Archives des International - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/actualites/international/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 26 Feb 2025 05:38:15 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Vivre les élections fédérales allemandes à l’étranger https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/vivre-les-elections-federales-allemandes-a-letranger/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57661 Soirée électorale à l’Institut Goethe de Montréal.

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Dimanche dernier, environ 60 millions d’Allemands ont été appelés à voter pour les élections fédérales allemandes, afin d’élire un nouveau parlement. Ces élections anticipées avaient été annoncées par le chancelier Olaf Scholz en décembre, à la suite de la dislocation de la coalition « feu tricolore », composée du Parti social-démocrate (SPD), des Verts, ainsi que du Parti libéral-démocrate (FDP). C’est finalement le parti conservateur CDU/CSU de Friedrich Merz qui est sorti vainqueur des élections, avec 28,5% des votes. Pour cette occasion, le consulat général d’Allemagne à Montréal et l’Institut Goethe de Montréal ont organisé une « Wahlparty » ou « fête électorale » afin de permettre à la communauté germanique de suivre les élections en compagnie. Au total, une petite trentaine de personnes s’est retrouvée à l’angle de la rue Ontario et du boulevard Saint-Laurent, afin de partager ce moment autour d’un café, d’une pâtisserie, ou d’un bretzel.

Des élections cruciales

Si l’ambiance à l’institut Goethe était légère, les élections fédérales restent cruciales pour l’avenir de l’Allemagne. Le Bundestag [parlement] est la branche la plus importante de la gouvernance allemande – sa composition influençant quels partis gouvernent et qui devient chancelier·ère. Ces élections ont été marquées par une percée de l’AfD – parti d’extrême droite. En janvier, le parti avait notamment fait parler de lui lorsqu’un projet de « remigration » visant à expulser plus de deux millions de personnes étrangères ou allemandes d’origine étrangère. Pendant la campagne, l’AfD a bénéficié du soutien du milliardaire américain Elon Musk, avec qui la cheffe du parti, Alice Weidel, s’est entretenue en vidéoconférence sur la plateforme X, le 9 janvier dernier.

« Une fois de plus, une démocratie européenne voit un parti d’extrême droite réaliser un score historique »

Pendant la fête électorale, Le Délit a pu interroger Linda et Stefan, deux Allemands originaires de Bavière, établis à Montréal depuis un an. Linda nous a confié son ressenti sur le comportement de Musk : « pour moi, il est très inquiétant de voir un milliardaire américain essayer si ouvertement d’interférer avec les élections allemandes. Honnêtement, je ne pense pas que cela ait eu un gros impact sur les élections. Bien que cela ait provoqué une grande agitation dans les médias, ça n’a pas fait basculer les électeurs indécis vers une direction ou une autre. J’ai trouvé que la conversation entre Weidel et Musk était parfois gênante et maladroite, comme s’ils n’avaient rien à se dire… (tdlr) » Le parti d’extrême droite a réalisé le plus haut score de son histoire, se classant en deuxième position derrière le CDU/CSU avec 20% des suffrages. Regardant avec dépit l’écran géant, Stefan affirme : « c’est ce que les plus récents sondages prédisaient, donc je ne suis pas étonné, mais cela n’est tout de même pas agréable à voir. »

Observer depuis l’étranger

Pour les deux Allemands, cette première expérience de vote depuis l’étranger a été amère. Contrairement à d’autres pays, il n’existe pas de circonscription dédiée aux Allemands établis à l’étranger : les électeurs doivent voter pour leur circonscription d’origine, en Allemagne. Pour ce faire, ils sont contraints d’envoyer leur vote par la poste, ce qui a posé problème à de nombreux Allemands. Selon Linda, comme « les élections qui devaient initialement avoir lieu en automne ont été anticipées à la suite de la chute de la coalition, cela nous a laissé très peu de temps pour faire le processus administratif. Nous n’avons donc pas eu le temps de voter ». Dans un communiqué, la présidente fédérale des élections a reconnu avoir reçu de nombreuses plaintes à ce propos en fin de campagne, sans apporter d’autres réponses que « la seule option restante est de se rendre dans un bureau de vote en allemagne ». Préoccupé, Stefan ajoute que « le manque de numérisation et la bureaucratie moderne font que les élections sont en quelque sorte biaisées, car la majorité des personnes vivant à l’étranger sont plus progressistes, mais leur vote est perdu à cause de la lenteur administrative ».

Une fois de plus, une démocratie européenne voit un parti d’extrême droite réaliser un score historique. Malgré les signes de division et de polarisation indiqués par les résultats des élections, la fête électorale s’est déroulée
au sein d’une ambiance amicale. Cela montre que, malgré les potentielles divisions politiques, les gens peuvent tout de même se retrouver, pour discuter autour d’un café et d’un bretzel.

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Déclarations incendiaires de J.D. Vance à Munich https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/declarations-incendiaires-de-j-d-vance-a-munich/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57585 Un tournant diplomatique dans la guerre en Ukraine.

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V endredi 14 février, à la Conférence de Munich sur la sécurité, réunissant des dirigeants mondiaux, des ministres et d’autres responsables politiques de premier plan, J.D. Vance a créé le choc. Alors que l’on pouvait s’attendre à ce que le vice-président américain s’exprime sur la guerre en Ukraine, les États-Unis demeurant leur principal soutien militaire face à l’invasion russe, il a surpris en ne prononçant pas un mot sur le sujet. Vance a plutôt choisi de donner une leçon aux représentants européens sur leur gouvernance démocratique : « la menace qui m’inquiète le plus vis-à-vis de l’Europe n’est ni la Russie, ni la Chine, ni aucun autre acteur externe. Ce qui m’inquiète, c’est la menace de l’intérieur : le recul de l’Europe sur certaines de ses valeurs les plus fondamentales. […] Dans toute l’Europe, je crains que la liberté d’expression ne recule (tdlr). » Je me suis entretenu avec Juliet Johnson, politologue et professeure de science politique à l’Université McGill spécialiste de la Russie, pour tenter de comprendre cette déclaration.

Un choix diplomatique (in)conscient

L’angle de l’attaque, la liberté d’expression, peut d’abord surprendre. Cette déclaration survient néanmoins à la suite de l’annulation du premier tour des élections présidentielles roumaines dans laquelle Călin Georgescu, candidat d’extrême droite pro-russe, est arrivé en tête, à la surprise générale, avec 22% des suffrages. La Cour constitutionnelle roumaine a pris cette décision sous suspicion d’interférence russe dans la campagne éclair du candidat sur les réseaux sociaux, en particulier sur TikTok.

Ignorant ces éléments de contexte, J.D. Vance a interprété cette décision comme un signe de recul démocratique en Europe : « si vous avez peur de vos propres électeurs, il n’y a rien que les États-Unis puissent faire pour vous. » Au sujet de la Roumanie spécifiquement, il a déclaré : « lorsque nous voyons des cours européennes annuler des élections […] nous devons nous demander si nous nous tenons à des normes assez élevées. » Selon la Dre Johnson, l’utilisation de la notion de « liberté d’expression » n’est alors pas à prendre au premier degré : « J.D. Vance comprend la liberté d’expression comme la liberté pour lui et les partisans de Trump de dire ce qu’ils désirent sans être critiqués. » Un choix de mots qu’elle juge témoin « d’ignorance » alors que Trump prévoit d’interdire l’usage de quelque 120 mots dans les travaux universitaires américains, comme « préjugé » ou « climat » sous la menace de retraits de financement. « Leur partisanisme les empêche de voir cette décision-ci comme une attaque contre la liberté d’expression », indique-t-elle.

Plusieurs pistes peuvent être établies pour expliquer les déclarations de J.D. Vance : volonté de déstabilisation des démocraties libérales? Une envie de plaire à la Russie? Ou encore de créer le choc pour ne pas avoir à se positionner sur le sujet sensible de l’Ukraine? Dre Johnson, de son côté, est formelle : « l’objectif de ces déclarations est d’affirmer la dominance américaine et de semer la division en Europe. » Néanmoins, elle précise que « ces déclarations montrent surtout l’étendue du manque de culture de J.D. Vance vis-à-vis de l’Europe, et des relations internationales en général. […] C’est un novice à la confiance démesurée par rapport à ses connaissances. » Elle rappelle également que cette stratégie n’est pas forcément efficace : « un retour de flamme s’opère clairement ; les dirigeants européens ont remis sur la table la question des efforts de défense paneuropéens pour la première fois depuis longtemps. » Depuis une semaine, l’Europe multiplie en effet les sommets. Ses dirigeants étaient à Paris le lundi 17 février pour convenir de l’élaboration et du financement d’une politique commune de défense. Une réaction qui s’inscrit dans le contexte plus large de la non-fiabilité des États-Unis de Trump, qui sont « connus pour ne pas respecter les accords qu’ils signent », explique Dre Johnson.

Europhobie… et russophilie

Les propos du vice-président s’inscrivent dans une stratégie diplomatique plus large du camp de Trump vis-à-vis la guerre en Ukraine : celle de s’éloigner de l’Europe et de se rapprocher de la Russie. Le président américain s’est ainsi longuement entretenu au téléphone mercredi dernier avec son homologue russe Vladimir Poutine, sans la présence de l’Union européenne ni de l’Ukraine, dans la quête d’un plan de paix. Une discussion préliminaire de laquelle Poutine sort grand gagnant, selon Dre Johnson : « l’équipe de Trump a déjà concédé à tout ce que Poutine veut : la non-intégration de l’Ukraine à l’OTAN, l’abandon de plus d’un cinquième du territoire du pays, l’idée du besoin d’élections en Ukraine… ce sont les principales demandes du Kremlin! »

Comment comprendre alors ce revirement? Similairement à son analyse de J.D. Vance, Dre Johnson blâme « l’absence de compétences diplomatiques » de Trump : « l’auteur de The Art of the Deal commet deux fautes majeures : la relâche de tous ses leviers de négociations dès le début, et l’exclusion de partis clés. Ce sont des erreurs d’amateur. » En effet, l’absence de l’Ukraine des négociations, qui témoigne selon la professeure de « la vision du monde simpliste de Trump, concentrée seulement sur les grandes puissances », pourrait mener à l’échec de l’entreprise. « L’Ukraine, surtout supportée par l’UE, n’acceptera jamais ces termes, et les États-Unis ne peuvent pas les y forcer », explique-t-elle.

Volodymyr Zelensky, de son côté, commence à pointer du doigt ses désaccords avec la méthode Trump. Interrogé au lendemain du discours de Vance, il réclamait la présence de l’Europe et de l’Ukraine aux négociations : « nous sommes très reconnaissants à l’égard des États-Unis. Ils nous ont beaucoup donné et soutenu […] et nous sommes également très reconnaissants à l’égard de l’UE, un partenaire stratégique important. C’est pourquoi il faut que l’on soit au même niveau, côte à côte, et à la table des négociations. » D’abord diplomate, le président ukrainien a changé de ton mercredi, après que Trump a accusé l’Ukraine d’avoir « commencé la guerre », il a déclaré : « le président américain vit malheureusement dans un espace de désinformation [russe]. » Des propos soutenus par Dre Johnson : « Trump en sait très peu au sujet de l’Ukraine, et ment énormément, souvent par ignorance. Il a par exemple déclaré que la cote de popularité de Zelensky était de 4%, alors qu’elle est en réalité de 57%. C’est un grand consommateur de la propagande russe. » L’heure semble donc à l’escalade entre les deux leaders. Quelques minutes après notre entrevue avec Dre Johnson mercredi 19 février, Trump a qualifié Zelensky de « dictateur sans élections ». Le lundi suivant, les États-Unis ont voté contre une résolution de l’ONU condamnant la Russie pour la guerre, aux côtés de Moscou et de ses soutiens. L’administration Trump s’est également abstenue de voter sur sa propre résolution appelant simplement à une négociation pour mettre fin à la guerre. Les États-Unis ont ainsi confirmé leur rupture diplomatique avec l’UE et l’Ukraine à travers les organisations internationales.

Que doit-on attendre de la suite de la guerre?

Ainsi, malgré la tentative de diplomatie éclair du président américain, un accord de paix durable semble encore loin, selon Dre Johnson. Elle explique : « Vladimir Poutine, comme Trump, n’est pas connu pour respecter les accords qu’il passe. […] Pourquoi les Russes s’arrêteraient-ils, ils gagnent! Ils contrôlent un cinquième du territoire ukrainien, et n’ont aucune raison d’interrompre les hostilités. » Interrogée sur les difficultés militaires russes, elle répond : « ils traversent en effet des difficultés, notamment de conscription. Ils ont été obligés de promettre des bonus, d’appeler des soldats nord-coréens et des sociétés militaires privées. Mais tout est relatif ; ils restent moins en danger que l’Ukraine, qui risque des carences de ravitaillement militaire et de soldats. L’Ukraine demeure en effet un pays bien moins peuplé que la Russie, ce qui signifie que, malgré le nombre supérieur de pertes russes, chaque perte ukrainienne compte plus. » L’analyse de Dre Johnson nous permet d’y voir plus clair dans la diplomatie agressive de Trump et son administration. Quelques jours après le troisième anniversaire de l’invasion russe, l’arrêt des hostilités ne semble pas être facilité par l’arrivée au pouvoir des républicains. En ignorant les demandes et positions de l’Union européenne et de l’Ukraine tout en se rapprochant de celles de la Russie, Trump pousse l’Europe à une réorganisation stratégique.

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Serbie et Roumanie : crises et contestations https://www.delitfrancais.com/2025/02/20/serbie-et-roumanie-crises-et-contestations/ Thu, 20 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57503 Ingérence, corruption, manifestations : une Europe de l’Est en ébullition.

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Cela fait maintenant trois mois que la Serbie est le théâtre de manifestations massives à travers tout le pays. Il s’agit de la crise sociale la plus intense depuis les années 1990. La jeunesse, en tête du mouvement, proteste contre la corruption endémique de l’État. Cela fait suite à l’effondrement du toit de la gare de Novi Sad, récemment rénové, qui a causé la mort de 15 personnes le 1er novembre 2024. La population estime que la corruption et la gestion frauduleuse des contrats publics seraient directement liées à la tragédie.

En réponse, un mouvement de contestation se forme rapidement. Le ministre des Transports démissionne, mais la colère persiste. Les divisions populaires s’exacerbent, des étudiants sont passés à tabac par des inconnus cagoulés, et la liste des demandes s’allonge sur les lignes de la transparence et de la justice. Le gouvernement tente d’apaiser la situation en faisant certaines concessions, mais rien n’y fait : les manifestations continuent et s’intensifient. Fin janvier, le premier ministre serbe est contraint de démissionner. Le président Aleksandar Vučić demeure le dernier pilier du pouvoir, mais le mouvement ne faiblit toujours pas.

Comment expliquer cette crise et l’ardeur des manifestants? Un réel changement est-il possible? Le Délit s’est entretenu avec David Dubé, doctorant en science politique à l’Université McGill et spécialiste de l’Europe de l’Est. Il rappelle que les Balkans ont historiquement fonctionné sous une « culture de gouvernance informelle basée sur les connexions personnelles et la corruption ». La Serbie, bien que candidate à l’Union européenne depuis 15 ans, n’a jamais connu de véritable démocratisation, pourtant une condition non négociable pour intégrer l’Union. Cela explique en partie la ferveur des manifestants.

Dubé souligne l’ampleur inédite du mouvement, mais insiste sur la nécessité d’un soutien extérieur : « Les autres pays européens ainsi que l’UE doivent reconnaître les efforts des Serbes et les soutenir politiquement. » Il reste à voir si ces manifestations amorceront un changement profond, ou plongeront la Serbie dans une crise prolongée qui pénalisera la population.

Roumanie: crise et incertitudes

Pendant ce temps, la Roumanie traverse aussi une crise politique majeure, mais cette fois au niveau institutionnel plutôt que populaire. En décembre 2024, la Cour constitutionnelle annule l’élection présidentielle en raison de soupçons d’ingérence russe en faveur du candidat indépendant d’extrême droite Călin Georgescu. Une campagne de désinformation sur TikTok aurait favorisé ce dernier, arrivé en tête du premier tour à la surprise générale. Ce 12 février, l’actuel président Klaus Iohannis a quitté ses fonctions afin d’apaiser la crise, laissant la Roumanie sans réel gouvernement.

Georgescu, pro-russe et anti-OTAN, incarne le populisme extrême et s’affirme comme un outsider politique. Cette crise sape la légitimité démocratique d’un pays membre de l’UE depuis 2007, et pourrait entraîner des changements à long terme. Les élections, reportées au mois de mai, pourraient bien mener à sa victoire. Traditionnellement proche de l’Occident depuis 1991, la Roumanie pourrait ainsi se rapprocher du Kremlin.

« L’arrivée d’un dirigeant comme Georgescu pourrait permettre à la Russie de poursuivre ses attaques contre le consensus pro-Ukraine en Europe », explique Dubé. Si Georgescu venait à être élu aux côtés d’autres populistes européens, comme l’AfD en Allemagne, Dubé estime que « l’impact de gouvernements pro-russes et antidémocratiques pourrait être significatif », transformant la politique de sécurité européenne.

Un autre enjeu clé est l’influence des réseaux sociaux dans cette crise. Dubé souligne que « la campagne électorale roumaine s’est construite sur le dos de fausses nouvelles propagées par des médias et influenceurs à la solde de Moscou ». Aujourd’hui, l’UE reste mal équipée pour contrer ces ingérences. « Il est plus difficile de tracer le financement des personnes participant à ces réseaux sociaux, tout comme le contenu des informations partagées. Il est donc facile de dissimuler du contenu politique faux sur ces plateformes tout en évitant d’être attrapé, en comparaison aux médias traditionnels », précise-t-il.

Ces crises en Serbie et en Roumanie illustrent les tensions qui traversent l’Europe de l’Est, entre aspirations démocratiques et influences extérieures pesantes. Leur issue entraînera des répercussions bien au-delà de leurs frontières.

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Course à l’IA : Pékin contre-attaque https://www.delitfrancais.com/2025/02/05/course-a-lia-pekin-contre-attaque/ Wed, 05 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57355 DeepSeek, l’IA chinoise qui défie la Silicon Valley.

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Début 2025, DeepSeek, une jeune entreprise chinoise spécialisée en intelligence artificielle, annonce son premier modèle de raisonnement : DeepSeek-R1. Se voulant aussi performant que ses concurrents américains, ce nouveau système a provoqué un véritable séisme dans la Silicon Valley. Son modèle, avec un code source libre (open source), développé avec un budget dérisoire, remet en question l’hégémonie technologique des États-Unis et lance la course à l’IA entre Washington et Pékin.

David contre Goliath

Fondée en 2023 à Hangzhou en Chine par Liang Wenfeng, DeepSeek était initialement une entreprise axée sur les algorithmes de trading. Rapidement, elle s’est orientée vers l’intelligence artificielle, avec l’ambition de créer un modèle performant capable de rivaliser avec les chefs de file du secteur. Contrairement aux mastodontes américains, comme OpenAI ou Anthropic, qui reposent sur des milliards de dollars d’investissements et qui ont pour objectif d’innover, DeepSeek a misé sur une approche beaucoup plus frugale. Son secret? L’optimisation du code de modèles existants, disponibles en code source libre.

L’annonce de DeepSeek-R1 a secoué les marchés financiers. Développé avec un budget de seulement 10 millions de dollars, bien loin des investissements colossaux d’OpenAI ou Meta, ce modèle a soulevé l’hypothèse d’une surévaluation du marché de l’intelligence artificielle aux États-Unis. En réaction, le leader du marché, Nvidia, a perdu 17% de sa valeur en 24 heures et a entraîné le NASDAQ à la baisse avec un retrait de 2 000 milliards de dollars des marchés financiers, l’équivalent du PIB français, et ce, en quelques heures. Par ailleurs, cette percée est survenue peu après l’annonce du plan Stargate : près de 500 milliards de dollars d’investissement prévus par l’administration Trump pour renforcer l’infrastructure de l’IA. Marc Andreessen, entrepreneur influent et conseiller de Donald Trump, a décrit cet événement comme un « moment Spoutnik », faisant référence à l’affolement provoqué par le premier satellite soviétique sur les marchés américains en 1957, dans le cadre de la course à l’espace pendant la Guerre froide.

En parallèle, l’application DeepSeek est devenue l’une des plus téléchargées sur iPhone aux États-Unis, en Australie, en Chine et au Royaume-Uni, démontrant l’intérêt et la curiosité des consommateurs pour cette alternative au colosse ChatGPT.

Course à l’IA : la Chine redistribue les cartes

Au lieu de développer son IA à partir de zéro, comme OpenAI ou Anthropic, la start-up chinoise a optimisé des architectures déjà disponibles, réduisant ainsi les coûts de développement et d’entraînement de son modèle. Tout cela en étant contrainte d’utiliser des puces moins puissantes, à cause des restrictions américaines sur les exportations de semi-conducteurs vers la Chine. DeepSeek prouve qu’un modèle performant peut être conçu avec des ressources limitées.

L’aspect du code source libre joue un rôle central : en rendant son modèle accessible à tous, DeepSeek suit une philosophie initialement prônée par OpenAI avant son virage vers une approche fermée. Ce choix permet une collaboration mondiale, où entreprises et chercheurs peuvent œuvrer ensemble pour améliorer le modèle.

Mais DeepSeek ne se distingue pas seulement par son modèle économique. Son PDG, Liang Wenfeng, adopte une politique de recrutement atypique, misant sur de jeunes diplômés et des profils issus des sciences humaines plutôt que sur des ingénieurs expérimentés. Selon lui, « l’expérience peut être un frein à l’innovation (tdlr) », car les experts établis ont tendance à reproduire ce qu’ils connaissent déjà, tandis que les jeunes diplômés, moins sûrs d’eux, explorent davantage de solutions nouvelles. Dans une entrevue donnée au média chinois 36Kr, il expliquait : « les travailleurs expérimentés ont des certitudes sur la bonne manière de faire, alors que les jeunes se remettent constamment en question, ce qui les pousse à innover ». Un pari risqué, mais qui, à en juger par le succès fulgurant de DeepSeek, semble avoir porté ses fruits.

L’arrivée de DeepSeek-R1 bouleverse l’équilibre de la course à l’intelligence artificielle entre la Chine et les États-Unis, un affrontement qui rappelle la course à l’espace du 20e siècle. Conscients de l’enjeu stratégique, les États-Unis avaient tenté d’entraver les avancées chinoises en restreignant l’exportation des puces Nvidia vers la Chine. Pourtant, le PDG de DeepSeek avait anticipé ces restrictions en commandant des milliers de puces performantes à l’avance, lui permettant de bénéficier d’une partie de la puissance des dernières puces Nvidia A100. Les cartes sont désormais rebattues : pour la première fois, un modèle chinois s’impose comme un concurrent direct d’OpenAI. En réponse, ce dernier a dû accélérer la sortie de son modèle « OpenAI o3 mini ». De plus, ce n’est pas seulement DeepSeek qui inquiète les États-Unis : la plateforme de commerce en ligne Alibaba a également annoncé son propre modèle, Qwen 2.5‑Max, qui se dit encore plus performant que DeepSeek-R1, renforçant davantage la pression chinoise sur le marché mondial de l’IA.

Au-delà des enjeux géopolitiques, le choix du consommateur est aussi redéfini. Pour Théophile et Antoine, étudiants en ingénierie à McGill, l’offre de DeepSeek change la donne. « Honnêtement, DeepSeek est gratuit et assez performant pour l’usage que j’en fais », explique Antoine, « payer 20 dollars par mois pour ChatGPT Plus, ce n’est pas négligeable pour un étudiant ». Théophile ajoute également : « de telles initiatives permettent aux géants de se réinventer pour conserver leurs clients, ces percées technologiques sont dans notre intérêt, nous, les consommateurs ».

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Los Angeles en proie aux flammes https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/los-angeles-en-proie-aux-flammes/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57017 Comprendre la catastrophe : témoignages d’étudiantes américaines.

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Au moment où l’Organisation météorologique mondiale déclare l’année 2024 comme la plus chaude jamais enregistrée, une nouvelle catastrophe climatique balaye Los Angeles. Depuis le 7 janvier, la ville californienne est ravagée par d’immenses incendies, contraignant des dizaines de milliers de personnes à évacuer. À la date du 16 janvier, au moins 24 décès ont été confirmés. Selon le California Department of Forestry and Fire Protection, plus de 40 000 hectares ont brûlé et plus de 12 845 structures réduites en cendres. Les incendies ont détruit de nombreux quartiers huppés, notamment Pacific Palisades entre Santa Monica et Malibu, dont le feu n’est toujours pas circonscrit. Depuis son déclenchement le 7 janvier, l’incendie d’Eaton, dans le nord-est de la ville, a ravagé le quartier historique d’Altadena et des pans entiers de Pasadena. Plus d’une semaine après le début des incendies, la région brûle toujours, attestant des conséquences de la crise climatique.

Un cocktail explosif

Alors que l’origine des incendies reste sous investigation, plusieurs facteurs se sont conjugués pour créer les conditions idéales à des feux d’une telle ampleur. La région californienne a vécu un été exceptionnellement chaud, marqué par une sécheresse persistante. En décembre, les températures étaient nettement supérieures aux moyennes saisonnières, et les précipitations quasi inexistantes. Depuis le mois d’octobre, l’État de la Californie a enregistré seulement quatre millimètres de pluie, aggravant une situation déjà critique. Ces conditions climatiques ont transformé la végétation, desséchée par les vagues de chaleur de 2024, en une biomasse hautement inflammable.

« Dire que les incendies en Californie sont uniquement des catastrophes naturelles, c’est donc oublier l’impact majeur des activités humaines dans leur intensification »

Ce qui a finalement valu à ces incendies le titre de « plus vastes et dévastateurs de l’histoire de la Californie », selon les mots du président américain Joe Biden, sont les vents violents, avec des rafales atteignant jusqu’à 160 km/h. Ces vents ont transporté des braises, accélérant l’avancée des flammes à différents points de la ville.

Ces facteurs naturels ont été exacerbés par des choix humains. La pression démographique, notamment la crise du logement, a poussé la ville de Los Angeles à construire massivement dans des zones à haut-risque d’incendies. De nombreuses habitations, souvent en bois, ont été bâties à l’orée des forêts, augmentant leur vulnérabilité. La Californie illustre ainsi parfaitement l’accentuation des phénomènes météorologiques extrêmes et leurs interactions avec les décisions d’aménagement urbain, créant un terrain favorable à des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et destructrices.

Dire que les incendies en Californie sont uniquement des catastrophes naturelles, c’est donc oublier l’impact majeur des activités humaines dans leur intensification. Avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les signaux d’alarme se multiplient. Le milliardaire américain, qui n’a pas hésité à qualifier le dérèglement climatique de « canular », soutient sans détour les industries du pétrole, du gaz et des énergies fossiles. Les choix politiques du président républicain, loin de ralentir le réchauffement climatique, aggravent les sécheresses et, par conséquent, les risques d’incendies dévastateurs. Avec une telle direction, l’avenir de la planète semble tracé : nous nous dirigeons rapidement vers une catastrophe planétaire.

Témoignages d’étudiantes montréalaises originaires de Los Angeles

En entretien, Camille Ting, étudiante à l’Université Concordia, originaire de Los Angeles, revient sur son expérience en tant qu’ habitante du quartier de Pasadena, dont le nord a été sévèrement touché par le feu Eaton. Elle déplore : « Tout est soit détruit, à moitié brûlé ou inhabitable. Je connais 50 personnes qui ont perdu leur maison. Tout le monde connaît quelqu’un qui a tout perdu. »

« Les vents étaient anormalement forts », confie Camille Ting. « Le courant a été coupé et tout s’est déclenché très vite. » Ses parents, convaincus que les médias exagéraient la réalité des incendies, ont refusé d’évacuer leur maison. Pour des locaux d’une région habituée aux feux saisonniers, cette réaction semblait presque naturelle. Pour Camille, il était clair que cette fois-ci, les événements prenaient une tournure exceptionnelle : « Je savais que ce n’était pas comme ce qu’on avait déjà vécu auparavant ». Alors que les flammes se rapprochaient dangereusement de leur maison, Camille et sa famille ont finalement pris la décision d’évacuer. Ils ont trouvé refuge chez une amie. Elle décrit les scènes qu’elle a vues comme « apocalyptiques, la qualité de l’air était terrible. On traversait les flammes et on voyait le quartier brûler dans le rétroviseur », raconte-t-elle.

« Tout est soit détruit, à moitié brûlé ou inhabitable. Je connais 50 personnes qui ont perdu leur maison. Tout le
monde connaît quelqu’un qui a tout perdu »
Morgan Bories, étudiante à McGill

Camille se souvient avec émotion de la solidarité de la communauté « Le Pasadena Community College a organisé une incroyable collecte de dons. Le campus était transformé en un centre de dons de type service à l’auto. Tous les habitants venaient pour donner tout ce qu’ils avaient. » L’étudiante californienne témoigne : « Il y avait tellement de générosité et d’amour, dès le lendemain des premiers incendies, alors même que les feux n’étaient toujours pas contrôlés. »

Morgan Bories, étudiante en économie à l’Université McGill, a passé la majeure partie de sa vie dans le quartier de Los Feliz, à Los Angeles. Lors du déclenchement des incendies, alors qu’elle se trouvait à Montréal, ses parents ont décidé d’ouvrir les portes de leur maison à ceux qui avaient tout perdu, leur quartier étant situé à une distance relativement sécuritaire des flammes.

Tout comme Camille, Morgan a évoqué l’histoire de son ancienne directrice d’école, très appréciée, dont la maison a été détruite par les flammes, pour souligner la solidarité qui s’est manifestée face à la tragédie. « Un GoFundMe a été lancé par un élève, et de nombreux dons ont afflué de la part d’élèves actuels et anciens, ainsi que des enseignants. Plus de 40 000 dollars ont été amassés en deux jours. La communauté peut vraiment se rassembler face à une catastrophe », souligne-t-elle.

Un avenir incertain

Pour Morgan, « assister à une catastrophe d’une telle ampleur, capable de provoquer autant de destruction en une seule journée, y compris dans des quartiers riches et influents, a été un électrochoc pour beaucoup. Cela a notamment éveillé les consciences de ceux qui considéraient le réchauffement climatique comme un problème distant, auquel ils pensaient pouvoir échapper. » Morgan et Camille insistent désormais sur la nécessité et l’urgence de transformer cet électrochoc en actions concrètes. Après les catastrophes climatiques de 2024, dont les ouragans Helene et Milton en Floride, ou encore les incendies de forêt au Canada, il devient évident qu’aucun endroit n’est réellement à l’abri des conséquences du dérèglement climatique. Avec des désastres climatiques appelés à se multiplier dans les années à venir, la nécessité d’agir devient de plus en plus pressante. Cependant, l’inaction politique à grande échelle jette une ombre inquiétante sur l’avenir de la planète.

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Cessez-le-feu entre Israël et le Hamas https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/cessez-le-feu-entre-israel-et-le-hamas/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57022 Les réactions de la communauté étudiante montréalaise.

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Après 15 mois de guerre, Israël et le Hamas sont parvenus à un accord pour mettre fin aux hostilités. L’accord, annoncé le 15 janvier, a été approuvé par le gouvernement israélien le 17, et est entré en vigueur le 19. Le premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane Al Thani, et un partenariat de deux diplomates, l’un envoyé par l’administration Biden et l’autre issu de celle de Trump, ont travaillé ensemble pour atteindre la trêve. Bien qu’une entente ait été trouvée, rien n’empêche les deux parties de faire de nouvelles demandes pendant les négociations à venir, mettant ainsi l’accord en péril.

Le cessez-le-feu comprend deux phases de six semaines chacune. La première, qui a commencé dimanche, prévoit la libération de 33 otages israéliens et des centaines de prisonniers palestiniens. Parmi les otages pris par le Hamas, 100 personnes demeurent captives à Gaza, dont 35 que le gouvernement israélien croit mortes. Les femmes, les enfants, et les hommes âgés seront libérés en premier. 600 camions transportant de l’aide humanitaire, qui inclut au moins 60 000 demeures temporaires et 200 000 tentes, auront la permission d’entrer à Gaza dès dimanche. Le septième jour du cessez-le-feu, l’armée israélienne retirera ses forces du nord de Gaza, et les Palestiniens déplacés au courant de la guerre pourront y retourner. Le seizième jour, les partis négocieront la deuxième phase, qui doit comprendre des échanges de prisonniers et établir une fin plus permanente aux hostilités. Ce conflit a été déclenché le 7 octobre 2023 lorsque le Hamas, qualifié comme organisation terroriste par plusieurs pays, dont le Canada, a mené une offensive contre Israël, massacrant plus de 1 200 personnes et prenant plus de 250 personnes en otage. Israël a répondu avec force et, selon les autorités palestiniennes, environ 47 000 Palestiniens ont été tués, civils et militants confondus, dont la plupart sont des femmes, des enfants, et des personnes âgées.

Les conséquences du cessez-le-feu

Le professeur Rex Brynen, spécialiste de la politique du Moyen-Orient, la simulation de conflits, et le processus de paix Israëlo-arabe, m’a expliqué les raisons pour lesquelles le cessez-le-feu ne s’est produit que maintenant, après tant de négociations sans succès.

Tout d’abord, les effets de 15 mois de guerre ont commencé à se faire sentir : « Il y a un épuisement considérable chez les deux camps (tdlr) », explique Brynen. « Du côté du Hamas, les morts et les blessés sont nombreux et son soutien parmi les Gazaouis a baissé », tandis qu’Israël « ne peut pas atteindre la victoire totale ». Pourtant d’après le professeur Brynen, cela n’est pas la seule motivation des partis à signer un accord. Donald Trump avait clairement indiqué qu’il désirait la fin de la guerre avant son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier, et le professeur Brynen croit que d’une certaine manière, la pression qu’il exerçait était « plus crédible que tout ce que l’administration Biden est parvenue à faire. »

Pourtant, le professeur Brynen estime que le cessez-le-feu est loin d’être stable, en particulier la deuxième phase, dont les détails restent toujours à être négociés. « Quelques membres du cabinet israélien insistent sur une reprise de la guerre après la première phase et la libération partielle des otages », a‑t-il expliqué, puisqu’ils « nourrissent des ambitions d’expulser des Palestiniens du nord de Gaza et y établir des colonies israéliennes.» En effet, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a affirmé le 18 janvier qu’il considère le cessez-le-feu comme « provisoire » et a déclaré qu’Israël se garde « le droit de reprendre la guerre au besoin, et ce, avec le soutien des États-Unis ». Ce n’est pas encore clair si le président Trump soutiendra une telle politique, ayant lui-même annoncé des conséquences sévères si tous les otages n’étaient pas libérés dès son retour au pouvoir.

Quant au futur gouvernement de la bande de Gaza, tout demeure « peu clair », précise le professeur Brynen. Il considère qu’une administration palestinienne est « le mécanisme le plus logique », avec l’approbation implicite du Hamas et le soutien des organismes internationaux. Or, il est possible que Netanyahou préfère « le chaos » à Gaza, puisqu’un gouvernement plus stable « le contraindrait de mener des opérations militaires à Gaza et soutiendrait l’initiative pour un État palestinien », explique le professeur.

Les réactions des activistes propalestiniens

Le soir du 16 janvier, des dizaines de manifestants, dirigés par l’association des Étudiants pour l’honneur et la résistance de la Palestine (SPHR), se sont rassemblés devant le portail Roddick de McGill. La foule incluait plusieurs étudiants mcgillois, mais aussi de nombreuses autres personnes de tous âges, venues exprimer leur soutien pour le mouvement palestinien. Une manifestante mcgilloise a appelé l’événement « une expression d’espoir », tandis qu’un autre a remarqué que c’était « trop tôt pour une victoire ». Une autre a souhaité « mettre McGill dans l’embarras » en manifestant.

Après un moment de silence, la foule a commencé à scander divers slogans, dont « la résistance est justifiée », « l’occupation va tomber » et « de la mer à la rivière » entrecoupés de quelques discours. Un des orateurs proclamait que « le gouvernement israélien a été forcé à parvenir à un accord selon les conditions du peuple palestinien ».

« Tout le monde ici est vraiment heureux », a affirmé une représentante de SPHR qui souhaitait rester anonyme, en notant que « le travail n’est pas fini ». Elle a expliqué que « nous n’allons pas arrêter, en dépit du fait qu’il y ait un cessez-le-feu, nous sommes toujours ici », en affirmant continuer à appeler au désinvestissement. Une autre manifestante estime que le mouvement propalestinien « n’est pas transitoire », mais va plutôt s’inscrire dans la durée.

En décembre, après avoir examiné une requête par quelques membres de la communauté mcgilloise, le Conseil des gouverneurs a nié que l’investissement de McGill puisse être accusé de causer « du préjudice social », puisque les liens avec Israël sont indirects. Cependant, la communauté a trouvé cette politique « inadéquate » parce qu’elle compte « fermer les yeux sur les activités néfastes d’un associé ». La requête appelle McGill à désinvestir de toutes les compagnies ayant des liens économiques, directs ou indirects, avec Israël. La représentante de SPHR, qui a relié les investissements de McGill aux milliers de Palestiniens morts à Gaza, espère que le Conseil « prendra cela pour sérieux pendant la réunion à venir ».

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À quel jeu joue Elon Musk en Europe? https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/a-quel-jeu-joue-elon-musk-en-europe/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56833 Retour sur les récentes déclarations d’Elon Musk et sur ses objectifs.

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Après s’être assuré un pouvoir sans précédent aux États-Unis à la suite de sa nomination par Trump à la tête du département de l’Efficacité gouvernementale, Elon Musk s’attaque désormais à la scène politique européenne en ciblant différentes personnalités et partis politiques. Pour cela, Musk utilise son réseau social X comme caisse de résonance à son soutien à l’extrême droite, suscitant des accusations d’ingérence politique. Quels objectifs vise l’homme le plus riche du monde? Pourquoi s’en prendre à l’Europe ? Et quelles pourraient être les conséquences pour les relations américano-européennes? Pour répondre à ces questions, Jean-Yves Camus, journaliste, politologue et directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, livre au Délit son analyse sur ces prises de position controversées.

L’Allemagne et le Royaume-Uni en ligne de mire

À six semaines des législatives allemandes, Musk multiplie les attaques contre le chancelier Olaf Scholz, le qualifiant « d’imbécile incompétent (tdlr) », tout en affichant un soutien explicite à l’extrême droite en assurant que seul le parti d’extrême droite l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est en mesure de « sauver l’Allemagne ». Dans une tribune pour Die Welt, il a salué la politique de l’AfD en matière d’immigration, de réduction d’impôts et de dérégulation du marché.

Le jeudi 9 janvier, Musk a amplifié la controverse en participant et en organisant une diffusion en direct sur X avec Alice Weidel, la candidate de l’AfD aux élections législatives anticipées, provoquant l’indignation des dirigeants européens. Plusieurs parlementaires, dont Raphaël Glucksmann, la tête de liste française de PS-Place publique pour les élections européennes de 2024, ont appelé la Commission européenne à enquêter sur X et Tiktok et leur rôle potentiel dans la déstabilisation politique, exigeant des sanctions en cas de non-conformité aux règles européennes.

De manière semblable, depuis l’arrivée au pouvoir de Keir Starmer au Royaume-Uni en juillet 2024, Elon Musk a qualifié le premier ministre travailliste de dirigeant « maléfique » à la tête d’un « État policier tyrannique ». Il l’accuse notamment de ne pas avoir poursuivi des criminels impliqués dans des affaires de violences sexuelles dans le nord de l’Angleterre lorsqu’il était directeur des poursuites publiques entre 2008 et 2013, des accusations que Starmer réfute, dénonçant mensonges et désinformation.

Par ailleurs, Musk a proposé un soutien financier de 100 millions de dollars à Nigel Farage, chef du parti conservateur et eurosceptique Reform UK, pour renforcer l’opposition conservatrice, une offre déclinée par Farage. Le désaccord s’est creusé après le soutien affiché par Musk à Tommy Robinson, militant d’extrême droite et adepte des théories du complot, anti-immigration et anti-musulmans condamné en 2024 pour diffamation envers une jeune réfugiée d’origine syrienne.

Quels objectifs?

Selon Jean-Yves Camus, « toute la question est de savoir si Musk agit avec l’approbation de Donald Trump ou s’il continue, poussé par sa mégalomanie, à vouloir saturer l’espace d’un réseau social qui lui appartient ». Cette interrogation survient à quelques jours de l’investiture de Donald Trump, dans un contexte où les Européens s’inquiètent des conséquences de l’arrivée au pouvoir de ce dernier, notamment sur la défense du Vieux Continent dans l’éventualité d’une agression russe. Si l’hypothèse que Musk agit avec l’approbation de Trump se confirme, cela pourrait indiquer, selon Jean-Yves Camus, un projet politique bien plus ambitieux et préoccupant : celui de constituer un réseau populiste européen qui aurait pour but de propager la vision trumpiste, remettant potentiellement en cause les fondements démocratiques et institutionnels de l’Europe.

Le politologue met en garde contre le risque de donner une importance excessive à Elon Musk dans les affaires européennes. Il souligne également que ce type de rapprochement entre l’Europe et les soutiens de Donald Trump n’est pas une nouveauté. Jean-Yves Camus évoque notamment la Conservative Political Action Conference (CPAC), un rassemblement politique annuel des conservateurs américains. En 2019, Steve Bannon, ancien stratège de Donald Trump, avait tenté d’étendre cette initiative en Europe en s’immisçant dans les politiques nationales, à l’approche des élections européennes. Son objectif : « créer une fondation européenne destinée à fédérer les partis d’extrême droite », rappelle Camus. L’échec de Steve Bannon à fédérer l’extrême droite européenne rappelle que, tout comme Elon Musk qui se base davantage sur sa fortune et son influence, des partis comme le RN, Fratelli d’Italia, le FPÖ ou encore le Fidesz n’ont pas attendu des figures extérieures pour s’imposer sur la scène politique.

Jean-Yves Camus évoque une autre hypothèse pour expliquer les agissements d’Elon Musk : « miser sur sa force financière et médiatique pour entraîner dans son sillage des partis européens ». Selon lui, cela pourrait passer par des subventions et la promotion de contenus en période électorale, une stratégie qui n’est pas sans rappeler les objectifs politiques de l’ingérence russe, permettant de saturer un réseau social qui lui appartient pour l’alimenter, récupérer des données et faire parler de soi. Toutefois, il rappelle que les pays européens disposent de règles strictes encadrant le financement politique par des donateurs étrangers, tandis que le Parlement européen et la Commission veillent à empêcher toute transformation des élus en agents d’influence étrangère.

Elon Musk peut-il changer la donne en Europe?

En réalité, tout dépend de la réponse de l’Union Européenne (UE) et du degré de liberté que Trump laissera à Elon Musk à la suite de son investiture. « Tout dépend jusqu’où l’UE est prête à aller vis-à-vis de la puissance économique de Musk, qui est nettement supérieure à celle de nombre d’États », soutient Jean-Yves Camus. Le nouveau Parlement et la nouvelle Commission issus des élections de 2024, plus conservateurs, montrent peu d’appétit pour des actions fortes. Des figures comme la première ministre italienne Meloni négocient avec Von der Leyen, présidente de la Commission européenne tandis qu’Orbán, premier ministre hongrois ignore les sanctions européennes. Le politologue rappelle que « l’UE est malheureusement une non-puissance politique, freinée par une diplomatie commune faible et l’absence d’une armée propre », ce qui laisse l’avantage à Musk.

La relation entre Elon Musk et Donald Trump est un autre élément clé à surveiller. Pour l’instant, « Trump et lui ne sont pas encore en fonction et peuvent lancer les idées les plus extrêmes pour remercier les électeurs les plus radicaux », analyse Jean-Yves Camus. Toutefois, il nuance : « Ce sera plus compliqué quand la diplomatie, on peut l’espérer, reprendra ses droits. »

L’implication de Musk dans les affaires européennes, mais aussi dans les enjeux internationaux, dépasse largement le cadre des fonctions confiées par Trump. Cette omniprésence a conduit l’ancien président à déclarer lors d’un discours à Phoenix, en Arizona, le 23 décembre : « Non, il ne va pas devenir président. » Une remarque qui laisse entrevoir que l’orgueil de Trump pourrait être la seule véritable limite à l’influence croissante de Musk.

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Tarifs douaniers : Donald Trump à l’offensive https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/tarifs-douaniers-donald-trump-a-loffensive/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56849 Quand l’ambiguïté devient un levier politique.

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Depuis sa victoire aux élections présidentielles américaines du 5 novembre 2024, Donald Trump a été l’un des sujets principaux de l’actualité mondiale, et non sans raison. Le futur président n’a cessé de choquer la communauté internationale avec ses projets de politique étrangère. Entre les menaces d’une augmentation radicale des droits de douanes et une rhétorique expansionniste agressive vis-à-vis d’autres États souverains (Canada, Panama, Groenland, Danemark), Donald Trump semble imposer son rythme, face à des partenaires incertains, vulnérables, et dépendants des décisions américaines. Parmi les nombreuses annonces de Trump, lesquelles devraient-on réellement prendre au sérieux?

Fin novembre, Le Délit s’est entretenu avec Mark Brawley, professeur de science politique à McGill et spécialiste en économie politique, afin de mieux comprendre les futures décisions en matière de politique étrangère que Trump insufflera après son arrivée au pouvoir, le 20 janvier prochain.

Des menaces économiques

Sur le plan économique, Donald Trump a présenté des ambitions très agressives à l’encontre des pays étrangers. Il considère que les accords commerciaux actuels ne sont pas « justes » vis-à-vis des États-Unis, et souhaite donc rétablir un équilibre plus favorable pour le pays. Donald Trump a mentionné l’idée d’augmenter de 10% les tarifs douaniers pour tout produit importé aux États-Unis. Il a aussi menacé plus sévèrement le Canada et le Mexique de mettre en place des tarifs douaniers de 25% sur les produits provenant de ces pays, si ces derniers ne réajustent pas, entre autres, leurs politiques migratoires et anti-drogues.

Selon le professeur Brawley, il est difficile de savoir précisément quels droits de douane seront mis en place par Trump. Il estime qu’il y aura certainement des exceptions pour les pays que Trump considère comme « amis ». Une deuxième chose à prendre en compte sera l’agenda individuel des personnalités entourant le président. Ces derniers risquent de réaliser des accords parallèles les avantageant. Prenant l’exemple du milliardaire Elon Musk, nommé à la tête d’un futur « ministère de l’efficacité gouvernementale », Brawley considère qu’ « il est probable que des droits de douane soient appliqués sur des pièces provenant de pays étrangers, à l’exception des pièces dont Tesla a besoin, (tdlr)». Ce type d’accord a déjà eu lieu entre les deux hommes, notamment lorsque Donald Trump, connu pour ses positions anti-véhicules électriques, avait radicalement changé sa position vis-à-vis de ces derniers pour obtenir le soutien du milliardaire, propriétaire de Tesla, lors des élections présidentielles.

Quelles conséquences?

Donald Trump veut donc utiliser la puissance économique américaine pour favoriser les États-Unis, quel qu’en soit le prix pour les partenaires économiques du pays. Brawley assure néanmoins que si les États-Unis sont depuis plusieurs décennies dans une position hégémonique à l’échelle internationale, c’est en partie grâce à la libéralisation du commerce international ainsi qu’à la réduction des droits de douane : « Les États-Unis sont dans une très bonne position parce qu’ils ont été au centre de ce nouvel ordre économique libéral. » Brawley ajoute qu’en voulant utiliser la position dominante américaine pour faire pression sur le reste du monde, Trump risque de compromettre l’équilibre qui a lui-même permis l’hégémonie américaine en utilisant la menace économique, Brawley considère que Trump « se tire une balle dans le pied ».

En effet, selon Brawley, « l’économie américaine reste très intégrée au reste du monde, elle a besoin des marchés étrangers. Dans le passé, à chaque fois qu’un pays a décidé d’ignorer le reste du monde au niveau commercial en mettant en place des droits de douane de manière unilatérale, les autres pays ont répondu ». Si la simple imposition de droits de douane crée déjà une inflation et ne bénéficie pas aux consommateurs américains, les réponses des pays étrangers risquent de diminuer la capacité des entreprises américaines à faire concurrence sur les marchés étrangers. Ce sera donc à la fois les processus de production qui seront impactés et la demande internationale elle-même.

Le 9 janvier 2025, le premier ministre Justin Trudeau a soutenu dans une entrevue pour CNN que le partenariat commercial entre le Canada et les États-Unis (encadré par l’Accord Canada-États-UnisMexique de 2020) est « gagnant-gagnant », mais a ajouté que si Washington imposait des tarifs douaniers de 25%, le Canada répondrait en conséquence.

Une administration imprévisible

Selon le Professeur, « Donald Trump n’est pas particulièrement lié à des principes ou à une idéologie, ce qui rend ses objectifs et décisions difficiles à prédire ». Si la personnalité de Donald Trump est par nature impulsive et imprévisible, le professeur Brawley souligne que la situation politique entre le premier mandat de Donald Trump et son second mandat est complètement différente. Trump dispose désormais d’une plus grande capacité d’action. « Lorsqu’il est entré en fonction en 2017, il avait de nombreux conseillers très expérimentés autour de lui, en particulier sur l’aspect sécuritaire de la politique étrangère. Plusieurs d’entre eux étaient des anciens militaires, qui avaient prêté serment de défendre la Constitution. Ainsi, lorsque Trump leur demandait de faire quelque chose qui allait à l’encontre des normes ou de la Constitution, ils devaient lui répondre : “Non, vous ne pouvez pas faire ça”. » Désormais, la situation est différente: d’après Brawley, ce ne sera « certainement pas des officiers militaires. Trump va s’entourer principalement par des “yes-men”, afin d’éviter les contraintes auxquelles il a dû faire face lors de son premier mandat ». Quelques jours après notre entrevue avec le professeur Brawley, Donald Trump a par exemple nommé Pete Hegseth, un animateur de Fox News, comme secrétaire à la Défense. Ce dernier passera donc des plateaux télévisés au Pentagone, pour diriger l’armée la plus puissante du monde.

Brawley considère que les institutions donneront elles aussi plus de liberté à Trump. En plus de diriger l’exécutif, Trump dispose d’une nouvelle majorité républicaine au congrès, ce qui lui facilitera la mise en place de son programme. Brawley ajoute que son pouvoir au sein du parti républicain s’est aussi renforcé depuis son premier mandat : « si vous regardez les personnes à la tête du Parti républicain au Congrès en 2017, ils n’étaient pas des Trumpistes, tandis qu’aujourd’hui, ils le sont. » Il y a moins de chances que le Congrès s’oppose à ses projets. Finalement, en raison de la décision de la Cour suprême sur l’immunité présidentielle, il pense également qu’il a le feu vert des tribunaux, même s’il est peu probable que ce soit le cas.

A la suite de notre entrevue avec le professeur Brawley, Donald Trump a multiplié les annonces expansionnistes, mentionnant l’idée d’annexer le canal de Panama, le Groenland, et même de faire du Canada le 51e état américain. Recontacté depuis, Brawley considère que ces annonces sont principalement des moyens de pression, tout comme les tarifs douaniers, pour pousser ces pays à ajuster leur politique aux ambitions de la nouvelle administration américaine. L’imprévisibilité et l’ambiguïté des intentions du personnage font partie intégrante de sa stratégie, visant à obtenir des concessions par la menace de répercussions économiques : le 20 janvier prochain marquera donc le début d’un second mandat pour Donald Trump, ainsi qu’un retour à la diplomatie du rapport de force.

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Inondations en Espagne : entre colère et solidarité https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/inondations-en-espagne-entre-colere-et-solidarite/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56568 Retour sur un épisode meurtrier.

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Les 29 et 30 octobre derniers, plusieurs régions espagnoles, notamment Valence, Castille-La Manche et l’Andalousie, ont été touchées par des pluies torrentielles provoquant de violentes inondations. En date du 5 novembre, ces dernières avaient causé la mort de 219 personnes, ainsi que la disparition de 89 autres individus, un bilan encore provisoire. Cette catastrophe a entraîné de très lourds dégâts matériels dans l’ensemble de la région, dont la destruction de nombreux logements et infrastructures. Dans la région valencienne, ce sont principalement les villages de la banlieue de Valence qui ont été touchés et ravagés par les inondations.

Selon une première étude du World Weather Attribution, le réchauffement climatique serait une des causes principales de ces pluies diluviennes associées au phénomène DANA (Dépression Isolée à Niveau Élevé). Ce phénomène est un système météorologique destructeur et fréquent dans le bassin méditerranéen, dans lequel l’air froid et l’air chaud se rencontrent et produisent de puissants nuages de pluie. Néanmoins, cet épisode d’inondation constitue, selon le premier ministre Pedro Sánchez, « le plus grave que [l’Europe] ait connu depuis le début du siècle (tdlr) ». Selon l’analyse, les pluies qui ont frappé l’Espagne ont été 12% plus importantes que si le climat ne s’était pas réchauffé. De nombreux spécialistes ont aussi pointé du doigt « l’urbanisation incontrôlée » de la région, qui a accru l’imperméabilité des sols, provoquant une augmentation des risques d’inondation et de sécheresse.

« À 20h seulement, l’alerte d’urgence que l’on reçoit sur les téléphones portables s’est déclenchée. Mais à ce stade, tout s’était déjà produit : dès 18h, les gens étaient en train de se noyer dans tous ces villages »

Vanessa Verde, enseignante

À la suite des inondations, les habitants des zones sinistrées se sont mobilisés afin de commencer à réorganiser les villes, de retrouver les personnes disparues, et de venir en aide aux plus nécessiteux. Le gouvernement espagnol a également mobilisé l’armée et débloqué des fonds d’urgence pour venir en aide aux victimes ; cependant, beaucoup ont jugé cette réponse trop lente et inadaptée, et ont exprimé leur mécontentement. Afin de mieux comprendre la situation, Le Délit s’est entretenu avec Vanessa Verde, une enseignante vivant à Valence et qui, avec sa famille, s’est mobilisée pour venir en aide aux sinistrés.

Une colère grandissante

Plus de 10 jours après les inondations, la colère des habitants des communes touchées ne diminue pas. Le 9 novembre dernier, des centaines de milliers de personnes ont défilé dans Valence pour protester contre la gestion défaillante des institutions du pays. Dans les rues de la ville, les pancartes des manifestants illustrent la colère des survivants : « Nous sommes couverts de boue, vous avez du sang sur les mains. » En chœur, ils demandent la démission du président de la région autonome, Carlos Mazón. Celui-ci avait attendu plusieurs heures avant de lancer l’alerte à la communauté. Vanessa affirme en effet que le soir du 29 octobre, « à 20h seulement, l’alerte d’urgence que l’on reçoit sur les téléphones portables s’est déclenchée. Mais à ce stade, tout s’était déjà produit : dès 18h, les gens étaient en train de se noyer dans tous ces villages ». L’agence météorologique espagnole Aemet avait de son côté communiqué les risques d’inondations plusieurs jours auparavant, et sonné l’alerte rouge dès le mardi 29 octobre au matin.

Selon Vanessa, la révolte se fait ressentir au sein de la communauté espagnole au niveau régional comme national : « Nous sommes en colère contre tout le monde. » En effet, beaucoup reprochent également au gouvernement du premier ministre Pedro Sánchez d’avoir été passif. En effet, celui-ci attendait la demande du président de la région autonome pour envoyer de l’aide militaire supplémentaire. Néanmoins, « selon la loi espagnole, lorsque plus d’une communauté est en danger, le gouvernement [central, ndlr] doit prendre les commandes. Et dans ce cas-ci, il y avait trois communautés particulièrement affectées : Valence, Castille-La Manche et l’Andalousie ». L’opinion publique concernant le Roi, quant à elle, est divisée. Si certains admirent sa venue dans les villages touchés et son soutien aux habitants dans les jours suivant la catastrophe, d’autres ont exprimé leur colère en l’accueillant avec des jets de boue lors de son passage à Paiporta, l’épicentre des inondations.

Élan de solidarité

Les inondations ont marqué une élan de solidarité importante au sein de la population, et à travers toute l’Espagne. Dans la région de Valence, des foules impressionnantes de bénévoles se sont rendues dans les villages dans l’espoir d’aider les habitants à la reconstruction de leurs communautés. Vanessa et sa famille se sont rendus dans un village près de Valence, Picaña, pour prêter main forte aux sinistrés. « C’était comme une zone de guerre », explique-t-elle. Avec émotion, elle loue les efforts de tous, mais particulièrement ceux des jeunes : « Tous ces gens ont commencé à traverser les ponts, et c’était émouvant, tous ces jeunes qui aidaient : ils les appellent maintenant la “génération cristal”. C’était impressionnant. » Sa fille Bianca, étudiante en orthodontie, s’est elle aussi rendue dans plusieurs villages pour aider les personnes dans l’incapacité de se déplacer en besoin de services médicaux. « Il y avait des personnes qui, par exemple, avaient des points de suture parce qu’elles avaient subi une opération dentaire, alors [Bianca, ndlr] est allée les retirer à leur domicile. »

Lors du nettoyage des communes, les citoyens continuent de reprocher aux gouvernements locaux et nationaux d’avoir été cruellement absents dans l’aide aux survivants et à la gestion des dégâts matériels. Dans les jours suivant le 29 octobre, l’arrivée tardive des secours et les moyens insuffisants pour reconstruire les villes ont laissé les habitants hors d’eux : « On ne voyait pas de pompiers, pas de militaires, rien ; juste des bénévoles. Juste des citoyens, comme moi, comme ma fille, comme tous les amis de ma fille, qui sont allés aider. » Selon Vanessa, le peuple se sent abandonné par son gouvernement. « C’est de là qu’est née l’expression : “Le peuple sauve le peuple” : les seuls à pouvoir vous sauver, ce sont vos voisins. »

Et maintenant?

L’éducation est aussi directement touchée par les événements. De nombreux écoles, collèges et lycées ont été entièrement détruits par le passage de l’eau, laissant enfants, parents et enseignants désemparés. Certaines communautés tentent de trouver des solutions pour que les élèves bénéficient d’une éducation d’une manière ou d’une autre : « Il y a des endroits où des centres sportifs ont été sauvés parce qu’ils se trouvaient dans une zone plus élevée », permettant ainsi aux enseignants de les transformer temporairement en salles de classe, explique Vanessa. Mais cette initiative ne suffira probablement pas à reloger l’entièreté des nombreux élèves sinistrés.

À la suite des inondations, le premier ministre espagnol Pedro Sánchez a annoncé une aide d’urgence de plus de 10 milliards d’euros pour soutenir les victimes et les entreprises de la région. Cette aide a pour but premier de permettre la remise en état des grandes infrastructures affectées, ainsi que la restauration des logements. Bien que le premier ministre n’ait pas fait appel à l’aide des autres pays de l’Union européenne pendant les inondations (notamment aux propositions d’envoi de pompiers et d’équipes d’assistances), il a annoncé avoir pris contact avec la Commission européenne pour demander de l’aide financière auprès du Fond de solidarité européen. Vanessa soupçonne néanmoins que les aides ne soient pas aussi rapides que l’affirme le gouvernement : « Ils ont dit qu’il n’y aurait pas de bureaucratie, espérons que ce soit le cas, mais j’en doute. » Au cours des prochaines semaines, les yeux seront donc rivés sur les actions du gouvernement, et sa capacité à mettre en œuvre ses promesses aux espagnols.

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SOS d’un activiste en détresse https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/sos-dun-activiste-en-detresse/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56471 La France est-elle la planche de salut attendue par Paul Watson?

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Cela fait un peu plus de trois mois que le militant écologiste Paul Watson est incarcéré dans la prison de Nuuk, au Groenland. Il a été arrêté le 21 juillet 2024, alors qu’il était en route pour intercepter un baleinier japonais et faisait escale sur le territoire autonome danois. La cause de son arrestation découle du mandat d’arrêt déposé en 2012 par le Japon à son égard, via l’Organisation internationale de police criminelle, Interpol. Le pays l’accuse de conspiration d’abordage et plus généralement de blocage volontaire des routes empruntées par leurs baleiniers. L’affaire reprend de l’ampleur après la demande de Watson d’obtenir le droit d’asile, puis la nationalité française au président Emmanuel Macron ce 24 octobre. À travers ces deux requêtes, l’activiste tente d’éviter l’extradition au Japon après la fin de son emprisonnement, prévue le 13 novembre.

Paul Watson, défenseur des baleines

L’activiste américano-canadien est connu pour avoir fondé l’association Sea Shepherd, une Organisation Non Gouvernementale (ONG) déployant des méthodes de lutte à grande échelle pour la protection des océans et de la vie marine. Depuis la création de l’association en 1977, Watson s’est battu pour dénoncer la chasse à la baleine, en s’interposant sur les lieux de pêche pour en empêcher l’activité, notamment face aux baleiniers japonais. Les tensions entre l’ONG et Tokyo ne font qu’augmenter depuis quelques années, particulièrement depuis la collision entre un navire nippon et un voilier Sea Shepherd en 2010, dont Watson est tenu responsable par les autorités japonaises. Depuis son lieu de détention, Paul Watson affirme que cette requête d’extradition sur le territoire japonais ressort plus du domaine politique que judiciaire, car le militant est devenu un symbole « gênant » pour les autorités japonaises et danoises.

Une extradition contestée

Le Japon est l’un des seuls pays qui pratique encore à ce jour la chasse aux baleines, avec la Norvège et l’Islande. Le pays avait pourtant adhéré à la Convention baleinière internationale créée en 1986, qui avait pour but d’interdire la chasse commerciale de la baleine, notamment par la création de deux sanctuaires dans les océans Indien et Austral. Cependant, après avoir contourné ces interdictions en justifiant la nécessité d’activités scientifiques, le Japon s’est finalement retiré de la Convention en 2019. De plus, les conditions d’extradition sont questionnées par la Fondation Captain Paul Watson (CPWF), puisque la notice rouge d’Interpol – l’avis international émis par le Japon aux autres pays membres afin d’appréhender Paul Watson plus facilement – a été rendue confidentielle par l’archipel nippon. Autrement dit, Paul Watson ne figurait plus visiblement sur la liste des notices rouges lorsqu’il a accosté au Groenland, lui faisant croire que le mandat d’arrêt contre lui n’était plus en vigueur. On parle ici d’instrumentalisation des notices rouges d’Interpol, une pratique contre laquelle le Parlement européen s’est positionné dans le passé en dénonçant cette dérive comme une violation des droits de l’Homme. De plus, selon Me (Maître) Juliette Chapelle, avocate au barreau de Paris, le fait que la notice ne soit plus visible pourrait représenter un motif d’annulation de la demande d’extradition formulée il y a plus de 10 ans.

« Selon Paul Watson, le vrai “pirate” demeure le Japon qui continue d’exercer la chasse à la baleine, pratique pourtant déclarée illégale par la Cour internationale de justice de la Haye en 2014 »

Deux bouteilles à la mer lancées à la France

Le 16 octobre 2024, l’activiste a fait une première demande de droit d’asile à la France, un choix qui n’a pas été fait au hasard. Étant donné que le pays possède la deuxième plus grande interface maritime mondiale, il a comme devoir de se présenter comme pilier dans la préservation des milieux marins, ce qui inclut indirectement la protection du fondateur de Sea Shepherd. Ce choix repose également sur le lien affectif que Paul Watson éprouve envers la France, qu’il considère comme « son port d’attache ». Cependant, comme l’explique la ministre française de la Transition écologique, la demande de droit d’asile en France ne peut être formulée que par des individus étant déjà situés sur le territoire français, condition que Watson est dans l’incapacité de remplir pour le moment. Si une exception pouvait être envisagée, les chances demeurent incertaines, étant donné l’issue de la demande de droit d’asile formulée par Julian Assange en 2021. La France avait rejeté la demande du lanceur d’alerte australien alors qu’il tentait d’éviter l’extradition aux États-Unis, après avoir libéré des informations confidentielles concernant des activités diplomatiques et militaires américaines sur son site WikiLeaks. Les circonstances de son incapacité à pouvoir se trouver sur le territoire français n’étaient, selon les autorités françaises, pas assez exceptionnelles pour faire entorse à la règle régissant le droit d’asile. Bien que le contexte entourant l’emprisonnement de Watson ne soit pas identique à celui d’Assange, le facteur clé reste sa libération.

En ce qui concerne la demande de nationalité française formulée huit jours plus tard, le 24 octobre, une disposition du code civil français permet qu’à titre exceptionnel, et seulement par décret du ministre de l’Intérieur, la nationalité française puisse être accordée à des personnes ayant des liens particuliers ou contribuant de manière significative à la société française. Dans le cas de Paul Watson, cette contribution est environnementale. Selon Me François Zimeray, l’un des avocats de Watson, la demande a des chances d’aboutir puisqu’elle est juridiquement possible. Pour le moment, la requête est toujours en révision.

Une position française délicate

Ayant le deuxième plus grand taux d’importation d’Asie, le Japon est un partenaire commercial essentiel pour la France, et revêt une importance stratégique dans la région indo-pacifique. Ce lien a été renforcé par la signature d’un pacte de sécurité et de défense ce 1er novembre, qui tente de consolider les domaines de sécurité et de défense entre le Japon et l’Union Européenne. Si la France décide de protéger le militant, il est probable que les relations entre les deux pays se refroidissent, et que des représailles soient attendues du côté japonais, que ce soit sur le plan diplomatique, ou plus indirectement, à travers des régulations commerciales.

En ce qui concerne l’opinion publique, son soutien envers Paul Watson est visiblement exprimé lors des manifestations organisées pour exiger la libération de l’activiste, notamment celle du 4 septembre 2024 sur la place de la République à Paris, avec un slogan scandé par tous et partout : « Sauver les baleines n’est pas un crime ». Une pétition a été signée par plus de 388 000 personnes, dont des écologistes et des figures politiques, et une musique a même été créée en soutien au militant, Le Dernier mot. Le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot affirme que la cause défendue par l’américano-canadien est « juste et noble », et qu’elle est partagée par la France.

Un avenir incertain

L’emprisonnement de Watson doit prendre fin le 13 novembre 2024, mais la suite reste pour le moment incertaine. En effet, si la nationalité française était acceptée, elle ne garantirait pas pour autant la non-extradition au Japon, ce qui laisse l’avenir de Paul Watson entre les mains des autorités danoises. « Il faut que les Danois se positionnent et comprennent que ce que cet homme subit est totalement disproportionné par rapport à ce qu’on l’accuse d’avoir fait, qu’il n’a pas commis », affirme Me Zimeray. Paul Watson a d’ailleurs déclaré que « si [la justice danoise] [l]’envoie au Japon, [il] y mourrait », compte tenu des conditions d’emprisonnement particulièrement sévères auxquelles il s’attend sur le territoire japonais. Me Zimeray estime qu’une décision d’extradition de la part du Danemark reviendrait à « violer leur propre Constitution ». Les avocats de Watson ont promis de saisir la Cour Suprême danoise, voire la Cour Européenne des Droits de l’Homme si l’extradition a lieu. Selon le militant, le vrai « pirate » demeure le Japon qui continue d’exercer la chasse à la baleine, pratique pourtant déclarée illégale par la Cour internationale de justice de la Haye en 2014. Comme le cite la chanson créée pour lui, si justice est accordée pour Paul Watson, « le dernier mot, c’est la mer qui l’aura ».

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Le dilemme Russie-Europe https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/le-dilemme-russie-europe/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56469 Retour sur les élections législatives en Géorgie et présidentielles en Moldavie.

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Depuis la chute de l’URSS, les anciennes républiques soviétiques se cherchent. En effet, ce choc majeur, qui à l’époque ne tombait pas sous le sens, a apporté un vent de changement sans précédent pour ces pays. Dotés d’une indépendance nouvelle, ils ont été confrontés à un nouveau défi : un défi identitaire. Comment se redéfinir au sortir de la période soviétique? Comment réécrire leur histoire? Surtout, quelle serait leur orientation géopolitique? Préféreraient-ils se rapprocher d’une identité européenne, ou alors s’aligner avec la Russie, principale héritière de l’URSS? Ces derniers jours, ces dynamiques identitaires et géopolitiques qui tiraillent encore de nombreux pays post-soviétiques se sont manifestées à travers les élections législatives en Géorgie et les élections présidentielles en Moldavie. En entrevue avec Le Délit, Magdalena Dembinska, professeure de science politique à l’Université de Montréal et spécialiste des politiques identitaires dans l’espace post-soviétique, discute des dynamiques cachées derrière ces élections.

Le paradoxe Géorgien

Selon Dembinska, une majorité de la population géorgienne – environ 80% – soutient l’adhésion à l’Union Européenne (UE). Cependant, durant les élections législatives du 26 octobre, c’est le Rêve Georgien, parti conservateur proche de la Russie au pouvoir depuis 2012, qui l’a emporté avec environ 54% des suffrages. De
son côté, la coalition pro-européenne a obtenu un score décevant, avec environ 37% des voix
. Pourquoi, si ses habitants sont tant pro-européens, la Georgie continue-t-elle d’être dirigée par le Rêve Georgien? Pourquoi le pays continue-t-il de s’orienter vers la Russie, alors que les deux camps se sont affrontés en 2008 dans un conflit violent qui reste très présent dans la mémoire des Géorgiens? Dembinska explique que la couverture médiatique occidentale des élections en Géorgie se concentre beaucoup, et même trop, sur l’orientation géopolitique du pays. « Il y a un paradoxe, effectivement : si 80% de la société est pro-européenne, pourquoi les citoyens n’ont-ils pas voté massivement pour l’opposition? Simplement parce que les enjeux électoraux ne tournent pas juste autour de la géopolitique. Nous, en Occident, on se dit “le choix est entre l’Union européenne et la Russie”, mais il y a d’autres enjeux pressants pour monsieur et madame tout-le-monde, probablement plus importants à leurs yeux que la géopolitique. »

Ainsi, même si au niveau identitaire, une majorité de Géorgiens sont favorables à l’intégration européenne, au niveau domestique, c’est une politique basée sur la préservation du statu quo qui l’emporte. Dembinska raconte en effet que la Géorgie est une société qui demeure conservatrice, où l’Église orthodoxe a toujours une place importante. La stabilité offerte par le Rêve Georgien séduit plus que l’incertitude associée à la coalition de l’opposition, qui est « très fragmentée » : « Le programme de l’opposition reste relativement obscur. Outre le fait d’avoir une orientation pro-européenne, le programme socio-économique au niveau domestique reste flou. Parce que l’opposition est une coalition, elle s’entend sur l’orientation géopolitique, mais pas sur d’autres enjeux qui sont importants dans l’agenda des électeurs. En parallèle, le Rêve Géorgien présente un visage rassurant pour de nombreux citoyens. »

Par ailleurs, les ambitions du Rêve Géorgien sont claires : bien que le parti ne soit pas explicitement anti-européen, sa politique ressemble de plus en plus à celle de la Russie. En mai dernier, l’adoption de la loi sur « l’influence étrangère » avait beaucoup fait parler, notamment à cause de sa ressemblance avec la loi russe sur les « agents de l’étranger », utilisée comme un outil de contrôle de la société civile par Vladimir Poutine. En Géorgie, cette loi impose maintenant aux ONG et aux médias qui bénéficient de plus de 20% de financement international à s’inscrire comme organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère et de subir un contrôle administratif.

« Si les 80% de la société est pro-européenne, pourquoi les citoyens n’ont-ils pas voté massivement pour l’opposition? Simplement parce que les enjeux électoraux ne tournent pas juste autour de la géopolitique »


Magdalena Dembinska, professeure de sciences politiques à l’Université de Montréal

Quelle relation Géorgie-Europe?

Alors que la Géorgie s’était vue accorder le statut de candidate à l’adhésion à l’Union Européenne en décembre 2023, depuis le passage de la loi sur l’influence étrangère, les relations entre la Géorgie et l’UE sont froides. Au vu de ses idées, la nouvelle victoire du Rêve Géorgien ne favorisera probablement pas de rapprochement avec Bruxelles. Par ailleurs, la visite du premier ministre hongrois Viktor Orbán à Tbilissi du 28 au 30 octobre remet en question non seulement les relations Europe-Géorgie, mais également les divergences politiques au sein même des institutions européennes. En effet, le dirigeant hongrois, dont le pays préside le Conseil de l’UE depuis juillet, a envoyé un signal clair en félicitant le Rêve Géorgien, présentant une vision différente de l’UE, qui se retrouve dans un certain conservatisme.

Selon Dembinska, le message du premier ministre hongrois est clair, et prône une vision identitaire qui n’est ni complètement pro-russe, ni complètement européenne : « Ce n’est pas la première fois qu’Orbán manifeste un intérêt pour la Géorgie, parce qu’il la voit comme une potentielle alliée dans sa vision de l’Europe et sa manière de faire de la politique. Avec la Géorgie, il veut renforcer cette vision européenne alternative, non-progressiste, et un peu plus autocratique. Qu’Orbán se déplace en Géorgie, ce n’est pas très étonnant. » La visite d’Orbán a été vivement critiquée par les observateurs européens et de nombreux Géorgiens, qui s’étaient réunis à Tbilissi pour manifester contre la victoire du Rêve Géorgien, qu’ils estiment illégitime. Le résultat des élections reste un enjeu disputé, source de division entre acteurs politiques et citoyens.

Et la Moldavie?

La Moldavie ressemble à la Géorgie en raison de sa nature post-soviétique. Cependant, les ressemblances se limitent à cela, puisqu’au niveau de l’intégration européenne, la Moldavie est nettement plus polarisée. La Transnistrie, république sécessionniste auto-proclamée proche de la Russie, située sur le territoire moldave à la frontière de l’Ukraine, illustre parfaitement cette profonde division. En parallèle, Maia Sandu, présidente du pays depuis 2020, est très pro-européenne. Vers la fin du mois d’octobre, elle a notamment organisé un référendum national qui visait à inclure la volonté de rejoindre l’UE dans la constitution moldave. Ce référendum s’est conclu par une victoire du « oui » d’extrême justesse, avec 50,46% des voix. Cependant, au niveau domestique, le référendum est contesté, car c’est le vote de la diaspora qui a fait pencher la balance en faveur du « oui » : le référendum n’a donc que peu de légitimité au sein du pays. Par ailleurs, lors du premier tour des présidentielles du 20 octobre, Maia Sandu et l’Union Européenne ont dénoncé des irrégularités systématiques et une forte ingérence russe. Il a été plus tard prouvé qu’un système massif d’achat de votes avait été déployé par un oligarque moldave réfugié à Moscou après une condamnation pour fraude.

Au dimanche 3 novembre, et avec 97% des votes comptés, Maia Sandu est réélue pour un deuxième mandat avec environ 54% des voix. Encore une fois, les autorités moldaves ont dénoncé une forte ingérence russe. Cependant, le futur pro-européen de la Moldavie, candidate à l’adhésion depuis juin 2022, est toujours incertain. En effet, il faudra garder un œil sur le résultat des élections parlementaires de 2025 : si les forces conservatrices pro-russes parviennent à prendre le contrôle du Parlement, « toutes les réformes risquent d’être beaucoup plus difficiles à mener. La Moldavie sera toujours sur la route de l’adhésion à l’UE, mais cette route risque d’être très longue et sinueuse », explique Dembinska. Le futur de la Moldavie sera aussi influencé par Moscou : la récente ingérence dans les élections, ou la possible instrumentalisation du statut de la Transnistrie montrent que la politique intérieure moldave peut à tout moment être déstabilisée.

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Le débat vice-présidentiel aux États-Unis pourrait-il changer la donne? https://www.delitfrancais.com/2024/10/09/le-debat-vice-presidentiel-aux-etats-unis-pourrait-il-changer-la-donne/ Wed, 09 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56189 Retour sur l’échange Vance-Walz du 1er octobre.

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Ce mardi 1er octobre, les candidats à la vice-présidence des États-Unis, le gouverneur du Minnesota Tim Walz pour les démocrates et le sénateur James David (J.D.) Vance de l’Ohio pour les Républicains, se sont affrontés dans un débat télévisé dans l’ensemble cordial, au cours duquel ils ont abordé une variété de sujets clivants, incluant l’avortement, l’immigration, la violence armée et le système de santé. À seulement 35 jours des élections, il est difficile de déterminer l’impact concret du débat sur la course électorale aux États-Unis. Comme le souligne Julien Rivière, vice-président de l’association étudiante Democrats @McGill : « La plupart des électeurs se concentrent sur les candidats à la présidence […]. Le débat des vice-présidents a certainement joué un rôle dans l’éducation des électeurs sur les positions de chaque candidat, mais en fin de compte, il a rarement un impact réel (tdlr). » Cette année pourrait toutefois faire exception selon Leonard Moore, ancien professeur d’histoire à l’Université McGill et spécialiste de l’histoire politique des États-Unis : « Chaque étape de la campagne est cruciale dans le contexte actuel. Même si le débat ne change que 5 000 voix dans un État, celles-ci peuvent être déterminantes. »

L’immigration, l’avortement et l’élection de 2020

Tout au long du débat, J.D. Vance a pris pour cible Kamala Harris, mettant en doute sa capacité à déjà mettre en oeuvre ses objectifs actuels : « Si Kamala Harris a de si bons projets pour résoudre les problèmes de la classe moyenne, elle devrait les mettre en œuvre maintenant. Pas en demandant une promotion, mais dans le cadre du poste que le peuple américain lui a confié il y a trois ans et demi. » Vance a également tenu Harris responsable de nombreux problèmes sociétaux aux États-Unis, notamment en matière d’immigration, affirmant que le pays fait face « à une crise historique de l’immigration, parce que Kamala Harris a modifié les politiques frontalières de Donald Trump ».

De son côté, Tim Walz a défendu les politiques démocrates en matière d’accès à l’avortement et de droits des femmes. Lorsque Vance l’a accusé d’adopter une « position très radicale en faveur de l’avortement », Walz a répliqué : « Non, ce n’est pas le cas. Nous sommes pour les femmes. Nous sommes pour la liberté de faire son propre choix. » Il a également été intraitable sur la question de la violence armée aux États-Unis. En réponse à l’insinuation de J.D. Vance suggérant que la santé mentale serait à l’origine du problème, Tim Walz a déclaré que cette idée était infondée et dangereuse : « Ce n’est pas parce qu’on souffre d’un problème de santé mentale qu’on est forcément violent. […] Le vrai problème, c’est les armes. C’est juste les armes. »

Selon Leonard Moore, le moment le plus marquant du débat pour Walz est survenu à la toute fin, lorsqu’il a confronté son adversaire sur la défaite électorale de Trump en 2020, posant la question : « Est-ce que [Trump] a perdu l’élection de 2020? » Vance a répondu : « Tim, je me concentre sur l’avenir », ce à quoi Walz a rétorqué : « C’est une non-réponse accablante. » En refusant de répondre, J.D. Vance aurait d’après Moore permis à Walz de reprendre in extremis le dessus dans le débat.

Vance tente de redorer son image

Avant de prendre place sur la scène du débat, J.D. Vance affichait un taux d’approbation inhabituellement bas pour un colistier à l’élection présidentielle. Au cours des semaines précédant l’événement, il avait attiré l’attention du public par ses remarques incendiaires. Une vidéo de lui remettant en question l’apport à la société des femmes sans enfants, les qualifiant de « dames aux chats (tdlr) » (childless cat ladies), a fait grand bruit sur les réseaux sociaux, de même que son insinuation infondée selon laquelle les immigrants haïtiens à Springfield mangent les animaux de compagnie des habitants.

Selon un sondage réalisé par CBS auprès de 1 630 électeurs potentiels ayant regardé le débat, la popularité de J.D. Vance a grimpé de 9 points de pourcentage, passant de 40 % à 49 %. Leonard Moore souligne que Vance a su tempérer ses opinions pendant le débat. Il s’est présenté d’abord comme un père de famille, préoccupé par le bien-être des Américains de classe moyenne. Lorsqu’il a été interrogé sur la violence armée aux États-Unis, il a pris la parole en tant que parent : « On envoie nos enfants à l’école avec tellement de joie, d’espoir et de fierté. Et l’on sait, malheureusement, que beaucoup d’enfants vont être affectés par l’épidémie de la violence armée. »

Leonard Moore estime que cette façade calme et presque chaleureuse lui a permis de rendre « plus digestes » ses théories plus extrêmes, tout en réfutant de manière convaincante les critiques qu’on lui adressait. Il avance également que Vance semble envisager une candidature pour les élections de 2028 : « On a l’impression en voyant ce Vance moins radical, plus raisonnable, qu’il a l’objectif de se présenter aux élections de 2028. Il veut donner l’impression d’être l’héritier logique de l’empire que Trump a fondé. »

« De nombreux commentateurs ont noté que le ton du débat est resté très cordial, beaucoup plus que celui du débat présidentiel, et ce malgré la portée controversée des thèmes abordés »

Une performance en demi-teinte pour Walz?

De son côté, Tim Walz se positionnait avant le débat comme un homme politique modéré, relativement peu connu du public. Avant d’être choisi comme colistier, il avait toutefois déjà attiré l’attention en qualifiant les Républicains de « bizarres » (weird), une critique ayant fait mouche dans le clan républicain. Celle-ci s’est d’abord propagée par des entrevues dans les journaux, et s’est ensuite répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux.

Cependant, son attitude lors du débat était largement moins conflictuelle. D’après Moore, « Walz n’était pas dans la confrontation. […] Je ne sais pas s’il s’agissait seulement d’une question de caractère, d’inexpérience en débat ou encore d’une stratégie pour rejoindre les électeurs indécis ». Au final, il paraissait « un peu dépassé par les événements ». Malgré une performance moins convaincante, la popularité de Walz aura elle
aussi augmenté lors du débat, passant de 52 % à 60 % selon les statistiques de CBS.

Dans un contexte politique toujours plus polarisé, de nombreux commentateurs ont noté que le ton du débat est resté très cordial, beaucoup plus que celui du débat présidentiel du 10 septembre 2024, et ce malgré la portée controversée des thèmes abordés. Les deux candidats ont échangé des poignées de main au début et à la fin de l’événement, ont évité les attaques personnelles et se sont concentrés sur leurs politiques respectives.

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L’évolution du conflit Israël-Hezbollah https://www.delitfrancais.com/2024/10/02/levolution-du-conflit-israel-hezbollah/ Wed, 02 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56116 Une surenchère de violence inarrêtable.

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Depuis l’attaque aux bipeurs et talkies-walkies de la semaine dernière, l’armée israélienne a intensifié ses frappes de missiles, désormais quotidiennes, sur le territoire libanais. L’escalade du conflit a nécessité l’intervention plus affirmée de puissances étrangères comme l’Iran. Pour rappel, le mardi 17 et mercredi 18 septembre, des centaines d’appareils de communication appartenant à des membres du Hezbollah ont simultanément explosé. À Montréal, des manifestations ont été organisées mercredi et samedi en soutien aux populations palestinienne et libanaise.

Une escalade meurtrière

L’armée israélienne revendique l’explosion des bipeurs, et les offensives ont depuis redoublé d’intensité entre Israël et le Hezbollah. Un cap inédit a été atteint ce lundi 23 septembre, avec des bombardements faisant plus de 500 morts et 1 835 blessés sur le territoire libanais. Depuis le début du conflit, le 7 octobre 2023, cet épisode est le plus meurtrier parmi les affrontements impliquant le Liban. Autant de frappes de part et d’autre de la frontière israélo-libanaise n’avaient pas été observées depuis la guerre de 2006. Le conflit qui opposait Israël et le Hezbollah il y a maintenant 18 ans avait été déclenché par un raid transfrontalier du Hezbollah sur le territoire israélien et avait duré près de 30 jours, entraînant la mort d’environ 1 600 libanais. Le Hezbollah n’avait à l’époque pas été sanctionné, malgré l’intervention de la communauté internationale, menée par les États-Unis.

« Nous avons déjà affaire à deux guerres, une à Gaza et une au Liban. Mais ce à quoi les gens font généralement référence, c’est au conflit direct entre l’Iran et Israël. Les Iraniens ne le souhaitent pas, mais si le Hezbollah se porte très mal, il y aura une pression d’agir pour l’Iran »
- Rex Brynen, professeur de sciences politiques à McGill, expert du Moyen-Orient

Une obligation de désarmement du groupe islamiste à l’époque aurait-elle fait la différence aujourd’hui? Pour répondre à cette question, j’ai interviewé Rex Brynen, professeur à McGill et spécialiste en politique du Moyen- Orient : « Sans le Hezbollah aujourd’hui, le Liban serait dans une situation très différente. Il est évident que le Hezbollah a été appelé à se désarmer, mais il n’y avait aucune perspective réaliste de désarmement du Hezbollah en 2006 compte tenu de sa position : c’était la seule milice armée au Liban, plus puissante que l’État libanais. (tdlr) »

Des explications ambiguës

Israël justifie l’opération de lundi par la détection d’une attaque planifiée par le Hezbollah sur son territoire. L’État affirme aussi que les tirs ne visaient que des cibles du Hezbollah, déclaration nuancée par l’organisation islamiste libanaise qui soutient que la plupart des victimes étaient des personnes non-armées qui se trouvaient dans leurs maisons. Mais quelles sont alors les réels objectifs d’Israël derrière cette escalade de conflits? « Il est important de comprendre qu’Israël n’est pas un acteur unifié et que différentes parties du gouvernement israélien agissent avec des objectifs variés », explique Brynen. « L’argument avancé publiquement par Israël est lié aux attaques du Hezbollah dans le Nord d’Israël, jugées inacceptables au vu du nombre de personnes forcées de quitter leurs maisons, situation qu’ils comptent renverser en faisant monter la pression. Concernant l’argument spécifiquement lié aux attaques des bipeurs et talkies-walkies, il est rapporté que le Hezbollah était sur le point de découvrir qu’ils étaient piégés et qu’Israël a estimé qu’il devait faire un choix entre les déclencher ou les perdre. Enfin, une interprétation avancée pourrait être le souhait d’Israël de lancer une attaque terrestre. Mais ce qui est intéressant parmi toutes les explications possibles, c’est qu’elles renforcent la popularité de Netanyahou, qui est passé d’une position très impopulaire auprès du peuple israélien, à un regain de popularité politique en Israël. » En effet, le Hezbollah est considéré comme ennemi d’Israël depuis la fin de l’occupation israélienne du Sud-Liban en 2000, et malgré les accusations de corruption qui pèsent sur lui, le premier ministre a su user de sa position dite patriarcale face aux menaces extérieures afin de regagner la confiance du peuple israélien.

Entre fuite et contre-attaque

Selon l’ONU, environ 90 000 citoyens Libanais ont pris la fuite, cherchant notamment refuge dans le reste du Liban et en Syrie. Les écoles ont prolongé leur fermeture au Sud-Liban, zone particulièrement visée depuis le début de la semaine, et jugée trop dangereuse en raison des nombreux bombardements récents dans la région. Selon Brynen, la position des Libanais vis-à-vis du Hezbollah n’est pas uniforme : « Dans les sondages d’opinion précédant l’escalade la plus récente, le Hezbollah bénéficiait d’un fort soutien au sein de la communauté chiite, ce qui n’est pas surprenant, tandis que le soutien était très faible dans les communautés sunnites et chrétiennes. À la suite de ces attaques, je soupçonne que de nombreux Libanais sont très mécontents du Hezbollah et du début d’une guerre avec Israël. Certains Libanais pensent au contraire qu’il est important de soutenir les Palestiniens, tandis que d’autres pensent qu’Israël aurait attaqué dans tous les cas. »

Les altercations n’ont pas cessé dans la semaine, avec une riposte du Hezbollah mardi dernier, marquée par l’utilisation de 80 roquettes tournées vers l’une des bases militaires israéliennes située dans le Nord, près de Safed, ainsi que des tirs balistiques visant le service de renseignements extérieurs israéliens ce mercredi 25 septembre. Plus d’une centaine de drones militaires ont également été envoyés sur Israël ce jeudi.

L’échec d’un apaisement

L’ONU a demandé une suspension des conflits ce mercredi, pour une durée de 21 jours, proposition qui a déjà été rejetée par le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Brynen partage ses impressions concernant la proposition des Nations Unies : « Aucun des acteurs engagés dans le conflit ne souhaite un cessez-le-feu, puisque dans les deux cas, cela va à l’encontre de leurs objectifs politiques. Concernant le Hezbollah, l’organisation ne cesse depuis le 7 octobre de tirer des projectiles à travers les frontières en soutien au Hamas. Peut-être que cette démarche de médiation était une tentative pour faire bonne figure ou bien établir un cessez-le-feu à Gaza, mais cela fait des mois que les Nations Unies y travaillent sans aucun progrès, alors pourquoi penser que ce serait différent maintenant? »

Israël déclare par ailleurs que l’armée continuera de frapper le Hezbollah, dans un objectif de renversement des rapports de force au nord d’Israël. Cette déclaration survient alors que le Hezbollah traverse une des situations les plus critiques depuis sa création en 1982. De plus, des informations récentes rapportent que le commandant du Tsahal (acronyme hébraïque signifiant Armée de défense d’Israël) prépare ses troupes à une offensive sur le sol libanais, alors que l’ambassadeur israélien à l’ONU nie toute possibilité d’invasion. Faudrait-il alors s’inquiéter d’un changement de position soudain, qui pourrait étendre le conflit et le transformer en guerre totale? « Nous avons déjà affaire à deux guerres, une à Gaza et une au Liban. Mais ce à quoi les gens font généralement référence, c’est au conflit direct entre l’Iran et Israël. Les Iraniens ne le souhaitent pas, mais si le Hezbollah se porte très mal, il y aura une pression d’agir pour l’Iran. Une telle guerre se caractériserait par des tirs de roquettes à des centaines et des centaines de kilomètres de distance, puisque les deux États ne sont pas voisins, mais cela s’est déjà produit dans le passé. La situation pourrait donc certainement s’aggraver et, bien entendu, les choses deviendraient beaucoup plus intenses au Liban si Israël lançait une opération terrestre », affirme Brynen.

Malgré sa position jugée critique par les Nations Unies, le Hezbollah a promis de continuer les attaques vers Israël jusqu’à la libération de Gaza, engagement renforcé par la mort du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah à la suite d’une frappe israélienne ce samedi : « Le Hezbollah a subi des coups durs, notamment l’attaque des bipeurs et walkie-talkie qui a été assez humiliante pour une organisation qui s’enorgueillit de sa sécurité opérationnelle. Ils veulent vraiment montrer leur résilience et ne vont donc absolument pas reculer », conclut Brynen.

Les prochains jours s’annoncent décisifs en ce qui concerne la tournure des événements, bien que difficiles à prédire en raison des revirements de décisions, comme l’annonce de Netanyahou à prendre part aux discussions sur le cessez-le-feu, ce vendredi 27 septembre, après avoir refusé la proposition la veille.

Cet article a été mis en page le 30 septembre. Compte tenu de la situation, les faits qui y sont relatés sont susceptibles d’évoluer.

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74 jours d’occupation https://www.delitfrancais.com/2024/08/28/74-jours-doccupation/ Wed, 28 Aug 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55489 Une chronologie du campement pro-palestinien à McGill.

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Le Délit revient sur les faits concernant le campement pro-palestinien, en vous offrant une chronologie non-exhaustive des événements qui se sont déroulés au cours de ces 74 jours d’occupation. 

27 avril - Début du campement sur la partie inférieure du campus de l’Université, notamment mené par les organismes Solidarity for Palestinian and Human Rights (SPHR), et SPHR Concordia. Les groupes, qui s’identifient comme mouvements d’étudiants issus des universités McGill et Concordia, déclarent le campe ment « zone libérée », en y installant des tentes et des grillages en guise de délimitation. Leurs revendications sont claires : le désinvestissement des fonds des deux universités envers les compagnies « financant le génocide et l’apartheid en Israël (tdlr) » et la fin de toute relation académique entre les universités et Israël. 

27 avril - Le campement fait appel au soutien de la communauté, demandant à ceux et celles qui peuvent se le permettre d’apporter de l’eau, de la nourriture, et du matériel. Les membres du campement incitent également les étudiants à se joindre à eux pour accroître leur présence sur le campus. Ces appels font augmenter le campement d’une vingtaine de tentes, à plus d’une cinquantaine d’entre elles. Dès les premiers jours du campement, la présence policière augmente sur le campus. 

29 avril - Dans un courriel adressé à la communauté mcgilloise, Deep Saini, président et vice-chancelier de l’Université McGill, déplore le comportement des manifestants, citant des commentaires antisémites et affirmant que leur présence sur les terrains privés de l’Université enfreint non seulement a ses politiques, mais également la loi. Saini affirme également avoir essayé d’établir une entente en dialoguant avec les représentants étudiants du mouvement, sans succès. 

1er mai - L’administration de McGill propose aux manifestants de les convier à un forum pour discuter de leurs demandes, à la condition qu’ils abandonnent le campement de manière permanente. 

2 mai - Une manifestation pro-Israël s’organise devant le portail Roddick, pour contester le campement. Les manifestants remplissent la rue Sherbrooke, tandis que des contre-manifestants pro-palestiniens s’organisent de l’autre côté du grillage. Une présence policière importante sur le campus et dans les rues environnantes se fait remarquer dès le début des rassemblements, et les tensions augmentent au cours de la journée. Les manifestants sont séparés non seulement par le grillage et par les policiers, mais aussi par des bénévoles du campement, identifiés par des dossards jaunes. Les manifestations restent pacifiques, et les foules se dispersent en soirée. 

Ysandre Beaulieu | Le Délit

10 mai - McGill annonce son intention de déposer une injonction demandant le droit de démanteler le campement, et d’obtenir, si nécessaire, l’assistance du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour ce faire. L’Université cite plusieurs raisons, dont des inquiétudes vis-à-vis la santé et la sécurité publique, des tensions grandissantes, et le dérangement causé par la présence des manifestants. 

15 mai - La demande d’injonction provisoire se rend jusqu’à la Cour supérieure du Québec, qui décide de rejeter la demande de McGill, citant l’absence d’incident violent depuis le début de sa mise en place. Le juge, Marc St-Pierre, justifie cette décision en expliquant qu’une injonction ne peut être préventive et que les risques à la santé et à la sécurité publique cités par l’Université ne se sont pas matérialisés. 

26 mai - Au cours d’un événement pro-palestinien sur le campus lors duquel s’est mobilisé le SPVM, un portrait d’un politicien israélien « vêtu d’un vêtement à rayures évoquant un uniforme de prisonnier » est suspendu, comme l’explique un courriel du recteur à la communauté mcgilloise. L’incident est rapporté au SPVM, qui n’intervient pas

29 mai - Dans un courriel, Deep Saini dénonce des méthodes qu’il qualifie de « coercitives et discriminatoires ». À l’appui, il mentionne l’incident du 26 mai et associe le vêtement à rayures à l’uniforme revêtu par des millions de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. D’autres incidents sont décrits. Parmi eux, le harcèlement de certains membres du personnel de l’administration et des graffitis « blasphématoires » sur des murs des bureaux de l’Université. 

6 juin - Occupation du bâtiment James McGill. Vers 16h00, un groupe pénètre dans le bâtiment, s’y barricade, et dessine des graffitis sur les murs. Près d’une heure plus tard, c’est l’arrivée d’une présence policière, qui, vers 19h30, disperse la foule qui bloque l’accès à l’entrée du bâtiment. 

10 juin - L’Université McGill émet une nouvelle proposition, qui est refusée par les manifestants. Celle-ci inclut quatre éléments : un examen de la possibilité de désinvestir dans des entreprises de fabrication d’armes ; une divulgation de tous les placements de l’Université (incluant ceux inférieurs à 500 000 dollars) ; une prise en compte accrue des institutions et des intellectuels palestiniens et une offre de soutien, notamment financier, aux universitaires déplacés sous les auspices du réseau Scholars at Risk, ainsi qu’une amnistie pour les personnes qui occupent le campement. 

14 juin - Selon une porte parole du campement, l’Université refuse de répondre à l’appel des manifestants et de poursuivre les négociations. 

17 juin - Dans un courriel destiné aux étudiants de McGill, Deep Saini dénonce le programme d’été révolutionnaire de la SPHR, citant l’imagerie violente utilisée sur ses tracts (un individu portant un fusil automatique). Il demande également à l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) de dénoncer le programme, et de rompre tout lien avec la SPHR qui est inclus dans sa liste de clubs affiliés, le cas échéant étant interprété par l’Université comme support de la SPHR.

2 juillet - Sur leurs réseaux sociaux, le mouvement SPHR dénonce le manque de volonté de l’Université de répondre à leurs demandes, et déplore sa décision de cesser toute négociation.  

5 juillet - Des manifestants commettent des actes de vandalisme, « fracassant des vitres et les tapissant de graffitis où l’on pouvait lire slogans et obscénités », menant à l’arrestation d’un individu. 

9 juillet - SPHR émet un communiqué de presse dénonçant la réaction de McGill face à la mobilisation étudiante, notamment leurs négociations menées « de mauvaise foi » avec les représentants du campement et leurs tentatives de diviser l’intifada.  

Ysandre Beaulieu

10 juillet - Le campement pro-palestinien reste en place jusqu’au 10 juillet, lorsqu’une firme de sécurité privée, engagée par l’Université, initie son démantèlement. Dans un courriel diffusé à l’ensemble de la communauté mcgilloise, le recteur de l’Université, Deep Saini, annonce le démantèlement du campement situé sur la partie inférieure du campus, citant « de nombreux graffitis haineux et menaçants » et « des risques importants en matière d’hygiène, de sécurité et d’incendie ».

À la suite au démantèlement du campement, le campus est partiellement fermé avec une réouverture graduelle au cours de laquelle les points d’entrée sont limités aux individus détenant une permission. À partir du 5 août, le campus est accessible à tout le monde entre 6h et 22h, ainsi qu’aux membres du personnelet aux étudiants détenant une carte d’identité de l’Université en dehors de ces heures.

Malgré le démantèlement du campement, les tensions persistent sur le campus. Il est difficile de prédire les formes qu’elles prendront une fois les cours commencés. Cependant il est clair que des efforts importants de la part de la communauté mcgilloise seront nécessaires pour rétablir la stabilité.

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Plonger dans l’esprit des Jeux Paralympiques https://www.delitfrancais.com/2024/08/28/plonger-dans-lesprit-des-jeux-paralympiques/ Wed, 28 Aug 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55502 Entretien avec la nageuse paralympique canadienne Sabrina Duchesne.

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Après les Jeux Olympiques de Paris 2024, le spectacle continue ce 28 août avec la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques, qui auront lieu jusqu’au 8 septembre prochain. Moins suivis que les Jeux Olympiques, cet événement sera organisé pour la première fois dans la capitale française et s’annonce déjà historique : 4400 athlètes, 22 sports et pas moins de 168 délégations, soit quatre de plus que lors des Jeux de Tokyo 2020. Les sites Paralympiques compteront des monuments parisiens iconiques, tels que le Grand Palais et le Château de Versailles. Par ailleurs, la cérémonie d’ouverture promet un spectacle grandiose, entre la place de la Concorde et les Champs-Elysées.

Le Canada espère se démarquer suite à ses performances admirables aux Jeux Olympiques, lors desquels il s’est emparé de 27 médailles, dont neuf en or, un record.

Le Délit s’est entretenu avec Sabrina Duchesne, nageuse paralympique de l’équipe canadienne ayant participé aux Jeux de Rio 2016 et Tokyo 2020. Lors de ces derniers, Sabrina Duchesne a offert une performance remarquable, obtenant une médaille de bronze lors du relais 4x100 mètres nage libre avec ses coéquipières canadiennes. Individuellement, elle a terminé cinquième au 400 mètres nage libre. En 2023, elle a remporté le bronze aux championnats du monde de para-natation lors du 400 mètres nage libre, une performance inédite dans sa carrière. Duchesne est originaire de la ville de Québec et étudie actuellement la criminologie à l’Université Laval, où elle performe également au sein du club de natation de l’Université.

L’athlète est atteinte de dyparésie spastique, une forme particulière de paralysie cérébrale qui affecte ses membres inférieurs depuis sa naissance : « Je marche avec la jambe gauche orientée vers l’intérieur. C’est vraiment une question de démarche : mon équilibre n’est pas optimal, il arrive que je le perde. Je suis tout de même capable de marcher, de me tenir debout, et de me déplacer sans problème. Dans l’eau, je nage avec le haut de mon corps. Mes jambes, je m’en sers seulement pour garder une certaine stabilité. Je fais des mouvements légers pour les garder à la surface. »

« Quand tu es introduit au monde des Jeux, ou de la para-natation en général, cela représente énormément, tu te rends compte que tu n’es pas seule »

Sabrina Duchesne, Nageuse paralympique canadienne

Que signifient les Jeux Paralympiques ?

Les Jeux Paralympiques comptent beaucoup pour Duchesne sur le plan personnel. Elle raconte que les Jeux ont suscité chez elle des émotions jamais ressenties : « Quand tu es introduit au monde des Jeux, ou de la para-natation en général, cela représente énormément, tu te rends compte que tu n’es pas seule. Ça suscite un petit peu un sentiment d’appartenance à un autre monde. Parce que quand on arrive dans le village paralympique, on n’est pas une minorité, on est une majorité. Tout le monde a un handicap. La minorité, ce sont ceux qui n’en ont pas, les bénévoles par exemple. C’est réconfortant, d’une certaine manière. » Les Jeux l’ont aussi aidée à faire des rencontres marquantes qui perdurent depuis son arrivée au sein de l’équipe canadienne en 2015 : « J’ai créé de fortes amitiés en étant dans l’équipe paralympique canadienne. J’y ai connu mes meilleurs amis. »

Duchesne décrypte également le rôle particulier de l’handicap dans le développement de relations interpersonnelles et dans le milieu sportif : « Entre personnes qui ont un handicap, on se comprend mieux. Il est clair que si je parle à ma famille, ils comprennent le fait que j’ai un handicap. Mais c’est différent d’entretenir une relation avec quelqu’un qui nous connait bien mais qui est également dans la même situation que nous. Les liens créés sont très forts. »

Jade Lê | Le Délit

Les Jeux Paralympiques : un manque de reconnaissance ?

Duchesne estime que les Jeux Paralympiques sont toujours victimes d’une méconnaissance importante de la part de son auditoire : « Je pense qu’il y a beaucoup de monde qui ne savent même pas ce que signifie le mot “paralympique”. C’est évident qu’il y a beaucoup d’éducation à faire à ce propos. Beaucoup de gens ne connaissent même pas le logo des Jeux Paralympiques (les trois petites vagues). » En outre, Duchesne reste sceptique quant aux conséquences des décisions organisationnelles pour les Jeux, notamment concernant les dates de l’événement. Elle considère que le fait que les Paralympiques soient organisés un mois après les Jeux Olympiques contribue à la perte de la ferveur olympique estivale. Les spectateurs sont souvent moins énergiques et résolus lorsqu’il s’agit de soutenir les para-athlètes. Par ailleurs, le fait que le début des Jeux Paralympique coïncide avec la fin des vacances d’été et donc la reprise des cours s’avère un obstacle supplémentaire qui nuit à la visibilité des Jeux : « Il est clair que les Paralympiques n’ont pas la visibilité qu’ils méritent. Pendant l’été, les gens sont tellement dans l’esprit des Jeux Olympiques, ils les regardent, ils passent de très bons moments. Les Paralympiques, c’est en début de session d’école, en début de reprise du travail, ça complique les choses. »

Selon les comités d’organisation, le choix d’organiser les Jeux Paralympiques suite aux Jeux Olympiques semble avant tout avoir été fait dans une volonté de respecter les athlètes paralympiques afin de permettre une plus grande médiatisation de ces Jeux. Paris 2024 déclare également que des raisons logistiques expliquent ce choix, puisque les installations de logement et les infrastructures de sport devraient tout simplement voir leurs capacités doubler. Cité dans un article du site des Jeux de Paris 2024, Andrew Parsons, président du comité international paralympique, explique que « les Jeux Paralympiques sont un moment unique de célébration des athlètes paralympiques. C’est leur moment! Faire un évènement unique banaliserait ou noierait les performances exceptionnelles de ces athlètes qui méritent toute notre attention ». Cependant, selon Duchesne, la couverture médiatique des Jeux est un autre élément important qui explique leur moindre popularité, puisque les médias, notamment les chaînes de télévision, semblent être moins attirés par les Paralympiques que par les Olympiques.

Il est néanmoins important de reconnaître que les choses changent progressivement : Paris 2024 a annoncé un nombre record de diffuseurs pour couvrir les Jeux Paralympiques cette année, et a également proclamé que l’organisation des Jeux serait la première de leur histoire à proposer une couverture en direct de chacun des 22 sports. Ce nombre s’élevait à 15 à Rio et à 19 à Tokyo. En outre, Duchesne évoque la survie du tabou lié aux handicaps, qui expliquerait en partie la réticence persistante à médiatiser les Jeux Paralympiques comme ils le méritent, évoquant des « problèmes de société » qui s’enracinent plus profondément dans les perceptions populaires liées à la différence avec autrui, dans ce cas-ci celle de l’handicap.

Quels objectifs pour Paris ?

Bien que Duchesne révèle avoir un objectif de médaille, elle reste pragmatique et avoue vouloir par-dessus tout profiter de ces Jeux au maximum : « C’est sûr qu’une médaille, en individuel, au 400 mètres nage libre, c’est un gros objectif. Mais je ne veux pas me mettre cette pression. Je veux juste me dire que je vais passer de bons moments. Honnêtement, c’est quand je m’amuse que je performe le mieux. Je ne sais pas si ce seront mes derniers Jeux ou pas. Tout ce que je veux, c’est profiter de l’expérience, y prendre plaisir, et savoir qu’après mon épreuve, je pourrai me dire : “OK j’ai fait tout ce que je pouvais, j’ai performé au maximum.” »

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Nouvel espoir chez les démocrates https://www.delitfrancais.com/2024/08/09/nouvel-espoir-chez-les-democrates/ Fri, 09 Aug 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55454 Kamala Harris apporte une vague d’optimisme pour le Parti démocrate américain.

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Le 21 juillet 2024, Joe Biden, lors d’une déclaration à la nation, annonce son retrait de la course présidentielle et sa candidature est remplacée par celle de sa vice-présidente, Kamala Harris. La décision du président de se retirer de la campagne à moins de quatre mois de l’élection est un événement sans précédent aux États-Unis, qui laisse croire à une crise interne chez les démocrates. Au contraire, il démontre plutôt la force du parti qui s’unit autour d’une cause : la protection de la démocratie aux États-Unis, comme l’explique dans une entrevue pour Le Délit Dr. Brendan Szendro, Professeur de l’Université McGill en politique comparée.

De la crise à l’unisson

« Un vulnérable point d’inflection qui fait place à de l’optimisme, à un potentiel de croissance. De façon générale, ce changement met les démocrates dans une position avantageuse » résume Professeur Szendro à propos de la situation des démocrates. « Tout ceci était une stratégie très risquée, mais le fait que le parti n’ait pas sombré dans le chaos démontre que ce plan a été soutenu par tous les membres du parti qui ont dû s’unir derrière Kamala Harris. Si le changement de candidat représentait un moment de crise plutôt que de rassemblement pour le parti, il y aurait certainement eu des voix dissidentes et nous n’aurions pas vu le parti se rassembler aussi rapidement derrière Kamala. »

« Les sondages démontrent une baisse marquée en popularité après le retrait des troupes américaines de l’Afghanistan. Sa popularité a lentement commencé à remonter jusqu’à ce que le conflit à Gaza prenne son ampleur à la fin de l’année 2023. C’est vraiment ces deux évènements qui sont perçus comme des échecs, et qui ont été dommageables à sa réputation »

Professeur Szendro

Si le Parti démocrate n’est pas en crise, pourquoi donc changer de candidat si peu de temps avant les élections du 5 novembre 2024? Biden, en raison de son impopularité, démontrée dans des sondages, n’était pas un bon candidat pour les démocrates ce qui, selon le parti, tel qu’expliqué dans l’annonce de Biden du 21 juillet, aurait mis la sécurité de la démocratie aux États-Unis à risque.  En effet, le Projet 2025 de Trump pourrait nuire à la démocratie, par exemple, le projet viserait entre autres à couper le financement de chaînes médiatiques publiques ce qui nuirait à l’accès à des nouvelles objectives, mettant en cause la démocratie américaine. Il a aussi insciter l’insurrection du Capitol après avoir perdu l’élection de 2020.

Les questions sur l’état physique et mental du président ainsi que l’inflation qui ravage les classes moyennes et inférieures du pays ont souvent été nommées comme les raisons principales de l’impopularité de Biden. Cela dit, selon Professeur Szendro, c’est le manque d’habileté en relations internationales qui a le plus dérangé le peuple américain. « Les sondages démontrent une baisse marquée en popularité après le retrait des troupes américaines de l’Afghanistan. Sa popularité a lentement commencé à remonter jusqu’à ce que le conflit à Gaza prenne son ampleur à la fin de l’année 2023. C’est vraiment ces deux évènements qui sont perçus comme des échecs, et qui ont été dommageables à sa réputation », dit Professeur Szendro. « C’est ensuite après sa faible performance lors du débat contre Trump que le parti l’a fortement encouragé à se retirer de la course », ajoute-t-il.

Le Parti démocrate utilise la menace à la démocratie pour justifier le changement de candidat comme il est dit dans l’annonce de Biden du 21 juillet, sur le site Internet des démocrates et dans la première vidéo de campagne de Harris. Le message cible des démocrates, pour cette élection, est qu’une défaite pour leur parti pourrait être la fin de la démocratie aux États-Unis et c’est le rassemblement du parti derrière ce message qui démontre, encore une fois, l’unisson du parti, plutôt qu’une situation de crise. Professeur Szendro fait référence à une partie du discours donné par Biden annonçant son retrait pour illustrer la force du message et du Parti démocrate.

« Biden a communiqué quelques messages clés très poignants, entre autres quand il a dit dans son adresse du 21 juillet qu’il estime son bureau, mais qu’il estime son pays plus et que la démocratie du pays est plus importante que ses ambitions personnelles. C’est là que le Parti démocrate, à travers le discours à Biden, se positionne réellement comme le parti qui suit le principe de légalité et qui, potentiellement, respecte la démocratie plus que l’autre parti. Ceci, évidemment, parle beaucoup à l’électorat Américain. »

Une candidate pour la démocratie

Kamala Harris, étant la vice-présidente et ayant la popularité nécessaire, prend donc le rôle de candidate à la présidence pour l’élection 2024, ce qui donne un avantage aux démocrates alors que le camp opposé avait, jusqu’à présent, organisé une élection contre Biden. Et malgré les critiques qui décrient un manque d’action de la part de Harris, elle représente une candidature beaucoup plus intéressante pour les Américains selon le Professeur Szendro. Elle est plus jeune, plus de gauche, plus apte à contrer Trump lors d’un débat et pourrait inspirer plus de confiance envers l’électorat en matière de relations internationales.

L’annonce de la candidature de Kamala donne une nouvelle vague d’énergie pour le Parti démocrate et lorsque Harris et Trump débattront, le contraste entre les deux sera remarquable ce qui sera très intéressant.

Harris semble aussi être moins indulgente envers les actions d’Israël, ce qui a été démontré par son absence au Congrès lors de la visite du premier ministre Israélien. Cela pourrait attirer certains électeurs qui en veulent à Biden de soutenir le camp israélien. D’autre part, elle pourrait aussi attirer les Américains qui sont plus de gauche et les plus jeunes, affirme Professeur Szendro.

« Elle a une bien meilleure chance d’attirer les jeunes électeurs : elle est beaucoup plus jeune que Biden et que Trump, et donc le Parti démocrate a beaucoup de raisons d’être optimiste en ce moment. »

Malgré les avantages apportés par le changement de candidature, rien n’est gagné. Les sondages démontrent une course à la présidence qui reste très serrée : Harris a une maigre avance sur Trump, qui reste un candidat très populaire.

Aller de l’avant

Avec l’annonce du candidat à la Vice-Présidence, Tim Walz, le Parti démocrate s’attend à voir leur taux de popularité augmenter. En plus d’assurer une victoire démocrate dans l’Etat du Minnesota, historiquement démocrate et dont il est l’actuel gouverneur, Tim Waltz est présenté comme celui qui va pouvoir aller chercher du soutien auprès des électeurs Blancs et des régions rurales, qui ont par le passé majoritairement voté pour Trump. Il pourra aussi rallier les électeurs plus centristes alors que Harris rallient davantage les électeurs de gauche.

Malgré les avantages apportés par le changement de candidature, rien n’est gagné. Les sondages démontrent une course à la présidence qui reste très serrée : Harris a une maigre avance sur Trump, qui reste un candidat très populaire. Cela dit, la tentative d’assassinat du 10 juillet et la Convention nationale républicaine du 15 juillet dernier, ont peu servi à augmenter la popularité à Trump qui reste assez stable. De son côté, Harris a amassé plus de 370 millions de dollars de financement en un seul mois ce qui représente la plus grosse somme amassée par un candidat à ce stade de la course.

« D’une façon surprenante, nous avons seulement vu une maigre augmentation de la popularité de Trump dans les sondages après la tentative d’assassinat et la Convention nationale républicaine, ce qui est remarquable et démontre que nous vivons une élection avec des candidats historiquement très impopulaires. Le changement de candidat vers Kamala Harris est donc avantageux pour les démocrates, mais il leur reste encore une énorme tâche devant eux pour gagner l’élection », dit Professeur Szendro.

Le Parti démocrate est donc présentement en position favorable, ce qui suscite, à trois mois des élections présidentielles, un optimisme croissant au sein du parti. Selon les démocrates, une victoire en novembre correspondrait à une victoire pour la démocratie américaine tout entière.  

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Poutine : le président roi https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/poutine-le-president-roi/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55299 Retour sur les élections présidentielles en Russie.

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Du le 15 au 17 mars derniers, les électeurs russes se sont rendus aux urnes pour les élections présidentielles. Vladimir Poutine, au pouvoir depuis 2000, a été réélu sans grande surprise, remportant plus de 87% des suffrages exprimés. Alors que dans les années 90, la Russie pouvait être qualifiée de démocratie émergente, avec un certain degré de compétition entre les différents acteurs politiques, aujourd’hui le pays s’enfonce toujours plus dans l’autocratie.

Les élections russes sont loin de rebattre complètement les cartes du paysage politique Russe, tant au niveau national qu’international. Ces élections, qui placent Poutine au pouvoir jusqu’en 2030, ont été largement manipulées par le régime : les estimations du journal d’opposition Novaïa Gazeta et de l’ONG Golos varient entre 22 et 31,6 millions de votes volés, soit environ un tiers à la moitié de l’électorat russe. Bien que le degré de falsification des votes cette année soit inédit, un constat similaire avait pu être fait au cours des précédentes élections. En entretien avec Le Délit, Juliet Johnson, professeure de science politique à McGill et spécialiste de la politique russe, explique que les techniques de manipulation des élections ont bien souvent lieu avant les élections elles-mêmes : « Certains candidats viables n’ont pas été autorisés à se présenter pour diverses raisons, et cette fois-ci, il n’y a pas eu d’organisme indépendant pour surveiller les élections. Précédemment, il y avait des observateurs indépendants, ou du moins des organisations capables de réaliser des sondages à la sortie des bureaux de vote. Lors des élections présidentielles, il y avait des caméras dans les bureaux de vote qui permettaient de détecter de nombreuses manipulations. Aujourd’hui la majorité des caméras ont été retirées. (tdlr) »

Le régime crée donc un environnement dans lequel la surveillance et l’impartialité des élections sont compromises avant même de passer aux techniques plus directes de fraude électorale. Johnson nous explique que cette année le bourrage d’urnes, au travers duquel les autorités électorales ajoutent illégalement un grand nombre de votes en faveur d’un certain candidat dans l’urne, a été particulièrement utilisé. Si la fraude électorale n’est pas nouvelle, Johnson relève néanmoins d’importants changements : pour elle, le fait que Poutine ait obtenu plus de 87% des voix, un score inédit, révèle des failles au sein de l’organisation du régime. «Un score de 87% semble même trop élevé, ce qui montre que les agents de Poutine qui s’occupent de la manipulation électorale ont sûrement “trop” bien accompli leur mission d’augmenter le score de Poutine par rapport aux années précédentes. » Johnson développe : « Cela met en lumière une potentielle faiblesse. Le fait que lui et les personnes qui l’entourent aient ressenti le besoin d’utiliser les élections comme un moyen de montrer un soutien populaire massif est révélateur. Je pense que cela montre un peu d’inquiétude de leur part. »

« Le niveau d’intimidation provenant du régime est aujourd’hui très fort. Les gens ont peur, certes, mais je pense que ce qui est encore pire, d’une certaine manière, c’est la croissance d’un sentiment de désespoir »

Juliet Johnson, professeure de science politique à McGill et spécialiste de la politique russe

Les élections sont un élément clé pour légitimer le pouvoir des dictateurs à la tête de régimes autoritaires. Les élections sont une sorte de façade qui permet de normaliser un pouvoir souvent abusif et brutal, car elles sont censées correspondre au choix du peuple. Pour Poutine, elles sont un point de passage clé afin qu’il puisse continuer à dire qu’il représente le peuple russe.

Les élections permettent également de solidifier les dynamiques de pouvoir au sein même du pays, en mettant en action le clientélisme entre Poutine et ses « fidèles », qui pénètre toutes les sphères de la société russe. Johnson révèle que « les élections sont un moyen pour les dirigeants régionaux russes de démontrer à la fois leur loyauté envers Poutine et leur capacité à matérialiser des votes en sa faveur, mais également un moyen de mesurer le degré de conformité des citoyens avec le régime. Ainsi, si vous êtes fortement encouragés à voter, que vous savez pour qui vous êtes encouragés à voter et que tout le monde autour de vous va voter, ce petit acte de conformité a un effet sur l’ensemble de la société. Ce n’est donc pas seulement la peur qui empêche les gens de voter. Ce n’est pas seulement la peur qui maintient Poutine au pouvoir. C’est tout ce système. »

La professeure nous a confié qu’aujourd’hui en Russie l’espoir semble se tarir. Les citoyens s’habituent de plus en plus à ce système répressif qui les encourage à voter pour Poutine. Pour beaucoup, le processus électoral a été l’illusion d’un choix. Même s’ ils ne voulaient pas de Poutine, les alternatives crédibles qui auraient pu le mettre en danger politiquement ont une à une été réduites au silence. Comme le dit Johnson: « Le niveau d’intimidation provenant du régime est aujourd’hui très fort. Les gens ont peur, certes, mais je pense que ce qui est encore pire, d’une certaine manière, c’est la croissance d’un sentiment de désespoir. »

La société civile s’essouffle et le régime devient de plus en plus répressif. La mort d’Alexeï Navalny en février dans une prison de haute sécurité du cercle arctique a été largement attribuée au régime, que cela soit par négligence de son état de santé ou par réel assassinat. Il était la principale figure de l’opposition, et un fort symbole d’espoir pour beaucoup de Russes. Malgré la situation, un mouvement de contestation s’est quand même organisé lors des élections : « Il y a eu un grand mouvement pour que les gens aillent voter à midi pile le 17 mars. C’est un signe clair d’opposition au régime. L’idée était soit de voter nul, soit de voter pour un autre candidat. Mais le message important, c’était la présence d’une foule nombreuse. L’intérêt c’est qu’on ne peut pas désigner un individu en particulier, parce qu’il peut y avoir aussi beaucoup de gens qui votent aussi pour Poutine dans la file. C’est donc un moyen de montrer son désaccord sans que le régime puisse identifier des individus précis. Et les files d’attente étaient bien plus longues que d’habitude. En ce sens, la stratégie a fonctionné, surtout dans des endroits comme Moscou ou d’autres grandes villes comme Ekaterinbourg. »

Ce genre de mouvement reste limité, notamment à cause du climat de peur qui règne actuellement en Russie. Par ailleurs, ces évènements ne sont pas relayés par les médias gouvernementaux russes, qui sont largement censurés par le régime. Il est aussi important de rappeler que Poutine reste une figure très populaire auprès d’une grande partie de la population : « Certains ont également l’impression que Poutine a remis la Russie sur la carte en tant que grande puissance et qu’il parle au nom des intérêts internationaux de la Russie et des Russes, ce qui est une grande source de respect. » Il a émergé notamment en opposition à la figure de Boris Eltsine, son prédécesseur, qui est aujourd’hui encore reconnu par beaucoup de Russes comme responsable de la période de déstabilisation financière et politique des années 90. En quelque sorte, Poutine a réussi à remettre la Russie sur les rails.

Au vu des élections de 2024, l’invasion de l’Ukraine qui dure depuis maintenant deux ans continuera très probablement, mais les possibilités que Poutine adopte une approche plus agressive reste peu probable. Cette élection laisse à Poutine une marge de manœuvre sur le plan interne. Néanmoins, Juliet Johnson rappelle qu’il doit tout de même faire attention à ne pas trop créer d’opposition à travers des politiques qui peuvent s’avérer dures, comme la conscription obligatoire de jeunes pour alimenter les effectifs de soldats en Ukraine. Johnson ajoute : « Il faudrait beaucoup de choses pour qu’une grande partie de la société se retourne contre Poutine. Mais si un grand nombre de jeunes hommes russes finissent non seulement par aller en Ukraine, mais aussi par y mourir, cela peut créer pas mal de problèmes. Poutine est très conscient des précédents de la première guerre de Tchétchénie, au cours de laquelle de nombreux conscrits russes sont morts. […]Tout dictateur donne l’impression d’avoir un contrôle énorme, mais ce genre de système est également fragile. Poutine a beaucoup de pouvoir entre les mains, un pouvoir que d’autres personnes aimeraient avoir. »

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Terreur en Haïti: la diaspora s’exprime https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/terreur-en-haiti-la-diaspora-sexprime/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55320 Une entrevue avec Carl-Henry Désir et Garnel Augustin.

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Le lundi 4 mars 2024, le gouvernement haitien a déclaré l’état d’urgence, suite à la prise d’assaut de deux prisons par les gangs de Port-au-Prince, la capitale, ainsi que la libération de plus de 4 700 prisonniers au cours de la journée précédente. La métropole haïtienne s’est alors retrouvée engouffrée dans la violence, alors que les gangs menaient des attaques contre les institutions de l’État (notamment les stations de police), semant la pagaille à travers la capitale. Pour mieux comprendre la perspective de la diaspora haïtienne à Montréal sur les récents développements, Le Délit s’est entretenu avec Carl-Henry Désir, ancien enseignant de français à la Secrétairerie d’État à l’Alphabétisation en Haïti et présentement enseignant en francisation au Centre de services scolaire de Montréal, ainsi qu’avec Garnel Augustin, pasteur à l’Église Baptiste Nouvelle Jérusalem, située dans Montréal-Nord.

Contexte et développements

Depuis 1900, la politique haïtienne est marquée par d’innombrables interventions indirectes de la communauté internationale, notamment pendant la guerre froide. Haïti subit aussi trois interventions directes, dont une occupation militaire américaine entre 1915 et 1934. Ces interventions, combinées au régime dictatorial de François Duvalier (1957–1971), ont donné lieu à l’émergence d’une violence endémique, alimentée par les gangs. Le pays est ainsi victime d’une violence extrême depuis plusieurs décennies et témoigne d’une intensification marquée de cette dernière depuis le début du mois.

Suite au 4 mars 2024, Jimmy « Barbecue » Cherizier, chef de gang, a averti les autorités que sans la résignation du président intérimaire, Ariel Henry (nommé suite au décès du président Jovenel Moïse), la capitale nationale subirait une guerre civile et un « génocide ». Henry devait en effet quitter ses fonctions présidentielles en février mais a conservé son poste au-delà de son mandat, causant une escalade de la violence menée par les gangs dans Port-au-Prince. Ces derniers, historiquement engagés dans des guerres de territoire à travers la capitale, se sont unis autour de cette demande de démission et refusent depuis toute intervention internationale.

Les deux principaux gangs concernés, le G9, mené par Cherizier, et le GPep, sont pourtant des rivaux de longue date. Le 11 mars 2024, leur décision de s’unir mène finalement à la démission de Henry et à la mise en place d’un conseil transitoire, composé de sept représentants de partis politiques et deux observateurs issus de la société civile et de la communauté religieuse. Le conseil est formé par les Haïtiens, sous les auspices de la Communauté caribéenne (CARICOM), un organisme international comprenant les nations caribéennes. Le conseil a cependant été rejeté par Cherizier, qui affirme que seuls ceux vivant en Haïti sont en mesure de prendre de telles décisions. Au cœur de cette instabilité gouvernementale, le climat socio-politique demeure largement incertain.

« Le plus gros problème, c’est l’insécurité. Il faudrait une commission d’enquête pour trouver ceux qui ont armé les gangs. D’où viennent leurs munitions? Sans analyse plus profonde, un conseil transitoire est une solution éphémère »

Pasteur Garnel Augustin

Perspective de la diaspora

Le succès potentiel d’un conseil transitoire organisé par la CARICOM semble être un sujet contentieux. Le pasteur Augustin affirme qu’une telle mesure pourrait en partie résoudre la violence mais que l’enjeu réel est plus profond : « Le plus gros problème, c’est l’insécurité. Il faudrait une commission d’enquête pour trouver ceux qui ont armé les gangs. D’où viennent leurs munitions? Sans analyse plus profonde, un conseil transitoire est une solution éphémère. » Il identifie également l’enjeu de corruption et explique que l’aide internationale n’est pas acheminée là où elle devrait l’être : « Les politiciens s’approprient l’argent et ceux qui devraient en bénéficier ne reçoivent rien. Ils n’ont pas de vision pour le peuple. » M. Désir, quant à lui, exprime une ambivalence par rapport à l’utilité de la CARICOM, et perçoit l’organisme comme le défenseur des intérêts américains. « La solution ne devrait pas être introduite par la communauté internationale. Celle-ci devrait écouter les demandes du peuple, et non celles des politiciens corrompus », explique-t-il. La question de l’intervention internationale fait également débat. M. Désir explique que les Haïtiens à travers la diaspora montréalaise ont envie de voir leur pays s’épanouir mais qu’il y a des désaccords quant au rôle du Canada dans le processus. Le pasteur Augustin spécule que la volonté politique du Canada de s’impliquer dans les affaires haïtiennes n’existe simplement pas. « Le Canada est plus préoccupé par ce qui se passe en Ukraine ou au Moyen-Orient. On laisse les Haïtiens à leurs propres soins. C’est pourquoi le gouvernement canadien demeure à l’écart. » Il poursuit : « certains pensent que le Canada devrait envoyer des troupes en Haïti, mais je comprends pourquoi ce n’est pas le cas. Une telle intervention pourrait être mal interprétée, et cela nuirait à l’image du Canada. »

M. Désir, pour sa part, souligne l’importance de différencier « le discours officiel du discours officieux », c’est-à-dire, de comprendre qu’une intervention canadienne serait à l’avantage du Canada. Il soutient que l’intervention internationale est en réalité à la base du problème en Haïti : « Certains pensent qu’Haïti n’arrive pas à s’en sortir à cause de la pauvreté, qui serait en quelque sorte inhérente. Selon moi, le problème, au contraire, est qu’Haïti est riche en ressources, et donc que les pays comme le Canada, les États-Unis et la France, auraient intérêt à rester étroitement impliqués dans les affaires du pays. » Les multiples intérêts, selon lui, font donc compétition, et la vision d’Haïti comme pays indépendant s’efface.

« Les Haïtiens ont une mentalité influencée par les intérêts de la communauté internationale […], il faut construire une mentalité haïtienne unie, et c’est un processus qui commence avec l’éducation »

Carl-Henry Désir

C’est pourquoi M. Désir voit comme seule solution un processus de rééducation, par lequel les Haïtiens pourraient développer leur propre mentalité : « Les Haïtiens ont une mentalité influencée par les intérêts de la communauté internationale, axée vers l’extérieur plutôt que vers leur peuple, leur pays. Il faut construire une mentalité haïtienne unie, et c’est un processus qui commence avec l’éducation », affirme t‑il. Cette rééducation serait donc, pour M. Désir, la clé de la solution.

Pasteur Augustin émet une idée similaire : « Ce qu’il faut, c’est avoir une vision collective du pays, le voir grandir et s’épanouir. » Il souligne que le manque d’unité au sein de la communauté crée un obstacle considérable. « On avait discuté de mettre quelqu’un issu de la diaspora haïtienne dans le conseil transitionnel, mais la personne suggérée a été contestée, et le manque de consensus a fait halte au projet. » Selon lui, ce manque d’unité est également visible dans la diaspora haïtienne : « Il y a énormément d’organismes communautaires haïtiens dans la diaspora, mais ils sont divisés et impersonnels. » Il attribue cela à un manque d’organisation, et affirme que les récents déroulements politiques en Haïti n’ont pas fait trop de bruit dans la communauté haïtienne à Montréal. « On se pose des questions, on prie pour que le problème se résolve, on en discute de manière philosophique, mais de manière pratique, on n’est pas très impliqué. »

Cependant, M. Désir et le pasteur Augustin soulignent la capacité du peuple haïtien à surmonter l’adversité. Le pasteur note qu’un organisme au sein de son église couvre la totalité des dépenses d’une école en Haïti, qui accueille plus de 200 élèves. « Nous payons les salaires des employés et des professeurs, les uniformes, et les matériaux, pour faciliter l’accès à l’éducation gratuite. Nous voulons investir dans l’avenir des jeunes haïtiens,
pour qu’ils puissent obtenir une formation et devenir utile dans la communauté. » M. Désir affirme : « Les Haïtiens sont attachés à leur pays, le peuple est fier et cherche l’autodétermination. La diaspora rayonne partout dans le monde. » Il note également la mobilisation en masse de la communauté haïtienne en soutien à la construction d’un canal d’irrigation à la frontière entre Haïti et la République dominicaine. « L’armée dominicaine a été déployée, et malgré cela, les Haïtiens se sont unis et mobilisés pour que le projet avance. » Le pasteur Augustin conclut : « On devrait se réunir pour faire des actions concrètes pour aider le pays, mais sur le plan politique, ce n’est pas évident. »

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L’actualité 2024 n’est pas finie https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/lactualite-2024-nest-pas-finie/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55332 Quatre événements à suivre au cours des prochaines semaines.

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Cette session la section Actualités vous a tenu au courant d’événements tant locaux qu’internationaux. La grève des travailleurs du secteur public, le désinvestissement de McGill en ressources fossiles, la hausse des frais de scolarité pour les non-Québécois et tant d’autres sujets qui ont modelé la session d’hiver 2024 et occupé les pages de notre journal. Au nom de l’ensemble de la section, nous vous remercions de nous avoir lus et espérons vous retrouver en août prochain! En guise d’article pour la dernière édition du semestre, la section Actualités fait paraître la liste de quatre événements sur lesquels il faut garder l’œil, qui se dérouleront au cours des prochaines semaines et mois, et qui impacteront le campus, Montréal et le monde.

Grève des TA’s

Date : 25 Mars – 25 mai


Depuis le 25 mars, tous les auxiliaires d’enseignements communément appelés TAs, sont en grève à McGill. Cela signifie que les TAs n’exercent plus aucune de leurs responsabilités, notamment la tenue des conférences, la correction des examens et les heures de bureau. L’Association des étudiant·e·s diplômé·e·s employé·e·s de McGill (AÉÉDEM), syndicat qui regroupe plus de 1 600 auxiliaires d’enseignement, mettra aussi en place des lignes de piquetages devant différentes entrées du campus afin d’exercer une pression sur l’administration de McGill. Cette grève a pour but de faire prévaloir une nouvelle convention collective pour les auxiliaires d’enseignement, qui comprendrait une augmentation de salaire de 40%, une introduction des services de santé, l’ adaptation au coût de la vie et l’indexation des heures de travail en fonction du nombre d’étudiants. Dans les prochains jours et semaines, la décision de l’administration mcgilloise d’apaiser les tensions en proposant une offre satisfaisante à l’AÉÉDEM. Si McGill décide de ne pas céder, cela aura pour effet de faire perdurer la grève jusqu’à la fin des cours et des examens finaux, créant une perturbation de la fin du semestre pour tout le corps étudiant à McGill.

Vous pouvez suivre le compte Instagram de l’AÉÉDEM pour rester au courant des avancées de la grève : @agsem.aeedem

L’éclipse solaire


Date : 8 Avril


Dans un peu plus de deux semaines aura lieu une éclipse totale dans l’est de l’île de Montréal, qui aura pour effet de plonger la ville dans l’obscurité totale pendant quelques minutes. Ce phénomène astronomique extrêmement rare a lieu lorsque la lune s’aligne parfaitement entre le soleil et la Terre. La dernière fois qu’un tel évènement a eu lieu au Québec remonte à l’été 1972 et ce n’est qu’en 2106 (dans 80 ans!) que nous pourrons y assister de nouveau. Pour beaucoup, le 8 avril offrira donc l’opportunité d’une vie d’assister à ce phénomène rare. L’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes de McGill organise une soirée d’observation sur le campus et propose d’équiper les étudiants de lunettes de protection. L’événement se tiendra de 13h à 16h30 sur le Lower Field du campus du centre-ville. L’éclipse devrait débuter vers 14h et atteindre l’obscurité totale vers 15h20, pour une durée d’une minute et demie environ. Attention! Étant donné que Montréal se trouve parfaitement à la limite entre l’éclipse totale et l’éclipse partielle, votre position sur l’île aura pour effet de vous faire vivre différemment l’évènement. Afin d’en profiter le plus possible, il est donc conseillé de se diriger vers l’est de l’île et ainsi se rapprocher du Vieux-Port et du fleuve Saint-Laurent. Il est à prévoir que la majorité des étudiants manquera leurs cours afin de regarder l’éclipse, donc nous pouvons dire qu’il y aura aussi une éclipse scolaire qui se passera au même moment…

Attention : si vous souhaitez assister directement à l’éclipse solaire, il est impératif de porter des lunettes de protection. Même caché par la lune, le soleil pourrait vous brûler la rétine.

Les Jeux olympiques de Paris


Date : 26 juillet – 11 août


Dans quatre mois, les Jeux olympiques d’été débuteront à Paris, auxquels 206 pays et 10 500 athlètes participeront. La majorité des disciplines se joueront dans la capitale française, mais certains sports seront aussi organisés ailleurs en France : le surf à Tahiti, le soccer à Marseille au fameux vélodrome de l’Olympique de Marseille, ou encore le handball et le basket à Villeneuve‑d’Ascq dans le nord de la France. La France entière sera le théâtre d’une frénésie sportive au cours de laquelle des athlètes de haut niveau viendront représenter les couleurs de leurs pays et tenteront d’établir de nouveaux records mondiaux. Avec un décalage horaire de six heures, les Canadiens seront contraints de se lever plus tôt pour visionner toutes les compétitions sportives et soutenir les athlètes du pays, notamment au soccer, en nage synchronisée, en escalade ou encore en athlétisme. Ne manquez donc pas le rendez-vous, du 26 juillet au 11 août prochain!

La hausse des frais de scolarité


Date : dès la rentrée 2024


Le 23 février dernier, dans un communiqué envoyé aux étudiants de l’Université, l’administration de McGill a annoncé sa poursuite légale contre le gouvernement québécois suite aux nouvelles mesures d’augmentation des frais de scolarité annoncées le 13 octobre. En octobre dernier, le gouvernement Legault annonçait une augmentation de 50% des frais de scolarité pour les étudiants non-québécois dès la rentrée d’automne 2024. Cette mesure affecte principalement les universités anglophones québécoises, c’est-à-dire McGill, Concordia et Bishops. Depuis octobre, les manifestations étudiantes, grèves et messages de mécontentement des recteurs des universités se sont multipliés. Suite à ces soulèvements, le gouvernement québécois a annoncé une baisse de l’augmentation à 33% des frais, passant de 9 000$ à 12 000$. S’ajoutant à ces mesures, le gouvernement oblige désormais les universités anglophones au Québec à franciser 80% de leurs étudiants de premier cycle lors de leurs études. L’Université McGill estime que les mesures gouvernementales « constituent une forme de discrimination sous la Charte canadienne et québécoise des droits et libertés ». McGill prédit ainsi une baisse de ses revenus de 42 à 94 millions de dollars dès septembre en raison de ces mesures gouvernementales. La poursuite légale de McGill contre le gouvernement québécois débutera dans les prochains mois, mais les effets de ces mesures se feront ressentir dès l’automne 2024.

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L’escalade aux Jeux olympiques de Paris https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/lescalade-aux-jeux-olympiques-de-paris/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55172 Une discipline sportive qui témoigne de sa popularité grandissante.

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Du 26 juillet au 11 août 2024, plus de 32 disciplines et 329 évènements sportifs seront mis à l’honneur à l’occasion des Jeux olympiques qui auront lieu à Paris. Parmi ces 32 disciplines, 28 sont des sports connus du grand public, et quatre sont des sports additionnels, proposés par des comités organisationnels dans l’optique de raviver l’intérêt des jeunes pour le sport. En 2024 ce sont le surf, le breakdance, la planche à roulettes et l’escalade qui s’ajoutent au monde olympique.

L’escalade comme discipline olympique

L’escalade a fait son entrée dans le monde olympique en 2021 lors des Jeux Olympiques de Tokyo. Ce sport était initialement présenté dans une épreuve combinant trois disciplines : la vitesse, le bloc et la difficulté. Le parcours de vitesse est un contre-la-montre en duel sur un mur de grimpe de 15 mètres. La discipline de vitesse a lieu en phases éliminatoires jusqu’à la dispute de la médaille d’or et d’argent. Le bloc est une épreuve beaucoup plus technique, où les athlètes grimpent le plus de routes possible sur une hauteur de moins de 4,5 mètres, le plus rapidement et avec le moins de tentatives possibles. Quant à l’épreuve de difficulté, elle exige aux athlètes de grimper le plus haut possible sur un parcours complexe d’une hauteur de quinze mètres dans un délai de six minutes. Les trois disciplines sont notées indépendamment par les juges. L’athlète avec le temps cumulatif le plus bas remporte les Jeux.

À l’approche de la seconde instance de ce sport aux Jeux Olympiques, de nouvelles règles ont été ajoutées par le Comité d’organisation des Jeux olympiques 2024 afin de prendre en compte la complexité de ce sport. Il y aura maintenant deux épreuves d’escalade distinctes : une compétition de vitesse et une compétition combinant le bloc et le parcours de difficulté. Ces changements au sein de la discipline s’expliquent par son caractère multidimensionnel, qui englobe l’agilité, la force, la vitesse et la résolution de problèmes. Au sein de ce nouveau format, deux champions olympiques d’escalade seront décernés, un pour chaque épreuve, afin de mettre en valeur les divers talents du sport.

Un coup de jeunesse

L’insertion de la discipline d’escalade sportive en 2020 s’inscrit dans la visée qu’ont les Jeux olympiques de combiner l’histoire et la tradition avec l’innovation et la jeunesse. L’escalade est un sport majoritairement jeune, avec 39% des athlètes ayant moins de 18 ans. De plus en plus de sportifs s’initient à cette discipline en raison de son originalité, qui la différencie des autres sports. Au Canada, la popularité de ce sport est évidente : Montréal et
ses environs comptent onze centres d’escalade intérieurs, et il en existe quarante à travers le Québec. Dû à cette montée en popularité, les Jeux olympiques ont cherché à modeler l’escalade en sport olympique afin de capter l’intérêt des jeunes, une décision qui s’avère essentielle pour maintenir la popularité et la pérennité des Jeux Olympiques.

La délégation canadienne

Les Jeux Olympiques de Paris approchent à grands pas et les qualifications pour la délégation canadienne sont imminentes. 68 places distribuées entre les hommes et les femmes sont à gagner lors de différentes compétitions de qualifications. En 2021, à Tokyo, la délégation canadienne des Jeux olympiques est parvenue à qualifier deux athlètes : Alannah Yip et Sean McColl, qui se sont positionnés 17e et 14e dans leurs épreuves respectives. Yip a d’ailleurs réussi à décrocher un record canadien dans l’épreuve de vitesse, avec un temps de 7,99 secondes.

Pour les Jeux de Paris 2024, la délégation canadienne a de plus grandes attentes. C’est lors des Olympic Qualifier Series, qui se tiendront à Shanghai du 16 au 19 mai et à Budapest du 20 au 23 juin, que les athlètes auront la chance de sécuriser leur place aux Jeux de cet été.

Trois athlètes canadiens prendront part aux qualifications olympiques, dans l’épreuve du bloc : Alannah Yip, athlète féminine de 30 ans, originaire de la Colombie-Britannique, participera à la discipline du bloc ; Sean McColl, athlète masculin de 36 ans, également originaire de la Colombie-Britannique ; et Oscar Baudrand, athlète québécois âgé de 18 ans. Il reste donc à voir si les athlètes canadiens parviendront à se qualifier pour les Jeux de cet été, faisant ainsi rayonner le Canada et l’escalade à l’international.

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