvent geler des comptes bancaires sans préavis.

Avec plus de 191 personnes arrêtées en date du 20 février dernier et avec la réouverture imminente des commerces, le calme s’installe progressivement au centre-ville d’Ottawa. Même si la police a repris le contrôle de la colline parlementaire, certain·e·s récalcitrant·e·s refusent de se déplacer et d’autres protestataires se relocalisent

Myriam Bourry-Shalabi | Le Délit

 «Ce n’est pas fini. C’est notre pays, et c’est notre ville. Ils n’appartiennent pas à Justin Trudeau. Il veut être un dictateur. Tout ce qu’il fait est tiré du mode d’emploi d’un dictateur», s’est insurgé un manifestant le 20 février dernier. 

«Je connais des personnes sur mon étage qui ont été agressées par des camionneurs quand elles marchaient au centre-ville»

Marie-Frédérique Caron, étudiante de première année à l’Université d’Ottawa

Pour Helena Charron et Marie-Frédérique Caron, étudiantes de première année à l’Université d’Ottawa, les manifestations ont bouleversé leur quotidien. Toutes deux vivent dans une résidence qui se situe à cinq minutes à pied des manifestations. «La première fin de semaine, c’était l’enfer absolu avec le bruit des klaxons des camionneurs», explique Helena Charron. «Avec la Loi sur les mesures d’urgence et Rideau [le centre-ville, ndlr] qui est bloqué, je suis coincée dans ma chambre et je ne peux même pas faire des courses», ajoute-t-elle. Quant à Marie-Frédérique, un sentiment d’insécurité l’empêche de sortir: «Je connais des personnes sur mon étage qui ont été agressées par des camionneurs quand elles marchaient au centre-ville». Elle ajoute: «Je suis devenue obsédée [avec les manifestations, ndlr], j’arrête pas de regarder les nouvelles. C’est quelque chose qui se passe à deux doigts de nous». 

Myriam Bourry-Shalabi | Le Délit

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Quels sont les enjeux politiques du « Convoi de la liberté »? https://www.delitfrancais.com/2022/02/23/quels-sont-les-enjeux-politiques-du-convoi-de-la-liberte/ Wed, 23 Feb 2022 13:26:30 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=47509 Un entretien avec Daniel Béland, professeur de sciences politiques à l’Université McGill.

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Afin de mieux comprendre les enjeux politiques derrière les manifestations à Ottawa, Le Délit s’est entretenu avec Daniel Béland, professeur de sciences politiques à l’Université McGill et directeur de l’Institut d’études canadiennes à McGill. 


Le Délit (LD) : Les cammioneur·se·s sont-il·elle·s vraiment «une minorité marginale» comme l’entend Justin Trudeau?

Daniel Béland (BD): Premièrement, ce ne sont pas tous des camionneurs. Il y a beaucoup de manifestants, y compris ceux qui campent à Ottawa, qui ne sont pas du tout des camionneurs. Mais il faut regarder ceci: qui est derrière ce mouvement? Qui l’organise? Qui le finance? Oui, si on regarde les organisateurs du Convoi, on voit que ce sont des gens qui sont, en général, proches de l’extrême-droite, ce sont des gens qui veulent changer le gouvernement et qui demandent l’abolition du Parti libéral du Canada. Mais leurs projets politiques radicaux ne sont pas nouveaux et ont commencé avant même la pandémie. C’est du populisme de droite et même d’extrême-droite. En même temps, il faut séparer le grain de l’ivraie et dire que certains manifestants ne sont pas nécessairement des gens d’extrême-droite. 

«En même temps, il faut séparer le grain de l’ivraie et dire que certains manifestants ne sont pas nécessairement des gens d’extrême-droite» 

Daniel Béland, professeur de sciences politiques à l’Université McGill

LD: Pourquoi est-ce que ça a pris trois semaines pour invoquer la Loi sur les mesures d’urgence?

DB: Si on avait agi plus tôt, si la police d’Ottawa avait mieux fait son travail, on ne serait pas dans cette situation-là. C’est sûr que Trudeau aurait pu intervenir avant, il y a un manque de leadership de sa part, mais aussi de la part de la police provinciale et de la ville d’Ottawa. Pour un bout de temps, ils se sont jetés le blâme et pointés du doigts mais en fait, il y a un problème de coordination, de leadership. C’est pourquoi le gouvernement a dû invoquer la Loi sur les mesures d’urgences pour la première fois depuis 1988. Trudeau a finalement décidé que son gouvernement prendrait la responsabilité pour le retour à l’ordre, à la gestion, qu’on a laissé pourrir sur le terrain. Ce n’est pas juste le gouvernement fédéral ou la GRC [la Gendarmerie Royale Canadienne, ndlr], c’est surtout, je pense, la police d’Ottawa et, dans une moindre mesure, la police ontarienne. 

LD: Est-il donc vrai que certain·e·s policier·ère·s étaient impliqué·e·s dans les manifestations?

DB: Oui, on a vu quelques exemples, notamment dans les forces armées avec des policier·ère·s qui soutiennent les manifestant·e·s, qui les embrassent en public. C’est sans doute une minorité mais c’est un enjeu, notamment à Ottawa, où certains policiers ont l’air de soutenir au moins implicitement certaines des revendications des manifestants. Mais encore là, je pense que c’est un problème de leadership plus qu’autre chose. C’est aussi un enjeu important en matière de sécurité publique mais on avait déjà des cas avant de gens dans les forces armées qui étaient proches de l’extrême-droite. C’est le devoir de l’armée, du corps policier d’identifier ces personnes-là et d’imposer des mesures. 

LD: Comment le fait d’attendre trois semaines avant d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence donne un avantage partisan à Justin Trudeau? Est-ce que le Parti conservateur perd des points politiques?

DB: C’est une situation complètement politique. Les conservateurs essaient d’exploiter ça. D’ailleurs, Erin O’Toole est tombé en partie parce qu’il n’était pas assez enthousiaste envers les manifestants. Justin Trudeau veut jeter le blâme sur les conservateurs alors que ces derniers jettent le blâme sur Trudeau. Les conservateurs disent que si Trudeau avait accepté de rencontrer les manifestants, s’il avait accepté de changer les mesures de Santé publique, la situation serait réglée. Oui, on se pointe du doigt de tous les côtés dans la Chambre des communes. Trudeau a quand même pris un risque en invoquant la loi et si la situation ne revient pas à la normale rapidement à Ottawa, les gens vont se dire «non seulement vous avez pris des mesures exceptionnelles, mais vous n’êtes même pas capable d’accomplir votre mission». Il y a beaucoup de tension dans l’air. 

«Les manifestants et les gens qui les soutiennent, c’est une minorité de la population assez significative, surtout dans l’Ouest. De l’autre côté, on a des citoyens, des habitants, des travailleurs qui ont peur de perdre leur emploi, qui sont fâchés»

Daniel Béland, professeur de sciences politiques à l’Université McGill

LD: Est-ce que la loi s’applique uniquement au territoire d’Ottawa?

DB: Ça peut s’appliquer soit dans une province, ou bien ça peut être géographiquement spécifique. C’est vrai qu’en ce moment, les actions policières visent la situation à Ottawa, mais il y aussi la question des postes transfrontaliers. Il y a plusieurs premiers ministres qui sont contre l’application de la loi à l’échelle provinciale. Ça pourrait éventuellement accentuer les tensions intergouvernementales si jamais ces mesures devaient être de plus en plus générales. Si la loi se généralise, il y aurait de gros problèmes au Québec, de grandes tensions entre le gouvernement Legault et Ottawa. 

LD: Comment les manifestants ont-ils réussi à contrôler le centre-ville?

DB: C’est d’abord et avant tout un problème de police. On aurait pu fermer l’accès au centre-ville d’Ottawa à ces camions, à ces manifestants, et on a fait l’erreur de les laisser se stationner devant le Parlement. C’est un contrôle de l’espace, les camionneurs ont réussi à se stationner parce qu’il n’y avait pas de résistance policière. Là, la portée symbolique est énorme: s’ils s’étaient stationnés en banlieue, ça aurait été différent. La police a mal fait son travail. Je pense qu’on aurait pu prévenir ça, tout simplement.

«On a sous-estimé la persévérance et les moyens financiers et organisationnels du Convoi et on a laissé la situation pourrir»

Daniel Béland, professeur de sciences politiques à l’Université McGill

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Vers un accord d’indemnisation pour les enfants des Premières Nations https://www.delitfrancais.com/2022/01/12/vers-un-accord-dindemnisation-pour-les-enfants-des-premieres-nations/ Wed, 12 Jan 2022 13:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45907 Le gouvernement fédéral annonce une entente de 40 milliards de dollars afin de compenser les victimes du système discriminatoire de protection des enfants autochtones.

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La semaine dernière, le mardi 4 janvier, le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones Marc Miller a annoncé en compagnie de leaders et représentant·e·s autochtones la conclusion de deux accords de principe, à la suite de plus d’une décennie de négociations et de disputes judiciaires entre les Premières Nations et le Gouvernement du Canada.

L’accord prévoit des réformes à long terme pour les services à l’enfance des Premières Nations, l’application du principe de Jordan qui finance l’accès aux services, aux mesures, aux produits essentiels mais surtout une indemnisation pour les personnes autochtones ayant souffert du système discriminatoire des services à l’enfance. L’entente doit encore être approuvée par le Tribunal des droits de la personne et la Cour fédérale. 

Cindy Blackstock est directrice exécutive de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada (SSEFPNC), un organisme impliqué dans la procédure judiciaire, et professeure à la Faculté de travail social de l’Université McGill. Elle a saisi l’occasion de spécifier par communiqué qu’il s’agit d’une entente non-contraignante en vue d’une entente finale: «Ce n’est que lorsqu’un accord contraignant aura été rédigé et signé par le gouvernement du Canada et qu’il aura été mis en œuvre avec hâte que les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations auront l’assurance qu’un changement concret se produira. »

« Il n’est pas question de la manière dont sont élevés nos enfants, il est question de pauvreté »

Cindy Woodhouse

Cindy Woodhouse, cheffe régionale du Manitoba de l’Assemblée des Première Nations, a rappelé que cette entente est le résultat de plusieurs années de luttes dénonçant que le programme du Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations (SEFPN), plutôt que de lutter contre la pauvreté, retirait les enfants de leurs familles. «Les Premières Nations à travers le Canada ont eu à se battre très fort pour que ce jour vienne et permette de réparer les torts monumentaux causés aux enfants des Premières Nations, torts alimentés par un système intrinsèquement biaisé

Saga judiciaire

Les négociations avaient débuté en février 2007 entre Ottawa et les représentants les Premières Nations après le dépôt d’une plainte par l’Assemblée des Premières Nations (APN) et la SSEFPNC, l’organisation représentant les enfants Premières Nations et leurs familles en terme de bien-être et de sécurité. La plainte alléguait alors que la formule de financement et la prestation des services de bien-être pour les enfants des Premières Nations étaient discriminatoires et racistes.

En 2016, le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé qu’Ottawa avait fait preuve de discrimination raciste envers les enfants des Premières Nations vivant sur des réserves ou au Yukon en sous-finançant délibérément le système de soins et protection de la jeunesse. En 2019, le tribunal avait conclu que cette discrimination était délibérée et qu’elle constituait un cas catastrophe en matière de droit de la personne au niveau fédéral.

Des ententes historiques

Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, a affirmé lors d’une entrevue sur les ondes de Radio-Canada que l’accord est «historique […] parce qu’on vient de mettre terme à un processus au sein de nos communautés qui s’étend depuis trois décennies».

Le montant total du règlement est évalué à 40 milliards de dollars. La moitié sera utilisée afin de compenser les enfants et familles des Premières Nations touchés par le programme discriminatoire des SEFPN. 20 milliards de dollars seront également alloués dans le but de réformer et de mettre fin à la discrimination dans le cadre des SEFPN. Les partis devront continuer à négocier les détails de règlement définitif pour que les indemnités soient versées d’ici la fin de 2022 ou au début de 2023, comme l’exige l’APN. Le gouvernement fédéral vise à indemniser individuellement les enfants retirés de leurs foyers entre le 1er avril 1991 et le 31 mars 2022 ainsi que leurs familles. De plus, cette indemnisation concerne aussi les enfants des Premières Nations ayant été victimes de la définition étroite du principe de Jordan (accès limité aux services ou produits publics essentiels) entre le 1er avril 1991 et le 11 décembre 2007.

« L’accord prévoit de réformer en profondeur le système de service à l’enfance et à la famille des Premières Nations »

Selon le ministre Marc Miller, il s’agit du «plus important accord d’indemnisation dans l’histoire du Canada».  L’accord prévoit de réformer en profondeur le système de service à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Entre l’ouverture des pensionnats à la fin du 19e siècle et la fermeture du dernier d’entre eux en 1996, ce sont 150 000 enfants arrachés à leur familles et communautés qui y ont été placés de force. Depuis mai 2021, environ 1 000 nouvelles tombes non-identifiées ont été découvertes, témoignant de l’abus et de la négligence délibérée dont ils ont été victimes dans ces 139 pensionnats.

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COVID-19 : variant omicron, nouvelle source d’inquiétude https://www.delitfrancais.com/2021/11/30/covid-19-variant-omicron-nouvelle-source-dinquietude/ Wed, 01 Dec 2021 02:36:30 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45741 Tout ce qu’il faut savoir sur le nouveau variant.

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Le 24 novembre dernier, le premier cas d’un nouveau variant du coronavirus, B.1.1.529, était rapporté à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) par l’Afrique du Sud. À peine deux jours plus tard, le 26 novembre, le variant était nommé selon la 15e lettre de l’alphabet grec, Omicron. Voici un petit résumé de ce que nous savons sur ce variant qui préoccupe l’OMS et bien des pays.

Connaît-on le patient zéro?

Le premier cas confirmé du variant proviendrait d’un spécimen du virus récolté le 9 novembre 2021. Il faut dire qu’au cours des dernières semaines, la situation épidémiologique en Afrique du Sud a été caractérisée par plusieurs pics dans le nombre de cas, dont le dernier est largement attribué au variant Delta. Ce n’est que fin novembre que le constat d’un nouveau variant est tombé. 

Comment se compare Omicron aux autres variants connus?

Peu de choses sont établies sur la transmissibilité ou la virulence du variant Omicron. Toutefois, l’OMS a classé le variant comme étant « préoccupant », la catégorie d’alerte la plus élevée. De plus, elle indique que le risque de réinfection pourrait être plus important avec Omicron qu’avec les autres variants.

Deux doses de vaccin sont-elles suffisantes pour nous en protéger?

Certains scientifiques ne s’attendent pas à ce que le variant soit complètement différent du coronavirus contre lequel les vaccins ont été créés ; par contre, d’autres s’inquiètent du nombre extrêmement élevé de mutations. Plusieurs compagnies pharmaceutiques ont d’ailleurs commencé à tester l’efficacité de leur vaccin contre le nouveau variant, ainsi que la possibilité d’une troisième dose en guise de protection additionnelle. Il faudra cependant attendre quelques semaines pour connaître les résultats des premières études sur la question.

«Québec ferait une annonce sur les nouvelles mesures sanitaires la semaine prochaine, vers le 6 décembre»

Quels sont les pays touchés par le variant Omicron?

Le Canada, les Pays-Bas, l’Australie, la Grande-Bretagne, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, le Danemark, l’Afrique du Sud, le Botswana, Hong Kong et Israël ont déjà confirmé des cas du variant au sein de leur population. L’Afrique du Sud reste toutefois le pays le plus touché pour le moment.

En tant qu’étudiant international, serais-je en mesure de revenir au Canada après les vacances d’hiver?

Pour limiter l’entrée du variant Omicron au Canada, Ottawa a annoncé une série de mesures. Par exemple, les citoyens étrangers en provenance de l’Afrique du Sud et des pays voisins (Mozambique, Botswana, Zimbabwe, Lesotho, Eswatini, Namibie) sont interdits d’entrée, tandis que les Canadiens et résidents permanents arrivant de ces pays doivent se soumettre à un test de dépistage et s’isoler préventivement. 

Au moment où cet article a été écrit, rien n’était décidé pour les voyageurs des autres pays. Cependant, l’Europe est actuellement touchée par une cinquième vague, poussant plusieurs pays européens à imposer de nouveau certaines restrictions. De plus, le vendredi 26 novembre, la gouverneure de l’État de New York a déclaré l’état d’urgence en raison de la hausse des cas de COVID-19 et de la menace posée par le variant Omicron. Lundi, le Royaume-Uni a aussi annoncé une réunion d’urgence avec les ministres de la Santé des pays du G7 pour discuter de l’évolution de la situation liée à ce nouveau variant.

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Les conditions d’habitation étudiante ignorées https://www.delitfrancais.com/2021/02/09/les-conditions-dhabitation-etudiante-ignorees/ Tue, 09 Feb 2021 13:47:34 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=41759 Le sondage PHARE 2021 jettera la lumière sur la précarité d’habitation en milieu universitaire.

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Le 25 janvier dernier, l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) a lancé un sondage pancanadien sur les conditions d’habitation des étudiantes et étudiants: la Prospection des habitudes et aspirations résidentielles étudiantes 2021 (PHARE 2021). L’objectif de cette enquête est de mesurer les effets de la pandémie sur les conditions d’habitation étudiantes et ainsi combler les «limites méthodologiques» de Statistique Canada, qui mèneraient à l’exclusion de la communauté étudiante universitaire de ses données.

Le marché privé: un risque 

L’UTILE est un organisme à but non lucratif qui vise à diminuer la précarité résidentielle étudiante. Les personnes consacrant plus de 30% de leur revenu net à leurs frais résidentiels sont considérées comme vivant en précarité résidentielle; plus de 50%, en précarité résidentielle sévère. Selon ces standards établis par Statistique Canada, l’UTILE estimait en 2017 qu’environ 20% des étudiants et étudiantes universitaires sur le marché locatif privé étaient en situation de précarité résidentielle, en prenant en compte le support financier familial et les bourses d’études. Selon Laurent Levesque, cofondateur et directeur général de l’UTILE, la précarité de logement est une cause d’endettement pour la communauté étudiante et limite ses moyens qui pourraient lui servir à combler ses autres besoins, comme l’alimentation, les loisirs et l’épanouissement personnel. Il a aussi mentionné au Délit la possibilité que cette situation puisse affecter négativement leurs résultats scolaires.

«[…] l’UTILE estimait en 2017 qu’environ 20% des étudiants et étudiantes universitaires sur le marché locatif privé étaient en situation de précarité résidentielle, en prenant en compte le support financier familial et les bourses d’études»

Le manque de logements étudiants en force plusieurs à se déplacer vers le marché locatif privé, ce qui les mettrait en situation vulnérable, a affirmé le directeur-général de l’organisme. Non seulement les loyers de ces logements sont-ils plus élevés que ceux des résidences étudiantes, mais ils augmentent rapidement en raison du marché environnant. En 2017, l’UTILE estimait que 60% des étudiants et étudiantes du Québec habitaient sur le marché locatif privé. Cette réalité, la communauté de l’Université McGill la connaît bien, a souligné Laurent Levesque: on y trouve la plus haute proportion d’étudiantes et étudiants vivant dans des logements loués au privé et la population étudiante mcgilloise paierait les loyers les plus chers au Québec. L’UTILE se consacre à l’établissement de logements dédiés à la communauté étudiante afin d’offrir une alternative à ce marché privé.

→ Voir aussi : Les finances étudiantes à risque

Un double objectif: développement et financement

À travers le monde, de nombreux projets de logements étudiants nés pour ces raisons ont inspiré l’UTILE dans ses démarches. WOKO, une coopérative suisse citée en exemple par l’UTILE, offre 3500 logements étudiants à travers la ville de Zurich. En 2019, l’UTILE a lancé la construction de la Note des bois, qui offre 90 logements étudiants de divers formats en partenariat avec l’Union des étudiants et étudiantes de Concordia. Situé près du campus du centre-ville, le bâtiment a pour vocation d’offrir des logements de bonne qualité à plus bas coûts que ceux du marché locatif privé. Outre développer des logements étudiants, l’UTILE veut pousser les gouvernements provincial et fédéral à financer davantage les projets de logements étudiants. L’insuffisance du financement actuel serait entre autres attribuable aux limites méthodologiques de Statistique Canada dans son évaluation de la précarité de logement. Par exemple, les étudiants et étudiantes universitaires qui rentrent vivre chez leurs parents deux mois par année sont considérés comme habitant à temps plein au domicile familial par l’organisme fédéral. Ce dernier ne considère pas que la communauté étudiante ait des «besoins impérieux de logement», car le fait d’être aux études est considéré comme un état de précarité temporaire. Pour Laurent Levesque, ces déterminations de Statistique Canada sont en partie infondées, car le besoin en logements étudiants est bel et bien «réel» et les conséquences de cette pénurie sont multiples pour les populations étudiantes concernées.

Les résultats du sondage PHARE 2021 seront rendus publics à l’automne.

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