Archives des Confessions - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/artsculture/confessions/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 05 Apr 2023 14:17:08 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.1 Paroles libres https://www.delitfrancais.com/2023/04/05/paroles-libres/ Wed, 05 Apr 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=51549 Quelques contributions anonymes.

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L’été dernier, j’avais décidé de rester quatre mois à Montréal et de ne pas rentrer chez mes parents. Mon bail s’était terminé fin avril. J’ai alors cherché un appartement à sous-louer sur des groupes facebook. J’ai trouvé une chambre sympathique, lumineuse et peu chère dans le Nord du Plateau. Quelques semaines après mon installation temporaire, j’ai fouillé dans un des tiroirs de la table de nuit. J’y est trouvé près de six godes et des outils de bondage. Je me suis fait un plaisir de les utiliser durant l’intégralité de mes quatre mois. Évidemment, je les ai bien nettoyés avant et après mon usage. J’ai laissé un petit mot de remerciement dans le tiroir en partant, avant de bloquer le locataire de mes contacts. J’ai toujours peur de le recroiser dans Montréal. 

Jade Lê | Le Délit

Historiquement, ma libido est assez faible. Le stress, mes hormones et mon passé sexuel contribuent ensemble à me donner relativement peu envie de sexe. Cependant, il arrive un peu trop souvent qu’une envie soudaine me vienne à des moments que certains jugeraient franchement inappropriés – et je l’accorde, ils le sont. Le plus récent exemple d’« envie inopportune de cul » s’est révélé être des funérailles. Le lieu saint, l’église, devant le cercueil de mon défunt grand-père (pas avec lui, je vous rassure). Si la messe des obsèques fut longue et très inintéressante. Le goûter qui la suivit a été plus mouvementé. Merci donc à Mathias, que je n’avais pas vu depuis mes 9 ans et que je ne reverrai jamais je l’espère, ainsi qu’aux spacieuses toilettes du salon funéraire.

Jade Lê | Le Délit

Quand j’avais 18 ans, ma classe avait organisé une soirée en plein air sur l’esplanade des Invalides. Après plusieurs verres de rosé, je me suis mise à discuter d’un groupe de rappeurs dont j’étais fan avec un ami, Bastien. Vers minuit, Bastien décide de m’embrasser puis de m’accompagner chez lui. Je suis un peu ivre, mais j’étais heureuse d’être dans ses bras. Quand nous sommes arrivées, je me suis déshabillée puis il m’a embrassé tout le corps. Après avoir achevé ce minutieux exercice, il m’a demandé si je voulais faire l’amour, ce à quoi j’ai répondu franchement que j’avais mes règles. Il m’a dit qu’on pouvait s’attarder sur des préliminaires. Mon ivresse et mon honnêteté brutale se sont alliées pour créer une réplique assassine : « je suis un peu bourrée, donc si je la mets dans ma bouche, je la mords. »

Jade Lê | Le Délit

L’année dernière, en discutant de pornographie avec des amis, je me suis rendu compte que je n’avais pas les mêmes habitudes que mes compères. Alors qu’on s’échangeait des conseils de sites pornographiques, j’ai réalisé que mes amis utilisaient presque uniquement des sites pornographiques qui proposaient des vidéos. Moi, je me masturbe avec literotica.com, un site qui propose des histoires sexuelles. Pas d’images, pas de son : une simple lecture.

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Tes lèvres sur les miennes

Doux baisers sous ma poitrine
Tes mains agrippent fermement mes hanches

Je tremble à ton toucher
Mes ongles s’enfoncent dans ton dos
Nous sommes une sculpture de chair
Avec mes jambes
J’ouvre mon âme
Te laisse pénétrer mes espoirs, mes
peurs, mes rêves, mon esprit,
Tu gémis dans mon oreille et j’adore ça J’aime nos corps qui se complètent
Nos lèvres qui s’assemblent
Je fonds sur toi comme une bou-
gie qu’on a oublié d’éteindre
C’est toi
C’est moi
En cet instant le monde pourrait s’effondrer Je remercierais les dieux de finir avec toi Pour toujours, tes caresses
Dans ta chaleur
Impuissante sous ton emprise
Et pourtant plus puissante que jamais
On se réveille confus d’être deux
car on ne faisait qu’un.

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cœur qui bat mains qui suent je me mets dans la tête que dès qu’on sort du char

C’est là que ça se passe

Ta main caresse ma cuisse
Le rouge monte trop vite
cacher mes mains tremblantes
Tu ne sais pas que je n’y connais rien et que j’hésite encore

22 ans c’est pas vieux pourtant ça aurait pu se passer avant maintenant ça en vaut la peine je me le répète, saine et sauve

On peut baiser sans amour se lâcher après, ça se fait

Notre baiser s’éternise Les boutons de ma chemise volent

Tu demandes si ça va si je veux toujours

Dire oui, enfin.

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Conflit intérieur d’une eurasienne https://www.delitfrancais.com/2023/03/15/conflit-interieur-dune-eurasienne/ Wed, 15 Mar 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=51220 Enfant confuse qui se réconforte dans la soupe.

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Mercredi était mon jour préféré. Je n’avais pas école et mes parents m’emmenaient dans notre restaurant vietnamien favori pour déjeuner. Dès que je pénétrais dans l’établissement, je pouvais sentir les fortes odeurs de cuisine asiatique. Une dizaine de tables alignées, chacune d’entre elles couverte d’une nappe en plastique, signe que la nourriture allait être authentique. La décoration était vieillotte, quelques photos du Vietnam encadrées sur les murs, un grand aquarium au milieu de la pièce. Il y avait un comptoir sur lequel se tenait une petite fontaine, faite de jade, qui m’obsédait.

Je me souviens avoir essayé de toucher le courant de l’eau et de m’être faite disputer par le propriétaire du restaurant. Apparemment, c’était pour le feng shui de l’espace. Juste en dessous, se trouvait un autel rouge et doré, chargé de fruits et d’encens, des offrandes aux Dieux. On s’asseyait toujours au fond, ma mère et moi sur la banquette, mon père sur une chaise en face de nous. Parmi toutes les fois où j’ai mangé ici, je ne peux me rappeler d’une seule où j’ai commandé quelque chose de différent. Je demandais toujours à la serveuse : «Est-ce que je peux avoir quatre cha giò et un bol de Phô, sans tripes? Cam on

« Me regarder dans le miroir et réaliser que je ne ressemblais pas exactement à un seul de mes parents me faisait me sentir comme si je n’appartenais à aucune catégorie »

Je peux affirmer avec certitude que ce bol de soupe était, et restera, mon plat préféré. Le savoureux bouillon, mélange d’épices, cannelle, gingembre, anis, et autres que je ne peux nommer, dans lequel trempent les tendres nouilles de riz, ainsi que les morceaux de bœuf cru cuisant doucement, fondent sur ma langue en une explosion de saveurs. Pour rendre ce plat encore meilleur, j’y ajoutais des pousses de soja, du citron vert et différentes herbes telles que de la menthe, du basilic et de la coriandre.

Ce plat était si réconfortant car il me permettait de me reconnecter à mon héritage vietnamien. Alors que ma mère est blanche, mon père, lui, est asiatique : manger du Phô était pour moi une façon d’apprécier ma culture. Cet enchevêtrement dans mon identité avait toujours été un facteur de confusion pour moi. Me regarder dans le miroir et réaliser que je ne ressemblais pas exactement à un seul de mes parents me faisait sentir comme si je n’appartenais à aucune catégorie, ce qui est problématique dans une société où les individus sont constamment catégorisés par leur apparence. En grandissant, j’essayais de plus ressembler à mes amis blancs plutôt que vietnamiens. J’avais envie d’être blonde aux yeux bleus. Pas parce que je me disais qu’être blanche serait mieux, mais parce que ça semblait être plus simple, me donnant l’impression d’une identité plus solide. J’étais constamment en train de me poser des questions, me demandant quelle était ma place, espérant que ce dilemme prendrait fin. Arrivée au lycée, j’ai commencé à davantage considérer mon côté asiatique, tentant de reconnecter avec cette partie de mon identité. Je me suis fait des amis asiatiques, j’ai commencé à cuisiner des plats traditionnels, regarder des animés japonais, et écouter des chansons coréennes. Pourtant, je sentais, et je sens toujours parfois, que je joue un rôle. Comme si je n’avais pas le droit d’agir ainsi. J’étais usurpatrice de ma propre culture. Les remarques inconsciemment offensives que me faisaient mes amis me donnaient l’impression d’être encore plus différente : « Tu supportes pas bien la nourriture épicée. »

« J’étais usurpatrice de ma propre culture »

« Tes parents ne t’ont jamais forcée à apprendre le Chinois ». « T’as jamais dû jouer du piano ». J’avais l’impression d’être une adolescente blanche avec une obsession artificielle pour la culture asiatique. Dès que je dînais avec mes cousins, ils me demandaient de répéter après eux « Phô », accentuant la longue voyelle à la fin. « Phau » je disais, échouant malgré ma concentration pour utiliser le bon ton. Des rires. Comme à chaque fois. Et chaque fois qu’ils se moquaient, quelque chose au fond de moi mourait. J’étais rejetée par ma propre famille. En plus, ne pas savoir parler vietnamien me donnait l’impression que je ne pouvais pas me considérer comme asiatique. Aussi triste que cela puisse paraître, la seule chose qui me rappelait que je n’étais pas totalement blanche était les micro-agressions racistes. Les gens me répétaient que mes yeux n’étaient pas comme les leurs, et que mon nom de famille sonnait « bizarrement ». En primaire, mes « amis » tiraient sur leur yeux en rigolant, et se moquaient en disant que l’homme sur une affiche était mon père alors qu’il était juste asiatique. Les mots me manquent pour décrire à quel point leurs actions me faisaient mal. J’étais juste une petite fille qui acceptait leur racisme mondain en échange d’une pseudo-amitié.

Jade Lê | Le Délit

Je me souviens d’un samedi, en quatrième année, ma babysitter me gardait pour la journée. Mes parents, qui préparaient toujours mon déjeuner en avance, écrivaient des instructions à ma nourrice sur un post-it. Ce jour-là, il y avait des restes de Phô dans le frigo. « Jade, ton père a écrit qu’il y a du Phô dans le frigo. Ça veut dire quoi? » m’a‑t-elle demandé avec une prononciation terrible, confuse. « Oh oui, c’est une soupe avec des nouilles, et euh… marron avec des bouts de poulet ». Je faisais du mieux que je pouvais pour décrire ce plat mais, à sept ans, ce n’était pas facile. Après une dizaine de minutes, sa tête toujours dans le frigo cherchant désespérément le Tupperware, elle s’est redressée, me regardant en vain. « J’ai regardé partout mais je trouve vraiment pas…Tu veux pas m’aider? »


Enfin, je mis la main sur le contenant en verre qui apparaissait tel un gros bloc de gras, solidifié par le froid, formant une épaisse couche blanche sur le dessus. On ne pouvait distinguer les nouilles ou le poulet, et, je dois l’avouer, ça n’avait pas l’air très appétissant. Je pouvais voir le dégoût dans son regard, jugeant mon plat préféré. Je sais qu’elle n’avait pas de mauvaise intention mais entendre son rire, presque moqueur, m’a donné l’impression que ma culture et mon identité la dégoûtaient. À ce moment précis, je ne réalisais pas à quel point son attitude m’avait impactée. Mais elle a ouvert une plaie dans mon cœur, que je peine à guérir. Pendant plusieurs semaines après l’incident, je ne pouvais manger de nourriture vietnamienne, me répétant à quel point c’était écœurant.

« Et chaque fois qu’ils se moquaient, quelque chose au fond de moi mourait »

Alors que les blancs se moquaient de mes yeux, mon entourage asiatique me disait que je ne faisais pas vraiment partie de leur groupe, je grandissais de plus en plus confuse. Intentionnels ou non, ces commentaires racistes m’aliénaient et alimentaient ma confusion. Ce bol de soupe, aussi ordinaire soit-il, a toujours su me réconforter. D’une certaine façon, il me rassurait sur mon identité, comme si chaque bouchée me chuchotait : « Ne t’en fais pas, je t’accepte pour qui tu es. » 

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Spotted : McGill University se confesse au Délit https://www.delitfrancais.com/2023/02/15/spotted-mcgill-university-se-confesse-au-delit/ Wed, 15 Feb 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50903 La communauté mcgilloise rit sur Instagram.

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Spotted : McGill University est un compte Instagram actif comptabilisant 9 027 abonnés et 330 publications en date du vendredi 10 février. Originalement un groupe Facebook avec plus de 40 000 membres, ses auteurs ont publié la première photo sur Instagram le 16 décembre 2021 après avoir noté une conséquente baisse d’engagement depuis l’apparition de la COVID-19. Sur Facebook comme sur Instagram, Spotted : McGill University partage le contenu soumis par ses abonnés, que ce soit des memes, des critiques de l’administration, ou plus récemment, des confessions d’élèves.

Pour garder l’anonymat, Spotted : McGill University a répondu aux questions du Délit par écrit. La personne interrogée a dit ce qu’elle pensait : « Je pense que @spottedmcgill est devenue une tribune pour la communauté de McGill, les confessions étant l’événement principal. Nous voyons beaucoup d’étudiants hors campus s’engager sur la page parce que c’est ce qui leur permet de se tenir au courant de la culture du campus. Nous sommes très heureux de pouvoir donner une plus grande expérience de McGill à ceux dont les modalités de vie étudiante rendent cela plus difficile. » L’idée principale du compte Instagram est de créer une plateforme avec du contenu auquel la communauté mcgilloise peut s’identifier. Par exemple, depuis le début du semestre, l’équipe a lancé une nouvelle série de publications : Spotted : McGill’s Rate My Professor. Il s’agit de sélectionner les passages les plus inattendus, humoristiques, et même grossiers des critiques de professeurs de McGill issues du site web ratemyprofessors.com.

Depuis le 21 septembre dernier, Spotted : McGill University publie régulièrement des suites de confessions soumises ouvertement par les étudiants à travers un formulaire Google dont le lien est accessible sur les réseaux sociaux. Ce formulaire met l’utilisateur face à un seul exercice, où « confess away…» est  l’unique énoncé pour les guider. McGill : Spotted récupère les réponses anonymes et ne sélectionne que les plus percutantes d’entre elles. « Nous avons reçu plus de 4 000 confessions à ce jour depuis le début et nous ne pouvons donc pas toutes les publier sans distinction. Par conséquent, nous donnons la priorité aux meilleures confessions : les plus extravagantes ou les plus drôles! En ce qui concerne les confessions choquantes, oui, nous en recevons beaucoup et, pour respecter les normes communautaires d’Instagram, nous ne pouvons pas les publier. » 

Des déclarations d’amour à des professeurs, des recommandations de lieux pour faire l’amour sur le campus, des nouvelles des souris qui rôdent dans les bâtiments… Ce sont des éléments récurrents des confessions publiées. D’après un des membres de l’équipe, « les gens aiment ce récit parce qu’il offre une perspective sans artifice de l’expérience mcgilloise ». La série des confessions sur Spotted : McGill University est une activité qui implique l’engagement des membres de la communauté. Les abonnés envoient leur réponse, car ils apprécient leur lecture anonymes des autres. L’humour grossier, qui tourne surtout autour de la sexualité, est propre à l’univers jeune des adeptes de la page Spotted : McGill University

« Les gens aiment ce compte parce qu’il offre une perspective sans artifice de l’expérience mcgilloise »

Spotted : McGill University

« Étant nous-mêmes étudiants, nous pouvons voir ce que les élèves vivent réellement, et partager nos idées sans les lourdeurs administratives de McGill. » L’objectif de Spotted : McGill University est l’honnêteté dans le partage des opinions. Les membres ne se privent pas pour critiquer ouvertement l’université, en dénonçant, par exemple, son inaction face aux cas d’agressions sexuelles ou encore la qualité médiocre des plats vendus dans les résidences. 

Le compte Spotted : McGill partage une à deux publications par jour, et chacune d’elles contient plusieurs photos. En plus des confessions et des publications Rate my professors, l’équipe conseille des restaurants et des bars, fait la critique de lieux sur le campus, offre des astuces pour naviguer dans l’Université, et répond aux questions de ses abonnés. « La gestion de @spottedmcgill est presque un emploi à temps partiel : trouver les meilleures confessions et les publier, répondre aux messages privés, trouver les meilleurs restaurants de Montréal et organiser des fêtes pour les étudiants de McGill est un effort considérable! Heureusement, nous avons une équipe formidable et personne n’est trop débordé. »

Pour financer le bon fonctionnement de sa plateforme, Spotted : McGill University s’est engagé dans des partenariats commerciaux avec des restaurants, des boîtes de nuit et des marques de bières. « Tout d’abord, nous sommes très sélectifs quant aux commanditaires avec lesquels nous travaillons. Nous ne voulons pas que le compte ait l’air d’être du pollupostage, c’est pourquoi nous nous assurons que chaque commanditaire avec lequel nous collaborons a un produit ou un service qui pourrait être utile aux étudiants de McGill. Les commanditaires nous aident à gérer le compte en nous permettant de distribuer gratuitement des tonnes de choses via notre compte Instagram. Au cours de l’année écoulée, nous avons distribué un grand nombre de sweats à capuche Spotted : McGill, des bouteilles d’eau réutilisables, des repas gratuits dans des restaurants, et bien d’autres choses encore! Et ce sont les partenaires de commandites qui nous permettent de nous offrir tout cela! » 

« La gestion de @spottedmcgill est presque un emploi à temps partiel »

Spotted : McGill University

Dans l’avenir, Spotted: McGill University aimerait lancer une application de rencontre dont l’emploi serait destiné aux étudiants de McGill. Pour cela, ils demandent régulièrement à leurs abonnés quels éléments leur semblent importants à intégrer. Certains demandent que l’application ne soit qu’accessible aux étudiants de McGill grâce à un système de vérification de la carte étudiante et d’autres veulent facilement pouvoir retrouver les élèves de leur programme ou de leur cours.

Enfin, l’anonymat est un des aspects les plus importants de l’équipe de Spotted : McGill UniversityLe Délit n’a pas pu entendre la voix de la personne interrogée, ni le nombre de membres de l’équipe. Comment rejoindre cette association? Comment recrutent-ils de nouveaux membres? « Nous ne recherchons personne susceptible de rejoindre notre équipe pour le moment. Le groupe actuel se connaissait déjà et c’est ainsi que Spotted : McGill University s’est formé. »

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Le père et la mer https://www.delitfrancais.com/2023/02/08/le-pere-et-la-mer/ Wed, 08 Feb 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50793 La mémoire de l’eau.

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Avant de vieillir, mon père était un enfant de la plage. Il est né au bord du fleuve de l’Hérault à moins d’un kilomètre de la Méditerranée. Il allait à l’école en vélo depuis le centre ville et à la plage en courant depuis l’école. Après la dernière sonnerie, il fuyait avec ses amis dans les rues ensoleillées du Grau d’Agde pour rejoindre le sable, la mer et le sel. « Mais papa, tu y allais même en hiver? » Il me confirmait que cet itinéraire était journalier. « Mais papa, en hiver il fait froid, tu ne peux pas te baigner. » Chaque saison offrait des synesthésies changeantes. L’été, il y avait la cacophonie touristique, les brûlures aux pieds, puis le rafraîchissement de l’eau. L’automne apportait le patois des enfants agathois, le frisson de la tramontane qui fouette les corps humides, les ombres du vol des oiseaux migrateurs. L’hiver de la plage offrait le goût salé des tempêtes de pluie et de la mer, le massage réfrigérant du sable gris, les percussions des vagues contre les rochers du phare. 

« Et, le printemps papa? »  Au printemps, mon père et sa famille partaient en vacances en Alsace. Pour moi, une enfant de la ville, il était impensable de partir en vacances ailleurs qu’à la plage. Qui échangerait le paradis balnéaire pour une destination urbaine quelconque? Depuis notre tendre enfance, mes sœurs et moi passions toutes nos vacances sur la plage du Grau d’Agde. J’y allais pour rendre visite à ma grand-mère et à la modeste piscine qu’elle avait faite construire pour ses petits-enfants. J’alternais entre les baignades iodées matinales et les jeux chlorés dans l’après-midi. Le soir, nous regardions la levée des étoiles en mangeant des soles desséchées par le sel. Plusieurs fois par jour, les membres volontaires de la famille formaient une cohorte pour se promener le long des quais jusqu’au phare. Au bout de la digue, j’écoutais les vibrations des rires de mon père et de ma grand-mère, fouettées dans le vent et interrompus par les postillons d’écume.

Le jour de deuil, la main de mon père m’accompagnait sur les quais de l’Hérault jusqu’au phare de la plage. Nous nous tenions debout, au bord du monde, et je regardais l’écume, je goûtais les vagues, j’entendais les mouettes. Le visage parsemé de gouttes de brouillard ou de mer, il cherchait du regard la fin de l’étendue de l’eau. Il cherchait longtemps et moi je m’ennuyais. « Papa, tu peux raconter l’histoire du coq que tu promenais sur le sable quand tu étais petit, s’il te plaît? »  Il me répondait doucement, en fixant l’infini de la mer : « Pas aujourd’hui, Agathe. » 

Après la mort de ma grand-mère, ma famille et moi venions quatre fois par an. Mon père avait hérité de la maison au bord de la plage et de la piscine de sa mère. Je passais des journées avec ma tante qui me racontait ses histoires d’enfant de la plage. Pendant les journées scolaires, elle suivait rigoureusement les principes de modestie chrétienne et revêtait l’uniforme d’écolière.Les après-midi de fins de semaine, elle faisait concurrence à ses amies dans la chasse aux hommes. J’imitais son goût pour la bêtise et j’invitais mes amis parisiens pour leur faire découvrir la mer de mon père. Nous passions des nuits chaleureuses sur le sable noir à se rafraichir de bière. Parfois, nous nous mettions nus et nous allions danser dans les vagues. Protégée par la nuit et l’alcool, notre adolescence s’épanouissait dans l’insouciance. Quand nous rentrions chez moi, mon père nous attendait. « Vous avez les cheveux mouillés! Vous êtes fous de vous baigner la nuit! C’est dangereux! »  Une tirade de complainte parentale s’en suivait et il ne fallait pas rire. L’humour de la situation devenait irrésistible, quand le lendemain, mon père me racontait qu’adolescent, il s’était fait poursuivre par des pêcheurs de nuit pour avoir jeté une bouteille de vin dans l’Hérault.

L’été de mes dix-sept ans, j’étais partie nager avec mon père dans la mer polluée de centaines de touristes bruyants. Il s’était allongé sur le dos et je le tirais vers des eaux plus calmes. Érodé par le temps, il parlait peu. Pour être honnête, je ne me souviens pas de ce qu’il me disait. J’aime croire qu’il m’a raconté une histoire de son enfance : la fois où son meilleur ami avait marché sur sept oursins d’un coup ou peut-être le jour où il fut enterré sous le sable humide pendant plusieurs heures alors qu’il dormait. Quelques mois après cette baignade, un matin de février, je reprenais la route vers le Midi.

« La voiture noire se glisse dans les premiers rayons de lumière de la journée.

Le chauffeur fixe insensiblement le reflet de mon père dans le rétroviseur.

Moi aussi. 

Le pont des maréchaux nous mène de l’autre côté de l’Hérault,

Que nous longeons jusqu’à la rue Jean Jaurès,

En passant par la rue Pasteur. “Il est né là.“ 

Sur la Grand’Place, la statue d’Amphitrite indique le chemin 

De ses yeux apeurés et arrosés par le déchaînement marin.

Ces gouttes décorent les vitres de la voiture et les cernes de mon visage.

Mon père profite du paysage familier depuis son modeste sarcophage. 

Nous allons nous faufiler dans les allées abandonnées du Grau d’Agde,

Avant de rejoindre la plage où j’attendrai le jour, mon père sous la main.

Je marche jusqu’au phare pendant que l’urne se couvre de brume.

Puis mon père s’envole et se dissout.

Sa neige grise s’égare dans les souffles matinaux et se dépose sur l’écume.

La mer le pardonne et l’absout.

Et enfin, je ne vois plus que le silence des vagues. »

Je fixe le point de l’horizon où le ciel et la mer se rejoignent. Je cherche plus loin encore. Je comprends enfin que ni le brouillard ni la mer apaisent les brûlures des larmes du deuil.

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Réflexions d’un myope dans la glace du barbier https://www.delitfrancais.com/2023/01/18/reflexions-dun-myope-dans-la-glace-du-barbier/ Wed, 18 Jan 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50510 L’ennui par définition.

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Mon barbier ne parle pas. Quand je m’assois dans le fauteuil à bascule, je comprends au coup de menton adressé à mon reflet dans la glace qu’il attend que je décrive la coupe de cheveux désirée, sans jamais prononcer un mot. Il écoute ensuite avec un désespoir à peine voilé la même réponse vague et inutile que je lui sers à chaque fois, sans photo à l’appui pour illustrer mon souhait (parce qu’en fait je n’ai jamais d’idée).

Tous les deux mois, ou presque, c’est le même rituel : je m’installe devant lui en silence, gêné par les longs coups d’œil circulaires qu’il lance autour de mon crâne afin d’évaluer l’ampleur de sa tâche, puis, dans un dernier geste, il retire délicatement mes lunettes. Dès l’instant où les verres quittent mes yeux, c’est l’ennui. L’ennui d’une vue trop faible qui m’empêche de voir la progression de son travail, et de ne rien saisir de ce qui m’environne, ni les objets, ni les visages ; l’ennui de n’avoir rien à dire à quelqu’un qui ne propose pas de m’écouter ; l’ennui, enfin, de me trouver dans un état quasi-végétatif qui me rend bête comme un escalator en panne (ou les courriels du point service de McGill). C’est l’ironie perpétuelle de mes visites au salon de coiffure depuis l’enfance : figé dans la contemplation d’un reflet que je ne peux pas voir, je suis envahi du sentiment tenace d’être un élément superflu de l’univers ; je suis cette petite tache floue, cet être myope qui ne doit sa survie qu’à l’attendrissement de forces invisibles. Quarante minutes, c’est un temps long à meubler quand on a pour soi que son imagination. J’écoute un instant la conversation des autres clients, mais elle ne m’intéresse pas car elle appartient à des gens qui voient nettement ; il y a comme un voile de gaze entre eux et moi qui constitue une barrière vague mais bien sensible entre nos deux réalités. Je vis dans un tableau de Monet et j’aime ça.

«Je suis envahi du sentiment tenace d’être un élément superflu de l’univers»

Les derniers petits cheveux bruns tombent sous mes yeux, comme la neige dans la rue, la caresse du blaireau et finalement le barbier me tend comme un plateau le petit miroir où reposent mes lunettes. Le résultat est à peu près correct (exactement comme je ne l’avais pas imaginé). Je laisse un joyeux «au revoir, à la prochaine!», un généreux pourboire de 25 pourcents et me retrouve dans la rue ; la tête rasée de frais prise dans la bise glacée de l’hiver. Mes yeux jouissent à nouveau de tous les détails du monde, ces mille petites choses qui interpellent le regard et embellissent la vie.

Je pourrais aller voir ailleurs, bien sûr, pousser la porte d’un autre des quelque 1500 salons de coiffure de Montréal, mais je crois que je me suis attaché à ces moments d’ennui qui nourrissent en moi, au sortir du salon, l’envie dévorante de tout voir, de tout connaître ; l’envie de sentir les choses comme si elles pouvaient à tout moment m’échapper.

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Tribulations d’un amateur de piano https://www.delitfrancais.com/2023/01/18/tribulations-dun-amateur-de-piano/ Wed, 18 Jan 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50515 Retrouvailles et perte de mon premier amour.

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En septembre, je me suis acheté un clavier à trois cents dollars afin de jouer mes partitions préférées. En parallèle, je me suis inscrit à une académie musicale montréalaise. J’ai réussi à convaincre mes parents de me financer la moitié des cours, m’acquittant du reste avec l’argent qu’ils me donnaient pour vivre.

Le piano me séduit depuis que je sais différencier le blanc du noir. Tout jeune, on m’a inscrit au conservatoire où je trainais mes doigts, trois fois par semaine, avec le même enchantement à chaque début de cours et la même frustration à chaque fin. À mesure que les années passaient, ce cycle répétitif a figé ma relation au piano dans un refrain d’éternelle lassitude. À quatorze ans, j’ai quitté le conservatoire pour m’ouvrir à des horizons plus séduisants. Entre les cours de mathématiques et mes premières ivresses, le solfège ne rythmait plus mon adolescence. J’avais procédé à une cure de désintoxication musicale, remplaçant toutes les musiques classiques de mon téléphone par du rap. Je parlais du conservatoire et des cours de piano comme on parle d’une relation brisée, d’un premier amour gâché. «C’était affreusement toxique comme relation». «De toute façon, je crois ne jamais l’avoir aimé». «J’aurais dû m’arrêter plus tôt ».

Puis, cet été, à force de concerts de piano et d’argumentaires en ostinato de mon oncle, qui pouvait répéter dans la même journée cinq fois les mêmes mots, dans le même ordre, avec la même intonation. Pour lui, la musique était une intarissable avenue de découvertes, qui m’offrirait plus de plaisir que n’importe quelle activité dans mon quotidien. J’y ai été sensible. Cette notion de plaisir me touchait particulièrement car elle me plongeait dans un état proche du souvenir amoureux. Pour la première fois, j’étais nostalgique du piano. J’avais l’impression de croiser mon premier amour au hasard dans la rue. Je savais que je ne résisterais pas à une nouvelle ballade avec elle.

Le clavier acheté et les cours organisés, je me lançai dans les tourbillons des clefs et des bacs à silence. Je jouais une heure par jour en rentrant de la bibliothèque et j’avais une heure de cours le lundi après-midi. Le premier mois fut excitant. Je retrouvai les tours dont mes doigts étaient capables. J’entendais les sons satisfaisants que les suites de caresses et de frôlements suscitaient. Après un si long interlude, le désir ressurgissait. Au bout du deuxième mois, pourtant, je retrouvais ses défauts : l’effort constant que cette amante exigeait, le temps qu’il fallait lui dédier, et puis l’insatisfaction rongeante qu’elle provoquait. Alors, j’ai commencé à me dire que je ferais plus d’heures de piano la fin de semaine pour rattraper celles que j’avais séchées pendant la semaine. Puis, j’ai arrêté d’aller à mon cours hebdomadaire, prétextant une trop grosse charge de travail.

Un jour, j’ai remarqué que notre canon s’était légèrement déplacé. J’avais initié la coda lorsqu’une fois je m’étais assis sur le siège mais dos au piano. Le clavier s’était intégré au décor en se fondant parmi tous les autres meubles. A suivi une cacophonie progressivement désagréable. Au lieu de travailler ma patience, je me suis épris de paresse reproduisant le schéma de la première rupture. Ennui, découragement, distraction, oubli, ressentiment, colère, diabolisation, indifférence: j’ai débranché le clavier. En écrivant ce texte, j’entends encore le triste decrescendo de notre séparation. «Le premier amour est toujours le plus pur». «Nous avons chacun besoin de temps en solitude». «Cette histoire n’est pas finie».

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