Archives des Culture - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/artsculture/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 29 Jan 2025 15:59:56 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.1 Rencontre avec Matthew Rankin, réalisateur du film canadien sélectionné pour les Oscars https://www.delitfrancais.com/2025/01/29/rencontre-avec-matthew-rankin/ Wed, 29 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57151 Le cinéaste nous dévoile Une langue universelle.

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Retourner à la maison, s’occuper de sa maman : ce sont ces motivations empreintes de tendresse qui poussent Matthew, un fonctionnaire, à quitter Montréal pour retourner à Winnipeg, sa ville natale. Dans Une langue universelle, la quête du chez-soi, un foyer où l’on est inclus plutôt qu’invité, constitue le cœur du récit. Ce chez-soi, Matthew Rankin, co-scénariste, réalisateur et acteur s’interprétant lui-même, le traduit avec une telle sensibilité que le film est retenu comme candidat canadien dans la Liste Courte du meilleur film international des 97e Oscars de 2025. Mais le pays de l’érable que Rankin dépeint n’est pas celui que l’on connaît : dans ce film, sélectionné parmi le Top 10 des meilleurs films canadiens de l’année 2024, le Canada est un univers unique et biscornu, où le persan et le français sont les langues officielles du pays.

L’histoire s’ouvre au sein d’une école d’immersion française, où un professeur acariâtre enseigne à des élèves intrigués par une dinde et des lunettes disparues, nous plongeant au cœur d’un enchaînement d’événements improbables. Dans un autobus en direction de Winnipeg, ce même professeur croise la route de Matthew, à la recherche de sa maison d’enfance, tandis que deux écolières poursuivent un billet de 500 riels gelé sous la glace. Massoud, un guide touristique, s’ajoute à ce tourbillon où les destins et les corps semblent se confondre. Vous l’aurez compris : pour le deuxième long métrage de fiction du cinéaste, tout s’entrelace. Couronné du prix du public au Festival de Cannes, ce récit fascinant explore des liens invisibles et des hasards troublants. Cela dit, je n’ai pu m’empêcher de questionner les racines autobiographiques du film, où Rankin se met en scène, ainsi que l’imaginaire derrière ce Canada franco-perse, si singulier. Alors que les crédits défilaient, le film m’a laissée à mes songes – heureusement, Rankin a répondu à mes questions.

« Ce film, par son espace doux et fluide, a trouvé une résonance universelle, et c’est peut-être pour cela qu’il a touché tant de gens »

Matthew Rankin, réalisateur d’Une langue universelle

Le Délit (LD) : Une langue universelle propose un univers hybride où se rencontrent des éléments de la culture iranienne, du persan et du français dans un Canada réinventé. Qu’est-ce qui vous a conduit à mélanger ces influences culturelles?

Matthew Rankin (MR) : Oui, c’est un film très hybride. Pour moi, il repose sur trois grands piliers : un amour du cinéma iranien, du cinéma winnipégois et du cinéma québécois. C’est un amalgame, un peu comme une pizza hawaïenne, qui fusionne différents codes cinématographiques. L’idée était de créer un film qui dépasse les frontières, qui soit « sans nation ». Ce n’est ni un film canadien, ni iranien, ou québécois : c’est une œuvre à la confluence de ces univers, un reflet de nos vies qui sont, en réalité, beaucoup plus fluides que les frontières et catégories que nous leur imposons. Ila Firouzabadi [co-scénariste et actrice dans Une langue universelle, ndlr] et moi avons ressenti un désir de représenter cette absence de barrières et d’explorer un espace surréaliste, mais aussi authentique, qui reflète nos expériences de vie collective.

LD : Votre film regorge de références historiques et nationales, comme une murale représentant Brian Pallister, ancien premier ministre du Manitoba, serrant la main de Justin Trudeau. En tant que diplômé en histoire à McGill et à l’Université Laval, ces références étaient-elles intentionnelles pour ancrer votre récit dans un contexte historique précis?

MR : Oui, ces références font partie des codes du film, mais nous avons voulu les subvertir en les examinant sous un autre prisme. Par exemple, à Winnipeg, les spectateurs ont vu dans le film un miroir de leur identité, même s’il est en persan et en français, des langues peu parlées là-bas. À Téhéran, les spectateurs ont eu une réaction similaire. Ce que nous avons cherché à créer, c’est un espace liminal, un lieu entre-deux. C’est là où la plupart de nous existons : dans des zones de transition, dans un écosystème complexe et souvent absurde. Ces codes, tout en ancrant le film dans un contexte, nous permettent aussi de questionner les cadres binaires qui organisent notre monde.

Maison4tiers

LD : Le film explore le thème de la défamiliarisation, avec un protagoniste qui, partout où il va, reste un invité. En quoi ces thèmes sont-ils liés à vos expériences personnelles?

MR : C’est un reflet direct de mes expériences. J’ai grandi à Winnipeg, mais après 20 ans d’absence, je ne m’y sens plus complètement chez moi. Je suis à la fois un étranger et un ancien local. À Montréal, où je vis depuis longtemps, c’est un peu la même chose : je suis Québécois, mais pas au sens traditionnel. Ces tensions ont créé une histoire qui dépasse les appartenances géographiques. Winnipeg, par exemple, partage des similitudes avec Téhéran, que ce soit dans l’architecture ou l’humour noir. Le film reflète ces espaces « entre » et « au-delà » que nous naviguons tous.

LD : Le titre « Une langue universelle » semble paradoxal, compte tenu du fait que le film est en persan et en français. Pourquoi ce choix?

MR : Le titre fait référence à l’espéranto, une langue conçue pour unir les peuples. Ila et moi travaillons d’ailleurs sur un autre projet portant sur l’espéranto [rires]. Au-delà des langues parlées, une « langue universelle » peut être une forme de communication fondamentale : un langage cinématographique, un geste tendre ou même un regard. Puis, mon intérêt pour les langues indo-européennes, que j’ai étudié à McGill d’ailleurs, m’a aussi influencé. Ces dernières proviennent du latin, une langue-mère oubliée, mais on en ressent encore l’influence. Similairement, ce film explore cette idée de résonance universelle, au-delà des mots.

LD : Votre film a été accueilli avec enthousiasme sur la scène internationale, notamment avec une sélection dans la liste courte pour l’Oscar du meilleur film international. Comment percevez-vous cette reconnaissance, et influence-t-elle votre vision du cinéma canadien?

MR : Ce qui me fait rire, c’est que malgré nos efforts pour créer un film sans étiquette nationale – ni canadien, ni iranien, ni québécois – il soit classé comme « canadien » [rires]. Le film est simplement canadien à cause de notre citoyenneté. Une langue universelle est transnational, construit autour des connexions improbables qui nous unissent. Sa fluidité rejette les oppositions rigides que l’on utilise pour structurer le monde. Je pense que nous vivons dans une époque en pénurie de tendresse, et ce film, par son espace doux et fluide, a trouvé une résonance universelle, et c’est peut-être pour cela qu’il a touché tant de gens.

Le film prendra l’affiche partout au Québec le 7 février 2025.

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Réminiscence & traditions https://www.delitfrancais.com/2025/01/29/reminiscence-traditions/ Wed, 29 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57177 De génération en génération.

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Quand j’y songe, il m’est impossible de dissocier le Nouvel An chinois d’une ambiance familiale ; j’entends les enfants jouer et courir sans crier gare, tandis que les adultes les hèlent par vigilance, tout en apportant deux plats de la cuisine, où on entend le hachoir chinois rythmer la cadence en tranchant le porc grillé. Un chœur qui accompagne la sérénade de rires, de conversations en teochew [langue parlée à au Sud-Est de la Chine, ndlr], le tout tel un canon lyrique. On se situe dans une pièce de vie chaleureuse et l’on soupçonne déjà olfactivement, avec impatience, les plats à venir (même si le salon est embaumé d’encens). Oui, cet événement me paraît telle une madeleine de Proust. Et ce, même en étant né et en ayant grandi en France.

Chez moi, la tradition se perpétue dans l’hexagone et continue de se transmettre de génération en génération. D’enfant à adolescent, de jeune adulte à adulte, puis à senior, nous incarnons des rôles bien différents à mesure que les années passent. Les mœurs, quant à elles, demeurent immuables :

- L’enfant le vit presque comme une grande cousinade ; il sait qu’il va se régaler et avoir de l’argent de poche via les enveloppes rouges (hóngbāo). Il va juste brûler quelques faux billets, bijoux et ornements, afin de transmettre vers les cieux, de l’argent et ces offrandes à feu ses ancêtres. À l’instar de cette coutume, la fumée de l’encens fait également parvenir les prières aux défunts. Les enfants sont parfois même vêtus de tenues traditionnelles, généralement faites de soie et de couleurs vives (rouge, bleu, jaune flamboyant).

- Dès l’adolescence, il est progressivement amené à aider « les grands » : disposer les tables en longueur, compter la cinquantaine de personnes et placer les tabourets en conséquence. Il interdit les plus jeunes de piquer de la nourriture, disposée telle une exposition, le temps d’un bâton d’encens, afin que les défunts aient pu « dîner » avant.

- Une fois jeune adulte, on lui octroie même la supervision de la gestion du feu, dehors, pour faire brûler aux plus jeunes, les faux billets, tout en gardant un œil sur eux. C’est aussi à ce moment-là, qu’il peut leur expliquer, les principes et subtilités de ce rituel. Si le jeune adulte est marié, il doit cette fois lui aussi, contribuer à distribuer les enveloppes rouges aux plus jeunes, en guise de porte-bonheur (la somme d’argent à l’intérieur importe peu et n’est que symbolique). À tout le moins, s’il a des enfants, c’est également aux autres adultes d’offrir ces hóngbāo à ses enfants.

- Les adultes plus agés sont appelés aux mêmes devoirs mais endossent bien souvent les rôles de chefs cuisiniers. Une consigne est alors instruite aux plus jeunes : pour les remercier d’avoir fait à manger, on leur garde des places sur la table des « grands ». Ils sont mêlés aux seniors qui eux, supervisent ici et là, doucement, mais préféreront profiter des petits-enfants, en leur contant des anecdotes sur leurs parents, tout en feuilletant des albums photo.

En somme, tel un Noël européen, le Nouvel An chinois, c’est une véritable réunion de famille autour d’un grand repas et bien de nombreux convives. Un moment joyeux de retrouvailles qui appelle à la bonne humeur, la fraternité et la solidarité. Le temps passe, les familles s’agrandissent et deviennent des familles à part entière, l’oncle et la tante devenus eux-mêmes grands-parents, les grands-parents n’étant plus de ce monde, ou mon père étant devenu lui-même grand-père! Chaque famille se subdivise et célèbre cela dans son coin. La teinte devient plus triste lorsqu’elle se résume à quelques vœux et emojis partagés via WhatsApp.

Aujourd’hui, c’est ainsi avec plus de nostalgie que je vis ces dernières célébrations lunaires, sans ruminer ou me plaindre de cette fracture de foyers, qui n’est que somme toute, logique. J’évoque par ailleurs la lune car c’est le calendrier lunaire chinois et l’astrologie chinoise (et les 12 signes qui en découlent) qui sont suivis. Ma famille adorait écouter les prédictions de ma mère qui était l’une des rares à savoir lire le chinois. Elle n’est plus de ce monde mais j’aimerais, dans un avenir proche, lui faire parvenir les prières de mes enfants, à mon tour, et ainsi lui offrir le plus beau des hóngbāo. Pour le moment, je lui dédie au moins cette photographie car elle était couturière à Paris et c’est elle, à travers cette machine notamment, qui aura tant œuvré pour notre famille.

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Dans les rues de Hanoï https://www.delitfrancais.com/2025/01/29/dans-les-rues-de-hanoi/ Wed, 29 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57240 Janvier 2023

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Constamment entre New York et Hanoï, je peine à trouver l’endroit auquel j’appartiens, ressentant sans cesse cette aliénation inévitable envers ma ville natale. La photographie est mon refuge. C’est ainsi que je parviens à appartenir. C’est ainsi que je parviens à préserver ces moments précieux.

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Vies brisées, voix retrouvées https://www.delitfrancais.com/2025/01/29/vies-brisees-voix-retrouvees/ Wed, 29 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57250 Monstres et les récits des enfants de la DPJ.

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Le théâtre, par son langage universel et sa capacité à faire résonner le non-dit, s’impose comme un médium pour transposer l’indicible en une expérience sensible et collective. C’est exactement ce que les Créations Unuknu nous offrent avec la pièce Monstres présentée au Théâtre Denise-Pelletier : un miroir éclaté de l’enfance marquée par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), où se mêlent cauchemars et espoirs.

« La famille, ça passe par des gens qu’on a choisis. »

Il ne faut que quelques minutes avant que le spectateur ne soit confronté à l’effondrement du quatrième mur, lorsque l’une des anciennes jeunes suivies par la DPJ se présente comme conférencière pour partager son parcours, son récit de triomphe. Après son adoption, elle gravit les échelons sociaux, tel qu’elle le raconte dans son livre fictif. Face à cette histoire « trop parfaite », un spectateur se lève pour l’interroger sur son récit de conte de fées, dans un échange si malaisant que j’ai instinctivement échangé un regard perplexe avec mes voisins.

En parallèle, nous suivons le parcours de Moineau, une jeune fille, et sa famille dysfonctionnelle, au sein d’une société qui ne sait que la déplacer de foyers d’accueil aux centres jeunesse. Elle s’enlise dans une spirale de souffrance et d’errance, laissée à elle-même, et confrontée aux réalités brutales de l’abus et de la rue.

« L’alternance visuelle des deux fragments de maison qui composent le décor renforce la dichotomie des récits et des réalités sociales explorées »

La pièce est ponctuée de ces interludes où des témoignages audios sont livrés par de jeunes adultes du Collectif Ex-placé DPJ. Ces voix, empreintes de franchise et d’une lucidité touchante, s’expriment à travers des mots comme « amour », « peur », « famille » pour dévoiler un aspect de leur histoire encore plus humain. Leur transcription en alphabet phonétique rend hommage à la diversité des accents, des prononciations et de la parole de ceux qui communiquent leur expérience.

Lors d’une séance de discussion avec les ex-placés à la fin de la pièce, j’ai interrogé la metteuse en scène Marie-Andrée Lemieux et l’autrice Marie-Ève Bélanger afin de mieux comprendre pourquoi avoir utilisé l’art comme première approche pour recruter le comité. Leur réponse, marquée par une profonde humilité, traduisait une volonté de collaboration sincère : « On ne voulait tellement pas s’approprier leurs idées », confient-elles avant d’ajouter : « C’était important pour nous d’arriver avec nos idées dès le début […] il y a des choses que je n’aurais jamais trouvées dans l’écriture [sans l’aide des jeunes du collectif, ndlr] comme le fait que “ce ne sont pas des placements qu’on vit, mais des déplacements”, […] “on va au trou, on fait notre temps” […] [ je voulais tellement] mettre ça dans la bouche d’un personnage. » L’écriture dramatique trouve ici un écho dans une mise en scène qui déploie une énergie rythmée entre jeux sonores, chorégraphie et scénographie d’une fluidité impressionnante. L’alternance visuelle des deux fragments de maison qui composent le décor renforce la dichotomie des récits et des réalités sociales explorées. La pièce présente parfois des choix de mise en scène proches de la comédie musicale. L’exagération de certains personnages loufoques en tenue extravagante frôle un peu l’excès dans les moments où la tonalité bascule vers une légèreté presque enfantine. Bien que l’intention soit sans doute de retrouver une certaine légèreté dans l’œuvre, ces instants semblent affaiblir la gravité du propos, forçant une impression d’artificialité qui détonne. Ces petites ruptures de ton n’enlèvent rien à la force de l’œuvre dans son ensemble. Car au-delà de ces touches comiques, ce qui persiste, c’est la résonance de l’histoire racontée grâce à la mise en scène qui a permis d’offrir une véritable catharsis, un espace de parole libéré et nécessaire. Monstres n’est pas seulement une œuvre théâtrale, mais un véritable acte de partage et de résilience.

Monstres est présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 8 février 2025.

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Lancement de la 23e édition de la revue Lieu Commun https://www.delitfrancais.com/2025/01/29/lancement-de-la-23e-edition-de-la-revue-lieu-commun/ Wed, 29 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57254 Rendez-vous au pied de la lettre.

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Éditer c’est rendre les mots tangibles. C’est rendre accessible l’histoire qui ne vit que par son auteur, pour son auteur. Éditer, c’est partager. C’est pourquoi Lieu Commun nous a offert un moment d’échange lors du lancement de son 23e numéro, celui de l’automne 2024.

Revue mcgilloise depuis 2012

Lieu Commun est l’unique revue littéraire francophone de l’Université McGill, qui réalise chaque semestre un appel de textes. Ce dernier se base sur un thème : une expression de la langue française, telle que « l’ombre au tableau » de l’édition d’hiver 2024, que l’équipe éditoriale vous invite à déconstruire, à réinventer. Pour montrer que les mots ne sont pas figés, pour titiller votre réflexion, votre imagination. Si la revue prend racine à l’Université McGill, les soumissions sont toutefois ouvertes à tous.

Synonyme de partage

Tenu à la librairie N’était-ce-pas l’été, dans le quartier de la Petite Italie, le lancement a permis la rencontre entre auteur·rice·s, éditeur·rice·s et lecteur·rice·s. La soirée s’est ainsi ouverte sur les mots d’Alexandra Girlovan, éditrice et coordinatrice de la revue, accompagnée des autres membres du comité éditorial : Océane Nzeyimana, César Al-Zawahra, Irina Kjelsen, Julie Nicomette, Naomi Degueldre et moi-même. Puis, les auteur·rice·s présent·e·s ont eu l’occasion de lire leur texte édité, plongeant l’auditoire dans un moment suspendu où seuls les mots comptent. Le cadre propice à la découverte a permis un moment « inspirant », comme le souligne Robin Cros, un étudiant présent pour l’occasion, créant un véritable écrin de bienveillance. Certaines phrases ont marqué les esprits, des images ont provoqué des conversations sur le rôle de l’écriture et son importance.

« Pour montrer que les mots ne sont pas figés, pour titiller votre réflexion, votre imagination »

Immergés au milieu des livres, dans une ambiance chaleureuse et conviviale, tous ont eu l’opportunité, l’espace de quelques heures, de pousser la porte de l’univers littéraire. C’est par ailleurs ce que m’a souligné Franck Menelik, étudiant de HEC : « Les lectures ont touché des cordes sensibles en moi […] c’est toujours si agréable de réaliser qu’on n’est pas le seul à écrire. C’est, sans aucun doute, une communauté qui rapproche et qui crée des liens. »

Chacun a ainsi pu repartir avec un exemplaire de la revue. Cet exemplaire gratuit restera une part tangible de cette parenthèse hors du temps, un souvenir des mots échangés, des rêves évoqués et des conversations inachevées qui se poursuivent à l’extérieur. Le lancement s’est terminé sur l’annonce du thème pour l’édition d’hiver 2025 : « La mer à boire», de l’expression « ce n’est pas la mer à boire ». Si, originalement, cette formule s’emploie pour dédramatiser une situation, libre à vous de la déjouer, de la défaire. Libre à vous de penser différemment. Et c’est par ailleurs ce que comptent faire plusieurs personnes interrogées lors du lancement ; leurs esprits fourmillent déjà d’idées. Alors, si l’inspiration vous vient, si les mots coulent de source, si vous rêvez de tenter une nouvelle aventure, n’hésitez plus et écrivez. Soumettez votre texte. Qu’il soit retenu ou non, vous aurez parcouru la plus grande partie du chemin en acceptant de vous livrer sur le papier ; en cherchant à voir plus loin que ce que les thèmes peuvent signifier.

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Tết loin de chez soi https://www.delitfrancais.com/2025/01/29/tet-loin-de-chez-soi/ Wed, 29 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57141 Entre nostalgie, adaptation et redécouverte.

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C’est ma quatrième année à célébrer le Tết loin de chez moi. Vivre le temps du Tết, plutôt que de le fêter. Une étrange indifférence s’installe en moi et elle me fait peur : étreinte oppressante à l’idée de me perdre. L’excitation usuelle qui m’habite est désormais inexistante. Je repense au Nouvel An 2021 célébré à Hanoï, quand je suis rentrée dans la maison après avoir « franchi son seuil ». Selon cette coutume, la première personne à le faire, le premier jour de la nouvelle année, doit être choisie à l’avance, en fonction des signes du zodiaque porteurs de chance. Je crois que c’était mon frère qui était le premier à entrer. Chez nous, on achetait aussi des thés aux perles. Une tradition simple et familiale, en raison de mon anniversaire et de celui de mon frère qui tombaient étrangement – deux années de suite – le jour du Nouvel An. Mon père me serre dans ses bras, me souhaitant la santé et le bonheur. Je me souviens vivement lui avoir dit que ce serait la dernière fois, pour très longtemps, que je fêterais le Nouvel An à la maison.

Tous les objets, parfums et sensations me reviennent tendrement. Lì xì, enveloppe d’argent porte-bonheur. La rue Hàng Mã, ornée de décorations festives. Occasionnellement, les gens vêtus de áo dài [robe traditionelle vietnamienne, ndlr]. Il m’est difficile de décrire cette excitation palpable suspendue dans l’air frais, comme si tout autour était baigné dans une atmosphère festive. Chez nous, il y a toujours un kumquat, un petit abricotier, et mon favori : un grand pêcher forestier, rose pâle et non rose vif, qui occupe toute l’entrée menant au salon. Sur la table du salon, une multitude de grignotines : des fruits confits (ô mai), des bonbons, des chocolats et des biscuits, mais mes préférés ont toujours été les graines de citrouille et les pistaches. Une théière, constamment maintenue au chaud, car la maison ne cesse de recevoir des visiteurs. Pour le repas, on mange des rouleaux impériaux (nem), du poulet bouilli, et surtout du bánh chưng, un gâteau fait de riz gluant, rempli de haricots mungo et de viande. Chez nous, le bánh chưng se mange avec du chè kho, un pudding sucré à base de ces mêmes haricots, spécialité de ma grand-mère. Il y a des chansons de fête qui résonnent partout : à la télé, dans la voiture de mon père, dans la rue, dans les cafés et les restaurants. Pourtant, le matin du Nouvel An, toute la ville se plonge dans un silence paisible et tellement doux. On sort pour rendre visite à la famille. Le deuxième jour, on part à la campagne pour brûler des encens en l’honneur de nos ancêtres.

Présentement, à Montréal, cette excitation et cette joie vibrante sont absentes. Je sors de l’école à 19 heures, la nuit étincelée de cristaux de neige. Il ne fait pas froid, du moins pas ce froid qui giflait comme au Vietnam, même si la température là-bas ne descendait que rarement en dessous de 10°C. Ici, tout est blanc.

Dans mes souvenirs, tout était rouge.

Une nostalgie amère s’empare de moi. Il est difficile de parler des expériences qu’on a vécues lorsqu’elles ne sont plus que des souvenirs. Des souvenirs teintés de mélancolie. Du regret de ne pas avoir vécu pleinement ces moments, de ne pas les avoir appréciés lorsque j’en avais l’occasion. D’une envie persistante de revenir en arrière, de redevenir enfant au temps des fêtes, innocente et insouciante. De jouer des pièces de piano pour ceux qui nous rendent visite, de cueillir les pétales de mon arbre fruitier préféré tombés au sol. De manger des plats de Tết tous les jours durant le temps des fêtes.

L’hiver montréalais m’a été pénible. Pourtant, cette année, je le trouve bienveillant. Le froid me caresse. Je pense aux travaux qui m’attendent. Ils me rappellent pourquoi tout cela en vaut la peine. Il est temps pour moi de créer mes propres traditions, loin de mon pays natal, loin de ma famille. Mais une partie en moi craint cet élan. Je m’accroche à mes souvenirs, je mets des chansons que j’écoutais autrefois. Je casse mes pistaches. Elles n’ont plus le même goût qu’à l’époque où j’étais enfant. Les moments de ma jeunesse se transforment en un rêve lointain, auquel je reviens sans cesse, tentant de revivre ce que j’étais. J’essaye de revoir ma maison pendant le Tết, encore et encore, espérant qu’elle y reste à jamais si j’y songe assez longtemps.

Comme Verlaine qui dit,
« Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure »

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Angie Larocque : l’unique designer québécoise à la Semaine de la mode de Paris https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/angie-larocque-lunique-designer-quebecoise-a-la-semaine-de-la-mode-de-paris/ Wed, 22 Jan 2025 21:18:29 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56983 La créatrice nous invite dans les coulisses de son parcours et de son saut à l’étranger.

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La session de mode masculine pour la saison Automne/Hiver 2025–2026 de la Semaine de la mode parisienne a débuté hier, le 21 janvier, promettant de nouvelles collections de marques haute couture à couper le souffle. Si des noms emblématiques comme Louis Vuitton ou Jacquemus marquent cet événement jusqu’au 26 janvier 2025, une nouveauté se prépare pour la Semaine de la mode féminine prévue au mois de mars prochain : Angie Larocque, avec sa marque éponyme, sera la seule québécoise à dévoiler une collection sur cet illustre podium de la mode internationale.

Certains ont pu la voir dans les films Un monde à l’envers (2012) ou Un homme à la mer (2018) avec Eva Longoria, car Larocque est avant tout une personnalité québécoise aux multiples talents. Actrice, danseuse, coiffeuse, designer et entrepreneure, elle fait ses débuts dans la mode en 2022, en présentant sa première collection à l’événement de mode montréalais Festival M.A.D (Mode – Arts – Divertissement). Rapidement, son travail gagne en reconnaissance : l’une de ses créations a été portée par la chanteuse Véda lors du Gala de l’ADISQ en novembre dernier, et ses collections ont été mises en valeur lors des dernières Semaines de la mode de Montréal. Le 8 mars 2025, elle franchira une étape majeure en présentant ses créations dans le cadre enchanteur de la Galerie Bourbon, ancienne résidence de la famille royale d’Espagne.

Le Délit a rencontré Angie pour parler de son évolution artistique, des origines de sa marque et de ses attentes face à la Semaine de la mode de Paris.

Le Délit (LD) : Vous avez eu un parcours très diversifié, allant du ballet classique au cinéma, et maintenant à la mode. Pouvez-vous nous parler de vos débuts artistiques?

Angie Larocque (AL) : Oui! J’ai commencé le ballet classique à l’âge de trois ans en Gaspésie, que j’ai pratiqué jusqu’à mes 20 ans, un peu par intermittence. À l’école, j’étais toujours impliquée dans les arts, le théâtre et surtout l’improvisation. J’ai aussi étudié à l’école artistique FACE à Montréal, où la créativité était très présente. Bref, l’art a toujours fait partie de moi. Plus tard, le cinéma est arrivé par hasard. Une amie m’a appelée pour une audition de figuration dans un film avec une coproduction franco-américaine. À l’époque, je travaillais dans un salon de coiffure, car je suis aussi une coiffeuse diplômée. On m’avait dit : « Si tu n’as pas de nouvelles dans une semaine, ça veut dire que tu n’es pas prise. » Je n’ai pas été rappelée tout de suite, mais un mois plus tard, en plein milieu d’un rendez-vous avec une cliente, j’ai reçu un appel. On m’a offert un troisième rôle pour Un monde à l’envers (2012) et demandé si je pouvais aller aux essayages le jour même. Ce fut mon premier crédit ACTRA (Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists), et tout a déboulé à partir de là.

« La pression vient du fait que Paris, c’est l’élite. Je veux que le Québec soit pris au sérieux. Mais c’est aussi une immense fierté. Je veux montrer que nous avons notre place là-bas, et je compte bien marquer les esprits »

Angie Larocque, designer québécoise

LD : Comment votre expérience d’actrice influence-t-elle votre travail de designer?

AL : Cela m’a appris à prêter attention aux détails et à être à l’écoute de la vision artistique globale. Sur les plateaux, j’étais coiffeuse avant d’être actrice, donc je comprends les deux côtés. Aujourd’hui, en tant que designer, j’ai un contrôle total sur ma vision, et c’est aussi exaltant!

LD : En 2022, vous lancez votre propre marque de vêtements, Angie Larocque. Qu’est-ce qui vous a inspirée à faire ce grand saut dans le design de mode?

AL : Tout a réellement commencé en 2017. Je voulais créer ma propre marque, car j’achetais beaucoup de produits locaux et écoresponsables pour mon fils. Je me suis dit : « Pourquoi ne pas les concevoir moi-même? » J’ai donc lancé une marque de vêtements pour enfants appelée Biggie Smalls : des grands vêtements pour des petites personnes [rires]. Durant la pandémie, j’ai mis ce projet de côté pour me concentrer sur de nouvelles compétences. J’ai suivi des cours à l’École des entrepreneurs du Québec pour apprendre la stratégie, le marketing et la comptabilité. C’est là que j’ai décidé de me tourner vers la création de lingerie avec une collection nommée « Les Aguicheuses », présentée au Festival M.A.D. À travers cette expérience, je me suis rendu compte que ce qui me passionnait vraiment, c’était de créer des robes, et Angie Larocque est née.

JF GALIPEAU Evoto

En ce moment, je veux me diriger vers la haute couture. Ma dernière collection, d’ailleurs, intitulée « Rosa Nera », s’inspire de l’élégance des mariages italiens traditionnels qu’on peut voir dans le film Le Parrain (1972) par exemple. Les robes sont très couvrantes, avec beaucoup de dentelles, mais restent très sensuelles. C’est important pour moi, la féminité, la sensualité ; mettre en valeur le corps de la femme. Lors de mon premier défilé au Festival M.A.D., par exemple, j’ai voulu montrer des corps variés, de la taille Petit à 3X. L’une des mannequins taille plus m’a écrit une lettre bouleversante expliquant comment cette expérience avait changé sa perception d’elle-même. À ce moment-là, je me suis dit : « Je suis vraiment à la bonne place. Si je peux faire une différence chez les femmes à ce niveau-là, pourquoi pas? »

LD : Présenter une collection à Paris, à la Galerie Bourbon, est un événement majeur. Comment gérez-vous la pression et la fierté d’être la seule designer québécoise?

AL : C’est un mélange des deux. La pression vient du fait que Paris, c’est l’élite. Je veux que le Québec soit pris au sérieux. Mais c’est aussi une immense fierté. Je veux montrer que nous avons notre place là-bas, et je compte bien marquer les esprits. À la Gaspésienne, je suis prête à impressionner tout le monde!

LD : Vous avez récemment lancé une campagne de financement. Pouvez-vous nous en parler?

AL : Oui, c’est une campagne pour soutenir les frais de production de ma collection à Paris. Tout le monde peut contribuer, que ce soit par des dons ou en partageant l’information. Chaque geste compte et m’aide à représenter le Québec sur cette grande scène!

LD : Pour finir, quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent se lancer dans les industries créatives?

AL : Ne pas avoir peur. La peur est souvent ce qui nous empêche de continuer. Ce n’est pas facile – même aujourd’hui, il m’arrive de douter. Mais être opportuniste, persévérer et croire en soi, c’est essentiel. C’est en surmontant ces moments de peur qu’on avance.

Avec sa présence à la Semaine de la mode de Paris, Angie Larocque ouvre de nouvelles portes pour les talents d’ici. Ne manquez pas de suivre cette étoile montante alors qu’elle illuminera la capitale de la mode le 8 mars prochain!

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Trop beau pour être vrai https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/trop-beau-pour-etre-vrai/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57040 Critique d’Une fête d’enfants de Michel Marc Bouchard.

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Si vous êtes facilement impressionnés par des scènes qui évoquent la violence ou la sexualité, ou que vous souffrez de dépression hivernale, la pièce de théâtre dramatique Une fête d’enfants de Michel Marc Bouchard, mise en scène par Florent Siaud au Théâtre du Nouveau Monde, n’est pas faite pour vous. Par contre, si vous ne craignez pas d’être confrontés à la question de l’infidélité dans un couple, de la solitude, de la laideur morale et que vous savez apprécier la profondeur d’une métaphore, ou d’un message percutant, foncez pour vous laisser sublimer par le jeu sur les planches.

Des personnages névrosés

Bien que le titre Une fête d’enfants sonne comme une invitation à un moment joyeux nous permettant de retomber dans l’enfance, détrompez-vous ; la pièce de Michel Marc Bouchard est l’antithèse d’un conte de fées. David et Nicolas forment un couple homosexuel marié en proie à la plus grande instabilité. Avec leurs deux filles, Adèle et Marie, ils donnent l’illusion d’une famille parfaite. Jusqu’à ce que l’on comprenne que David ne se rend pas à ses cours de chorale comme il le laisse entendre…

Le troisième personnage, Claire, une dentiste retraitée qui comble ses longues journées de solitude par la réalisation de collages, semble malheureuse dans son mariage. Avec son caractère comique et son ton léger, elle apporte une touche de légèreté à l’intrigue et un contraste au cynisme lugubre du personnage de David. C’est chez elle que se déroule la fête d’anniversaire de son petit-fils, à laquelle Adèle et Marie sont invitées.

Que ce soit par la musique ténébreuse en arrière fond, la douleur émanant du texte, ou la noirceur des décors, cette pièce vise à susciter un malaise chez son public. Il est difficile de ne pas avoir le cafard en étant plongé dans les esprits torturés des personnages. Les sons en écho de rires d’enfants appesantissent l’atmosphère par leur discordance avec les tourments des adultes. Néanmoins, le choix artistique d’une ambiance malplaisante est ce qui fait l’originalité de la pièce, et même si le langage, parfois trop cru, manque de subtilité, il n’empêche pas l’auteur de transmettre un message fort.

Hypocrisie généralisée

Sous ce trompe l’œil d’une après-midi festive, où les sourires sont forcés sur les visages, la vérité qu’ils cherchent à dissimuler est bien plus cruelle. Très vite, la fête vire au cauchemar lorsqu’un crapaud hideux apparaît et qu’un miroir vole aux éclats. « Le sourire, c’est le gage d’une vie réussie », s’efforcent de répéter David et Claire. Bien qu’aucun des deux ne soit heureux dans sa vie sentimentale, et qu’une impression de vide les taraude, ils refusent d’admettre leur amertume et persistent à maintenir une fausse apparence. Un brouillard épais les entoure et l’addiction de Claire au parfum de la colle peut être interprétée comme sa tentative désespérée de recoller les morceaux de sa vie, qui comme le miroir, s’est brisée.

Tous ces efforts sont vains, car la vérité finit toujours par être dévoilée. Progressivement, alors que les secrets sont révélés, tout s‘écroule. Si tout au long de la pièce, nous vivons indirectement la fête à travers le récit qu’en fait chaque personnage, nous assistons désormais aux scènes d’explications entre les protagonistes qui se déchirent. Alors que la vérité triomphe, les décors sont plus concrets : la cuisine très réaliste du couple gay a remplacé les images abstraites projetées sur un écran en toile. Or, il est trop tard pour empêcher lespersonnages de se noyer. Les pétales qui tombaient du plafond, l’eau de la piscine du jardin de Claire, le prince qui cachait le crapaud : tout annonçait la débâcle finale.

Une fête d’enfants est à retrouver au Théâtre du Nouveau Monde du 14 janvier au 8 février 2025.

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Alexandra Stréliski à la salle Wilfrid-Pelletier https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/alexandra-streliski-a-la-salle-wilfrid-pelletier/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56978 La magie de Néo-Romance.

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Je ne me considère pas particulièrement amatrice de musique classique. Je connais mes classiques – sans mauvais jeu de mots – mais je n’ai jamais été particulièrement encline à écouter ce genre de musique instrumentale. En tant qu’étudiante en littérature, les mots occupent une place importante dans mon quotidien, et un morceau de musique sans paroles me paraît de prime abord insipide. Et pourtant, malgré mes réticences à l’égard de ce genre de musique, le troisième album d’Alexandra Stréliski, intitulé Néo-Romance, figure parmi les titres les plus écoutés de mon année 2024.

Artiste complète et lumineuse, Alexandra Stréliski est une pianiste et compositrice québécoise qui transcende les frontières du classique moderne. Sa musique, intime et vibrante, résonne comme un dialogue universel, touchant les cœurs de millions d’auditeurs à travers le monde. Avec plus de 375 millions d’écoutes en continu, huit Félix, et un Prix JUNO, Stréliski s’impose comme une figure incontournable de la scène musicale contemporaine.

Le dimanche 19 janvier, c’est à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts qu’elle clôturait le cycle de Néo-Romance – un album qui lui a valu le Félix de la meilleure interprète féminine deux années de suite. La veille, j’ai eu la chance d’assister à son avant-dernière représentation.

Le pouvoir évocateur de la musique instrumentale

Les lumières se tamisent. Sur scène, un seul piano de concert, installé devant un paravent orné d’une peinture que je reconnais comme étant Diane et Apollon perçant de leurs flèches les enfants de Niobé (1772). Suspendu au plafond, un assemblage de miroirs capte la lumière et multiplie à l’infini les reflets de la musicienne. C’est au sein de ce décor épuré qu’Alexandra Stréliski fait son entrée sur scène, sous un tonnerre d’applaudissements. Elle salue la foule, et sans plus attendre, entame un premier morceau au piano.

Voir jouer Stréliski, c’est une expérience infiniment différente que de simplement l’écouter ; elle n’est pas seulement musicienne, mais aussi performeuse. Sans fioritures ou artifices, elle commande la salle de ses mouvements sur les touches du piano. Le son des notes envahit son corps tout entier, et se répercute partout dans la salle. Je dodeline la tête au son de la musique. Je ne suis pas la seule ; plusieurs spectateurs se laissent bercer par la musique envoûtante de Stréliski. Depuis mon siège, les subtils mouvements de la foule forment une ondulation, qui se meut au rythme des notes du piano. Si la première chanson suffisait à captiver le public par sa douceur et ses accents de mélancolie, les prochaines compositions n’hésitent pas à changer de ton. La musicienne n’est plus seule sur scène désormais, mais bien accompagnée d’un orchestre presque exclusivement féminin – elle tenait à le préciser. Bien que les violons ajoutent indéniablement à la beauté des mélodies, il demeure que certaines chansons trouvent davantage leur éclat sans cet accompagnement instrumental. En effet, sur Changing Winds par exemple, la puissance des violons tend à étouffer la délicatesse du son du piano.

« Si la première chanson suffisait à captiver le public par sa douceur et ses accents de mélancolie, les prochaines compositions n’hésitent pas à changer de ton »

Ainsi, accompagnée par une douzaine d’instruments à cordes et à vent qui font gonfler l’intensité du concert, la pianiste vaque d’un piano de concert à un piano droit, n’hésitant pas à interagir avec la foule entre deux morceaux. D’emblée, elle brise la glace en dénonçant l’étiquette rigide des concerts de musique classique. Avec une touche d’humour, elle affirme n’avoir qu’une seule règle : si, par malheur, nous souffrons d’une quinte de toux, elle nous implore de toussoter « sur le beat ».

Même s’il s’agit de son deuxième concert de la journée – l’après-midi même, elle performait dans cette salle – Stréliski joue avec énergie et émotion. Parfois nostalgique, parfois comique. Tour à tour, elle émeut la salle avec Élégie, un « adieu à quelqu’un que l’on aime », qu’elle dédie avec compassion à « la personne à laquelle vous pensez en ce moment », dit-elle en déposant son micro et en entamant les premières notes de la touchante mélodie. Cet aveu me touche droit au cœur, et je me laisse porter par la musique, au gré de l’histoire qu’elle raconte, et de l’histoire que je m’en fais.

Car Stréliski reconnait le pouvoir évocateur de la musique. Elle « aime raconter des histoires » et prête volontiers son talent aux trames sonores de cinéma. Pour elle, la musique instrumentale ouvre un espace unique, offrant au public une liberté d’imagination sans bornes. Elle nous invite à s’approprier ses morceaux, à en faire « plein de petits films » dans nos têtes. Mention spéciale au morceau Umbra, introduit par une anecdote du passage de la pianiste au Festival d’été de Québec (FEQ). Avec humour, la pianiste raconte comment, inspirée par la performance de The Offspring, elle s’était mise en tête de faire du body surf. C’est sur la chanson Umbra qu’elle se lance. Mission accomplie : les spectateurs la portent à bout de bras tel « le p’tit Jésus ». Bien qu’elle ne reproduise pas l’exploit dans la Salle Wilfrid-Pelletier, Stréliski fournit une performance digne de son body surfing à Québec, qui justifie la puissance électrisante de la pièce.

La performance de la pianiste se clôt sous une véritable ovation, tant et si bien que Stréliski n’a d’autre choix que de regagner la scène, pour faire un dernier rappel avec A New Romance, morceau chouchou de bien des spectateurs, y compris ma voisine de siège, qui peine à contenir sa joie. Les lumières se rallument et je quitte la salle, à la fois bouleversée et euphorique. Telle est la dualité de la musique d’Alexandra Stréliski.

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Iriez-vous sur Mars? https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/iriez-vous-sur-mars/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56989 Retour sur The Mars Project présenté à la Place des Arts.

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Légende de la danse à claquettes, le chorégraphe montréalais Travis Knights a présenté la semaine dernière son spectacle The Mars Project dans le cadre de la 27e saison de Danse Danse, diffuseur associé à la Place des Arts. Knights a été formé par nulle autre que la « Reine des claquettes », Ethel Bruneau, dès l’âge de 10 ans. Depuis, il s’est intéressé à plusieurs disciplines et intègre dans son art la dimension ancestrale afro-américaine de la danse à claquettes, et sa relation symbiotique avec la musique jazz. Les danseur·se·s sont accompagné·e·s sur scène par un groupe de musicien·ne·s et deux chanteurs aux voix époustouflantes.

Les lumières se tamisent et le rideau se lève sur quatre danseur·se·s s’activant devant des projections d’images qui montrent en alternance déforestation, pollution, et personnes souriantes. Nous sommes sur Terre et nous observons quatre êtres humains produire un seul rythme à l’aide de leurs pieds, en balançant leurs bras chacun à leur manière. L’ambiance est joyeuse et explosive.

Un étudiant mcgillois sur scène

Anecdote intéressante : Greg « Krypto » Selinger, breakeur, danseur contemporain et chorégraphe, qui interprète une intelligence artificielle nommée Krypto – clin d’œil à son surnom? – est un ancien étudiant mcgillois! Il est diplômé au baccalauréat en commerce à la Faculté de gestion Desautels, ainsi qu’au baccalauréat en danse contemporaine et à un programme d’études supérieures à Concordia. Dans ses mots trop humbles, il se qualifie de « Bachelier de tout, maître de rien (tdlr) ».

Il faut de tout pour faire un monde

Le travail de synchronicité entre les danseur·se·s et les musicien·ne·s rend le tout plus grand que la somme de ses parties – au talent déjà immense. Thomas Moon, Brinae Ali, Reona, Travis Knights et Selinger forment la distribution internationale d’artistes de renom de The Mars Project. Chacun apporte sa couleur à la performance et épate par son excentricité, sa fougue, sa technique ou encore sa multidisciplinarité, comme Ali qui poursuit la tradition orale de la danse à claquettes en rappelant l’histoire douloureuse de l’esclavage en Amérique du Nord.

Les personnages, dans leur désir de fuir leur anxiété et défis personnels, demandent de l’aide à Krypto, qui leur propose un à un de les envoyer sur la « planète de la guerre », Mars. Les terrien·ne·s expatrié·e·s se retrouvent alors confronté·e·s aux mêmes problèmes que sur leur planète d’origine, incapables de fuir les émotions négatives qui les habitent.

Une histoire qui peine à décoller

The Mars Project a une forme singulière, unissant danse, acrobaties, chant, musique en direct et théâtre. Ce dernier aspect de la mise en scène affaiblit quelque peu l’œuvre, en l’enveloppant d’une histoire à laquelle plusieurs spectateur·trice·s que j’ai interrogé·e·s ont eu du mal à adhérer. Le voyage sur Mars, les péripéties spatiales et – attention, divulgâcheur – la révélation qu’il s’agit de simulations répétées rappellent un thriller psychologique de science-fiction, maladroitement adapté au talent des interprètes. Le spectacle demeure néanmoins une prestation sensationnelle de danse de claquettes, qui a été pour moi une initiation marquante.

Danse Danse offre une réduction de 30% sur le prix courant des billets à l’unité aux moins de 30 ans, ainsi que la possibilité de se procurer des billets à « Tarif léger », afin de rendre l’expérience de la danse sur scène plus accessible. Propositions intéressantes pour les étudiant·e·s!

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Babygirl https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/babygirl/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56996 Domination et déceptions.

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Déroutée, seule ou presque dans la salle, je regarde le générique de fin défiler. Nicole Kidman, Harris Dickinson, Antonio Banderas : tous de grands noms du cinéma actuel. Pourtant, un sentiment de malaise – voire de dégoût – m’habite et ne me quitte pas dans les heures qui suivent mon visionnement de Babygirl, la dernière production de la réalisatrice néerlandaise Halina Reijn, aussi connue pour Bodies Bodies Bodies (2022).

Le scénario suit le personnage de Romy, une puissante femme d’affaires à la tête d’une entreprise de robotique qui, à l’arrivée de leur nouvelle cohorte de stagiaires, s’éprend de l’un d’entre eux, Samuel. Le film débute avec une scène où Romy et son mari font l’amour, rien de plus ordinaire. Malgré l’apparente normalité de la scène, nous savons dès lors que l’histoire prendra une tournure des plus particulières, puisque Romy, dès que l’acte est terminé, quitte le lit conjugal pour aller regarder de la pornographie en cachette. Ce détail semble vouloir semer les graines d’un récit centré sur les désirs cachés et la transgression. Cependant, ce qui aurait pu être une exploration audacieuse de la psyché humaine se transforme rapidement en une histoire sordide et, à bien des égards, réductrice.

Alors qu’on aurait pu croire que ce film porte sur l’amour fougueux et interdit naissant entre deux collègues, c’est plutôt une histoire de domination caricaturale que nous offre Babygirl. Bien que les visuels et la musique soient corrects – sans être particulièrement mémorables –, c’est le manque flagrant d’exploration de la psychologie des deux personnages principaux qui rend le visionnement de Babygirl réellement pénible. Ce qui rend les kinks intéressants, c’est souvent l’aspect psychologique sous-jacent, les conflits intérieurs, les tensions entre le pouvoir et la vulnérabilité. Ici, tout est traité de manière simpliste, comme si les choix des personnages étaient dictés par un scénario plus préoccupé par le choc que par la profondeur. La superficialité du traitement offert aux deux personnages principaux ne laisse que très peu d’indices sur leurs motivations respectives. Romy, censée incarner une femme complexe, est dépeinte mécaniquement, comme si ses actions ne suivaient qu’une pulsion unidimensionnelle. De son côté, Samuel reste vide et ne semble exister que pour interpréter le rôle d’objet de désir et de figure de domination.

Ce qui aurait pu être une étude sur les relations de pouvoir se réduit finalement à une reconstitution stérile des mêmes structures patriarcales que le film semble vouloir dénoncer. Le récit n’offre aucune nuance : Romy, pourtant présentée comme une figure puissante et influente, une femme ayant réussi à abattre les standards sociétaux genrés, est réduite à celle qui, au plus profond d’elle, cherche désespérément à être dominée par un homme. Ainsi, le film semble vouloir nous dire que la femme, bien qu’elle puisse en apparence s’émanciper de la domination masculine dans le milieu professionnel, est tout de même désireuse de se soumettre à l’homme dans sa vie intime, constat qui me semble des plus caricaturaux. Le film reproduit donc les clichés les plus éculés sur la soumission féminine : plutôt que de défier ces dynamiques, le film les perpétue, les glorifiant presque.

En quittant la salle, j’ai ressenti un vide important, comme lorsqu’on a été témoin d’une opportunité gâchée. Babygirl aurait pu être une réflexion profonde sur le désir, le pouvoir et la complexité des relations humaines. Le film n’est finalement qu’une représentation bancale de la liaison amoureuse, en rien audacieux, et par dessus tout, inapte à traiter ses sujets avec la nuance qu’ils méritaient.

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Bye Lynch https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/bye-lynch/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57034 Hommage à David Lynch.

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J’étais en plein milieu de mon stage lorsque j’ai appris la nouvelle. C’était par le biais d’une de mes amies et de mon copain. Étrangement, ils ont brisé la glace à deux minutes d’écart l’un de l’autre avec une phrase du genre : « Je suis désolé de devoir t’annoncer la nouvelle, mais David Lynch est décédé ». Quoi?! Mais comment est-ce possible?

Moi et beaucoup d’autres aimions blaguer que quelqu’un d’aussi loufoque que David Lynch ne pouvait pas « s’en aller », que sa présence était telle que d’une façon ou d’une autre, son esprit le porterait encore parmi nous, quand bien même son corps serait tout sec et millénaire. Il semblerait toutefois que cette fantaisie n’ait pas fait long feu, puisque le renommé réalisateur derrière Twin Peaks (1990) et Eraserhead (1977) s’est éteint le 15 janvier dernier.

C’est avec un oeil éclairé et sournois qu’il imprégnait ses textes de profonds regards sur la solitude humaine et qu’il peignait une illustration honnête et rêche de la violence de notre époque. Sa critique des temps actuels possédait le don d’ubiquité et se logeait confortablement dans toutes les formes de média qu’il faisait naître. En outre, par les décors qu’il imaginait, évoquant les quartiers industriels de Montréal, ainsi que par la récurrence des frappes de marteaux contre l’acier et de l’image de l’usine comme motif constant, Lynch possédait un esprit tout à fait unique pour critiquer et observer l’industrialisation depuis sa position derrière la caméra.

C’est avec un talent incroyable qu’il pouvait peindre un absurdisme qui lui était propre, sans pour autant se considérer au-dessus de créer sa propre série David Lynch’s Weather Report sur Youtube lors de la pandémie. Son existence était une célébration de la diversité individuelle et une preuve que ce qui nous rend différent nous rend tout aussi merveilleux.

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Quand l’amour devient poison https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/quand-lamour-devient-poison/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57037 Retour sur la pièce Contre toi.

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Contre toi, la nouvelle pièce présentée au théâtre Duceppe, tirée du texte de Patrick Marber et traduite de l’anglais par Fanny Britt, plonge le spectateur dans un ballet amoureux aussi séduisant que toxique. Entre jeux de pouvoir, jalousie dévorante et désirs inassouvis, quatre personnages sont mis en scène dans un cercle amoureux aussi pervers qu’infernal.

La traduction lourde de sens du titre Closer par Contre toi donne le ton de la pièce : pendant deux heures sans entracte, le public est plongé dans le carrousel amoureux entre les personnages et leur labyrinthe d’émotions, et est vite amené à réaliser l’artificialité qui existe entre tous. Les personnages naviguent à travers jalousie, manipulation, trahison et rivalité, mais surtout, à travers un ennui profond de la vie.

L’adaptation menée par Solène Paré joue brillamment avec la disposition de la scène, qui accueille deux plaques tournantes ajoutant à la tension charnelle régnant sur scène. Danielle, surnommée « Dan », journaliste nécrologique désabusée, est en quête d’émotions fortes dans son amour pour Alice, personnage incarnant l’archétype de la jeune hippie insouciante. Le médecin, Larry, réduit à sa libido, est lui aussi sensible aux charmes d’Alice, alors qu’il est déjà en couple avec Anna, photographe sentimentale, aux prises de ces liaisons dangereuses.

Mention spéciale au rôle de Dan qui a été féminisé pour la pièce, et dont la profession ajoute une profondeur symbolique au récit sur scène. Reliée à la mort par sa simple occupation, Dan pose un regard blasé sur la vie pour échapper à l’ennui existentiel qui la ronge. Son lien avec la mort trouve un écho troublant dans le personnage d’Alice, et sa mystérieuse cicatrice, révélée dès les premiers moments de la pièce. Sa blessure, visible et centrale dans son discours et sa personne, devient un miroir des failles que tous tentent de masquer sous des comportements manipulateurs ou des apparences superficielles.

« L’obsession des personnages pour leurs désirs charnels s’éternise sans véritables avancées émotionnelles »

La portée métaphorique de la pièce fait la force du dialogue qui intègre avec brio l’humour aux vérités cachées de ce drame aux frictions corrosives. Il est cependant regrettable que le personnage du médecin ait été enfermé dans le stéréotype de l’homme primaire, guidé uniquement par ses pulsions sexuelles. Réduit à son phallus, la profondeur de son rôle se voit considérablement limitée, surtout en tant que seul rôle masculin de la pièce.

Plaques tournantes : entre bénédiction et malédiction

Il aurait été intéressant de voir la pièce s’affranchir de la boucle répétitive où ces plaques tournantes qui font autant tourner les décors et les personnages physiquement que virevolter les dynamiques humaines dans une spirale sans fin, puisque l’histoire, bien que son intensité captive par ses premières explorations, peine à offrir de nouvelles perspectives.

L’obsession des personnages pour leurs désirs charnels s’éternise sans véritables avancées émotionnelles. La stagnation de l’histoire, bien que pertinente pour refléter l’ironie de leur tango dansé à quatre qui se lie au décor mouvant qui tourne en rond, finit simplement par nuire à la progression dramatique et ennuyer par sa répétition. Véritable vecteur de l’illusion, le décor permet en revanche de réellement vivre l’intensité du moment, mais aussi d’y trouver une forme de liberté dans le vertige ressenti par les personnages.

Contre toi est un tourbillon émotionnel captivant, qui réussit habilement à plonger le spectateur dans son univers de désir et de manipulation et où l’amour finit par devenir un poison corrosif dont sont victimes les protagonistes.

Contre toi est présentée au Théâtre Duceppe jusqu’au 15 février 2025.

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Une symphonie gothique qui s’essouffle https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/une-symphonie-gothique-qui-sessouffle/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56823 Critique du Nosferatu de Robert Eggers.

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En s’attaquant à Nosferatu, Robert Eggers relève l’épineux défi de réinventer un chef‑d’œuvre mythique de l’expressionnisme allemand. Près de 100 ans après la sortie de l’original de Friedrich Murnau, cette adaptation de 2024 promettait une relecture moderne de l’oeuvre, tout en rendant hommage aux racines gothiques du genre. Mais si le film impressionne par sa maîtrise technique et ses images somptueuses, il laisse planer un sentiment d’inachevé, à mi-chemin entre hommage révérencieux et exercice de style dépourvu de souffle.

Une âme tourmentée

Ellen Hutter (interprétée avec une intensité désarmante par Lily-Rose Depp) est une jeune femme hantée par des visions cauchemardesques et un profond sentiment de mélancolie. Récemment unie à Thomas (Nicholas Hoult), elle le voit contraint de partir pour une mission en Transylvanie : finaliser la vente d’une propriété au riche et sinistre comte Orlok. Mais ce dernier, plus qu’un simple acquéreur, nourrit une obsession troublante pour Ellen. Lorsqu’Orlok quitte son château lugubre pour s’installer dans le village où réside le jeune couple, il y apporte une peste dévastatrice aux conséquences funestes.

Des performances captivantes

Lily-Rose Depp livre ici une interprétation bouleversante, incarnant une Ellen à la fois fragile et sinistre, déchirée entre la honte et la rédemption, que la caméra d’Eggers capte avec une précision presque clinique. Bill Skarsgård, quant à lui, est méconnaissable en comte Orlok. Son jeu subtil et glaçant, soutenu par un maquillage impressionnant, le consacre comme l’une des incarnations les plus terrifiantes du personnage. Mention honorifique à sa moustache fournie, qui bien qu’elle soit sans doute un hommage à Vlad l’Empaleur – le personnage historique ayant inspiré le célèbre Dracula –, n’inspire pas exactement la terreur. Et pourtant, il manque à ces performances une étincelle, un fil narratif capable de transcender leur isolement dans une succession de scènes visuellement saisissantes, mais souvent dépourvues d’un fil narratif concluant.

Une terreur à contre-courant

Avec Nosferatu, Eggers pousse à son paroxysme sa tendance à la composition picturale. Les plans symétriques, les jeux d’ombres et de lumières, et la photographie de Jarin Blaschke composent un tableau d’une beauté envoûtante. Cette recherche obsessionnelle de la perfection visuelle finit toutefois par étouffer le récit. Les scènes au château d’Orlock, bien que magistralement mises en scène, semblent dépourvues d’urgence dramatique. L’histoire avance sans élan, prisonnière d’une précision formelle qui frôle parfois la stérilité.

« Eggers semble pris entre deux aspirations […] sans réussir à unifier les deux »

Eggers s’éloigne ici des codes du cinéma d’horreur contemporain pour s’inscrire dans une tradition plus atmosphérique, en hommage aux premiers films de vampires, dont le Nosferatu de Murnau fait partie. Loin des jumpscares et du gore démesuré, Nosferatu mise sur une lenteur calculée, une esthétique soigneusement composée, et une bande-son oppressante pour façonner une ambiance lugubre et hypnotique. Si cette démarche séduit par son authenticité, elle risque de dérouter une audience habituée à un rythme plus effréné.

Une œuvre imparfaite

Avec Nosferatu, Robert Eggers livre un exercice de style aussi ambitieux qu’inefficace. Si le film impressionne par sa beauté visuelle et la qualité de ses interprétations, il lui manque cette étincelle narrative capable de résonner pleinement. Eggers semble pris entre deux aspirations – rendre hommage au passé et imposer sa propre vision – sans réussir à unifier les deux. Ce qui en résulte est une symphonie gothique fascinante, mais trop révérencieuse pour être totalement vibrante, un film qui hésite entre l’éclat du chef‑d’œuvre et la retenue du pastiche.

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Trop se doit d’être assez https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/trop-se-doit-detre-assez/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56828 Sans l’avoir encore saisie, on nous légua une vie. Profond dans l’évolution, des lustres aux éons. Que l’on étudie jour et nuit.Notre extinction coupera court à notre compréhension, Ce, pré-atteinte de quelconque conclusion. Demeurons en suspension, conscient·e·s de la constance de cette condition. Sans l’éprouver, ni en souffrir, mais en l’appréciant, Jouissons d’un vide omniprésent.… Lire la suite »Trop se doit d’être assez

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Sans l’avoir encore saisie, on nous légua une vie.
Profond dans l’évolution, des lustres aux éons.
Que l’on étudie jour et nuit.
Notre extinction coupera court à notre compréhension,
Ce, pré-atteinte de quelconque conclusion.

Demeurons en suspension, conscient·e·s de la constance de cette condition.

Sans l’éprouver, ni en souffrir, mais en l’appréciant,
Jouissons d’un vide omniprésent.
Oublions la simple cohabitation, profitons du néant.
Consentant·e·s aux instants surstimulants,
Lors desquels toute confusion transparaît.
Douce carence telle qu’en génère l’excès.

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Calendrier culturel – Janvier 2025 https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/calendrier-culturel-janvier-2025/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56832 L’article Calendrier culturel – Janvier 2025 est apparu en premier sur Le Délit.

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À toutes ces femmes que l’on ne nommait pas https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/a-toutes-ces-femmes-que-lon-ne-nommait-pas/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56873 Une exposition rendant hommage aux femmes noires de Montréal à deux pas de McGill.

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En cette rentrée de semestre hivernal, une question revient souvent dans les cercles des étudiants : que faire entre deux cours ou pendant une pause bien méritée? Pour les McGillois, le centre-ville regorge d’options, mais peu savent que juste en face du campus, un trésor d’histoire et d’archives les attend. Le Musée McCord Stewart, situé sur la rue Sherbrooke, propose actuellement une exposition qui interpelle et émeut : À toutes ces femmes que l’on ne nommait pas, de Michaëlle Sergile.

Dans le cadre du programme « Artiste en résidence » du Musée McCord Stewart, cette première exposition muséale de l’artiste multidisciplinaire se concentre sur la vie des femmes noires résidant à Montréal entre 1870 et 1910. Que ce soit en retracant les origines du Club des femmes de couleur de Montréal (fondé en 1902) – le premier collectif fondé par des femmes noires au Québec – ou en illustrant le vécu de femmes noires reléguées aux archives montréalaises, le titre de l’exposition porte adéquatement son nom en évoquant une absence de reconnaissance. En effet, sur l’enseigne précédant l’exposition, l’artiste souligne que « les photographies provenant des collections de grands studios […] étaient identifiées par les noms de famille de la clientèle. Cette procédure limite aujourd’hui nos possibilités d’identifier les femmes noires figurant sur les photographies présentées dans l’exposition parce qu’elles n’étaient généralement pas des clientes, et que leurs noms n’ont en grande partie pas été consignés (tdlr)». Donc bien qu’intégrées au tissage socio-historique de Montréal, ces femmes sont invisibilisées dans les rares traces qui attestent de leur présence. Le terme « tissage » s’avère ici pertinent, puisqu’il s’agit également du médium central de la pratique artistique de Sergile.

Exposées au Musée national des beaux-arts du Québec ou encore au Musée d’art de Joliette, les œuvres de l’artiste d’origine haïtienne témoignent d’un effort pour « recoudre » des fragments d’histoires afro-descendantes perdues, tout en « défaisant » les structures qui ont permis leur effacement. Avec À toutes ces femmes que l’on ne nommait pas, Sergile ne cherche pas uniquement à rendre visibles des pionnières oubliées ; elle explore ce que cette invisibilité implique, les dynamiques de pouvoir qui l’ont instaurée, et les conséquences qu’elle a eue sur les générations suivantes.

« L’exposition ne se contente pas de restituer l’Histoire, mais nous fait ressentir le poids de son ambiguïté. On s’interroge, on devine, et on tente de reconstituer des réalités fragmentées à travers les vides que l’artiste met en lumière »

Une expérience immersive

Dès que je franchis les portes du musée, le tumulte extérieur s’efface pour laisser place à un silence chargé de sens. La salle, baignée d’une lumière tamisée, murmure les récits oubliés que Sergile tente de ramener à la surface. Pour ce faire, l’artiste s’appuie sur le concept de « fabulation critique » théorisé par Dr Saidiya Hartman, une pratique méthodologique qui mélange archives et imagination pour combler les silences historiques. « Face aux limitations des archives, la création devient un moyen d’imaginer et de reconnaître pleinement le vécu de celles dont nous ne possédons que quelques traces », explique l’artiste à travers ses écrits sur l’un des murs du musée. Cette méthode transparaît dans les choix conceptuels de l’exposition, où des photographies réinterprétées sous multiples formes enrichissent une narration en quête de justice.

Les premières installations qui m’accueillent sont des télévisions antiques diffusant des vidéos d’archives. Les écrans anachroniques projettent des images vacillantes et parfois floues, qui plongent les spectateurs dans un brouillard à la fois familier et insaisissable – un clin d’œil au vertige que l’artiste ressent en explorant des archives inachevées. En effet, Sergile confie sur une paroi muséale qu’elle a « tenu à laisser une trace publique de ses nombreuses réflexions puisqu’elles reflètent la réalité des archives. Une réalité fluctuante, complexe et pleine d’angles morts ». Et c’est là que réside la force de cette exposition : elle ne se contente pas de restituer l’Histoire, mais nous fait ressentir le poids de son ambiguïté. On s’interroge, on devine, et on tente de reconstituer des réalités fragmentées à travers les vides que l’artiste met en lumière.

Harantxa Jean

C’est ce que je découvre dans les portraits que Sergile tisse de trois femmes, des œuvres qui, paradoxalement, incarnent l’antithèse même du portrait : l’anonymat. Leurs visages et membres, absents, paraissent fantomatiques, surplombant leurs corps tissés en blanc. Cette dualité visuelle, entre absence et présence, entre noir et blanc, souligne les tensions dans la représentation des femmes noires. Elle illustre comment l’Histoire peut à la fois effacer et révéler, cacher et illuminer, selon les perspectives adoptées.

Mon regard est ensuite attiré par une ligne du temps monumentale, jalonnée de dates et d’images retraçant le contexte dans lequel les femmes noires ont évolué à Montréal. La première date, 1834, marque l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques, un événement fondamental pour comprendre la mobilité des populations noires vers le territoire qui deviendra par la suite le Québec. Au fil de cette ligne, je découvre des photographies historiques datant de la fin du 19e siècle jusqu’au début du 20e siècle : une travailleuse domestique en 1868, ou encore un couple de nobles afro-canadien capturé en 1871 par le célèbre photographe William Notman. La dernière date de la ligne du temps, quant à elle, évoque les personnes noires originaires des Antilles ayant immigré à Montréal pour étudier la médecine ou l’agriculture à l’Université McGill, mais qui ont quitté la métropole « en raison de l’importante discrimination dont elles [étaient] victimes » entre 1911 et 1930. En tant qu’étudiante d’origine haïtienne à McGill, je me sens directement interpellée par cette réalité, mais je ne dois sûrement pas être la seule. Pour les étudiants McGillois, cette dernière offre une occasion unique de découvrir un pan méconnu de l’histoire de Montréal, tout en proposant une réflexion sur la place et la responsabilité de chacun dans les expériences d’autrui. Ainsi, À toutes ces femmes que l’on ne nommait pas ne se limite pas au constat : elle engage un dialogue nécessaire avec le présent.

À toutes ces femmes que l’on ne nommait pas de Michaëlle Sergile est exposée jusqu’au dimanche 26 janvier 2025 au Musée McCord Stewart.

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Une errance sensuelle signée Guadagnino https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/une-errance-sensuelle-signee-guadagnino/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56880 Critique du film Queer.

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Avec Queer, le réalisateur Luca Guadagnino poursuit son exploration du désir et de l’aliénation. Adapté du roman éponyme de William S. Burroughs, ce récit nous plonge dans le Mexique des années 1950, à travers les yeux de William Lee, interprété par un Daniel Craig à la fois vulnérable et magnétique. En quête de sens à son isolement, Lee s’éprend d’Eugene Allerton (Drew Starkey), un jeune expatrié dont le charme distant devient une obsession. Guadagnino peint une toile intime et tourmentée, mais son audace formelle peine parfois à masquer les lacunes émotionnelles du film.

Le Mexique : un théâtre de désir

Dès ses premiers instants, Queer nous subjugue par la richesse de sa direction artistique, qui parvient à saisir un Mexique sensuel et oppressant, où chaque détail participe à la création d’une ambiance chargée de tension. Guadagnino, fidèle à son style distinctif, capture avec une maîtrise inégalée la sensualité des corps. Les jambes enchevêtrées, les caresses furtives sur une poitrine, tout cela est rendu avec une intensité palpable, plongeant le spectateur dans une atmosphère de désir presque tangible. Le réalisateur italien excelle à créer une tension physique électrique qui enivre les sens. Pourtant, ce cadre enchanteur sert aussi de décor à une histoire qui, très vite, semble vaciller sous le poids de son propre symbolisme.

Une promesse inaboutie

Le premier acte du film captive par son intensité émotionnelle. Daniel Craig déploie un jeu nuancé, qui oscille entre fragilité et désespoir, donnant vie à un personnage en quête de rédemption. Face à lui, Drew Starkey, avec son charme insaisissable, incarne un Allerton dont la distance attire autant qu’elle rebute. Guadagnino parvient ici à créer un équilibre précaire entre attraction et rejet, offrant une exploration riche du désir comme moteur existentiel.

« Queer nous subjugue par la richesse de sa direction artistique »

Alors que le spectateur s’attend à une évolution dramatique, le récit s’égare. La narration se fragmente en une série de scènes où l’atmosphère l’emporte sur l’intrigue. Cette abstraction, si elle est cohérente avec l’œuvre originale et le style cinématographique de Guadagnino, risque de dérouter. Là où Daniel Craig porte le film avec une intensité admirable, les personnages secondaires restent étrangement flous. Allerton, en particulier, n’émerge jamais au-delà de son statut d’objet de fascination. Ce déséquilibre prive le film de la profondeur émotionnelle nécessaire pour pleinement engager le spectateur.

Une esthétique hypnotique

L’un des points forts indéniables de Queer réside dans sa puissance visuelle. Les compositions de Sayombhu Mukdeeprom – collaborateur régulier de Guadagnino – sont riches, granuleuses, presque palpables, et transportent le spectateur dans un rêve éveillé. La musique, subtile et étrangement anachronique, participe à cet univers flottant, dans la veine du réalisme magique. Mais cette surabondance sensorielle finit par cloisonner le récit, transformant ce qui aurait pu être une épopée intime en une suite de tableaux impressionnistes. Guadagnino semble si absorbé par l’idée de capturer la beauté fugace qu’il en oublie de nourrir les arcs narratifs de ses personnages.

Une conclusion en demi-teinte

Le film culmine dans une séquence surréaliste et psychédélique, où les corps et les esprits se mêlent dans un dernier acte de désintégration totale. Cette rupture narrative, bien que visuellement saisissante, accentue la déconnexion émotionnelle du film. Si Guadagnino démontre une fois de plus sa maîtrise de l’univers cinématographique, cette ambition formelle ne suffit pas à combler les lacunes d’une histoire qui s’effiloche.

Luca Guadagnino livre une œuvre qui fascine tout autant qu’elle frustre. Si le film réussit à capturer l’essence fugace du désir, il peine à en explorer toutes les implications humaines. L’audace visuelle et l’intensité émotionnelle de certaines scènes rappellent le talent exceptionnel du réalisateur, mais l’absence d’un ancrage narratif solide empêche Queer de résonner pleinement. Un film qui, à l’image de ses protagonistes, semble constamment à la recherche de quelque chose qui lui échappe.

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Le Forum LAB7 des 7 Doigts https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/le-forum-lab7-des-7-doigts/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56677 La technologie a-t-elle sa place chez les arts vivants?

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Le 7 novembre dernier, le collectif de créateur·ice·s de cirque contemporain Les 7 Doigts, originaire de Montréal, a présenté sa deuxième édition du Forum LAB7. Cette journée était consacrée aux échanges professionnels sur le sujet de l’interdisciplinarité entre art vivant et technologie. A‑t-on de la difficulté à percevoir la technologie comme de l’art? Quels sont les défis d’une telle interdisciplinarité? C’est entre autres à ces questions que les discussions se sont attardées, à travers une série de cinq présentations et panels entrecoupés de périodes de réseautage et de démonstrations artistiques.

Obsolescence programmée

L’intérêt de l’utilisation des technologies dans les arts vivants se limite-t-il à la nouveauté? Et une fois qu’elles sont remplacées, est-ce que l’œuvre perd son sens? En réponse à cette question, Laurence Dauphinais, créatrice multidisciplinaire, a décrit les difficultés que rencontrent ces types de projets à trouver leur place. D’une part, le milieu du théâtre ne cherche pas à tout prix l’innovation, et d’autre part, puisque les productions ne reposent pas sur des technologies de pointe, elles ne s’adressent pas non plus au public des arts numériques. Sandra Rodriguez, artiste, chercheuse, directrice de création, productrice et chargée de cours XR+AI au Massachusetts Institute of Technology, ajoute que ces enjeux sont une réalité des arts vivants, mais aussi de plusieurs autres milieux culturels. Pía Balthazar, directrice du développement arts-sciences de la Société des arts technologiques, poursuit en clarifiant que « ce qui compte, ce n’est pas tellement qu’elle [la technologie, ndlr] soit nouvelle, mais que son utilisation corresponde à ce qu’on a besoin d’exprimer ».

C’est dans la relation que le créateur bâtit entre l’utilisation de la technologie et le public que réside la valeur de celle-ci. Isabelle Van Grimde, chorégraphe, fondatrice et directrice artistique de Van Grimde Corps Secrets, conclut en répondant que « c’est important qu’en tant qu’artistes, nous ne devenions pas des vecteurs de démonstration des nouvelles technologies. Elles doivent être au service de notre art, et non l’inverse ». Les arts vivants tirent leur valeur de la performance humaine, en repoussant les limites du corps et de l’espace, devant un public qui s’y reconnaît autant qu’il s’y découvre.

Démonstrations artistiques

Pour conclure la journée, sept numéros ont dévoilé une partie du travail réalisé au LAB7, un laboratoire d’exploration, combinant innovation technologique et performance humaine. Samuel Tétreault, cofondateur et directeur artistique des 7 Doigts et du laboratoire, orchestrait le tout. Les numéros ont été réalisés à l’aide d’un stagiaire programmeur et de quatre artistes finissants de l’École nationale de cirque, qui participaient à la recherche.

Les numéros, courts et improvisés, sont une étape préliminaire d’un projet prévu pour 2025. Alors que les artistes bougent dans l’espace, une caméra de suivi du corps (body tracking) capte leur silhouette, à une vitesse de quatre à dix images par seconde. Une requête faite à une intelligence artificielle générative détermine le contenu des vidéos projetées et la manière dont la silhouette de l’artiste y est intégrée. Je n’avais pas anticipé d’être touchée comme je l’ai été par l’interaction presque symbiotique entre humain et technologie. La vision sensible des 7 Doigts a transformé une simple ébauche en un véritable récit, où la technologie trouvait sa juste place.

Grâce aux artistes qui interrogent tout et transforment ensuite ces réflexions en créations, des innovations émergent. Un logiciel développé dans le cadre d’un petit projet créatif ayant des contraintes spécifiques peut par la suite être réutilisé dans un grand projet d’entreprise technologique. Il y a beaucoup à gagner de cette interdisciplinarité, qui mérite d’être davantage encouragée.

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Kwizinn : culture haïtienne et saveurs du monde https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/kwizinn-culture-haitienne-et-saveurs-du-monde/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56721 En images: recréer l’essence du foyer dans ce restaurant vibrant.

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Casseroles qui claquent, arômes qui dansent, vapeur qui s’élève et épices qui envoûtent — la minuterie sonne : les plats sont prêts. C’est ce que le thème du « chez-soi » évoque à mon esprit. De par mes origines haïtiennes, l’art culinaire de ma mère est au cœur de ce qui transforme notre maison en foyer et où la cuisine prend vie. C’est avec cette même authenticité que le restaurant Kwizinn nous a fait comprendre que le chez-soi est amovible ; un état d’esprit que l’on emporte avec autrui, porté par les odeurs et les souvenirs. Chez Kwizinn, chaque plat raconte une histoire capable de recréer l’essence du foyer, et ce, même au Vieux-Port de Montréal.

Chef Mike Lafaille par Two Food Photographers

Découvrir Kwizinn

Le mot « kwizin », signifiant « cuisine » en créole haïtien, reflète cette volonté de célébrer les saveurs antillaises tout en les réinterprétant avec des influences d’ici et d’ailleurs. Fondé par le copropriétaire et chef Michael Lafaille, d’origine haïtienne, et sa partenaire Claudia Fiorilli, d’origine italienne, Kwizinn incarne l’âme d’une gastronomie sans frontières, qui ne se limite pas à un emplacement. En effet, c’est après avoir conquis le quartier de Verdun que les restaurateurs ont entamé une nouvelle ère cette année, en déménageant dans le cœur du Vieux-Montréal, face au Marché Bonsecours.

Le restaurant Kwizinn nous a fait comprendre que le chez-soi est amovible ; un état d’esprit que l’on emporte avec autrui, porté par les odeurs et les souvenirs.

Les passants n’ont qu’à se faire attirer par l’arôme enivrant du griot (porc grillé) pour se sentir chez soi dans ce restaurant doté de 80 places à l’intérieur et d’une terrasse pouvant accueillir une quarantaine de clients pendant le printemps et l’été. Le menu, à la fois ancré dans la tradition et ouvert sur le monde, est conçu pour séduire à la fois les touristes et les habitués de la métropole. Des accras traditionnels haïtiens (beignets salés farcis) parsemés de pikliz (condiment haitien épicé), au goût des créations uniques comme la poutine au homard, les empanadas colombiennes au griot, ou encore le carpaccio de pieuvre italien, chaque plat est une invitation à voyager et à célébrer la diversité culinaire. Mais ce n’est pas tout : Kwizinn est aussi un lieu où la culture prend vie à travers la musique.

Des soirées musicales

Chaque jeudi soir, dès 18h, les « Soirées Jazz » résonnent sous les notes du groupe BlackBird, tandis que le dimanche, à la même heure, ce sont les mélodies du groupe Havana Mambo qui transforment le restaurant en une « Soirée Cubaine ». Kwizinn est donc une destination de choix pour les amateurs d’ambiance festive, offrant un rendez-vous incontournable pour ceux qui aiment allier gastronomie et culture caribéenne. Ma mère et moi avons d’ailleurs eu le plaisir de découvrir les créations uniques de Kwizinn, et chaque plat nous a conquises.

Dégustons!

Parmi la panoplie de plats que nous avons pu gouter, les « Crevettes giardiniera », grillées à la perfection, accompagnées d’une salade du chef et d’aubergines marinées, ont ouvert le bal avec fraîcheur et saveur. Ensuite, le « Plantain burger gourmand » nous a surprises et séduites : une galette de bœuf juteuse nichée entre deux bananes pesées (bananes plantain frites), relevée par une mayonnaise épicée, du pikliz et des croustilles maison. Enfin, impossible de ne pas goûter au « Griot du Chef Lafaille », ce classique haïtien à base de porc frit, accompagné de bananes pesées et de pikliz. Côté desserts, le « Tiramisu avec Kremas » (boisson haïtienne alcoolisée crémeuse à base de lait), fusion parfaite entre l’Italie et Haïti, et le « Chocolate mamba marble », un gâteau haïtien au beurre d’arachides et au chocolat épicé, ont su clôturer ce repas en beauté.

Pour vivre l’expérience Kwizinn, rendez-vous au 311, rue Saint-Paul Est à Montréal.

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