Archives des Slider - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/slider/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Thu, 28 Nov 2024 20:55:49 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.2 Solidarité sans logement https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/solidarite-sans-logement/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56685 Un point sur l’itinérance à Montréal avant l’arrivée de l’hiver.

L’article Solidarité sans logement est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Le 18 novembre, un avis d’éviction a été envoyé à quelques individus logeant dans un campement de sans-abris de la rue Notre-Dame, dans le quartier d’Hochelaga. Le jeudi suivant, le ministère des Transports devait procéder au démantèlement d’une partie du campement, une décision déplorée par certains, compte tenu du manque de place dans les refuges de la ville, particulièrement en hiver.

À la suite de l’appel de la mairesse, Valérie Plante, la ville de Montréal a mis à jour son plan hivernal pour les personnes itinérantes. Ce plan inclut la création de comités d’aide et l’établissement de centres d’hébergement temporaires, ainsi que la distribution de 500 000$ aux organismes de la ville offrant du soutien et des services aux personnes en situation d’itinérance. Malgré ces mesures, les défis auxquels se heurtent les itinérants de la ville restent importants. Un recensement datant de 2022 révèle que Montréal compte plus de 4 500 sans-abris, mais malgré les infrastructures d’hébergement de la ville, près de 1 000 personnes dorment dans l’espace public chaque nuit. Avec des risques particulièrement élevés durant les mois d’hiver et des ressources insuffisantes, comprendre et réparer les failles du système de bien-être social est essentiel.

Ce sont des gens très seuls qui ont besoin d’accompagnement. Cette solidarité ne remplace pas le sentiment d’un vrai chez- soi.

Communauté et logement

Le Délit a discuté avec Matthieu*, qui est en situation d’itinérance à Montréal depuis près de quatre ans. Après s’être fait licencié et avoir quitté Chicoutimi pour trouver un emploi à Montréal, il s’est retrouvé à la rue. « J’ai pas trouvé [d’emploi, ndlr] à temps. Au début, je dormais chez des gens que je connaissais, mais ça n’a pas duré. Je ne parle plus à ma famille, donc je ne peux pas rentrer, mais je suis mieux dans une grande ville comme Montréal qu’ailleurs. » Plusieurs se rendent vers les centres urbains de la province en espérant trouver un emploi, ou encore pour avoir accès à des services sociaux plus développés.

En parallèle, un processus d’aliénation et d’isolement s’installe progressivement, affirme Emma Cyr, étudiante à la maîtrise en travail social et intervenante dans une clinique pour les personnes ayant des problèmes de dépendance – une population dont la majorité se trouve en situation d’itinérance. Selon elle, « certains se retrouvent dans la rue par concours de circonstances, ils commencent à consommer [de la drogue, ndlr], et sans téléphone, ils perdent la connexion avec leurs proches. Ils finissent par vouloir avoir assez d’argent pour continuer à consommer, ce qui fait souvent en sorte qu’ils se retournent contre leur propre famille, et deviennent très isolés ».

Emma constate la présence d’une communauté solidaire entre les personnes en situation d’itinérance, mais clarifie que « ce sont des gens très seuls qui ont besoin d’accompagnement. Cette solidarité ne remplace pas le sentiment d’un vrai chez-soi. Ils veulent une communauté qui n’est pas juste entre personnes itinérantes, cette communauté là n’est pas suffisante. Elle ne comble pas les besoins fondamentaux ».

Malheureusement, ces besoins restent inaccessibles pour beaucoup. Les temps d’attente pour l’obtention de logements à loyer modique à Montréal varient, mais en fonction des circonstances individuelles, ils peuvent aller jusqu’à plusieurs années. La crise du logement dans les grandes villes a exacerbé cette pénurie de logements accessibles, et Emma explique avoir dû annoncer à plusieurs personnes qu’ils auraient à attendre près de 10 ans pour y accéder : « Quand j’ajoute des gens à la liste pour accéder à ces logements [subventionnés, ndlr] je suis dans l’obligation de leur déclarer le temps d’attente. Ces gens survivent au jour le jour, ils sont découragés d’entendre qu’ils devront attendre aussi longtemps. »

L’hiver à l’approche

L’arrivée de l’hiver est redoutée par beaucoup, et la pression sur les services de logement et d’aides aux personnes sans-abri augmente. Matthieu explique certains des problèmes présentés par les refuges : « Il y a pas mal d’endroits qui ne te permettent pas de rentrer avec tes affaires, mais pour moi, au début, mes affaires c’est tout ce que j’avais. C’était mes vêtements, mes chaussures, les choses que j’avais amenées avec moi. J’avais rien d’autre, je pouvais pas m’en débarrasser, alors je dormais dans la rue. Mais quand l’hiver s’en est arrivé, je n’avais plus vraiment le choix, il faisait trop froid pour rester dehors. » En effet, certains refuges interdisent à ceux qui les fréquentent d’y rentrer avec des biens personnels, généralement pour des questions sanitaires. Cependant, ces critères d’admissibilité empêchent plusieurs personnes d’avoir accès aux logements d’urgence de la ville, d’autant plus que posséder des biens matériaux est un défi en soi. Matthieu raconte s’être fait voler certains de ses biens, et conclut que « le moins de choses t’as, le moins t’es ciblé ».

Le manque de ressources et de financement peut être tenu responsable de l’insuffisance des services, surtout l’hiver. Matthieu raconte lui-même avoir des difficultés d’accès à ces services : « des fois, il y a des refuges qui ont de la place et des fois ils n’en ont pas. Quand j’ai assez de sous, je fais la file pendant longtemps pour m’assurer d’avoir une place, mais j’arrive pas tout le temps. Il n’y a pas la place pour tout le monde, donc il y a des périodes où je dors dehors. »

Il n’y a pas d’argent pour la création de logements à loyer modique, et quand les personnes en situation d’itinérance finissent par avoir un logement, il faut qu’elles continuent d’être accompagnées.

« Quand il commence à faire froid, ça se sent dans les organismes », explique Emma. « Autour du mois de novembre, des centres de répit ouvrent dans des églises, des centres communautaires, et des arénas, mais ce n’est pas tout le temps des endroits pour dormir, » poursuit-elle. Beaucoup de ces refuges sont des logements à court-terme, et n’offrent finalement pas de solution permanente.

Un secteur sous-financé

Plus tôt cet automne, Québec a alloué 4,2 millions de dollars pour lutter contre l’itinérance à Montréal, une somme visant spécifiquement à gérer des profils plus complexes. Malgré cela, plusieurs acteurs dans le secteur communautaire déplorent les subventions insuffisantes de la part du gouvernement. Selon Emma, le financement manque à tous les niveaux : « Il n’y a pas d’argent pour la création de logements à loyer modique, et quand les personnes en situation d’itinérance finissent par avoir un logement, il faut qu’elles continuent d’être accompagnées. Ce n’est pas juste avoir un logement, c’est être capable de le garder. C’est facile d’oublier de payer son loyer, ou de laisser d’autres gens rentrer. »

Cet accompagnement social, explique-t-elle, est sous-financé. Les salaires bas et les conditions de travail difficiles des intervenants et des travailleurs sociaux y sont pour beaucoup. « Il y a tellement de retournement d’employés, c’est difficile de garder des gens dans ce milieu-là. C’est un secteur qui ne reçoit pas beaucoup d’attention dans le domaine politique, » conclut-elle.

*Nom fictif

L’article Solidarité sans logement est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Entre appartenance et culpabilité https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/entre-appartenance-et-culpabilite/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56703 Exister sur des terres volées.

L’article Entre appartenance et culpabilité est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
L’ « indigénéité » – traduction littérale du mot indigeneity (l’état d’être indigène, ou d’être relié à ce qui est indigène, tdlr) – occupe une place grandissante dans la sphère publique québécoise, où l’on discute de plus en plus d’enjeux liés au passé colonial de la province. Ce concept représente bien plus qu’une simple appartenance à un territoire, ou une simple occupation des terres. C’est un lien profond, ancestral, tissé entre un peuple et une terre, marqué dans ce cas- ci par une histoire de résistance face à la colonisation. Pourtant, au Québec, et plus précisément à Montréal (Tiohtiá:ke), ce n’est que très peu d’entre nous qui peuvent se considérer indigènes au territoire. Je ne le suis pas.

Franco-descendante, née ici, j’ai grandi avec l’amour du Québec et l’appréciation du multiculturalisme montréalais. J’attribue une grande part de l’adulte que je suis devenue à la chance que j’ai eue, enfant, de grandir ici. Cette terre a fondé mon identité, a bercé mes années et m’a offert une maison. Pourtant, elle ne m’appartient pas.

Comment être fière d’une identité qui, contre mon gré, est ancrée dans une histoire de domination et de marginalisation?

Il existe en moi un conflit constant, presque viscéral : d’un côté, un attachement à cette terre, ma terre de naissance, empreinte de cet esprit de « chez-soi » ; de l’autre, une culpabilité indéniable et grandissante, à l’idée que cette maison repose sur des terres qui n’appartiennent ni à moi, ni à mes ancêtres. Comme plusieurs Montréalais·e·s, je me heurte à ces sentiments, qui peuvent aux premiers abords sembler inconciliables : aimer l’endroit où l’on a grandi, avec tout ce qu’il représente de souvenirs et d’identité, tout en étant pleinement conscient·e de l’injustice historique qui a permis cet enracinement – une injustice qui continue d’avoir des répercussions sur les peuples autochtones aujourd’hui. Malgré tout, je vous l’assure, ces contradictions me tiraillent l’esprit au quotidien, et ce, encore plus depuis que j’étudie à McGill.

Faire la part des choses

Le Québec est pour moi bien plus qu’un simple lieu géographique, bien plus que là où j’ai grandi. Ce sont ses paysages, ses lacs et ses montagnes qui inspirent la sérénité et qui ont ponctué mes étés, une culture où la musique, la langue et les récits façonnent nos identités. J’ai grandi dans une ville où les bruits du métro, le froid qui pince les joues l’hiver et la renaissance que nous connaissons tous les printemps ont fait de cette province mon chez-moi… Mais à quel prix?

Cet amour pour le Québec est marqué par des paradoxes. La culture québécoise, à laquelle je tiens tant, est un produit de la colonisation, un résultat d’un long processus historique qui a graduellement effacé les voix des Premières Nations, faisant d’elles un simple murmure dont les politicien·ne·s d’aujourd’hui ne se soucient pratiquement pas. Notre langue, symbole de résistance à l’assimilation anglaise, a elle-même été imposée aux peuples autochtones à un coût dévastateur – celui de la perte quasi-totale de leurs propres langues. Comment être fière d’une identité qui, contre mon gré, est ancrée dans une histoire de domination et de marginalisation?

Plus j’en apprends sur l’histoire des Premières Nations – à noter que le curriculum enseigné dans les écoles primaires et secondaires québécoises serait à revoir, puisqu’il continue de peindre les peuples autochtones dans une représentation figée dans un passé lointain – plus je ressens le poids de mon rôle inconscient dans la marginalisation des communautés autochtones. Nos ancêtres ont arraché ces terres, décimé des communautés, abusé de l’autorité qu’ils·elles s’étaient eux·elles-mêmes attribué·e·s, et aujourd’hui encore, les séquelles du colonialisme persistent, omniprésentes : pauvreté, marginalisation, et oppression demeurent des réalités marquant le quotidien de nos Premières Nations. Nous, les Québécois·e·s aimons parler de notre propre oppression sous l’Empire britannique, mais nous oublions souvent que nous avons été, et sommes toujours, des colonisateur·rice·s sur ces terres.

Ce qui semble « impossible » est souvent une construction sociale destinée à préserver le statu quo, et perpétuer la subjugation des communautés marginalisées au profit des communautés dominantes.

Reconnaître sa responsabilité pour réconcilier

Ce poids historique ne doit pas nous paralyser, mais doit plutôt agir comme un agent de transformation. Reconnaître que notre présence ici repose sur des injustices passées est un premier pas, mais ce constat doit être accompagné par des actions concrètes. La décolonisation, bien qu’idéaliste pour certain·e·s, est pourtant une obligation morale. Redistribuer les terres justement, offrir des rétributions financières aux peuples touchés, et soutenir les initiatives menées par les communautés autochtones ne sont pas des gestes hors de l’ordinaire, mais des réparations nécessaires. Bien qu’il est ici question du Québec, c’est à travers le Canada tout entier que l’on doit continuer d’exercer une pression pour que les communautés autochtones cessent d’être traitées comme inférieures.

Dans d’autres contextes, comme celui de la Palestine, des figures comme Francesca Albanese, qui ont su capter l’attention sur les réseaux sociaux dans les dernières semaines, soutiennent que la restitution n’est pas une utopie, mais bien un impératif de justice. Pourquoi serait-ce différent ici? Les obstacles logistiques et politiques ne devraient pas excuser notre inaction. Ce qui semble impossible est souvent une construction sociale destinée à préserver le statu quo, et perpétuer la subjugation des communautés marginalisées au profit des communautés dominantes.

Au quotidien, des gestes simples peuvent aussi soutenir la réconciliation : s’éduquer sur l’histoire autochtone, remettre en question les récits dominants, privilégier les entreprises autochtones, et surtout, écouter. Dialoguer avec humilité et reconnaître que la décolonisation commence par nos choix, autant individuels que collectifs, est essentiel si on espère un jour bâtir une société québécoise réellement inclusive où tous·tes peuvent s’épanouir.

Partager son chez-soi?

Au fil du temps, j’ai appris que l’amour de son chez-soi ne devrait pas être aveugle. On peut chérir sa maison tout en reconnaissant les torts historiques qui la caractérisent. C’est une dualité difficile, mais nécessaire. Le vrai amour, après tout, implique d’affronter les vérités inconfortables, desquelles on aimerait détourner le regard, afin de chercher à réparer ce qui a été brisé.

Pour moi, réconcilier appartenance et culpabilité, c’est reconnaître que mon lien à cette terre n’effacera jamais celui des Premières Nations, et que ce dernier primera toujours sur les sentiments que je peux avoir à l’égard de ma terre de naissance, quels qu’ils soient. Cela implique non seulement de questionner mes privilèges, mais aussi de transformer ma gratitude pour ce territoire en un engagement actif pour un avenir plus juste.

Un « chez-soi » authentique ne peut exister que lorsque tout le monde y trouve sa place. Ce n’est qu’en bâtissant une société où chacun·e – et ce incluant les peuples autochtones – peut vivre avec dignité que nous pourrons aimer notre chez-nous sans honte. Un pas dans la bonne direction serait de commencer par arrêter de détourner les yeux de notre histoire, et au contraire, de la confronter. En tant que Québécoise, j’espère un jour voir un Québec réconcilié avec son passé, où la solidarité n’est pas une aspiration lointaine, mais une réalité. C’est un rêve, oui, mais un rêve qui peut devenir réalité si nous le portons ensemble, main dans la main.

L’article Entre appartenance et culpabilité est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Notre chez-nous terrien https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/notre-chez-nous-terrien/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56713 Voyage sur la Terre avec Julie Payette, astronaute canadienne.

L’article Notre chez-nous terrien est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Le « chez-nous », peut prendre plusieurs échelles : sa maison, sa ville, sa province, son pays, sa culture ou même sa langue. Toutes ces échelles se confondent lorsqu’on considère un sentiment d’appartenance commun à tous : celui d’être humain, sur une même planète. Nous faut-il voyager dans l’espace pour nous sentir homo sapiens? Dans son livre publié en 1987, le philosophe Frank White met des mots sur l’expérience de voir notre planète de l’extérieur : « l’effet de surplomb. » Celui-ci, défini par le blog de l’Agence spatiale canadienne comme « une expérience intense qui mène à avoir une meilleure appréciation de la Terre et de son apparente fragilité » a été repris dans de nombreuses recherches. Le sentiment d’humilité et d’émerveillement qui en découle pourrait être un moyen de promouvoir des comportements pro-environnementaux. Le Délit s’est donc entretenu avec l’astronaute canadienne Julie Payette, qui a réalisé deux voyages en orbite autour de la Terre à bord de la Station spatiale internationale en 1999 et 2009.

Le Délit (LD) : Quelles sont les premières sensations que vous avez ressenties lors de vos premiers instants dans l’espace?

Julie Payette (JP) : Pendant le lancement, on est très occupé parce qu’on doit se rendre dans l’espace à bord d’une fusée, alors on ne regarde pas forcément la Terre défiler sous nos pieds. Mais lorsqu’on arrive là-haut, on porte son premier coup d’œil sur la surface de la Terre, à seulement 400 km de nous. C’est comme une bille de marbre sur fond d’infini. Une myriade de bleus, de blancs, de bruns, de verts. Depuis la Station spatiale internationale, on perçoit la Terre comme une courbe couverte d’une mince couche, comme une pelure d’oignon bleu qui représente son atmosphère. Depuis la Terre, le ciel nous paraît bleu lorsqu’il fait beau parce qu’on est à l’intérieur de cette petite bande bleue. Dès qu’on en sort avec un véhicule spatial, la vraie couleur du ciel dans tout l’Univers est le noir. Les étoiles ne scintillent pas, elles sont très claires, car leur lumière n’est pas brouillée par la couche de l’atmosphère. Puisqu’un tour de la Terre dure 90 minutes, on passe une partie en orbite de jour et une partie en orbite de nuit. C’est extraordinaire. On a déjà un attachement à la planète avant de partir mais il devient plus clair lorsqu’on revient sur Terre parce que c’est la seule planète que l’on connaît pour l’instant et le seul endroit où on peut vraiment vivre.

LD : Est-ce qu’il y a un sentiment d’irréalité quand on regarde la Terre depuis l’espace?

JP : La lumière qui émane de la Terre est fantastique. Dans les périodes d’orbite de nuit, on voit où est la vie, autant avec les volcans et les éclairs qu’avec les lumières des villes. J’ai eu la chance de voir les villes d’Europe s’illuminer lors de mon deuxième vol, alors que le crépuscule devenait nuit. La péninsule italienne est particulièrement repérable, grâce à sa forme de botte. On voyait les villes s’illuminer, d’abord Gênes, puis Rome, Naples, le sud de l’Italie, les côtes de la Méditerranée. Les villes se trouvent principalement sur les côtes, alors leurs lumières en dessinent les contours. On voit aussi les contrastes depuis l’espace. Par exemple, on peut voir le rouge de l’Etna, volcan reconnaissable grâce à la forme de botte de l’Italie. Cet immense spectacle à nos pieds qui change constamment et qui n’est jamais le même à chaque orbite témoigne que notre planète est vivante, et c’est très rassurant.

LD: À la suite de vos deux expéditions, qu’est-ce qui a changé dans votre rapport à la Terre?

JP : Les gens pensent que l’on en revient bouleversé, chamboulé, complètement changé. Moi, je vous dirais que ce n’est ni mon expérience, ni celle que j’ai pu entendre de mes collègues. On revient très fiers d’avoir participé à ces missions, d’avoir eu la chance d’explorer, d’aller dans l’espace, de travailler là-haut. On était déjà convaincu que la Terre était importante, car sa faune et sa flore en font le seul endroit où l’on peut vivre pour l’instant. On doit donc bien s’en occuper en prenant des décisions collectives parce que ni la Terre ni le climat et la biodiversité ne connaissent de frontières. On doit travailler ensemble pour maintenir les joyaux qu’elle nous procure et la chance qu’elle nous donne de vivre ici. Mais c’est une conviction qui était déjà là avant notre voyage dans l’espace.

C’est comme une bille de marbre sur fond d’infini. Une myriade de bleus, de blancs, de bruns, de verts.

LD : Est-ce que vous retrouvez ces sentiments d’émerveillement sur Terre?

JP : Tout à fait. C’est personnel, mais je m’extasie régulièrement devant la beauté de la nature. On vient de passer un automne formidable au Canada. C’est une féerie chaque année, surtout lorsqu’on monte dans le Nord, et qu’on voit cette forêt multicolore se dérouler sous nos yeux. Ce sont des sentiments que je retrouve quand je plonge le long de murs marins ou quand je me rends au sommet d’un pic de montagne. Il est facile, je crois, de s’émerveiller et d’avoir conscience que nous habitons un joyau.

LD : Vous avez photographié l’Est canadien depuis l’espace. Y avez-vous reconnu votre chez vous?

JP : Je me rappellerai toujours lorsque j’ai vu Montréal pour la première fois, il y a 25 ans, lors de mon premier vol. Ça m’a fait chaud au cœur parce que j’avais une deuxième montre sur mon bras qui était à l’heure de l’Est sur laquelle j’ai pu lire « 5h du matin ». Je savais que chacun était dans son lit en train de dormir. J’ai senti l’appartenance à ma communauté. En tant qu’astronautes, nous étions émerveillés de voir les sites de lancements de fusée depuis l’espace. Je me rappelle survoler celui des fusées russes, qui est au Kazakhstan. On a la même excitation lorsqu’on voit celui de Kennedy Space Center à Cap Canaveral, parce que c’est de là qu’on a été lancé et c’est là où l’on va revenir. C’est fou à dire, mais c’est comme une connexion personnelle. J’espère que de plus en plus de gens iront dans l’espace et qu’il y aura des poètes, des chanteurs, des artistes, des écrivains et des gens qui savent mettre des mots sur cette magnifique planète qu’on habite. de plus en plus de gens iront dans l’espace et qu’il y aura des poètes, des chanteurs, des artistes, des écrivains et des gens qui savent mettre des mots sur cette magnifique planète qu’on habite.

LD : Quelle est la chose la plus intéressante ou la plus surprenante que vous ayez apprise sur l’espace depuis que vous êtes devenue astronaute?

JP : Lors des deux dernières décennies, on a complètement réécrit les livres d’astronomie parce qu’on a découvert des choses incroyables. Lorsque Pluton a été découverte, on pensait que ce morceau là-bas, loin de l’orbite de Neptune, était la neuvième planète de notre système solaire. Plus nos instruments nous ont donné la capacité de voir plus loin et mieux, plus on s’est aperçu que Pluton n’était qu’un objet parmi des milliers d’autres similaires dans une ceinture d’astéroïdes, appelée Kuiper. On a dû enlever son étiquette de planète, car des milliers d’objets là-haut sont solides, terrestres, et il aurait alors fallu déclarer 1 500 planètes dans notre système solaire. Les découvertes en astronomie sont récentes, et révolutionnaires. On a découvert il y a seulement 30 ans qu’il y avait d’autres systèmes solaires, composés d’exoplanètes. On découvre de nouveaux systèmes solaires tous les jours. D’un autre côté, on peut photographier des galaxies autres que la nôtre mais on ne peut pas photographier la nôtre parce qu’on est dedans. Il y a beaucoup à apprendre sur qui nous sommes dans ce domaine.

Cet immense spectacle à nos pieds qui change constamment et qui n’est jamais le même à chaque orbite témoigne que notre planète est vivante, et c’est très rassurant.

LD : Est-ce que vous vous sentez minuscule parfois?

JP : Mais c’est ce que nous sommes. Nous sommes un grain de poussière dans cet immense Univers observable depuis nos télescopes, nos sondes et nos véhicules qu’on envoie. Mais on n’a rien vu, on n’est jamais allé sur une autre étoile, c’est beaucoup trop loin. L’espace est immense, on sait que l’Univers a environ 13,7 milliards d’années, donc on a du chemin à faire. Finalement, on est totalement minuscule, certains diraient « insignifiant ». J’utilise ce mot strictement lorsqu’on parle de comparer notre galaxie à tous les autres objets qui existent dans l’Univers. Si on compare notre système solaire à la quantité infinie d’autres systèmes solaires, on est en effet insignifiant. Mais lorsqu’on regarde toute la vie que permet un seul de ces soleils, le nôtre, sur Terre, en lui donnant de la lumière et donc de l’eau liquide, notre soleil n’est pas insignifiant du tout. Ce système a permis notre existence. La petitesse de notre présence dans l’Univers est une perspective de regard, plutôt que quelque chose d’inquiétant.

LD : Auriez-vous un moment particulier de votre mission qui vous a paru inoubliable à partager?

JP : Je vous dirais que l’arrivée à la Station spatiale internationale est impressionnante. Lors de mon premier vol, j’y suis allée à ses tout débuts, lorsque la station était aussi petite qu’un satellite. Deux modules seulement, personne à bord. Mais la deuxième fois, 10 ans plus tard, la station spatiale était presque en fin de construction et elle était de la grosseur d’un terrain de football avec tous ses panneaux solaires, six personnes à bord et différents modules. Un des moments forts de mon expédition a été notre arrimage, parce qu’on est une petite navette spatiale, avec sept personnes à bord, qui s’accroche à cette énorme infrastructure.

LD : Est-ce que vous avez participé à la construction du centre?

JP : Mes deux missions étaient des missions de construction. Lorsque je vais dans des écoles parler aux jeunes, je leur dis toujours que je suis un travailleur de la construction spatiale. J’étais opératrice de grues et de vaisseaux spatiaux. Je suis très fière de cette Station spatiale internationale. Là- haut dans l’espace, depuis bientôt 25 ans, des gens de différentes cultures travaillent ensemble tous les jours, sept jours par semaine, 24 heures par jour. On a des centres de contrôle aux États-Unis, à Moscou, en Europe, au Japon, et un petit centre de contrôle ici à Montréal pour le bras canadien. On entend rarement dire que ça va mal : les gens collaborent et travaillent ensemble pour faire avancer la connaissance.

LD : Si vous pouviez concevoir votre propre mission ou destination spatiale, où iriez-vous et que feriez-vous?

JP : Je serais très heureuse d’embarquer dans la prochaine mission Artemis II, qui l’année prochaine devrait décoller de la Terre pour faire le tour de la Lune en orbite. Ça va faire plus de 50 ans que nous ne sommes pas retournés si proches de la Lune avec des gens à bord. On a envoyé des sondes, mais personne n’y est retourné depuis 1972. Il y aura un Canadien à bord, Jeremy Hansen. La mission Artemis II a pour but de tester la capsule et les manœuvres pour se rendre aussi loin, et elle est un préalable à la mission Artemis III qui prévoit envoyer des astronautes marcher sur la Lune.

LD : Est-ce qu’on a des choses à chercher sur la Lune?

JP : La Lune est l’endroit où les humains ont été le plus loin. Lorsque vous voyez une photo où on voit la surface de la Lune et la Terre comme un petit point au loin, je dis que c’est la photo de tourisme la plus éloignée qu’on n’ait jamais prise. On a définitivement un intérêt à retourner sur le sol lunaire, entre autres près du pôle Sud de la Lune parce qu’on sait grâce à nos sondes qu’il y a possiblement de la glace dans les cratères au pôle Sud qui ne sont jamais exposés à la lumière du Soleil. Si cette glace est faite d’eau, elle pourrait nous fournir en H2O et en oxygène. On aimerait bien un jour, plusieurs pays ensemble, installer une base sur la Lune pour apprendre à vivre sur un astre inhospitalier, sans atmosphère, pour nous préparer un jour à faire la prochaine étape dans l’exploration humaine qui serait d’aller sur une autre planète. Mars est la prochaine destination. C’est compliqué parce que Mars n’est pas sur la même orbite que la Terre, ce qui fait que les deux planètes ne sont pas toujours alignées. Ce sera donc un long voyage de plusieurs années, qui serait rendu possible en se préparant d’abord avec une base lunaire. Artemis II va faire le tour de la Lune et revenir sur Terre, ce qui est une étape importante pour se rendre à l’objectif de créer cette base.

LD : Quelle serait la première chose que vous feriez si vous posiez le pied sur la Lune?

JP : Regarder si je peux apercevoir la Terre. J’imagine. Mais on ne la voit pas tout le temps. C’est comme nous, ici sur Terre, on ne voit pas toujours la Lune.

LD : C’est quoi, votre chez-vous?

JP : Je pense que j’ai beaucoup d’appartenances. J’ai des appartenances à ma ville, à mon pays, à mon continent, au fait que je fais partie des homo sapiens. Je dis souvent en rigolant que je suis une extraterrestre parce que j’ai eu la chance d’être à l’extérieur de la Terre pendant quelques jours, pendant mes deux missions. Mais je reste une habitante de la planète Terre. Je la partage avec des milliards de personnes.

L’astronaute n’omet pas qu’en 50 ans d’observation depuis l’espace, les effets de la pollution sont
rendus de plus en plus visibles. La grande majorité de ceux qui reviennent de leur un voyage à bord de la Station spatiale internationale deviennent porte-parole des effets dont ils ont témoigné : les déversements pétroliers, la fonte des glaciers, et l’érosion des berges. Bien que l’on puisse prendre des photos de l’espace depuis des satellites, « quand c’est un humain qui regarde et raconte, l’impact est souvent plus grand », conclut l’astronaute canadienne.

L’article Notre chez-nous terrien est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Pourquoi : Chez nous https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/pourquoi-chez-nous/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56690 Le semestre touche à sa fin et pour nombreux d’entre nous à McGill, il est enfin temps de retrouver nos amis proches, notre famille et notre foyer. En tant qu’étudiants qui se sentent parfois coincés entre deux villes, deux provinces ou même deux continents, nous nous demandons souvent : qu’est-ce qu’être à la maison? Où… Lire la suite »Pourquoi : Chez nous

L’article Pourquoi : Chez nous est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Le semestre touche à sa fin et pour nombreux d’entre nous à McGill, il est enfin temps de retrouver nos amis proches, notre famille et notre foyer. En tant qu’étudiants qui se sentent parfois coincés entre deux villes, deux provinces ou même deux continents, nous nous demandons souvent : qu’est-ce qu’être à la maison? Où nous sentons-nous chez nous? S’agit-il de souvenirs de famille ou d’enfance? Est-ce un lieu ou une communauté? Pour notre dernière édition de l’année, The Daily et Le Délit vous proposent donc une édition commune sur le thème Chez nous, ou Home en anglais.

Traduire le mot « Home » en français sans perdre son caractère réconfortant et chaleureux n’a pas été une mince affaire. « Home » est un terme complexe qui a de multiples significations et qualités aux yeux de chaque individu ; cela en fait un thème riche à explorer dans le cadre de ce numéro spécial.

En français, nous avons pris la décision de traduire « Home » en « Chez nous » plutôt que « Chez soi ». Afin de rejeter une connotation d’individualité, nous avons volontairement remplacé le pronom « soi » par « nous », car nous pensons qu’un « chez-nous », aussi personnel soit-il, est quelque chose de partagé, qui se construit en communauté. Le « chez nous », souvent considéré comme un lieu physique, peut également être une communauté à laquelle on s’identifie, un groupe de personnes dont les valeurs nous correspondent, ou même un passe-temps qui nous rend profondément heureux. Peu importe ce que l’on considère comme un « chez-nous » ; tangible ou non, il s’agit d’un espace de confort, où chacun peut se retrouver. Ce « safe place » (espace sûr, tdlr), dans lequel vous pouvez être pleinement qui vous êtes, peut également être considéré à une échelle plus large. La société à laquelle nous appartenons, aussi imparfaite soit-elle, est, d’une certaine manière, notre « maison », notre « chez nous ». À travers ces 24 pages, nous nous interrogeons donc sur la signification du mot « home » et tentons de répondre à la question « qu’est ce que le chez-nous? »

Bien que tout le monde mérite un chez-soi sûr, nous reconnaissons que c’est aujourd’hui loin d’être le cas. Dans le monde, 120 millions de personnes sont forcées de quitter leur foyer en raison de conflits, de violences, de génocides et de catastrophes climatiques. Parallèlement, le sentiment anti-immigration grandit partout en Europe et en Amérique du Nord. Avec l’élection récente de Donald Trump, de nombreuses personnes qui se considèrent chez eux aux États-Unis depuis des années sont désormais confrontées à une menace accrue d’être expulsées vers un endroit totalement inconnu. Au Canada, le premier ministre Justin Trudeau a récemment annoncé une réduction du nombre d’immigrants entrant au pays. Le Québec a également suspendu deux voies majeures vers la résidence permanente. Ces mesures empêcheront d’innombrables personnes de trouver un logement et de poursuivre une vie meilleure au Canada.

Il est essentiel de reconnaître que le Canada, où beaucoup d’entre nous ont trouvé un foyer, est construit sur le génocide et le déplacement des peuples autochtones par les colonisateurs européens et l’État canadien. L’Université McGill est également complice. Pas plus tard que la semaine dernière, un groupe de femmes Kanien’kehà:ka se sont rassemblées pour planter un pin blanc, symbole de paix pour le peuple Haudenosaunee, sur le lower field de McGill, situé sur des terres Kanien’kehà:ka non cédées. Les organisateurs voulaient partager les enseignements Kanien’kehà:ka sur la paix avec les peuples autochtones et non-autochtones vivant sur cette terre. La plaque de bois à côté du jeune arbre indiquait que « cet arbre de la paix est un symbole de la solidarité du peuple Kanien’kehá:ka entre les étudiants de McGill et de Concordia qui ont établi un campement pacifique ici en 2024 au nom de la justice pour la Palestine et tous les peuples de notre planète (tldr) ». Le lendemain matin, McGill a confirmé au Daily que l’Université avait retiré l’arbre.

Du Petit Portugal au Quartier chinois en passant par le Village, Montréal est une plaque tournante pour diverses communautés, diasporas et cultures. À notre époque, se retrouver en communauté est plus important que jamais. En tant qu’étudiants, nous impliquer ainsi nous permet de jouer un rôle majeur dans l’évolution de notre chez-nous vers le monde dans lequel nous voulons vivre. En même temps, nous devons faire preuve de solidarité avec les personnes du monde entier qui se voient refuser leurs droits et lutter pour l’avenir de nos semblables et de notre planète. C’est notre « home », notre « chez-nous », et nous n’en aurons pas d’autre.

L’article Pourquoi : Chez nous est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Bergers : un hymne à la liberté https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/bergers-un-hymne-a-la-liberte/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56729 Choisir de partir, choisir de rester.

L’article Bergers : un hymne à la liberté est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Sous le soleil éclatant de Provence et la rigueur des montagnes, Bergers de Sophie Deraspe nous invite à une traversée sensorielle, à mi-chemin entre le conte philosophique et la quête d’identité. Le film raconte l’histoire de Mathyas, un Montréalais qui abandonne une vie urbaine confortable pour devenir berger.

Le chez-soi n’est pas tant un lieu qu’un choix.

Pourquoi tout quitter? Cette question hante le film sans jamais offrir de réponse explicite. Derapse évite les explications faciles ou les justifications grandiloquentes. Ce choix crée une certaine distance, voire une impression de superficialité dans la représentation des personnages, qui peuvent parfois sembler unidimensionnels. Ce faisant, les motivations initiales de Mathyas s’éclipsent pour laisser place à son instinct. Celui qui le pousse à changer de cap, à inventer un risque, à chercher sa place dans un monde qui semble à la fois trop vaste et trop étroit.

Il y a quelque chose de déconcertant, presque naïf, dans cette volonté d’adopter une existence bohémienne, comme si le regard de Mathyas, teinté de fascination, idéalisait cette vie loin du confort métropolitain. Pourtant, au fil du récit, sa quête se dote d’une profondeur inattendue ; elle devient une exploration intime d’une vérité universelle : le chez-soi n’est pas tant un lieu qu’un choix.

Dans le rôle de Mathyas, Félix-Antoine Duval parvient à incarner cette transformation avec finesse. Si son personnage semble d’abordun peu détaché, presque étranger à cet univers qu’il cherche à s’approprier, il gagne en authenticité au fur et à mesure qu’il se confronte à la dureté et à la beauté de sa nouvelle réalité. Peu à peu, l’impression d’une simple expérience « exotique » laisse place à la découverte d’un homme sincèrement habité par son désir d’appartenance à un mode de vie brut. Le rythme contemplatif de la réalisation reflète cette quête intérieure. Deraspe laisse respirer son récit, accordant à chaque image le temps de s’imposer. Les montagnes se déploient, majestueuses, dans des plans à couper le souffle. La trame sonore, envoûtante, amplifie cette immersion : elle accompagne le spectateur dans un voyage entre douceur et rudesse.

Ce sont ces images qui portent le récit, bien plus que les mots. Les réflexions de Mathyas, tentent parfois d’insister sur des vérités déjà évidentes. Portées par une narration hors champ, ces envolées philosophiques tombent parfois dans un lyrisme appuyé, frisant le mélodrame. Ces excès n’enlèvent cependant rien à la sincérité du propos, et traduisent l’effort du personnage pour donner un sens à son expérience, comme s’il avait besoin de justifier ce besoin viscéral de recommencer ailleurs. Mathyas se bâtit un foyer bien à lui, à travers les liens qu’il tisse, les épreuves qu’il traverse, et l’amour qu’il donne à cet environnement sauvage.

L’article Bergers : un hymne à la liberté est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
La mémoire d’un territoire https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/la-memoire-dun-territoire/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56722 Kukum au Théâtre du Nouveau Monde.

L’article La mémoire d’un territoire est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
L’adaptation théâtrale de Kukum, le roman acclamé de Michel Jean, fait une entrée remarquée sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde (TNM), portée par la vision audacieuse d’Émilie Monnet. Ancrée dans la culture innue, la pièce se veut un hommage vibrant à la mémoire et à la résilience d’un peuple. Si l’intention est noble et l’exécution visuellement saisissante, le spectacle peine parfois à tenir la promesse de son ambition, avec une narration qui vacille et un rythme parfois déroutant.

Un hommage sonore et visuel

Dès le lever de rideau, l’univers innu se déploie avec éclat grâce à la scénographie immersive de Simon Guilbault. La mise en scène d’Émilie Monnet s’entoure d’une équipe où les voix autochtones brillent non seulement sur scène, mais aussi en coulisses. Les costumes riches en symbolisme conçus par Kim Picard, et les projections d’archives mêlées à l’art visuel de Caroline Monnet plongent le spectateur dans le monde innu, magnifiant les paysages et les traditions évoqués par le texte. Les chants et dialogues en innu-aimun, une première sur la scène du TNM, résonnent comme un puissant acte de réappropriation culturelle. Cependant, ces moments de grâce sont parfois interrompus par des failles techniques – micros défectueux, sous-titres mal synchronisés – qui viennent rompre la fluidité de l’expérience.

Une narration éclatée

L’histoire s’ouvre sur la rencontre entre Almanda et Thomas Siméon, un chasseur innu qui devient son époux. Ce point de départ, d’apparence classique, laisse entrevoir une intrigue centrée sur l’évolution de leur relation. Pourtant, la pièce prend une direction plus fragmentée, où les souvenirs d’Almanda s’entrelacent aux récits ancestraux, tissant une trame davantage poétique que narrative. Loin d’une progression linéaire, le récit évolue au rythme des saisons et des légendes, reflétant une conception du temps propre à la culture innue, où mémoire collective et récits oraux l’emportent sur une structure dramatique conventionnelle.

La poésie comme souffle identitaire

La poésie de Joséphine Bacon, omniprésente dans cette adaptation, transcende la scène. En collaborant avec Laure Morali, Bacon insuffle une force lyrique au texte, conférant à l’innu-aimun une gravité et une beauté rarement entendues sur une scène québécoise. Ce faisant, la langue devient un outil de résistance et de réaffirmation de l’identité innue, un geste qui défie l’hégémonie culturelle et revendique la légitimité de cette culture sur la scène nationale.

C’est dans cette relation, portée par une chimie palpable, que le concept du « chez-nous » prend vie : un espace d’appartenance, et non de propriété.

Le territoire comme chez nous

Au cœur de la pièce, une opposition fondamentale se dessine entre la vision innue du territoire – espace partagé et respecté – et celle imposée par le colonialisme, réduisant la terre à un objet de possession et d’exploitation. Avec délicatesse, la pièce illustre la vie nomade des Innus, un « chez- nous » immatériel façonné par une relation harmonieuse avec la nature et une langue vivante, en contraste brutal avec la violence de la sédentarisation.

L’histoire d’amour entre Almanda et Thomas Siméon – interprétée avec justesse par Étienne Thibeault et Léane Labrèche-Dor – sert de point d’ancrage pour explorer ces thèmes. Si Labrèche-Dor livre une performance sincère, elle peine parfois à transcender les contraintes du texte pour en extraire une intensité dramatique plus viscérale. Leur union, bien que teintée d’idéalisme, incarne une alliance symbolique entre deux mondes tout en interrogeant ce que signifie réellement habiter un territoire. C’est dans cette relation, portée par une chimie palpable, que le concept du « chez-nous » prend vie : un espace d’appartenance, et non de propriété.

Avec Kukum, le Théâtre du Nouveau Monde marque un jalon important pour le théâtre québécois, une ode à la mémoire, à la langue et à l’amour, un rappel puissant que le passé colonial continue d’imprégner notre présent. Une invitation à réimaginer notre propre rapport au territoire, et à reconnaître la sagesse des voix autochtones qui, aujourd’hui plus que jamais, éclairent notre avenir collectif.

L’article La mémoire d’un territoire est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Inondations en Espagne : entre colère et solidarité https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/inondations-en-espagne-entre-colere-et-solidarite/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56568 Retour sur un épisode meurtrier.

L’article Inondations en Espagne : entre colère et solidarité est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Les 29 et 30 octobre derniers, plusieurs régions espagnoles, notamment Valence, Castille-La Manche et l’Andalousie, ont été touchées par des pluies torrentielles provoquant de violentes inondations. En date du 5 novembre, ces dernières avaient causé la mort de 219 personnes, ainsi que la disparition de 89 autres individus, un bilan encore provisoire. Cette catastrophe a entraîné de très lourds dégâts matériels dans l’ensemble de la région, dont la destruction de nombreux logements et infrastructures. Dans la région valencienne, ce sont principalement les villages de la banlieue de Valence qui ont été touchés et ravagés par les inondations.

Selon une première étude du World Weather Attribution, le réchauffement climatique serait une des causes principales de ces pluies diluviennes associées au phénomène DANA (Dépression Isolée à Niveau Élevé). Ce phénomène est un système météorologique destructeur et fréquent dans le bassin méditerranéen, dans lequel l’air froid et l’air chaud se rencontrent et produisent de puissants nuages de pluie. Néanmoins, cet épisode d’inondation constitue, selon le premier ministre Pedro Sánchez, « le plus grave que [l’Europe] ait connu depuis le début du siècle (tdlr) ». Selon l’analyse, les pluies qui ont frappé l’Espagne ont été 12% plus importantes que si le climat ne s’était pas réchauffé. De nombreux spécialistes ont aussi pointé du doigt « l’urbanisation incontrôlée » de la région, qui a accru l’imperméabilité des sols, provoquant une augmentation des risques d’inondation et de sécheresse.

« À 20h seulement, l’alerte d’urgence que l’on reçoit sur les téléphones portables s’est déclenchée. Mais à ce stade, tout s’était déjà produit : dès 18h, les gens étaient en train de se noyer dans tous ces villages »

Vanessa Verde, enseignante

À la suite des inondations, les habitants des zones sinistrées se sont mobilisés afin de commencer à réorganiser les villes, de retrouver les personnes disparues, et de venir en aide aux plus nécessiteux. Le gouvernement espagnol a également mobilisé l’armée et débloqué des fonds d’urgence pour venir en aide aux victimes ; cependant, beaucoup ont jugé cette réponse trop lente et inadaptée, et ont exprimé leur mécontentement. Afin de mieux comprendre la situation, Le Délit s’est entretenu avec Vanessa Verde, une enseignante vivant à Valence et qui, avec sa famille, s’est mobilisée pour venir en aide aux sinistrés.

Une colère grandissante

Plus de 10 jours après les inondations, la colère des habitants des communes touchées ne diminue pas. Le 9 novembre dernier, des centaines de milliers de personnes ont défilé dans Valence pour protester contre la gestion défaillante des institutions du pays. Dans les rues de la ville, les pancartes des manifestants illustrent la colère des survivants : « Nous sommes couverts de boue, vous avez du sang sur les mains. » En chœur, ils demandent la démission du président de la région autonome, Carlos Mazón. Celui-ci avait attendu plusieurs heures avant de lancer l’alerte à la communauté. Vanessa affirme en effet que le soir du 29 octobre, « à 20h seulement, l’alerte d’urgence que l’on reçoit sur les téléphones portables s’est déclenchée. Mais à ce stade, tout s’était déjà produit : dès 18h, les gens étaient en train de se noyer dans tous ces villages ». L’agence météorologique espagnole Aemet avait de son côté communiqué les risques d’inondations plusieurs jours auparavant, et sonné l’alerte rouge dès le mardi 29 octobre au matin.

Selon Vanessa, la révolte se fait ressentir au sein de la communauté espagnole au niveau régional comme national : « Nous sommes en colère contre tout le monde. » En effet, beaucoup reprochent également au gouvernement du premier ministre Pedro Sánchez d’avoir été passif. En effet, celui-ci attendait la demande du président de la région autonome pour envoyer de l’aide militaire supplémentaire. Néanmoins, « selon la loi espagnole, lorsque plus d’une communauté est en danger, le gouvernement [central, ndlr] doit prendre les commandes. Et dans ce cas-ci, il y avait trois communautés particulièrement affectées : Valence, Castille-La Manche et l’Andalousie ». L’opinion publique concernant le Roi, quant à elle, est divisée. Si certains admirent sa venue dans les villages touchés et son soutien aux habitants dans les jours suivant la catastrophe, d’autres ont exprimé leur colère en l’accueillant avec des jets de boue lors de son passage à Paiporta, l’épicentre des inondations.

Élan de solidarité

Les inondations ont marqué une élan de solidarité importante au sein de la population, et à travers toute l’Espagne. Dans la région de Valence, des foules impressionnantes de bénévoles se sont rendues dans les villages dans l’espoir d’aider les habitants à la reconstruction de leurs communautés. Vanessa et sa famille se sont rendus dans un village près de Valence, Picaña, pour prêter main forte aux sinistrés. « C’était comme une zone de guerre », explique-t-elle. Avec émotion, elle loue les efforts de tous, mais particulièrement ceux des jeunes : « Tous ces gens ont commencé à traverser les ponts, et c’était émouvant, tous ces jeunes qui aidaient : ils les appellent maintenant la “génération cristal”. C’était impressionnant. » Sa fille Bianca, étudiante en orthodontie, s’est elle aussi rendue dans plusieurs villages pour aider les personnes dans l’incapacité de se déplacer en besoin de services médicaux. « Il y avait des personnes qui, par exemple, avaient des points de suture parce qu’elles avaient subi une opération dentaire, alors [Bianca, ndlr] est allée les retirer à leur domicile. »

Lors du nettoyage des communes, les citoyens continuent de reprocher aux gouvernements locaux et nationaux d’avoir été cruellement absents dans l’aide aux survivants et à la gestion des dégâts matériels. Dans les jours suivant le 29 octobre, l’arrivée tardive des secours et les moyens insuffisants pour reconstruire les villes ont laissé les habitants hors d’eux : « On ne voyait pas de pompiers, pas de militaires, rien ; juste des bénévoles. Juste des citoyens, comme moi, comme ma fille, comme tous les amis de ma fille, qui sont allés aider. » Selon Vanessa, le peuple se sent abandonné par son gouvernement. « C’est de là qu’est née l’expression : “Le peuple sauve le peuple” : les seuls à pouvoir vous sauver, ce sont vos voisins. »

Et maintenant?

L’éducation est aussi directement touchée par les événements. De nombreux écoles, collèges et lycées ont été entièrement détruits par le passage de l’eau, laissant enfants, parents et enseignants désemparés. Certaines communautés tentent de trouver des solutions pour que les élèves bénéficient d’une éducation d’une manière ou d’une autre : « Il y a des endroits où des centres sportifs ont été sauvés parce qu’ils se trouvaient dans une zone plus élevée », permettant ainsi aux enseignants de les transformer temporairement en salles de classe, explique Vanessa. Mais cette initiative ne suffira probablement pas à reloger l’entièreté des nombreux élèves sinistrés.

À la suite des inondations, le premier ministre espagnol Pedro Sánchez a annoncé une aide d’urgence de plus de 10 milliards d’euros pour soutenir les victimes et les entreprises de la région. Cette aide a pour but premier de permettre la remise en état des grandes infrastructures affectées, ainsi que la restauration des logements. Bien que le premier ministre n’ait pas fait appel à l’aide des autres pays de l’Union européenne pendant les inondations (notamment aux propositions d’envoi de pompiers et d’équipes d’assistances), il a annoncé avoir pris contact avec la Commission européenne pour demander de l’aide financière auprès du Fond de solidarité européen. Vanessa soupçonne néanmoins que les aides ne soient pas aussi rapides que l’affirme le gouvernement : « Ils ont dit qu’il n’y aurait pas de bureaucratie, espérons que ce soit le cas, mais j’en doute. » Au cours des prochaines semaines, les yeux seront donc rivés sur les actions du gouvernement, et sa capacité à mettre en œuvre ses promesses aux espagnols.

L’article Inondations en Espagne : entre colère et solidarité est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Biologique ne rime pas toujours avec écologique https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/biologique-ne-rime-pas-toujours-avec-ecologique/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56582 Acheter bio est-il toujours le meilleur choix pour l’environnement?

L’article Biologique ne rime pas toujours avec écologique est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Au début de la session, ma co-éditrice Adèle et moi avons visité le campus Macdonald de l’Université, où nous avons eu la chance de rencontrer Janice Pierson, responsable de la ferme. Elle a piqué notre curiosité en mentionnant le rôle parfois néfaste de l’agriculture biologique pour l’environnement. Une perte d’informations entre les agriculteurs et les consommateurs entraîne souvent des comportements bien intentionnés mais infondés, comme la préférence pour les produits bio, basée sur des perceptions inexactes. Ces derniers ne sont pas aussi parfaits que ce qu’on pourrait croire.

En quoi consiste l’agriculture biologique

Afin d’approfondir mes connaissances à propos de l’agriculture biologique, je me suis entretenue avec David Wees, chargé de cours au Département de sciences végétales et directeur associé du Programme de gestion et technologies d’entreprise agricole. M. Wees explique que « biologique » ne signifie pas simplement l’absence de pesticides ou d’engrais : « C’est plus compliqué que ça. Le bio utilise des pesticides, mais ce sont des pesticides à moindre impact environnemental. On utilise aussi des engrais, mais la plupart sont des engrais d’origine naturelle, comme du compost ou du fumier. Si on utilise des minéraux [comme engrais ou pesticides, ndlr], ce sont des minéraux qui ont été minés et non pas synthétisés. » En comparaison, l’agriculture conventionnelle peut faire usage d‘organismes génétiquement modifiés (OGM), de pesticides chimiques et de fertilisants.

David Wees ajoute que l’agriculture biologique va au-delà de ces techniques : « Le bio s’inscrit dans une approche où on essaie de voir la ferme presque comme un organisme vivant, c’est-à-dire de regarder son ensemble et de se demander si on peut travailler de façon à minimiser l’impact environnemental, tout en maintenant la santé du sol, des travailleurs, des animaux, etc. »

Les avantages (et mirages) du bio

Les produits bios semblent à première vue toujours avoir un moindre impact environnemental, entre autres parce que plusieurs techniques sont priorisées avant l’utilisation de pesticides et d’engrais. David Wees détaille diverses méthodes alternatives utilisées pour lutter contre les insectes, les maladies et les mauvaises herbes : « Si on applique [l’agriculture biologique, ndlr] de façon théoriquement parfaite, lorsqu’on essaie de lutter contre les insectes, les maladies et les mauvaises herbes, on va toujours préconiser des méthodes non pas pour éliminer les problèmes, mais pour mieux les gérer. Autrement dit, on va tolérer un certain pourcentage de mauvaises herbes, d’insectes ou de maladies. » Ces méthodes incluent le labour du sol, le désherbage thermique, l’utilisation de paillis, l’introduction d’insectes bénéfiques (l’exemple le plus populaire étant les coccinelles pour éliminer les pucerons), et les pièges collants. L’utilisation de pesticides doux, comme des solutions savonneuses ou à base de soufre, arrive en dernier recours.

Pour ce qui est de la santé des consommateurs, il est vrai que les produits bios peuvent au premier abord sembler plus sains, puisqu’ils n’ont pas été traités avec des pesticides synthétiques. « Si on regarde les rapports de Santé Canada sur les cas de maladies ou d’intoxications dûes à des aliments contaminés, il y en a très peu concernant les fruits et légumes. La plupart du temps, ce n’est pas une intoxication dûe aux pesticides, mais à des bactéries qui se développent souvent lors de la manipulation des récoltes. Dans le cas de la viande, c’est lors de l’abattage, de l’emballage ou du transport [que peut survenir cette contamination, ndlr] », souligne David Wees. Les contaminations auraient lieu non pas pendant la production, mais le plus souvent après. « Lorsqu’il y a eu des cas d’intoxication dûs aux pesticides, c’était presque toujours lors de leur application ou de leur préparation. Donc, les plus à risque sont le producteur ou les employés, plutôt que le consommateur », précise M. Wees.

Les inconvénients du bio

Les techniques alternatives peuvent cependant parfois avoir un coût plus insidieux. David Wees donne l’exemple du cuivre : « Nous utilisons le cuivre depuis plusieurs siècles comme fongicide [pesticide servant à éliminer ou contrôler le développement de champignons parasites, ndlr]. Le problème, c’est qu’il ne se décompose jamais, contrairement aux pesticides organiques, qui se décomposent éventuellement. C’est un métal qui reste dans le sol. Pourtant, le cuivre est permis en agriculture biologique. »

David Wees explique que certaines techniques visant à éviter l’utilisation de produits chimiques nocifs proposent des alternatives qui ne sont pas forcément meilleures : « Souvent, en agriculture biologique, on doit utiliser beaucoup de labourage, soit de travail du sol, ce qui signifie que l’on passe encore plus de temps sur le tracteur, et donc qu’on consomme plus de diesel. On remplace finalement un problème par un autre : la consommation de carburant qui émet des gaz à effets de serre. » On a tendance à penser que le bio est idéal, mais il a tout de même un coût climatique considérable. L’agriculture biologique reste cependant une alternative préférable à l’agriculture conventionnelle. Selon la définition d’Équiterre, l’agriculture conventionnelle « comporte d’importantes limites notamment environnementales (contamination des eaux et des sols, désertification, salinisation des sols, disparition des pollinisateurs, destruction de la biodiversité, etc), et sur la santé humaine ».

Pour obtenir la certification biologique au Québec, « il ne suffit pas simplement de dire que nous sommes bios. » David Wees explique qu’il faut procéder à des vérifications exhaustives, et parfois à des inspections, qui vérifient la « trace écrite » (paper trail), comme les achats du producteur : « Pour prouver qu’on est une institution biologique, il faut conserver tous les reçus de tous nos intrants et être capable de décrire comment on s’en sert. » Certains producteurs décident de pratiquer l’agriculture biologique sans chercher à obtenir de certification, en raison des formalités écrasantes qui s’ajoutent au travail déjà très exigeant de la terre.

« Il serait donc préférable de s’interroger sur la provenance d’un produit avant de vérifier s’il est certifié biologique »

La paperasse administrative est souvent déjà insurmontable pour certains producteurs. Selon Janice Pierson, il y a une quantité démesurée de documents à compléter, et la raison derrière tous ces rapports qui se ressemblent n’est pas toujours évidente. « Je dois pratiquement embaucher quelqu’un rien que pour remplir les formalités administratives! », s’était-elle exclamée.

De son côté, la ferme du campus Macdonald a décidé de ne pas pratiquer l’agriculture bio, mais plutôt l’agriculture régénératrice, visant à préserver la qualité des sols, notamment en favorisant la biodiversité dans la terre pour augmenter sa teneur en matière organique. Selon Cultivons Biologique Canada, les pratiques de l’agriculture régénératrice comprennent « le compostage, les cultures de couverture, les engrais verts de légumineuses, la rotation des cultures, l’agriculture mixte et la culture peu profonde et réduite ».

Comment devenir un consommateur écoresponsable

« Malgré tout l’intérêt que les consommateurs ont pour le bio, si on regarde la production des fruits et des légumes au Canada, seulement à peu près 5% sont biologiques », signale David Wees. Pourtant, la demande est croissante au Québec et ailleurs dans le monde. Une grande partie des produits bios consommés au Canada sont donc importés, surtout des États-Unis : « La plupart du temps, les produits ne viennent pas de New York ou du Vermont, mais de la Californie. Donc, des carottes bios ont été récoltées en Californie, ont été mises sur un camion et y ont passé trois à quatre jours pour se rendre jusqu’à Montréal, alors que des carottes non biologiques cultivées au sud de Montréal ont peut-être passé seulement trois heures sur un camion. » Il serait donc préférable de s’interroger sur la provenance d’un produit avant de vérifier s’il est certifié biologique.

Au-delà de l’achat local, David Wees donne quelques conseils pour améliorer son comportement en tant que consommateur. Pour atténuer les impacts liés à la pollution par le transport des produits importés, il faut privilégier les fruits et légumes de saison. Il est également préférable de consommer ceux qui se conservent bien, comme les pommes ou les canneberges, plutôt que les fraises.

Même si l’agriculture biologique est en général une meilleure option pour l’environnement, il ne faut pas supposer que ce l’est dans tous les cas. Biologique ne rime pas toujours avec écologique : il est possible que certaines méthodes de l’agriculture conventionnelle ou régénératrice s’avèrent plus durables dans certains contextes. En s’informant sur les pratiques agricoles et leurs effets sur l’environnement, on peut éviter les pièges des idées reçues et faire des choix plus éclairés en tant que consommateurs, comme regarder d’où les produits proviennent avant de vérifier s’ils sont bios.

L’article Biologique ne rime pas toujours avec écologique est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Nos bibliothèques du futur https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/nos-bibliotheques-du-futur/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56598 Le Centre des collections de McGill débarrasse McLennan de ses livres.

L’article Nos bibliothèques du futur est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Depuis octobre 2023, les livres de la bibliothèque de McLennan disparaissent petit à petit. C’est un vide auquel il faudra s’habituer : ces ouvrages ont à présent trouvé refuge dans un entrepôt. Chacun a une place bien enregistrée, parmi les 95 092 bacs manipulés quotidiennement par des robots. Fini l’expérience du rayonnage, l’emprunt d’un livre se fait désormais sur la plateforme Sofia, un système interbibliothèquaire utilisé depuis des années par les bibliothèques de McGill. Afin d’en savoir plus, Le Délit a interrogé la doyenne des bibliothèques de McGill, Guylaine Beaudry, et visité le Centre des Collections situé à 45 minutes du centre-ville, guidé par le directeur associé du bâtiment.

« Ça finit par coûter cher, de conserver les ouvrages imprimés sur le campus, et on n’a plus assez de place pour les étudiants qui étudient dans ces espaces »

Guylaine Beaudry, doyenne des bibliothèques de McGill

Le vestige McLennan

En revisitant l’histoire des bibliothèques universitaires, Guylaine Beaudry souligne l’importance des projets de rénovation pour adapter nos espaces à nos besoins actuels. « Le rayonnage dans les bibliothèques tel qu’on le connaît aujourd’hui ne date que depuis la fin de la seconde guerre mondiale » explique la doyenne. « Avant, les grandes bibliothèques universitaires avaient un “magasin”, comme dans les musées, où s’entreposaient les livres jusqu’à ce qu’on ait besoin de les sortir pour les prêter ou les exposer. Les architectes ont pensé ces espaces pour l’entreposage de livres, pas pour l’expérience du public. »

Aujourd’hui, seulement 8% des collections imprimées sont consultées à McGill, soit une baisse de 90% en 30 ans. La consultation numérique a quant à elle dépassé celle papier, et le budget s’est lui aussi adapté : selon la doyenne, 95% du budget des bibliothèques est alloué aux ressources numériques. « Ça finit par coûter cher, de conserver les ouvrages imprimés sur le campus, et on n’a plus assez de place pour les étudiants qui étudient dans ces espaces » revendique-t-elle. Ainsi, la préservation de la collection générale de 200 ans de travail académique à McGill tient de la responsabilité des bibliothèques. Elles doivent assurer des conditions optimales pour leur conservation : une luminosité réduite, une humidité à 40% et une température de 18 degrés. Cependant, l’évolution de l’utilisation des espaces laisse les étudiants dépourvus de lieux pour se rencontrer, étudier, et créer.

Bibliothèque du XXIe siècle

Le projet de rénovation de la bibliothèque McLennan, FiatLux, en cours de conception depuis 2014, réimagine l’espace pour les étudiants qui veulent y étudier dans le silence autant que pour ceux qui veulent débattre de leurs idées pour un projet d’équipe. « La bibliothèque est un des rares lieux à Montréal où les étudiants peuvent travailler en silence ; et où d’autres viennent pour discuter et travailler en collaboration, dans une ambiance qui ressemblerait à un bistrot », imagine Dr. Beaudry.

Celle-ci réimagine ce que pourrait être une bibliothèque dans la vie des étudiants : « Entre les espaces de silence et “bistrot”, il y a les salles de travail en collaboration, les salles pour pratiquer ses présentations, des espaces pour faire des balados, et expérimenter avec la visualisation des données, des espaces sans Wi-Fi pour minimiser les distractions. » Le but de la bibliothèque est de créer un espace social « fait pour les humains, pas pour les livres », ironise-t-elle.

Anouchka Debionne | Le Délit

Afin de résoudre la question du manque d’espace, McGill s’est inspiré de ce qui se fait dans les autres universités : des centres de collections, bâtiments extérieurs aux bibliothèques de l’université, où sont entreposées les collections et où les livres peuvent être commandés par les étudiants et les employés des institutions académiques. Ça ressemble étrangement aux « magasins » de l’époque, mais on exporte ces magasins pour adapter nos espaces du centre-ville pour les utilisateurs. Cinq universités en Ontario partagent un même centre de collections, dont celles de Toronto et d’Ottawa. Bien qu’elle ait tardivement ouvert son centre en juin 2024, l’Université McGill est la première à y avoir plus de robots que d’employés.

« Nos critères étaient de trouver un lieu à moins d’une heure du centre-ville qui entre dans notre budget », renseigne la doyenne. La construction du centre a ainsi commencé en mars 2022 à Salaberry-de-Valleyfield, à 50 minutes en voiture du centre-ville et à 25 minutes du campus MacDonald. « Les déplacements de livres se font quotidiennement par camions électriques », assure Dr. Beaudry.

Une « usine de connaissances »

Le Délit a visité le centre de collections à Salaberry-de-Valleyfield, accueilli par Carlo Della Motta, directeur associé du centre, et Mary, la superviseure de la bibliothèque du centre. Le bâtiment est divisé en deux grandes unités : l’une est un grand espace de cotravail pour les cinq employés à temps plein, où sont reçus les retours de livres. « Ici, » montre Carlo Della Motta en désignant une grande salle vide avec seulement deux, trois tables, « on entreprend des petites réparations si les matériaux du livre tombent, et ensuite ils peuvent retourner dans l’entrepôt ».

« Nous avons reçu environ 20 000 livres par jour du centre-ville, dont le code-barre était numérisé dans les bacs, puis les bacs ont été insérés dans la grille. Ce processus a duré environ six à sept mois »

Guylaine Beaudry, doyenne des bibliothèques de McGill

Passé deux ensembles de portes, on entre dans un entrepôt où se dresse un mur rouge, derrière lequel s’échafaudent 95 092 bacs contenant 2,4 millions de livres. Les livres proviennent des collections de McLennan et Redpath, ainsi que du gymnase Currie où étaient entreposés les livres de la bibliothèque Schulich lors de ses rénovations de 2019 à 2023. Les robots sont disposés sur des rails juste au-dessus de caisses empilées qui forment un mur de plusieurs mètres de haut. Ils se déplacent pour soulever des bacs afin d’en atteindre d’autres, et faire descendre la caisse qui contient le livre commandé. Les robots sont programmés pour mener un travail d’équipe : chacun à son poste, deux peuvent bouger du nord au sud de la grille, et deux bougent d’est en ouest. Ainsi, les quatre robots orientés vers le sud sont ceux qui peuvent prendre un bac et le livrer au port. Quant aux deux robots orientés vers le nord, leur principale responsabilité est de pré-trier les bacs pour les quatre autres robots. Le personnel cherche ensuite le livre dans le bac, le sort et le traite pour l’envoyer au centre-ville. La fonction du robot se limite donc à récupérer le bac qui se trouve à l’intérieur de la grille. Le reste du travail est effectué par le personnel de la bibliothèque.

Anouchka Debionne | Le Délit

Les livraisons ont commencé en octobre 2023. « Nous avons reçu environ 20 000 livres par jour du centre-ville, dont le code-barre était numérisé dans les bacs, puis les bacs ont été insérés dans la grille. Ce processus a duré environ six à sept mois », souligne Carlo Della Motta. « On travaille avec trois systèmes indépendants : AutoStore, qui a créé le système automatisé de récupération des caisses et qui localise les caisses et contrôle les robots, le système Dematic, qui suit l’inventaire des livres dans les bacs, et enfin le système interbibliothèques Sofia, utilisé par les utilisateurs pour commander les livres » explique le directeur associé du centre. Ce genre d’entrepôt est d’habitude utilisé par les industries qui entreposent des marchandises. Il a séduit McGill comme une alternative aux autres centres de collections plus traditionnels, qui se font d’habitude avec des chariots élévateurs ou des assistants virtuels. Pour l’instant, les deux personnes interrogées ne connaissent que deux autres lieux au monde qui utilisent cette technologie pour entreposer des documents : le FBI, et un centre d’archives à Abu Dhabi. « Depuis notre mise en service en juin, notre moyenne est d’environ 850 livres commandés par semaine », renseigne Carlo Della Motta. « On s’occupe aussi d’envoyer des livres pour être scannés dans le centre, qui nous sont ensuite retournés. »

Certification faible impact

Le centre de collection a été certifié LEED GOLD (Leadership de conception en énergies et environnement, tdlr) pour ses efforts en termes d’utilisation des ressources énergétiques comme l’électricité et d’aménagement intérieur et extérieur pour les cinq employés qui viennent quotidiennement sur place. « Nous avons un bac à compost, nos meubles viennent du campus du centre-ville et nous avons gagné la certification Pelouse Fleurie pour notre engagement envers la biodiversité de la ville de Valleyfield. On n’utilise pas de pesticides, pas d’engrais, pas de dérogation. Il y a un certain nombre de plantes endémiques nécessaires pour obtenir la certification », raconte Carlo Della Motta. Le bâtiment est fourni d’une salle de conférence, d’une cuisine, et même d’une douche, pour ceux qui voudraient venir à vélo au travail. Les robots chargés avec des batteries de voiture électriques, eux, consomment en 24 heures ce que consomme un aspirateur branché durant 30 minutes.

« Le but de la bibliothèque est de créer un espace social fait pour les humains, pas pour les livres »

Projet de rénovations retardé

Le Centre des Collections a accueilli les premiers livres à Salaberry-de-Valleyfield en octobre 2023 afin de vider la bibliothèque McLennan pour le début des travaux en 2025. « C’est seulement après avoir déplacé les livres que le projet de rénovation a été mis en pause » informe Carlo Della Motta. Les travaux, retardés dû à « une augmentation des coûts dans la construction », ont été impactés par l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants hors Québec. La doyenne Dr. Beaudry précise : « c’est certain que ça a contribué, parce que c’est la santé financière de McGill qui a été touchée, et la capacité d’emprunt de notre Université ». Les plans de rénovation sont actuellement retravaillés afin de rentrer dans le budget. La doyenne précise que les étagères de McLennan resteront vides et ne seront pas démantelées tout de suite : « Pour le moment, on a confiance que d’ici au printemps, on saura où on s’en va. Si l’on démantèle les rayons et qu’on crée des espaces avec les moyens qu’on a, on risque de devoir tout changer à nouveau au printemps, quand on aura plus de visibilité sur la poursuite des travaux. »

Anouchka Debionne | Le Délit

Le futur du centre

Le centre ne restera donc pas seulement un entrepôt durant les travaux, et compte d’ailleurs accueillir les collections d’autres universités. Selon Carlo Della Motta, « lorsque d’autres bibliothèques, comme la bibliothèque d’Études islamiques, le campus MacDonald ou celle de l’École de musique commenceront à manquer d’espace, nous devrons mettre en place des protocoles et des procédures pour qu’elles puissent déplacer des documents ici. Nous ne sommes pas encore au maximum de notre capacité ». Le centre de Collections accueille actuellement 2,4 millions de livres, et la doyenne mentionne qu’ils prévoient le retour de 400 à 500 000 livres dans la bibliothèque McLennan. « On se pose la question en discutant avec les étudiants mais aussi avec les professeurs : de quelles collections a‑t-on besoin au centre-ville? » S’y retrouveront sûrement les livres qui ont été empruntés récemment, les nouveaux livres achetés par l’Université et ceux qui figurent sur les syllabus des professeurs.

Ainsi, les bibliothèques sont des espaces dans lesquels les étudiants passent un grand pourcentage de leur temps : le centre de Collection est une première étape vers l’adaptation de nos bibliothèques pour nos besoins numériques du XXIe siècle.

L’article Nos bibliothèques du futur est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
La résilience face aux flammes https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/la-resilience-face-aux-flammes/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56607 Les soeurs Talbi adoptent Incendies sur scène.

L’article La résilience face aux flammes est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Vingt ans après sa publication, la pièce Incendies de Wajdi Mouawad est revisitée sur scène par le duo des sœurs Talbi, dans un contexte à la fois universel et intime, qui dévoile les ravages de la guerre et la résilience de ceux qui en portent les cicatrices. Le récit empreint de souffrance dénonce l’absurdité de la violence, confrontant l’auditoire à une réalité terrible, que l’on ne peut détacher de son contexte géopolitique actuel.

Incendies raconte la quête déchirante de Jeanne et Simon, deux jumeaux qui, à la mort de leur mère Nawal, reçoivent une mission déconcertante : retrouver un père qu’ils croyaient mort et un frère dont ils ignoraient l’existence. La pièce frappe toujours avec la même intensité. Le cycle de la violence qu’elle dénonce, immuable, lui accorde une dimension intemporelle. En unissant des scènes du passé et du présent, le récit devient le témoignage d’une souffrance qui transcende les frontières et les générations.

Le rôle d’une vie

La tâche colossale d’interpréter les différentes étapes de la vie de Nawal incombe à Dominique Pétin, qui relève ce défi avec une aisance déconcertante. Elle incarne son personnage de l’adolescence jusqu’à la mort, transcendant ainsi notre perception du temps. Pétin offre une performance saisissante, rendant tangible la douleur de Nawal, sublimant d’autant plus sa résilience. Chaque épreuve endurée par le personnage est subtilement rendue, et son interprétation, habitée, lui confère une cohésion sensible. Cette fluidité accorde à l’histoire une force singulière, qui permet une exploration de la mémoire de Nawal. La pièce se déploie ainsi comme une rétrospection où la voix de cette femme se fait entendre sans rupture.

Pétin confère à ce personnage une profondeur qui rend justice aux mots de Mouawad, au-delà de la fiction. Les racines autochtones de la comédienne, d’origine huronne-wendate, ajoutent une dimension supplémentaire à la pièce, qui conjugue les horreurs de la guerre à la violence coloniale vécue par les peuples autochtones. Cette résonance intime confronte le public à l’héritage colonial du Canada, qui dissipe l’illusion d’une violence lointaine en l’inscrivant dans une réalité locale. Alors que dans la pièce originale, les origines de Nawal et des jumeaux sont explicites, l’adaptation des sœurs Talbi maintient un flou délibéré à cet égard, dans un rappel subtil de l’universalité de la souffrance, qui s’inscrit à la fois dans le corps, dans le territoire, et dans la mémoire.

Entre jeunesse et sagesse

Les jeunes acteurs de la pièce apportent une forte crédibilité dans l’incarnation des jumeaux, Simon et Jeanne. Sabrina Bégin Tejeda et Neil Elias incarnent à merveille la relève théâtrale, insufflant à l’œuvre une nouvelle vitalité. L’intensité de Simon, porté par une énergie brute et une intensité crue, contraste avec le pragmatisme calme de Jeanne. Cette complémentarité renforce l’opposition de leurs personnalités, tout en soulignant la complexité du lien fraternel, à la fois fragile et indestructible. On peut également saluer la performance impeccable de Denis Bernard, qui démontre l’étendue de son expérience dans le rôle du notaire, chargé de transmettre les dernières volontés de Nawal aux jumeaux. Sa présence apporte une touche de légèreté à cette histoire poignante, offrant des instants de répit à l’auditoire. La tension dramatique demeure suspendue dans un équilibre subtil, habilement dosé entre l’humour et le tragique.

« Il n’y a rien de plus beau que d’être ensemble »

Une mise en scène symbolique

Enfin, l’ingénieux dispositif scénique, constitué de cubes mobiles qui se transforment et se décomposent au fil des souvenirs, illustre avec finesse l’éclatement de la mémoire et les blessures invisibles de Nawal. La scène en perpétuelle transformation agit comme une métaphore visuelle qui soutient parfaitement la quête des jumeaux, dans une reconstruction du passé douloureux de Nawal, qui s’intègre à l’espace scénique. La scène finale, qui reconstitue le tableau familial sous une chute de pétales rouge sang, est à couper le souffle : une traduction poétique du triomphe de l’amour et de la résilience sur la violence. Car « il n’y a rien de plus beau que d’être ensemble ».

Incendies est présentée au Théâtre Duceppe jusqu’au 30 novembre 2024.

L’article La résilience face aux flammes est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
SOS d’un activiste en détresse https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/sos-dun-activiste-en-detresse/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56471 La France est-elle la planche de salut attendue par Paul Watson?

L’article SOS d’un activiste en détresse est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Cela fait un peu plus de trois mois que le militant écologiste Paul Watson est incarcéré dans la prison de Nuuk, au Groenland. Il a été arrêté le 21 juillet 2024, alors qu’il était en route pour intercepter un baleinier japonais et faisait escale sur le territoire autonome danois. La cause de son arrestation découle du mandat d’arrêt déposé en 2012 par le Japon à son égard, via l’Organisation internationale de police criminelle, Interpol. Le pays l’accuse de conspiration d’abordage et plus généralement de blocage volontaire des routes empruntées par leurs baleiniers. L’affaire reprend de l’ampleur après la demande de Watson d’obtenir le droit d’asile, puis la nationalité française au président Emmanuel Macron ce 24 octobre. À travers ces deux requêtes, l’activiste tente d’éviter l’extradition au Japon après la fin de son emprisonnement, prévue le 13 novembre.

Paul Watson, défenseur des baleines

L’activiste américano-canadien est connu pour avoir fondé l’association Sea Shepherd, une Organisation Non Gouvernementale (ONG) déployant des méthodes de lutte à grande échelle pour la protection des océans et de la vie marine. Depuis la création de l’association en 1977, Watson s’est battu pour dénoncer la chasse à la baleine, en s’interposant sur les lieux de pêche pour en empêcher l’activité, notamment face aux baleiniers japonais. Les tensions entre l’ONG et Tokyo ne font qu’augmenter depuis quelques années, particulièrement depuis la collision entre un navire nippon et un voilier Sea Shepherd en 2010, dont Watson est tenu responsable par les autorités japonaises. Depuis son lieu de détention, Paul Watson affirme que cette requête d’extradition sur le territoire japonais ressort plus du domaine politique que judiciaire, car le militant est devenu un symbole « gênant » pour les autorités japonaises et danoises.

Une extradition contestée

Le Japon est l’un des seuls pays qui pratique encore à ce jour la chasse aux baleines, avec la Norvège et l’Islande. Le pays avait pourtant adhéré à la Convention baleinière internationale créée en 1986, qui avait pour but d’interdire la chasse commerciale de la baleine, notamment par la création de deux sanctuaires dans les océans Indien et Austral. Cependant, après avoir contourné ces interdictions en justifiant la nécessité d’activités scientifiques, le Japon s’est finalement retiré de la Convention en 2019. De plus, les conditions d’extradition sont questionnées par la Fondation Captain Paul Watson (CPWF), puisque la notice rouge d’Interpol – l’avis international émis par le Japon aux autres pays membres afin d’appréhender Paul Watson plus facilement – a été rendue confidentielle par l’archipel nippon. Autrement dit, Paul Watson ne figurait plus visiblement sur la liste des notices rouges lorsqu’il a accosté au Groenland, lui faisant croire que le mandat d’arrêt contre lui n’était plus en vigueur. On parle ici d’instrumentalisation des notices rouges d’Interpol, une pratique contre laquelle le Parlement européen s’est positionné dans le passé en dénonçant cette dérive comme une violation des droits de l’Homme. De plus, selon Me (Maître) Juliette Chapelle, avocate au barreau de Paris, le fait que la notice ne soit plus visible pourrait représenter un motif d’annulation de la demande d’extradition formulée il y a plus de 10 ans.

« Selon Paul Watson, le vrai “pirate” demeure le Japon qui continue d’exercer la chasse à la baleine, pratique pourtant déclarée illégale par la Cour internationale de justice de la Haye en 2014 »

Deux bouteilles à la mer lancées à la France

Le 16 octobre 2024, l’activiste a fait une première demande de droit d’asile à la France, un choix qui n’a pas été fait au hasard. Étant donné que le pays possède la deuxième plus grande interface maritime mondiale, il a comme devoir de se présenter comme pilier dans la préservation des milieux marins, ce qui inclut indirectement la protection du fondateur de Sea Shepherd. Ce choix repose également sur le lien affectif que Paul Watson éprouve envers la France, qu’il considère comme « son port d’attache ». Cependant, comme l’explique la ministre française de la Transition écologique, la demande de droit d’asile en France ne peut être formulée que par des individus étant déjà situés sur le territoire français, condition que Watson est dans l’incapacité de remplir pour le moment. Si une exception pouvait être envisagée, les chances demeurent incertaines, étant donné l’issue de la demande de droit d’asile formulée par Julian Assange en 2021. La France avait rejeté la demande du lanceur d’alerte australien alors qu’il tentait d’éviter l’extradition aux États-Unis, après avoir libéré des informations confidentielles concernant des activités diplomatiques et militaires américaines sur son site WikiLeaks. Les circonstances de son incapacité à pouvoir se trouver sur le territoire français n’étaient, selon les autorités françaises, pas assez exceptionnelles pour faire entorse à la règle régissant le droit d’asile. Bien que le contexte entourant l’emprisonnement de Watson ne soit pas identique à celui d’Assange, le facteur clé reste sa libération.

En ce qui concerne la demande de nationalité française formulée huit jours plus tard, le 24 octobre, une disposition du code civil français permet qu’à titre exceptionnel, et seulement par décret du ministre de l’Intérieur, la nationalité française puisse être accordée à des personnes ayant des liens particuliers ou contribuant de manière significative à la société française. Dans le cas de Paul Watson, cette contribution est environnementale. Selon Me François Zimeray, l’un des avocats de Watson, la demande a des chances d’aboutir puisqu’elle est juridiquement possible. Pour le moment, la requête est toujours en révision.

Une position française délicate

Ayant le deuxième plus grand taux d’importation d’Asie, le Japon est un partenaire commercial essentiel pour la France, et revêt une importance stratégique dans la région indo-pacifique. Ce lien a été renforcé par la signature d’un pacte de sécurité et de défense ce 1er novembre, qui tente de consolider les domaines de sécurité et de défense entre le Japon et l’Union Européenne. Si la France décide de protéger le militant, il est probable que les relations entre les deux pays se refroidissent, et que des représailles soient attendues du côté japonais, que ce soit sur le plan diplomatique, ou plus indirectement, à travers des régulations commerciales.

En ce qui concerne l’opinion publique, son soutien envers Paul Watson est visiblement exprimé lors des manifestations organisées pour exiger la libération de l’activiste, notamment celle du 4 septembre 2024 sur la place de la République à Paris, avec un slogan scandé par tous et partout : « Sauver les baleines n’est pas un crime ». Une pétition a été signée par plus de 388 000 personnes, dont des écologistes et des figures politiques, et une musique a même été créée en soutien au militant, Le Dernier mot. Le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot affirme que la cause défendue par l’américano-canadien est « juste et noble », et qu’elle est partagée par la France.

Un avenir incertain

L’emprisonnement de Watson doit prendre fin le 13 novembre 2024, mais la suite reste pour le moment incertaine. En effet, si la nationalité française était acceptée, elle ne garantirait pas pour autant la non-extradition au Japon, ce qui laisse l’avenir de Paul Watson entre les mains des autorités danoises. « Il faut que les Danois se positionnent et comprennent que ce que cet homme subit est totalement disproportionné par rapport à ce qu’on l’accuse d’avoir fait, qu’il n’a pas commis », affirme Me Zimeray. Paul Watson a d’ailleurs déclaré que « si [la justice danoise] [l]’envoie au Japon, [il] y mourrait », compte tenu des conditions d’emprisonnement particulièrement sévères auxquelles il s’attend sur le territoire japonais. Me Zimeray estime qu’une décision d’extradition de la part du Danemark reviendrait à « violer leur propre Constitution ». Les avocats de Watson ont promis de saisir la Cour Suprême danoise, voire la Cour Européenne des Droits de l’Homme si l’extradition a lieu. Selon le militant, le vrai « pirate » demeure le Japon qui continue d’exercer la chasse à la baleine, pratique pourtant déclarée illégale par la Cour internationale de justice de la Haye en 2014. Comme le cite la chanson créée pour lui, si justice est accordée pour Paul Watson, « le dernier mot, c’est la mer qui l’aura ».

L’article SOS d’un activiste en détresse est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Comprendre le Vendée Globe avec Catherine Chabaud https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/comprendre-le-vendee-globe-avec-catherine-chabaud/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56498 Rencontre avec la première femme à avoir bouclé la course mythique.

L’article Comprendre le Vendée Globe avec Catherine Chabaud est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Le 10 novembre, 40 skippers (navigateur·rices, tdlr) prendront la barre pour débuter la plus grande course de navigation du monde, le Vendée Globe. Tous les quatre ans depuis sa création en 1989, quelques-uns des meilleurs skippers du monde partent des Sables‑d’Olonne en Vendée, en France, et font un tour du monde complet à voile, parcourant environ 45 000 kilomètres à travers les océans Atlantique, Indien et Pacifique pour retrouver le point de départ plus de 100 jours plus tard. Le Vendée Globe a la particularité d’être une course en solitaire et sans assistance : mis à part les situations d’avarie mettant en danger la vie des marins, les skippers sont livrés à eux-mêmes et ne bénéficient d’aucune aide pour parcourir le globe et accomplir cette épreuve souvent considérée comme étant « l’Everest des mers ».

Afin de mieux comprendre cette course, ses enjeux humains, sportifs, technologiques, et environnementaux, Le Délit a eu l’opportunité de s’entretenir avec Catherine Chabaud. Ex-navigatrice française ayant participé à deux reprises au Vendée Globe, elle a été la première femme de l’histoire à terminer cette course mythique, lors de l’édition 1996–1997. À la suite de sa carrière professionnelle, Catherine Chabaud s’est engagée en politique pour mettre en avant la question environnementale et la protection des océans.

Le Délit (LD) : D’où vient cette passion pour la navigation, et qu’est-ce qui vous a poussé à devenir navigatrice professionnelle?

Catherine Chabaud (CC) : Ma passion est d’abord venue d’un intérêt pour la mer. Avec ma famille, on faisait souvent de la plongée sous-marine. Ensuite, j’ai pratiqué un petit peu le bateau et plus j’en faisais, plus je trouvais ça formidable. Comme il n’y avait pas de bateau dans la famille, j’ai commencé à pratiquer la navigation avec une bourse des équipiers [un partenariat entre marins et propriétaires de navires, ndlr]. Au début des années 80, pour les femmes, ce n’était pas forcément facile de trouver des embarquements, donc j’ai dû très vite monter mes propres projets. J’ai d’abord exercé mon métier de journaliste et j’essayais d’aller naviguer dès que je pouvais. Un jour, j’ai décidé de mettre la priorité sur la navigation. En 1990, j’ai fait construire mon premier bateau. J’ai commencé par des courses, au début plus courtes, et plus ça allait, plus j’avais envie d’un peu plus de durée et de grandeur de bateau. Lorsque le premier Vendée Globe a été organisé en 1989, je me suis dit : « Un jour, je serai au départ ». En 1996, j’ai pris le départ de mon premier Vendée Globe.

« Parmi mes meilleurs souvenirs, je retiens mon premier passage du Cap Horn, parce que j’ai mis beaucoup de temps pour arriver à le franchir. Et bien sûr l’arrivée de mon premier Vendée Globe, qui était incroyable »

Catherine Chabaud

LD : Qu’est-ce qui vous a le plus plu dans votre expérience de navigation?

CC : Ce que j’ai beaucoup aimé dans la navigation, c’est le sentiment de responsabilité, d’autonomie et de liberté que tu as quand tu es seule en mer. Et ce sentiment est multiplié par dix dans le cadre du Vendée Globe. Ce qui m’a aussi beaucoup plu, c’est le voyage, l’aventure, la découverte mais aussi plus simplement la vie en mer. Encore aujourd’hui, après des années de navigation, je suis toujours émerveillée par un lever ou un coucher de soleil, un albatros, ou par un dauphin. Parmi mes meilleurs souvenirs, je retiens mon premier passage du Cap Horn, parce que j’ai mis beaucoup de temps pour arriver à le franchir. Et bien sûr l’arrivée de mon premier Vendée Globe, qui était incroyable.

LD : À quoi ressemble le quotidien d’un skipper pendant le Vendée Globe? Comment arrive-t-on à trouver un équilibre entre le sommeil et la navigation?

CC : Comme tu es en course, la priorité est à la marche du bateau, tu essaies d’avoir les bonnes voiles réglées comme il faut, et tu essayes surtout d’aller dans la bonne direction avec les vents. Pour tenir sur le long terme, il faut aussi s’entretenir soi-même. Dans la journée, tu étudies beaucoup la météo, tu fais des manœuvres, tu manges, et dès que tu peux, tu vas dormir. Tu dors par petites tranches dont la durée dépend du contexte. Lorsqu’il y a des risques de collision avec des obstacles, comme des bateaux par exemple, tu ne dépasses pas les tranches de 20 minutes de sommeil. En revanche, tu peux aller jusqu’à 1h30 dans des conditions météorologiques stables.

LD : Le Vendée Globe est une course dans laquelle les femmes sont jusqu’à aujourd’hui sous-représentées. Pour l’édition qui arrive, sur 40 skippers, seules six sont des femmes. En 1997, vous devenez la première femme à avoir terminé cette épreuve, et à boucler un tour du monde en solitaire sans assistance. Est-ce que cela est source de fierté, et considérez-vous que cet accomplissement vous donne un rôle particulier auprès des femmes navigatrices?

CC : Par concours de circonstances, le titre de gloire m’est revenu, mais devenir la première femme à finir le Vendée Globe n’était pas du tout ma motivation à aller en mer. À l’époque, je m’étais dit que peut-être que lorsque je serais grand-mère, ce serait objet de fierté. Et en effet, 20 ans plus tard, c’est une fierté de se dire qu’on est pionnières [faisant référence à Isabelle Autissier, seule autre navigatrice ayant participé en même temps que Catherine, ndlr]. Je pense qu’on a inspiré des navigatrices mais aussi des femmes sur la terre ferme, en leur donnant envie de réaliser leurs rêves.

LD : Depuis 1989, les bateaux et les moyens de communication ont beaucoup changé grâce aux avancées technologiques. À votre avis, quelle est la différence entre participer au Vendée Globe dans les années 90 et aujourd’hui?

CC : Ne serait-ce qu’entre mon premier Vendée Globe en 1996 et celui en 2000, il y a eu énormément de changements. On est passé de la radiocommunication à la communication par satellites. Aujourd’hui, les skippers sont très connectés et communiquent beaucoup [sur les réseaux sociaux et à la télévision notamment, ndlr], voire un peu trop. Ils se mettent presque en scène, ce qui n’était pas du tout le cas avant. Selon moi, la surmédiatisation des skippers banalise un peu l’épreuve et l’aventure que représente le Vendée Globe. Cela dénature un peu l’idée d’une course en solitaire face à la nature. En même temps, c’est sympathique, parce que tu vois presque en direct comment les marins vivent. À l’époque, on essayait de ramener des images qu’il n’était pas possible d’envoyer en direct.

« Toutes ces avancées n’enlèvent aucun mérite aux skippers. Faire le Vendée Globe aujourd’hui reste une grande aventure. Mais il faut constater que le Vendée Globe des années 1990 et celui de 2024 sont deux courses profondément différentes »

Catherine Chabaud

Les bateaux ont aussi beaucoup changé d’un point de vue technologique. Depuis une dizaine d’années, il y a des bateaux bien plus performants qui volent sur l’eau [grâce aux ailes portantes (foils) notamment, ndlr]. Les accélérations et les décélérations sont extrêmement brutales et les skippers sont donc obligés de naviguer avec des protections pour le dos, les genoux, les chevilles ou encore avec des casques. C’est extrême, mais en même temps, c’est magique de voir qu’ils ont réussi à faire des bateaux si performants. Pour revenir sur la question du quotidien des marins, je ne sais pas comment ils organisent leur vie à bord, ils ne bougent quasiment plus. Aujourd’hui, les cockpits [postes de pilotage, tdlr] sont de plus en plus fermés, les bateaux vont parfois presque sous l’eau, et mouillent beaucoup plus. Lors de mes Vendée Globes, mon poste de pilotage était ouvert, je devais mettre des bâches pour le fermer dans les mers du Sud pour ne pas avoir trop froid.

Toutes ces avancées n’enlèvent aucun mérite aux skippers. Faire le Vendée Globe aujourd’hui reste une grande aventure. Mais il faut constater que le Vendée Globe des années 1990 et celui 2024 sont deux courses profondément différentes.

LD : Comment avez-vous perçu l’évolution du réchauffement climatique et de la pollution des océans, et quels sont leurs impacts sur une course comme le Vendée Globe?

CC : La première fois que j’ai vu du plastique en mer, c’était en 1991. Aujourd’hui, je constate surtout une augmentation de la pollution en mer Méditerranée, parce que dans les eaux plus agitées comme l’Atlantique, on les voit moins flotter. Seul 1% des plastiques en mer flottent. Par contre, quand j’ai navigué encore l’été dernier au Groenland, je me suis aperçue d’un écart important entre les glaces que l’on peut observer et les glaces cartographiées – souvent répertoriées dans les années 50 ou 60. Alors que les cartes te disent que la navigation est bloquée à certains endroits, en réalité, tu es souvent capable de parcourir 10 kilomètres de plus parce qu’il y a 10 kilomètres de glaciers qui ont fondu. C’est une différence colossale!

L’impact sur le Vendée Globe est bien réel. Avec le réchauffement climatique et l’augmentation du nombre d’icebergs, les eaux les plus au sud sont moins facilement navigables et le risque de collisions avec un iceberg non répertorié sur le radar est plus élevé. Les eaux sont donc plus dangereuses. C’est d’ailleurs pour cela qu’à partir du Vendée Globe 2000, pour assurer la sécurité des skippers, la direction a commencé à mettre des zones interdites à la navigation comme la Zone d’Exclusion Antarctique.

Plus récemment, on a commencé à créer des Zones de Protection de la Biodiversité, des zones où il y a beaucoup de cétacés, pour éviter de les heurter et de les tuer. L’impact existe donc vraiment d’un point de vue sportif, parce que les zones d’exclusion contraignent les skippers dans leurs manœuvres autour de ces zones-là. Mais tout le monde est à la même enseigne, et si cela permet de ne pas dégrader la biodiversité, alors tant mieux. Ce qu’on pourra aussi craindre dans plusieurs années, c’est que l’augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques de plus en plus violents, ainsi que l’allongement des périodes de cyclones entraînent le report des courses.

LD : À la suite de vos Vendée Globe en 1996 et en 2000, vous vous êtes investie en politique à différents échelons, notamment en tant que députée européenne. En quoi votre expérience en mer vous a‑t-elle été utile dans votre travail au Parlement européen et dans votre carrière politique?

CC : Il y a un véritable bénéfice à avoir une expérience de navigatrice pour aller naviguer en politique. Avoir vécu des situations fortes, intenses, et avoir eu à me débrouiller seule pour trouver des solutions ça me donne la conviction qu’on peut être ambitieux dans la vision politique qu’on porte, et que l’être humain est capable de mettre en œuvre des choses formidables, à condition d’entreprendre et de persévérer. Une autre leçon que m’a donnée la mer, c’est de faire avec la situation. Dans l’océan, tu navigue malgré les contraintes, tu ne domines pas la nature, il faut arriver à s’adapter. En politique c’est la même chose, il faut s’adapter et travailler pour trouver des compromis.

L’article Comprendre le Vendée Globe avec Catherine Chabaud est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Être conservatrice d’art : entre vision curatoriale, parité et héritage https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/etre-conservatrice-dart-entre-vision-curatoriale-parite-et-heritage/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56522 Entretien avec Anne-Marie St-Jean Aubre du Musée des Beaux-Arts de Montréal.

L’article Être conservatrice d’art : entre vision curatoriale, parité et héritage est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Musée des Beaux-Arts de Montréal, 8 octobre 2024, pavillon Desmarais. J’entre dans la grande salle d’exposition et j’y aperçois une femme, qui brille. Ses traits sont d’ébènes et sa peau d’ivoire ; un sentiment de familiarité m’enveloppe alors que je la fixe dans le blanc des yeux. Dépourvue de pupilles, cette femme n’est nulle autre qu’une sculpture : Ebony in Ivory, I (2022), d’Esmaa Mohamoud. Son profil me rappelle le mien lorsque j’avais des nattes collées plus tôt cette année. Aussi rarissimes soient-elles, c’est dans ces rencontres avec des œuvres qui saisissent l’essence de notre image que l’on se rend compte de la puissance de l’art à représenter autrui. Mais, qui est responsable de la sélection de ces œuvres, et comment se retrouvent-elles entre les murs des musées? Qui détermine les thèmes des expositions, la sélection des artistes, et la mise en scène des œuvres pour qu’elles résonnent en nous? Afin de découvrir ces figures clés qui œuvrent dans l’ombre, je me suis entretenue avec Anne-Marie St-Jean Aubre, conservatrice de l’art québécois et canadien contemporain (datant de 1945 à aujourd’hui) au Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM). Avec son regard et son expertise, St-Jean Aubre façonne des expositions qui racontent nos histoires, veillant à ce que l’art contemporain nous interpelle et nous représente.

Le Délit (LD) : Pourriez-vous nous parler de votre parcours dans le monde des arts et de ce qui vous a initialement attirée vers ce métier? Y a‑t-il eu un moment décisif qui vous a poussée à choisir cette carrière?

Anne-Marie St-Jean Aubre (AMSJA) : Oui! Mon intérêt pour les arts a commencé avec mes cours en arts visuels au secondaire, qui étaient parmi mes préférés. Cela m’a ensuite orientée vers un baccalauréat en arts visuels. J’y ai choisi un cours de muséologie, qui a déclenché mon intérêt. Le projet principal de ce cours consistait à imaginer une exposition sur papier : concevoir la mise en espace des œuvres et rédiger les textes d’accompagnement. J’ai constaté que ce travail correspondait davantage à mon désir de création. C’est donc ainsi que j’ai décidé de réorienter ma formation en histoire de l’art à l’UQAM, afin de poursuivre une trajectoire qui pouvait me mener à un travail de commissaire d’exposition.

« Avec son regard et son expertise, St-Jean Aubre façonne des expositions qui racontent nos histoires, veillant à ce que l’art contemporain nous interpelle et nous représente »

LD : Pouvez-vous expliquer la différence entre un commissaire d’exposition et un conservateur?

AMSJA : C’est intéressant de noter qu’en anglais, il n’y a pas de distinction entre les deux rôles, car le terme utilisé est « curator ». En français, le commissaire d’exposition est responsable de tout ce qui concerne la création d’une exposition. Cela inclut la sélection des œuvres, l’invitation des artistes, la rédaction des textes d’exposition et la mise en espace. Bien que les conservateurs réalisent également ces tâches, leur rôle se distingue par une responsabilité supplémentaire : le développement d’une collection, ce qui implique un volet d’acquisition et une réflexion sur l’évolution de cette collection. En tant que conservatrice au MBAM, par exemple, je suis responsable de la collection d’arts contemporains québécois-canadiens, qui comprend plus de 8 500 objets. Je dois réfléchir aux artistes inclus dans la collection et à ceux qui ne le sont pas, afin de garantir une représentation complète et pertinente pour orienter la collection vers l’avenir.

LD : Comment se déroule le processus d’acquisition d’œuvres?

AMSJA : Lorsqu’il s’agit d’une acquisition, tous les conservateurs du Musée se réunissent autour d’une table pour en discuter. Je présente l’œuvre que je souhaite soumettre pour acquisition, et nous débattons ensemble avant de prendre une décision collective ; nous cherchons à raconter une histoire à travers la collection, à témoigner d’un moment de création dans le temps. Cette étape se déroule au sein d’un comité interne. Ensuite, l’œuvre est soumise à un comité externe, composé de personnes qui ne sont pas des employés du musée. Leur rôle est de donner leur opinion sur nos choix et d’apporter une perspective extérieure.

LD : Lorsque vous étiez conservatrice d’art contemporain au Musée d’art de Joliette, vous avez mis en avant des femmes artistes et des artistes issus de divers horizons culturels. Comptez-vous poursuivre cet engagement en tant que conservatrice au MBAM?

AMSJA : L’approche que j’ai développée à Joliette est quelque chose que je vais absolument poursuivre ici. Cela reste le moteur de tout mon travail. En observant la collection actuelle du MBAM, je constate qu’elle reflète l’histoire de l’Institution et les priorités de ceux qui m’ont précédée. Malheureusement, cela signifie qu’il y a un manque d’artistes femmes et de voix provenant d’horizons divers. C’est donc un objectif essentiel pour moi [de mettre en valeur ces voix, ndlr] dans le développement de la collection et dans la programmation des expositions. Par exemple, lors de ma première initiative, j’ai repensé l’espace des galeries contemporaines en visant la parité entre artistes femmes et hommes, tout en intégrant divers médiums comme le textile, la sculpture et le dessin. En outre, je souhaite que chaque exposition puisse intéresser autant un spécialiste de l’histoire de l’art qu’une famille qui découvre le musée pour la première fois. Mon objectif est de réussir à aborder un même projet de manière à ce que chacun y trouve quelque chose qui l’interpelle.

« Je souhaite que chaque exposition puisse intéresser autant un spécialiste de l’histoire de l’art qu’une
famille qui découvre le musée pour la première fois »

Anne-Marie St-Jean Aubre

LD : Comment décririez-vous l’art québécois et canadien? Qu’est-ce qui compose notre unicité?

AMSJA : C’est une question très complexe! Par le passé, dans les années 30 à 60, il était plus facile de définir une scène nationale, car il y avait moins de mouvements artistiques. Les artistes étaient conscients de ce qui se faisait ailleurs, mais l’environnement était plus délimité géographiquement. Aujourd’hui, avec l’avènement d’Internet, les artistes sont en constante interaction avec des œuvres du monde entier, ce qui rend la définition d’une scène artistique plus compliquée. Il est donc difficile de concevoir la scène artistique québécoise et canadienne sous un angle unique, car les influences et les inspirations proviennent de partout et sont très diversifiées.

LD : Pour finir, pourriez-vous nous parler de vos projets futurs et des émotions ou messages que vous espérez transmettre au public?

AMSJA : Je suis ravie de partager qu’il y a un projet très prometteur d’une artiste montréalaise, prévu pour 2025. La programmation complète pour l’an prochain sera dévoilée d’ici la fin novembre, mais je préfère garder le suspense. C’est ma première expérience d’exposition avec le musée, et je suis impatiente de la partager avec le public!

Le MBAM s’oriente vers une diversité enrichissante et une accessibilité accrue. Consultez le site du Musée à la fin novembre pour le dévoilement de cette artiste et de sa création. Plus d’informations sur www.mbam.qc.ca

L’article Être conservatrice d’art : entre vision curatoriale, parité et héritage est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Entre hommages et célébrations https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/entre-hommages-et-celebrations/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56308 Retour sur le mois de l’héritage latino-américain à McGill et à Montréal.

L’article Entre hommages et célébrations est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Ce mois d’octobre a marqué la sixième édition du Mois de l’héritage latino-américain à Montréal, et des célébrations de tous genres ont été au rendez-vous. Au cours des dernières semaines, les apports culturels diversifiés de la communauté latino-américaine ont été mis à l’honneur au moyen de festivités et de commémorations à travers la ville. Depuis 2019, la mission de cet évènement est de « favoriser la convergence et le rayonnement des différentes expressions sociales et culturelles » qui découlent de l’immigration latino-américaine. Le comité d’organisation a ainsi proposé au public une multitude de rencontres vibrantes et culturelles, telles que des spectacles de danse, des foires et des expositions, mais aussi des conférences traitant de sujets sociétaux comme l’intégration dans le monde professionnel.

Faciliter l’intégration

Un des contributeurs majeurs du mois de l’héritage n’est autre que la fondation LatinArte qui, depuis la première édition, s’est installée à la Maison de la culture Claude-Léveillée et organise son festival chaque année. Si le mois de l’héritage organisé par la ville de Montréal est relativement nouveau, le festival de la fondation LatinArte, lui, est bien plus ancien. Depuis maintenant 16 ans, celui-ci vise à mettre en lumière les artistes latino-américains et leurs contributions à la culture montréalaise. Pour Angela Sierra, directrice du festival, chaque mois d’octobre représente un pas de plus pour l’intégration de la communauté latino-américaine à Montréal. Elle rappelle que différents organismes tels que la Maison des Amériques, ou le Centre d’aide aux familles latino-américaines (CAFLA) sont disponibles et ont pour but de faciliter l’insertion des nouveaux arrivants sur le sol québécois.

Depuis maintenant six ans, les locaux Claude-Léveillée sont devenus le foyer des artistes latino-américains de tous genres. Le 23 octobre s’est ainsi tenue la rencontre poétique et musicale de la poète Flavia Garcia et du pianiste José Maria Gianelli, Fouiller les décombres, qui retrace l’enfance de la poète sous la dictature de la junte militaire en Argentine. Dans un décor minimaliste et faiblement éclairé, les artistes alternent voix parlée, chantée, danse, piano, contrebasse et flûte. De temps à autres, Flavia Garcia, qui interprète ses propres textes, passe du français à l’espagnol, avec un accent argentin qui réconforte l’audience. Ayant quitté l’Argentine dans sa jeunesse, elle insiste sur l’importance de partager les expériences de son passé : « C’est un peu notre héritage vivant, notre apport à la société dans laquelle on vit. On apporte nos histoires et on les partage avec les gens. » Elle a conscience qu’il est parfois difficile de s’insérer mais souligne aussi les progrès de ces dernières années : « Ce n’est pas facile de s’intégrer ici, surtout quand on ne parle pas la langue. Mais une fois cette barrière franchie, il y a beaucoup de mesures mises en place pour que les gens puissent s’intégrer facilement », explique-t-elle.

Lara Cevasco | Le Délit

Des hommages multiples

À quelques pas de là, sur la rue Saint-Hubert, se tient l’exposition temporaire Titre de voyage, qui illustre la crise migratoire face à laquelle sont confrontés réfugiés et migrants lorsqu’ils arrivent au Canada. Cette œuvre, réalisée par Juan David Padilla Vega, est une installation multimédia itinérante qui se niche dans plusieurs coins de la ville et qui mêle musique, photographie, performance et écriture. Sur l’installation de Saint-Hubert, une série de quatre affiches dépeint le lourd fardeau de ces populations. « 3 038 jours », « 1 600 jours », « 2 045 jours », peut-on lire sur les images : ce sont le nombre de jours depuis lesquels les immigrés sont dans l’attente d’une régularisation. Selon l’artiste, l’œuvre illustre cette attente perpétuelle qui « se matérialise comme une empreinte sur la peau des migrants ».

Toutefois, les hommages ne sont pas seulement culturels. L’Équipe de la Défense du Canada, elle aussi, tient à commémorer la contribution des populations latino-américaines au pays durant ce mois d’octobre. Saviez-vous que des membres de la communauté latino-américaine, venus tout droit de leur pays d’origine, s’étaient portés volontaires pour s’enrôler dans les Forces armées canadiennes lors des Première et Seconde Guerres Mondiales? Ne parlant pour la plupart que l’espagnol, ces derniers avaient su s’intégrer de manière « remarquable » aux forces armées, a tenu à honorer le capitaine Rey Garcia-Salas, coprésident du réseau latino-américain de l’Équipe de la Défense et responsable du comité de planification du Mois du patrimoine latino-américain. Cette année, à l’occasion de la célébration de ce patrimoine et pour rendre hommage aux vétérans, différentes cérémonies de commémoration se sont tenues au Canada, dont une à Québec, ce vendredi 25 octobre.

« Ce n’est pas facile de s’intégrer ici, surtout quand on ne parle pas la langue. Mais une fois cette barrière franchie, il y a beaucoup de choses mises en place pour que les gens puissent s’intégrer facilement »

Flavia Garcia, Poète

Et à McGill?

Le campus de McGill a lui aussi su prendre part aux célébrations. Ces dernières semaines, différents clubs et associations ont proposé aux étudiants un agenda d’activités pour rendre hommage à leurs cultures. Ainsi, l’Association d’Étudiants Espagnols et Latino-Américains (SLASA) a organisé plusieurs évènements sur le thème de l’héritage latino-américain, permettant à la fois la rencontre entre élèves et la mise en réseau avec des professionnels. Le 25 octobre dernier s’est alors tenu un panel réunissant plusieurs consuls de Montréal, notamment du Brésil, du Mexique et de l’Argentine. Cet évènement s’est fait aux côtés de l’Association des professionnels latinos d’Amérique (ALPFA) de Montréal, qui vise à offrir des opportunités d’échanges et de réseautage aux Latinos du Québec. Pour Julia, co-présidente de SLASA, il est important que le monde universitaire prenne conscience de cet héritage : « C’est une célébration qui unifie, et je suis fière que SLASA contribue à construire ce pont au sein de la communauté mcgilloise (tdlr). » De son côté, l’Association d’études caribéennes et latino-américaines et d’études hispaniques (CLASHSA) a elle aussi proposé différentes activités aux étudiants de McGill ; l’une d’elles, un atelier de poésie sur le thème des poètes latino-américains célèbres.

Bien que le mois d’octobre s’achève, certains évènements seront encore ouverts au public au début du mois de novembre, notamment pour célébrer la légendaire fête du Día de Los Muertos, qui se tient généralement les 1er et 2 novembre. Originaire du Mexique, cette tradition se célèbre dans l’ensemble de l’Amérique latine, et met en avant l’amour et le respect des populations envers les membres de leur famille n’étant plus parmi eux. Faisant partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, le Día de los Muertos rassemble des millions de personnes dans un esprit de fête, car à travers défilés, costumes et danses, ils célèbrent à la fois la vie et la mort.

Si vous souhaitez vous rendre aux évènements proposés par la ville de Montréal, toutes les informations sont disponibles sur les sites internet du Mois de l’héritage latino-américain et du festival LatinArte. Concernant le campus de McGill, les actualités culturelles et académiques peuvent être retrouvées sur les comptes Instagram des associations, @slasa.mcgill et @clashsa.mcgill.

Et si vous avez manqué l’occasion de participer au célébrations du Mois de l’héritage latino-américain, ne vous inquiétez pas, il revient l’année prochaine!

L’article Entre hommages et célébrations est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Remettre les femmes à leur place https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/remettre-les-femmes-a-leur-place/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56338 Carrière ou famille : un choix trop souvent genré.

L’article Remettre les femmes à leur place est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Eilearwah Rizqy, députée québécoise, a relancé un débat sociétal majeur à travers sa déclaration à l’Assemblée il y a plusieurs semaines : « Aujourd’hui, je n’annonce pas ma démission. J’annonce simplement que je ne reviens pas en 2026, car moi, personnellement, je n’arrive pas à tout conjuguer. » Concilier carrière professionnelle et vie de famille est un vrai dilemme, et ne semble pas être un choix personnel pour beaucoup de femmes. Entre les attentes des superwomen qui arrivent à tout combiner, les stigmatisations sur les femmes sans enfants, et le jugement porté à celles qui restent à la maison, il semblerait que tous ces choix portés par les femmes deviennent un poids sur leurs épaules. Mais quels sont les facteurs qui influencent ce choix? Comment choisir entre prioriser sa carrière ou sa famille? Ou alors comment arriver à concilier les deux?

Différents milieux

Il y a encore des grandes différences entre les milieux à prédominance masculine et féminine : ces derniers ont été le théâtre de luttes sociales qui ont permis aux femmes de gagner en flexibilité au travail pour pouvoir répondre à l’appel de leur vie de famille. Jessica Riel, professeure à l’UQAM en études féministes et bien-être au travail, soulève les différences de la réalité des femmes dans les milieux à prédominance masculine et ceux à prédominance féminine. « Dans les milieux masculins, c’est très difficile de penser avoir un horaire différent. Je parle des métiers où les horaires commencent avant les heures de la garderie et se terminent après les heures de garderie, comme le secteur de la construction qui a parfois des quarts de travail de douze heures. » Dans les milieux de l’éducation et des centres de la petite enfance, où la majorité des employées sont des femmes, « il y a une certaine flexibilité pour gérer des choses familiales au travail, faire des appels pendant les pauses avec le médecin ou la maison », ajoute Dre Riel. « Il y a aussi des mesures, gagnées par les syndicats, pour que les employées gardent leur ancienneté au retour de congé de maternité. » Ce sont les combats syndicaux des milieux féminins qui ont permis des mesures adaptées à la conciliation de vie de famille et vie de travail des employées, « ce dont les hommes pourraient aussi bénéficier », défend la professeure.

La différence avec les milieux à prédominance masculine se remarque aussi à l’embauche, notamment par des remarques discriminatoires quant au choix d’avoir des enfants. Dre Riel raconte : « Lors de mes recherches, nous avons obtenu des témoignages de femmes qui se sont fait offrir un poste à condition de ne pas avoir d’enfants avant d’avoir trois ans d’ancienneté. » Ana de Souza doctorante à l’Institut d’études religieuses de McGill, remarque que ces commentaires ne semblent pas s’appliquer à part égale aux deux sexes : « Je pense que lorsque [les patrons, ndlr] voient des pères avec de jeunes enfants, ils ne supposent pas que le congé de paternité va affecter leur travail de manière significative. »

La peur que l’efficacité d’une femme au travail soit affectée par ses enfants motive ses collègues à confier des tâches à d’autres collègues masculins, lorsqu’ils en ont le choix. C’est la pénalité causée par la maternité (« motherhood penalty »). « Nous pensons, même inconsciemment, que cette femme a peut-être un enfant, ou alors qu’elle en aura un dans le futur », précise Darren Rosenblum, professeur·e à la faculté de droit de McGill, et spécialisé·e dans les démarches prises par les entreprises pour favoriser la diversité et l’égalité des genres. Cette pénalité semble s’atténuer lorsque la femme atteint la quarantaine, mais les différences hiérarchiques se font toujours ressentir.

« Si vous avez de l’aide, ou si vous faites appel à quelqu’un d’autre, si vous ne le faites pas de vos propres mains, vous n’êtes pas une aussi bonne mère »

Ana de Souza, doctorante à l’Institut d’études religieuses de McGill

La place du congé familial

Au Québec, le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) finance le congé à hauteur de 70% du salaire : quatre mois pour la mère, cinq semaines pour le deuxième parent et une banque commune de 32 semaines à se partager au choix. Dre Riel constate que le congé parental commun est généralement attribué à la mère : « C’est souvent la travailleuse qui a un plus petit salaire que le père de l’enfant, donc c’est légitime que ce soit elle à qui revient le congé. C’est absurde, car ça reproduit les rôles sociaux. » Ana ajoute que le « choix » que fait la femme de rester à la maison s’étend au-delà du congé parental : « Disons que le coût de la garde d’enfants est égal ou supérieur au salaire de la femme, et que son mari gagne plus. La carrière en vaut-elle vraiment la peine? »

Eileen Davidson

Les pays scandinaves, quant à eux, mettent en place des politiques qui encouragent le partage plus égalitaire de la responsabilité parentale. « Dans les pays scandinaves, si le deuxième parent prend aussi son congé parental, la famille reçoit beaucoup plus de compensations », explique Darren Rosenblum. « Ça encourage notamment les hommes à être présents dès le début de la vie de l’enfant et à bâtir un monde où il est typique, voire même obligé, pour les hommes qui ont des nouveaux-nés de prendre congé. » Montrer l’exemple grâce à cette démarche, c’est la décision qu’a prise le ministre de la Défense finlandais, Antti Kaikkonen en 2022, lorsqu’il a pris son congé de paternité pendant deux mois à l’occasion de la naissance de son deuxième enfant. « Je crois que quelque chose qui a eu un grand effet dans les pays scandinaves, c’est quand les dirigeants, qui sont des hommes, prennent leur congé comme ils doivent le faire », affirme Rosenblum. Dans le cas de Kaikkonen, en effet, l’impact fut d’autant plus retentissant, car la Finlande, en pleine négociation d’adhésion à l’OTAN, traversait une situation politique critique.

Cependant, Ana de Souza souligne que le congé n’est pas nécessairement vécu de la même manière par les deux parents, puisque la femme doit récupérer physiquement de l’accouchement : « Le simple fait d’accorder du temps [aux hommes, ndlr] ne permet pas d’égaliser les chances, car la relation à la parentalité est très différente. »

« Personne ne devrait avoir à choisir entre sa carrière et ses enfants. Personne ne devrait avoir à se prouver Superwoman »

Jessica Riel, professeure à l’UQAM en études féministes

Le sacrifice de la santé

La conciliation de la garde d’enfants avec un emploi du temps de travail se fait au détriment de la santé des femmes, surtout dans les métiers où elles ont l’option de travailler la nuit. « Il y a des femmes qui préfèrent travailler la nuit pour pouvoir voir leurs enfants, alors qu’on sait que le travail de nuit trouble les rythmes de sommeil, prédispose au cancer du sein et pose d’autres risques sur la santé », déplore Dre Riel. « Les besoins de souplesse pour la conciliation travail-famille se font surtout pressants lorsque l’enfant a entre zéro et cinq ans, avant qu’il ne rentre à l’école. » Une triste ironie semble parcourir le secteur de la santé : les plus jeunes travailleuses sont en « bas de la hiérarchie » et sollicitées par leur supérieur à travailler la nuit. Ce sont également elles qui sont plus enclines à avoir de jeunes enfants, et elles se trouvent dans la tranche d’âge la plus à risque pour le cancer du sein.

Elles ont également permis d’obtenir le droit au « retrait préventif » visant à ce que les travailleuses enceintes ne soient pas exposées à des risques chimiques ou ergonomiques. Ce droit, enchâssé dans la Loi sur la santé et sécurité du travail, concerne surtout les postes où la travailleuse est debout, dans les secteurs alimentaires et manufacturiers. « Si l’employeur n’est pas en mesure de faire des changements pour accommoder la travailleuse par rapport à ce qui est indiqué dans le certificat médical du médecin, il doit la retirer de son poste pour ne pas qu’elle soit exposée à ces risques-là, et lui attribuer un autre poste du même niveau de compétence. S’il n’est pas en mesure de le faire, la femme est retirée du travail et elle reçoit une indemnité qui équivaut à 90% de son salaire », explique Dre Riel.

Culpabilité du « lien maternel »

Attribuer un congé parental aux femmes davantage qu’aux hommes pourrait provenir de l’instinct sociétal du « lien maternel », qui se construit tout au long de la grossesse : « La femme (en supposant qu’elle ait été enceinte) est beaucoup plus impliquée dans l’existence de l’enfant. Ce lien s’exprime différemment chez l’homme, et cela le pousse à travailler plus dur pour obtenir des promotions et essayer de fournir davantage de revenus. Mais je pense que parce qu’elle est plus impliquée dans la vie quotidienne de l’enfant et qu’elle en est la source physique, la femme a tendance à penser qu’il est de sa responsabilité de gérer les enfants », affirme Ana de Souza. Cependant, selon elle, cette logique reposerait en partie sur l’intériorisation de l’existence de ce lien maternel, qui serait encouragée par la société : « Je pense qu’il y a une tendance sociétale à faire culpabiliser les femmes. Si vous avez de l’aide, ou si vous faites appel à quelqu’un d’autre, si vous ne le faites pas de vos propres mains, vous n’êtes pas une aussi bonne mère ».

Le susdit lien maternel est sujet aux controverses, puisqu’il apparaît plus comme une invention de la société pour justifier l’absence de l’homme dans l’éducation directe de ses enfants, et non pas comme un phénomène propre au genre féminin. Au Canada, les luttes féministes ont permis de rendre les centres de la petite enfance accessibles à tous, afin d’accorder aux mères le temps de travailler. Des listes d’attente existent cependant partout au Québec à cause de la saturation des centres, empêchant la réinsertion des femmes sur le marché du travail. L’organisme à but non lucratif Ma place au travail a organisé une grève d’occupation cet été devant l’Assemblée nationale pour manifester au gouvernement l’urgence de la situation.

« Il faut créer une société qui lie moins le fait d’être parent au sexe biologique, et imaginer un monde où les femmes ne sont pas nécessairement obligées d’être le parent primaire »

Darren Rosenblum, professeur·e à la faculté de droit de McGill

Le modèle du travailleur idéal

« Je pense que le système dans lequel nous évoluons a été conçu selon des normes qui ne fonctionnent ni pour les femmes, ni pour les hommes », énonce Dre Riel. « Elles s’inscrivent dans un modèle du travailleur idéal, qui est disponible tout le temps, qui n’a pas d’enfant, ou qui a une femme qui s’en occupe. Cela fait en sorte que le milieu professionnel n’est pas adapté pour une conciliation travail-famille saine. » La culture de la performance aurait un impact direct sur les caractéristiques qu’une femme se doit de combiner, aux yeux de la société : « Je pense que l’image de ce qu’est une “bonne” femme a beaucoup évolué », explique Ana de Souza. « Aujourd’hui, il s’agit d’avoir une carrière, des enfants et d’être en pleine forme. Je voudrais que la culture devienne plus saine, ce qui aiderait les femmes à se sentir moins obsédées et plus à l’aise avec qui elles sont, plutôt que d’encourager des pratiques mauvaises pour la santé. »

« Avoir un équilibre, ce n’est pas juste pour les femmes et/ou les hommes, ça devrait être pour tout le monde », ajoute Dre Riel. « Personne ne devrait avoir à choisir entre sa carrière et ses enfants. Personne ne devrait avoir à se prouver “ Superwoman ”. Il y a quelque chose à repenser au niveau de la place du travail [dans la société, ndlr], des conditions de travail, mais aussi de la performance attendue, et ça passe par une reconsidération de la “norme”. »

La place des hommes

Les changements sociétaux et culturels ne peuvent se profiler sans la participation active des hommes, d’abord en tant que pères, et dans leurs postes politiques et d’entreprise. Ana ne doute pas de la motivation masculine à établir ces changements, puisqu’ils sont eux aussi impactés par le problème de la conciliation du travail et de la famille : « Je pense qu’ils devraient être motivés parce que cela va au-delà de l’intérêt personnel ; la plupart des personnes ayant des enfants en bas âge veulent que la vie soit plus facile, ce qui inclut la santé mentale de son ou sa partenaire. » Rosenblum appuie ce constat : « Il faut créer une société qui lie moins le fait d’être parent au sexe biologique, et imaginer un monde où les femmes ne sont pas nécessairement obligées d’être le parent primaire. »

Le chemin vers une conciliation travail-famille reste complexe, mais d’abord faut-il s’assurer que ce choix demeure féminin, et non pas sociétal. Les rôles sociétaux offrent des modèles à suivre, celui de la femme qui s’occupe des enfants ou celle qui gère tout à la fois, ou encore la « femme à chat sans enfants » comme le dit Vance, le vice-président du candidat à l’élection présidentielle américaine. « C’est le choix de chaque femme d’avoir des enfants ou pas, c’est tout autant le choix de chaque femme de prendre son congé ou pas et d’être parent comme elle le veut », conclut Rosenblum. « Si une femme veut continuer à travailler, c’est vraiment à elle seule de le décider, ce n’est pas à nous [la société, ndlr] et ce n’est pas au grand public de juger. Il n’y a qu’une personne qui peut prendre ces décisions, et il s’agit d’elle-même. »

L’article Remettre les femmes à leur place est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Derrière l’objectif, sommes-nous objectifs? https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/derriere-lobjectif-sommes-nous-objectifs/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56360 Le photojournalisme : une question d'éthique.

L’article Derrière l’objectif, sommes-nous objectifs? est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Tout autour de nous, des images racontent des histoires. Dans un monde qui en est saturé, il est essentiel de s’interroger sur celles qui dépassent le simple visuel pour devenir des récits porteurs de sens. Derrière chaque image se cache l’intention de dévoiler une réalité, parfois brutale, parfois inspirante. Là où d’autres images capturent l’esthétique d’un moment ou le souvenir d’une émotion, le photojournalisme s’impose comme un regard sur le monde, destiné à informer plutôt qu’à séduire. À la croisée des chemins entre art et engagement, cette discipline ne se contente pas de capturer des instants : elle forge notre compréhension des enjeux contemporains.

Photo. Journalisme. Une rencontre entre l’instantané et l’information. Comme son nom l’indique, la distinction entre le photojournalisme et toutes autres formes de photographie réside dans l’intention derrière l’image. C’est lorsque l’image a un mandat publique, celui de fournir des informations précises et honnêtes au public, qu’elle devient photojournalistique. Contrairement aux idées reçues, cette différenciation ne repose pas sur le caractère artistique de l’image. Toutes les photos comportent un aspect esthétique significatif, sans nécessairement être journalistiques. Cela soulève une question essentielle sur la place des artistes dans le journalisme et sur notre rapport à l’information visuelle. Pour répondre à ces questions créatives, techniques et éthiques, Le Délit a interrogé Jasmine, photojournaliste et activiste montréalaise.

La photo comme outil d’information

Aujourd’hui, notre rapport obsessionnel au numérique et aux réseaux sociaux a radicalement changé la manière dont les gens s’informent, suscitant un sentiment de méfiance et de scepticisme à l’égard des médias traditionnels. Ceux qui font le choix de payer un abonnement hebdomadaire au New York Times se font rares. Instagram défie cette barrière sociale élitiste et malgré les restrictions de Meta, la plateforme offre un accès à l’information quasi-universel.

Les médias traditionnels comme Radio-Canada rapportent l’actualité locale d’un point de vue souvent précis, avec un titre accrocheur qui cherche à vendre au lecteur l’intérêt de lire l’article. La confiance du public dans ces médias traditionnels diminue, dû notamment à la quantité d’informations produites quotidiennement. « Nous vivons dans un monde où les gens ne font plus confiance aux journalistes », rapporte Jasmine. Selon elle, c’est cette perte de confiance qui offre à la photo une place comme moyen pour continuer à s’informer. Même si les images peuvent être modifiées sur PhotoShop, ou alors par un usage de l’intelligence artificielle, les photos issues de sources indépendantes sont vitales à une société en quête d’information authentique et démocratisée.

Éthique du photojournalisme

Certains principes des chartes de déontologie du photojournalisme sont particulièrement importants pour Jasmine : ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des photographies, traiter les sujets avec respect et dignité, et ne pas faire intrusion dans les moments intimes de chagrin. Elle souligne également l’importance d’un usage impartial de ces clichés, afin d’éviter toute utilisation dans un contexte éditorial orienté. Pour ces raisons, Jasmine fait le choix de cacher le visage des enfants et de toute autre personne pour qui une image publique pourrait s’avérer nuisible : « L’esthétique de la photo reste importante, alors je vais m’assurer de choisir une photo où le visage est détourné. » Si au Canada, il est légal de photographier des manifestants, pour Jasmine, « il y a des choses qui ne se font pas. » À l’inverse, si quelqu’un se met en position plus visible, en montant sur un podium par exemple, alors ce geste traduit une volonté de détonner de la foule, une adhésion publique à la cause. Il est ainsi évident que le cliché peut être pris.

« Pour bon nombre de photojournalistes, il y a une part d’émotion et d’intérêt personnel et donc de subjectivité dans l’art du photojournalisme, et c’est justement ce qui humanise l’information »

Derrière l’objectif, il y a des rencontres, des êtres humains. Certes, l’objectif principal est d’obtenir la photo qui représente au mieux le message désiré. Pourtant, pour pouvoir photographier un sujet – qu’il s’agisse d’une seule personne, d’un groupe de manifestants, ou d’un événement quelconque – il y a un temps pour écouter, observer, et analyser la situation. Il faut pouvoir mettre à l’aise la personne qui fait face à l’objectif, rester discret et ne pas gêner les actions entreprises, se protéger et protéger son sujet, tout en réfléchissant au bon angle, à la lumière, et à l’esthétique de notre image.

L’objectivité n’existe pas

Pour bon nombre de photojournalistes, il y a une part d’émotion et d’intérêt personnel et donc de subjectivité dans l’art du photojournalisme, et c’est justement ce qui humanise l’information. Mais comment gérer les émotions, les pressions, les biais et les attentes qui accompagnent la couverture d’événements émotionnellement chargés? L’objectivité journalistique est un idéal qui vise soit la neutralité, soit la pluralité d’opinions. Pour assurer cette objectivité, il faudrait préconiser un détachement total, or pour Jasmine « c’est impossible, nous ne pouvons pas être complètement détachés du monde ». C’est pour cela qu’elle décide de couvrir des événements plus partisans comme les manifestations pro-Palestine, ainsi que les campements présents sur le campus de McGill l’été dernier. « Je choisis consciemment à qui et à quoi j’attribue une plateforme malgré mes quelques centaines d’abonnés [sur Instagram, ndlr], parce que ça vaut le coup d’être partagé. » Son but, et celui de beaucoup d’autres photojournalistes indépendants, est de varier les représentations médiatiques, de porter son regard sur les peuples sous-représentés. Au fil de l’histoire des mouvements socio-politiques, des révolutions et des guerres, la photographie a été fondamentale au partage des narratifs. Sans ces images, les acteurs de ces révolutions et les victimes d’injustices systémiques n’auraient pas pu être reconnus à leur juste valeur.

Margaux Thomas | Le Délit

Le risque des manifestations

Jasmine précise qu’elle ne cherche pas à monétiser ses photos. Elle les partage souvent sur Instagram ou les transmet gratuitement aux organisations impliquées, parfois sous couvert d’anonymat – par souci de sécurité. Sous ces publications se retrouvent parfois des commentaires critiques, qu’elle ne censure pas. Avant chaque événement, elle se questionne donc sur les conséquences potentielles de sa participation, même en tant qu’observatrice. C’est justement l’aspect sécuritaire qui demeure un défi constant. Elle reste vigilante, observe le comportement des forces de l’ordre et des manifestants pour anticiper les risques, qui sont d’autant plus élevés sans accréditation de presse officielle. À Montréal, en tant que journaliste, que l’on soit accrédité ou non, identifiable ou non, il est possible d’être agressé et arrêté au même statut qu’un manifestant. Face à une rangée de policiers en armure de combat – comme c’était le cas le 7 octobre dernier sur notre campus universitaire – un appareil photo peut vite être confondu avec une arme par la police. Cela souligne l’importance de l’image dans notre construction de la vérité. Pour Jasmine, il est vrai que les sujets portés par les manifestants sont chargés d’émotions, mais c’est la peur des forces de l’ordre qui lui pèse tout particulièrement. Elle considère que son appareil photo est un outil contre un système défaillant où les violences policières sont en hausse.

Le photojournalisme se situe ainsi à l’intersection de l’émotion et de l’engagement personnel, des éléments qui humanisent l’information tout en posant des défis éthiques. En naviguant entre la nécessité de documenter des événements remplis d’émotions et les risques inhérents à sa présence sur le terrain, la démarche de Jasmine souligne l’importance de la responsabilité éthique dans la couverture médiatique. En fin de compte, le photojournalisme ne se limite pas à capturer des images ; il s’agit de contribuer à une compréhension plus profonde de la vérité, même dans un contexte où la perception et la réalité peuvent se heurter violemment.

L’article Derrière l’objectif, sommes-nous objectifs? est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Rouge, bleu… mais où est le vert? https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/rouge-bleu-mais-ou-est-le-vert/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56357 La place de l’environnement dans les élections américaines.

L’article Rouge, bleu… mais où est le vert? est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
À l’aube des élections américaines du 5 novembre, à l’issue desquelles nous connaîtrons le futur président des États-Unis, la planète entière retient son souffle. Le prochain mandat apportera-t-il un nouveau vent d’espoir, porteur de promesses pour faire face au changement climatique? Ou anéantira-t-il davantage toute perspective d’avenir durable? En tant que première puissance et économie mondiale, la participation des États-Unis dans la lutte climatique est indispensable pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement à 1,5 °C d’ici 2030. Depuis le mois d’août, le pays est ravagé par des ouragans puissants, comme ceux qui ont touchés la Floride (Helene, Milton). Conséquences du réchauffement climatique, ces catastrophes naturelles, qui bouleversent la vie de nombreux Américains, n’empêchent pas l’enjeu climatique de rester un sujet anecdotique dans la campagne présidentielle. Ceci reflète le faible intérêt que portent les citoyens américains des états clés quant au sort de l’environnement. Mais alors entre les deux candidats en lice, Kamala Harris pour le parti démocrate et Donald Trump pour le parti républicain, y a‑t-il un meilleur choix pour l’environnement?

Le paradoxe américain

Depuis la création de l’État fédéral, l’environnement occupe une place ambiguë dans l’histoire des États-Unis, à cheval entre sa protection et son exploitation. Ils ont largement participé à la prise de conscience mondiale quant à la nécessité d’agir pour la protection de l’environnement, entre autres par la création du premier parc national au monde, Yellowstone, fondé en 1872. Par ailleurs, en 1892, l’américain John Muir fonde le Sierra Club, l’une des premières organisations environnementales, qui avait pour objectif de préserver la « wilderness » (naturalité, tdlr), à savoir une zone exempte d’exploitation humaine. L’agence de protection de l’environnement a été créée sous le mandat républicain de Richard Nixon, peu de temps après la publication du livre Silent Spring de Rachel Carson, en 1962, qui dénonçait la toxicité des pesticides comme le DTT, et le danger que ceux-ci représentent pour la biodiversité.

« L’éthique capitaliste aux États-Unis est un élément important de la culture américaine, pour le meilleur et pour le pire. Et depuis les années 1980, il y a eu une forte opposition à de nombreuses réglementations environnementales »

Professeur Brendan Szendrő

Ces débuts d’un mouvement environnementaliste de conservation de la nature se sont accomplis au détriment des peuples autochtones, qui vivent depuis longtemps en harmonie avec la nature. Ces derniers ont été déplacés de force par les colons européens, qui ont saisi leurs terres, en justifiant cet acte au nom de la conservation de la nature. Interrogé par Le Délit, le professeur Brendan Szendrő, qui enseigne le cours de politique américaine POLI 325 à McGill, remarque qu’ « il y a toujours eu un chevauchement entre ces politiques de protection de l’environnement et les politiques à l’égard des populations autochtones, [qu’elles soient positives ou non, ndlr], (tdlr) ». On peut citer comme exemple les politiques instaurées sous le mandat de Nixon, où la création de l’Agence de protection de l’environnement a coïncidé avec l’abolition de la politique indienne d’assimilation, qui ne reconnaissait pas la souveraineté des tribus autochtones et forçait leurs membres à s’assimiler à la société américaine.

Aujourd’hui, les États-Unis sont l’un des plus gros pollueurs de la planète. En 2022, un Américain émettait en moyenne 14,9 tonnes de CO2 par an. Le pays se classe derrière la Chine comme deuxième plus grand pays émetteur d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Pour comprendre ce paradoxe, il est nécessaire de rappeler l’importance accordée à la liberté et au culte de l’individualisme, qui s’enracinent au plus profond
de l’histoire des États-Unis. La Déclaration d’indépendance, qui a donné naissance à la nation, cherchait à s’affranchir de la domination coloniale britannique ; c’est pourquoi le premier amendement de la Constitution scelle la liberté d’expression et de religion comme droits fondamentaux du peuple américain. Les États-Unis ont également vu naître l’idéologie néolibérale sous le mandat de Ronald Reagan dans les années 1980, qui repose sur « l’idée que la croissance économique est la plus efficace lorsque l’on réduit les réglementations et que l’on laisse les investisseurs faire ce qu’ils veulent », explique le professeur. Il ajoute : « L’éthique capitaliste aux États-Unis est un élément important de la culture américaine, pour le meilleur et pour le pire. Et depuis les années 1980, il y a eu une forte opposition à de nombreuses réglementations environnementales, simplement sur la base de cette culture de l’esprit d’entreprise et de la ferveur anti-réglementaire. » Par ailleurs, la classe ouvrière de l’Amérique rurale se méfie de la bureaucratie et résiste, comme les populations plus aisées, aux régulations gouvernementales en matière d’environnement, qu’elle considère comme « un moyen d’interrompre le mode de vie que les communautés ont construit sur plusieurs générations ».

« S’ils souhaitent être élus, les deux candidats doivent composer avec les préoccupations des électeurs des états pivots, dont le choix va déterminer le résultat des élections »

Realpolitik

Dans la campagne présidentielle actuelle, l’environnement est laissé de côté, mais ce n’est pas le seul enjeu oublié. « L’élection actuelle est pratiquement dépourvue de propositions politiques sérieuses », observe professeur Szendrő. Il poursuit : « Donald Trump fait campagne sur le thème “Je vais expulser les gens que je n’aime pas”. Et Kamala Harris fait campagne sur le thème “Pourquoi diable élire Donald Trump?” » Cela relève de la Realpolitik ou l’art du compromis, comme le souligne le professeur Norman Cornett, ancien professeur d’études religieuses de McGill, car « la politique doit être ancrée dans la réalité » et néglige les considérations idéologiques. S’ils souhaitent être élus, les deux candidats doivent composer avec les préoccupations des électeurs des états pivots, dont le choix va déterminer le résultat des élections. Or, bien souvent, leur réalité touche aux enjeux économiques dont les effets sont immédiats, comme l’inflation. Brendan Szendrő note que « le programme en faveur des combustibles fossiles est meilleur pour l’économie à court terme. À long terme, ce n’est pas le cas. Mais le long terme ne permet pas de gagner des élections. Les gens s’intéressent à l’inflation aujourd’hui, pas à l’inflation dans 20 ans ».

Eileen Davidson | Le Délit

Les enjeux géopolitiques de sécurité sont aussi prioritaires aux questions environnementales : « Si vous ne forez pas pour trouver du pétrole dans votre pays, vous allez dépendre de régimes qui sont, dans certains cas, caricaturalement mauvais, pour obtenir votre gaz. Cela aggrave la situation de votre économie, car vous importez plus que vous n’exportez. Cela vous affaiblit également en termes de politique étrangère, car vous dépendez désormais de despotes étrangers, qui pourraient, hypothétiquement, chercher à s’emparer de toute l’Europe de l’Est [la Russie de Vladimir Poutine, ndlr] », explique le professeur Szendrő.

Ces considérations peuvent expliquer le revirement de Kamala Harris quant à la question de la fracturation hydraulique, une pratique qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans la terre pour extraire le pétrole et le gaz qui s’y trouvent. Lorsqu’elle faisait campagne en 2019 pour la présidence des États-Unis, elle se présentait comme une candidate progressiste et s’était engagée contre cette pratique destructrice pour l’environnement. Dans le passé, en tant que procureure générale de la ville de San Francisco, elle avait établi une unité de justice environnementale et avait poursuivi certaines compagnies pétrolières en justice. Cependant, depuis son ascension au poste de vice-présidente, elle affirme son soutien à la pratique controversée. Lors du débat présidentiel contre son adversaire républicain qui se tenait à Philadelphie dans l’État de Pennsylvanie, elle s’est même vantée « que sous l’administration Biden-Harris, les États-Unis ont tiré plus de barils de pétrole que dans toute l’histoire américaine », précise le professeur Cornett. Si l’on peut trouver cette attitude surprenante au premier abord, on comprend très vite les motivations de la vice-présidente : « On ne peut pas gagner [les élections, ndlr] sans gagner l’État de la Pennsylvanie, puisque cela implique 19 votes au collège électoral », explique le professeur Cornett. Or, le gaz naturel est le moteur de l’économie dans cet État pivot. Interdire la fracturation hydraulique reviendrait à s’aliéner les électeurs de Pennsylvanie et ainsi perdre les élections.

« On ne peut pas gagner [les élections, ndlr] sans gagner l’État de la Pennsylvanie, puisque cela implique 19 votes au collège électoral »

Professeur Norman Cornett

Absence de parti vert

Pour Brendan Szendrő, l’absence de proposition politique concrète est renforcée par la polarisation de plus en plus exacerbée du système politique américain, qui « gèle la prise de décision politique ». D’ailleurs, « le fait que le système soit conçu de manière à ce qu’un seul des deux partis puisse gagner les élections signifie que les tiers partis n’ont pas de programme sérieux ». Beaucoup se présentent avec l’intention de perdre. Selon le professeur Szendrő, « parce que les partis tiers savent qu’ils ne peuvent pas gagner, ils sont des foyers de corruption et essaient surtout de faire perdre l’un des deux partis, et non pas de faire avancer la politique ». Ainsi, le parti vert des États-Unis ne peut pas être comparé aux partis environnementaux d’autres démocraties. Jill Stein, à la tête du Green Party, a été impliquée dans des situations compromettantes, comme une rencontre avec Vladimir Poutine. Tandis qu’au Canada, le Nouveau Parti Démocratique (NPD) se présente comme une alternative aux partis libéral et conservateur, « aux États-Unis, cette troisième voie de la social-démocratie n’existe pas », analyse le professeur Cornett. Or le NPD est souvent « le parti qui s’intéresse le plus aux questions climatiques ». C’est ce qui explique le manque d’attention accordé à la politique environnementale.

Selon le professeur Norman Cornett, les lobbys politiques jouent également un rôle clé dans les élections et la politique américaine. Les candidats s’appuient sur le soutien de ces groupes d’intérêt pour financer leur campagne. « Le plus grand lobby pétrolier aux États-Unis, c’est l’ American Petroleum Institute, dont le PDG est Mike Somers », explique le professeur Cornett. C’est pourquoi, de nombreux élus se transforment en « porte-paroles pour l’industrie pétrolière », car leur survie politique en dépend.

« Pour que l’environnement soit à nouveau inscrit sur les bulletins de vote aux États-Unis, le plus simple à court terme est de lancer des initiatives au niveau des États »

Professeur Brendan Szendrő

La menace Trump

Bien que le programme de Kamala Harris en matière d’environnement puisse décevoir, il a le mérite de reconnaître que le changement climatique est réel. Sous la présidence de Biden, la loi sur la réduction de l’inflation de 2022 a permis de dégager des sommes considérables pour investir dans des solutions climatiques et d’énergie propre. L’alternative Trump, candidat climatosceptique dont l’un des slogans préférés est « Drill, baby, drill! », équivaudrait à tuer dans l’œuf tout espoir d’avancée en matière d’environnement. On se souvient du bilan environnemental catastrophique de Trump sous son premier mandat : retrait de l’Accord de Paris, élimination du Clean Power Plan qui contraignait les centrales à charbon à réduire leurs émissions, ou encore affaiblissement du National Environmental Policy Act qui soumettait des projets majeurs à une évaluation environnementale.

Finalement, a‑t-on vraiment le choix? « Si Kamala gagne, il y a beaucoup plus de possibilités de relancer certaines de ces initiatives [environnementales, ndlr] », indique le professeur Szendrő. Par opposition, « si Trump gagne les élections, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de solution possible, mais cela veut dire que le temps nécessaire à la mise en œuvre de ces solutions est beaucoup plus long ». L’option Trump reviendrait ainsi à renoncer aux progrès réalisés sous l’administration Biden, pour perdre à nouveau quatre ans de potentielle avancée en matière climatique. Les conséquences pour le reste du monde seraient majeures car « les États-Unis sont le pays le plus puissant du monde, autant sur le plan militaire qu’économique », rappelle le professeur Szendrő. « Et ils sont le chef de file du monde démocratique. Par conséquent, lorsque les États-Unis ne s’intéressent pas à la politique environnementale, il est d’autant plus difficile de rallier d’autres pays à cette politique, notamment parce que les politiques environnementales consistent souvent à privilégier le long terme au détriment du court terme. » Le professeur explique qu’il s’agit du problème classique, en science politique, de la tragédie des biens communs : « La plupart des pays sont réticents à adopter une politique environnementale si tous les autres pays ne sont pas prêts à faire de même. Ainsi, si les États-Unis ne sont pas disposés à investir dans la protection de l’environnement, il est beaucoup plus difficile de convaincre des pays comme la Russie et la Chine de suivre le pas. »

À l’échelle des États

Selon le professeur Szendrő, « pour que l’environnement soit à nouveau inscrit sur les bulletins de vote aux États-Unis, le plus simple à court terme est de lancer des initiatives au niveau des États ». Il souligne le pouvoir des États d’appliquer des politiques respectueuses de l’environnement à court terme: « Dès que vous franchissez la frontière entre l’Arizona et la Californie, tout change. Du côté de l’Arizona, tout est gris. Et du côté californien de la frontière, tout est vert », remarque-t-il. Néanmoins, il ne faut pas négliger le rôle du gouvernement fédéral, dont l’action est primordiale pour les solutions à long-terme. Mais pour cela, le professeur note que « la première chose à faire au niveau fédéral est de trouver un moyen d’abaisser la température de la polarisation politique aux États-Unis. Si l’on ne parvient pas à réduire la polarisation, alors toutes ces initiatives sont vouées à l’échec ».

Sur une note plus positive, le professeur Szendrő souligne que « dans une société démocratique, la recherche d’un consensus est le moyen le plus facile d’aller de l’avant ». Il note que « de nombreuses initiatives environnementales au niveau local sont nées de cette collaboration entre les organisations environnementales, d’une part, et les entreprises polluantes, d’autre part. » Ainsi, il est parfois possible de trouver un terrain d’entente « pour tenter d’élaborer des politiques mutuellement bénéfiques pour l’environnement et l’économie ».

L’article Rouge, bleu… mais où est le vert? est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Recettes végétariennes https://www.delitfrancais.com/2024/10/09/recettes-vegetariennes/ Wed, 09 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56231 Spécial automne!

L’article Recettes végétariennes est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
SOUPE-REPAS AUX LÉGUMINEUSES ET AU CURCUMA
Un coup de cœur de grand-maman par Ricardo.

Ingrédients :
1 oignon, coupé en dés
2 carottes, tranchées
2 branches de céleri, coupées en dés
1 gousse d’ail, émincée
50 g (1⁄4 tasse) d’orge perlé
2,5 mL (1⁄2 c. à thé) de poudre de cari
2,5 mL (1⁄2 c. à thé) de curcuma moulu
45 mL (3 c. à soupe) d’huile d’olive
1,5 L (6 tasses) de bouillon de légumes
1 boîte de 540 mL de légumineuses mélangées
1 boîte de 398 mL de tomates en dés, égouttées 1 petite patate douce, coupée en dés

Recette :
1) Dans une grande casserole, attendrir l’oignon, les carottes, le céleri et l’ail avec l’orge et les épices dans l’huile. Saler et poivrer au goût.
2) Ajouter le bouillon. Faire bouillir le tout, puis couvrir et laisser mijoter 30 minutes.
3) Ajouter les légumineuses, les tomates et la patate. Couvrir et laisser mijoter 10 minutes ou jusqu’à ce que l’orge soit tendre. Assaisonner au goût.
4) Servir avec des tranches de pain.

Eileen Davidson | Le Délit

SOUPE RÉCONFORTANTE AU RIZ SAUVAGE
Un coup de cœur de Miya par Ali Martin (Gimme Some Oven).

Ingrédients :
1,5 L (6 tasses) de bouillon de légumes
200 g (1 tasse) de riz sauvage
200 g (1 tasse) de champignons de Paris, tranchés
4 gousses d’ail, émincées
2 carottes, coupées en dés
2 branches céleris, coupées en dés
1 grosse patate douce, coupée en dés
1 petit oignon blanc, coupé en dés
1 feuille de laurier
15 g (1 c. à soupe) de sel de céleri
7,5 g (1⁄2 c. à soupe) de paprika
400 mL (1 canne) de lait de coco non-sucré
2 poignées de chou frisé, haché grossièrement
Sel et poivre au goût

Recette :
1) Faire mijoter les légumes et le riz dans le bouillon (sans ajouter le lait de coco) jusqu’à ce que le riz soit parfaitement tendre.
2) Incorporer le lait de coco et le chou frisé, en mélangeant bien. Saler et poivrer au goût.
3) Servir avec des tranches de pain croûté.

PS : Il est possible que le riz sauvage décolore et que le bouillon prenne une teinte mauve-gris, mais ne vous inquiétez pas, la soupe restera délicieuse!

Sachi Kapoor

SOUPE COURGE BUTTERNUT ET LAIT DE COCO
Un coup de cœur de Jade.

Ingrédients :
1 courge Butternut
1 oignon, coupé en dés
500 mL (2 tasses) de bouillon de légumes 400 mL (1 boîte de conserve) de lait de coco
15 mL (1 c. à soupe) d’huile d’olive
Sel et poivre au goût

Recette :
1) Couper la courge dans sa longueur et recouvrir de papier aluminium. Faire rôtir au four à 180° Celsius entre 40 et 50 minutes, jusqu’à ce que l’intérieur soit entièrement cuit. Si vous n’avez pas de four, vous pouvez aussi couper la courge en cubes et les attendrir dans une casserole avec un peu d’eau.
2) Faire sauter l’oignon dans un peu d’huile d’olive jusqu’à ce qu’il soit bien doré (7 à 9 minutes).
3) Ajouter la chair de la courge, le bouillon, et les épices. Couvrir pendant 5 minutes jusqu’à ébullition.
4) Mélanger le tout. Incorporer le lait de coco.
5) Épicer au choix : gingembre, noix de muscade, poudre de cari.
6) Si la soupe est trop épaisse, diluer avec un peu d’eau.
7) Servir généreusement et déguster avec une bonne tartine!

PS: Cette soupe se conserve très bien au congélateur

Eileen Davidson | Le Délit

SOUPE À LA COURGE ET PATATES DOUCES
Un coup de cœur de Camélia par sa maman.

Ingrédients :
1⁄2 courge musquée (peut être remplacée par de la citrouille ou une autre courge de saison), coupée en dés
2 à 3 patates douces, coupées en dés
3 carottes, coupées en dés
1 oignon, haché
3 tomates, coupées en dés
3 branches de céleri, coupées en dés 15 g (1 c. à soupe) de beurre
1 pincée de noix de muscade
Sel et poivre au goût

Recette :
1) Dans une casserole, verser 500 mL d’eau et attendrir les légumes.
2) Passer les légumes au mélangeur à main en ajoutant de l’eau tiède.
3) Ajuster l’épaisseur au goût.
4) Ajouter les épices. Saler et poivrer au goût.

Eileen Davidson | Le Délit

PÂTES AUX COURGETTES AVEC CÂPRES CROUSTILLANTS ET PISTACHES (RECETTE ADAPTÉE POUR LES ÉTUDIANTS EN MI-SESSION)
Un coup de cœur d’Édouard par Yotam Ottolenghi.

Ingrédients :
150 mL (2⁄3 de tasse) d’huile d’olive
4 courgettes (2 tranchées en rondelles et 2 coupées en dés)
20 mL (4 c. à thé) de vinaigre de vin rouge
45 mL (3 c. à soupe) de câpres, épongées
75 mL (1⁄3 tasse) de feuilles de basilic
60 mL (1⁄4 tasse) de pistaches (ou autres noix au goût)
6 gousses d’ail, hachées grossièrement
285 g (10 oz) de pâtes tubetti ou ditalini
Sel et poivre au goût

Recette :
1) Faire chauffer l’huile dans une petite casserole à feu moyen-vif. Faire frire un tiers des courgettes tranchées pendant 5 à 7 minutes, jusqu’à ce qu’elles soient dorées. Retirer les courgettes et les transférer sur une assiette recouverte de papier absorbant. Assaisonner avec une pincée de sel. Répéter avec le reste des tranches de courgettes. Transférer le tout dans un petit bol. Ajouter le vinaigre et mélanger, puis laisser mariner de côté.
2) Réduire le feu et ajouter délicatement les câpres à l’huile. Faire frire les câpres pendant 2 à 3 minutes, jusqu’à ce qu’elles soient croustillantes et de couleur vert foncé, puis les retirer, les égoutter et les placer sur une assiette recouverte de papier essuie-tout. Répéter avec les feuilles de basilic, en les faisant frire pendant environ 1 minute, puis avec les pistaches. Une fois refroidies, hacher grossièrement les pistaches.
3) Verser l’huile chaude dans une casserole, puis ajoutez les courgettes coupées en dés et 3⁄4 de c. à thé de sel. Faire cuire à feu vif pendant environ 5 minutes, en remuant, jusqu’à ce que les courgettes soient légèrement dorées. Ajouter ensuite l’ail et les pâtes, et faire cuire pendant 1 minute. Incorporer 2 1⁄2 tasses d’eau chaude, porter à ébullition, et laisser cuire en remuant souvent pendant environ 8 à 10 minutes, jusqu’à ce que les pâtes soient al dente.
4) Incorporer les pistaches et les courgettes frites, puis transférer les pâtes dans un grand plat. Garnir avec le basilic et les câpres. Servir chaud, à température ambiante ou même froid!

Édouard Montagne

RISOTTO À LA COURGE D’HIVER ET À LA SAUGE
Un coup de cœur de Genève par Recettes du Québec.

Ingrédients :
1 oignon de taille moyenne, haché
8 feuilles de sauge, hachées
60 mL (4 c. à soupe) de beurre
450 g (2 1⁄2 tasses) de courge musquée, coupée en dés
125 mL (1⁄2 tasse) de vin blanc
1,25 L (5 tasses) de bouillon de légumes
270 g (1 1⁄2 tasse) de riz arborio non rincé
300 mL (1 1⁄4 tasse) de fromage Caprano râpé
Sel et poivre au goût

Recette :
1) Dans une casserole, faire revenir l’oignon et les feuilles de sauge dans le beurre. Ajouter la courge et remuer pendant 2 minutes pour bien l’enrober de beurre.
2) Incorporer le vin et 1 tasse de bouillon. Couvrir et laisser mijoter pendant 15 minutes, jusqu’à ce que la courge soit al dente.
3) Retirer le couvercle et faire réduire à sec à feu très vif.
4) Ajouter le riz et 3⁄4 de tasse de bouillon. Faire mijoter à feu doux en remuant jusqu’à ce que le liquide soit absorbé. Répéter jusqu’à ce que le riz soit cuit.
5) Retirer du feu et ajouter le fromage. Bien mélanger. Assaisonner au goût.

Miya Yuki Comte Desjardins

L’article Recettes végétariennes est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Le 7 octobre à McGill : entre commémorations et revendications https://www.delitfrancais.com/2024/10/09/le-7-octobre-a-mcgill-entre-commemorations-et-revendications/ Wed, 09 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56204 Retour sur une journée lourde en émotions.

L’article Le 7 octobre à McGill : entre commémorations et revendications est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Ce lundi 7 octobre a marqué un an depuis l’attaque du Hamas en Israël, qui a causé la mort de plus de 1 200 civils, et la prise en otage de 251 personnes. En réponse, le gouvernement israélien a engagé une opération militaire violente dans la bande de Gaza. Aujourd’hui, plus de 41 000 civils palestiniens sont morts dans le cadre de cette opération, la majorité lors de bombardements. Plusieurs cérémonies et manifestations se sont tenues le 7 octobre 2024, tant pro-israéliennes que pro-palestiniennes, autour du campus de McGill et ailleurs dans Montréal.

Mesures préventives

De nombreuses mesures préventives avaient été prises par la ville de Montréal pour s’assurer que la situation ne dérape pas. Sur Instagram, Valérie Plante, mairesse de Montréal, a déclaré qu’elle reconnaissait le droit des différentes personnes de manifester leurs opinions, mais que la police serait présente pour « désamorcer toute situation de tensions pouvant provoquer des dérapages ». La majorité de ces effectifs étaient composés d’agents du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM), ainsi que de forces de la Sûreté du Québec (SQ). La rue Sherbrooke a notamment été fermée entre les rues Peel et University, au niveau du portail Roddick, et ce, pour une grande partie de la journée. Des mesures de sécurité ont également été prises sur le campus même : seulement deux entrées sont restées ouvertes, l’entrée sur le campus a été limitée aux étudiants, au personnel, et aux visiteurs importants. La présentation de la carte étudiante de McGill était nécessaire pour entrer dans la plupart des bâtiments, et la grande majorité des cours du 7 octobre ont été tenus à distance.

« Les larmes aux yeux, elle a rappelé l’inhumanité avec laquelle les attaques ont été menées, provoquant une forte émotion dans l’assemblée »

Commémoration des victimes du 7 octobre

À 12h30, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées pour commémorer les victimes mortes dans les attaques du 7 octobre 2023 et pour appeler à la libération des otages gardés captifs par le Hamas. Un nombre important des participants à la vigile faisaient partie de la communauté juive montréalaise. Arborant des drapeaux d’Israël et des pancartes dénonçant l’atrocité des attaques du Hamas, les personnes présentes ont écouté des témoignages personnels relatant les événements du 7 octobre, et ont entonné des chants religieux, ainsi que l’hymne national d’Israël. Une étudiante a partagé le quotidien de ses amis en deuil, et de sa famille en Israël, qui doit régulièrement se réfugier dans des bunkers. Les larmes aux yeux, elle a rappelé l’inhumanité avec laquelle les attaques ont été menées, provoquant une forte émotion dans l’assemblée. Pour clore son discours, elle a déclaré : « Certaines choses ne doivent jamais être oubliées. Nous devons faire en sorte qu’une attaque comme celle du 7 octobre 2023 ne se reproduise plus jamais, nulle part et pour personne. C’est en tirant des leçons de cette journée que nous honorerons les personnes que nous avons perdues. Sinon, leur mort se fera dans la douleur. Continuez à vous battre. Luttez pour la vérité, pour l’humanité (tldr). » Plusieurs manifestants ont soutenu ce témoignage, dénonçant les médias canadiens, qui selon eux représentent Israël de manière négative « alors qu’en réalité, nous [les Israéliens, ndlr] ne faisons que défendre notre peuple et le peuple juif ». Par la suite, un rabbin est monté sur l’estrade, encourageant tout le monde à entonner des chants religieux. La vigile s’est déroulée dans une ambiance calme et marquée par l’émotion des participants. Cependant, nous avons aussi remarqué quelques regards inquiets ou hostiles, portés à l’égard des quelques contre-manifestants pro-palestiniens situés à une cinquantaine de mètres plus loin sur Sherbrooke.

Margaux Thomas | Le Délit

Manifestation du collectif SPHR

Une manifestation organisée par les collectifs des Étudiants pour l’honneur et la résistance de la Palestine (Students for Palestinian Honour and Resistance, SPHR) a débuté peu de temps après la fin de la vigile commémorant les victimes des attaques du 7 octobre. Partant du campus de Concordia, une foule d’environ 1 000 manifestants s’est dirigée vers le campus de McGill, remontant à la course la rue Peel avant de descendre l’avenue du Docteur-Penfield, pour finalement aboutir sur la rue McTavish. Suivis par des agents du SPVM à vélo et à moto, certains manifestants couraient, alors que les organisateurs les avertissaient de rester en groupe et de ne pas se laisser disperser par le corps policier. La foule, bloquée par des agents du SPVM, s’est rassemblée devant les escaliers menant à la bibliothèque McLennan et a entonné divers slogans avec force, condamnant l’État d’Israël et l’Université McGill. Plusieurs manifestants portaient des keffiyeh pour cacher leurs visages, et certains revêtaient également des masques de ski, anticipant l’usage possible de gaz lacrymogènes pour disperser les foules.

Près de 20 minutes se sont écoulées sans que le groupe ne se déplace, lorsque les organisateurs l’ont soudainement redirigé dans une rue parallèle. Toujours en courant, les manifestants ont remonté la rue Peel, et se sont cette fois-ci rendus sur l’avenue des Pins, s’arrêtant devant le site de construction du futur Institut de recherche Sylvan Adams en sciences du sport. Devant la foule, l’un des intervenants a pris la parole et a dénoncé avec véhémence la volonté persistante de l’Université à utiliser des dons d’individus sionistes, faisant allusion au milliardaire et philanthrope controversé Sylvan Adams. Certains manifestants se sont ensuite emparés de barres de fer, et ont attaqué le site de construction lui-même. Certains se sont introduits dans le bâtiment, alors que d’autres se sont mis à casser des fenêtres.

Vincent Maraval | Le Délit

Des manifestants, pris de panique, se sont éloignés de la foule, tandis que d’autres applaudissaient les gestes des vandales. Des agents de police ont rapidement chargé dans la cohue, s’interposant entre le bâtiment et les manifestants, de manière à les empêcher de le détruire davantage. Dans un chaos général, les forces de l’ordre ont lancé des bombes de gaz lacrymogène sur les manifestants, qui se sont immédiatement dispersés dans les ruelles environnantes. Plusieurs ont exprimé leur surprise et leur mécontentement face aux actes de vandalisme commis par un petit groupe, et l’abandon conséquent du caractère pacifique de la manifestation. Immédiatement après, une deuxième manifestation a débuté devant le portail Roddick en direction de la rue Parc, organisée par les l’Association des étudiants musulmans de l’Université McGill indépendamment de celle des collectifs SPHR.

L’article Le 7 octobre à McGill : entre commémorations et revendications est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
Naviguer sur l’océan Indien depuis McGill https://www.delitfrancais.com/2024/10/09/naviguer-sur-locean-indien-depuis-mcgill/ Wed, 09 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56197 Redécouverte de la place de l’environnement dans l’Histoire.

L’article Naviguer sur l’océan Indien depuis McGill est apparu en premier sur Le Délit.

]]>
C’est en préparant le départ pour mon échange universitaire en Australie que j’ai découvert le cours Histoire du monde de l’Océan Indien à McGill (HIST206). Ce cours offre une autre façon d’étudier l’Histoire, en explorant les interactions entre les humains et le monde naturel au fil du temps, et en mettant en lumière les facteurs environnementaux qui ont façonné nos sociétés. Élaborée par Fernand Braudel, la théorie exposée dans le cours avance que les histoires et les cultures des régions sont largement déterminées par leurs environnements géographiques et climatiques. Braudel, né en 1902 en France, a enseigné en Algérie et noté que cette région, influencée par l’environnement méditerranéen, diffère profondément de la France. Cela l’a amené à élaborer une théorie, en collaboration avec l’École des Annales, soulignant l’importance des facteurs géographiques dans l’évolution des sociétés et des civilisations. Cette théorie admet comme prémisse que des événements significatifs pour l’humanité, tel que les famines et les migrations, peuvent avoir pour origine des facteurs environnementaux. Un autre exemple serait les changements climatiques comme des variations de températures causées par les éruptions volcaniques. Ainsi, il est véritablement surprenant de constater que ce concept, qui semble évident, est peu connu de la majorité des étudiants.


Histoire environnementale

La façon de naviguer à travers l’océan Indien dans ce cours remet au centre l’interconnexion indubitable entre notre histoire et environnement. Depuis les débuts de l’humanité, les écosystèmes ont connu des transformations qui ont influencé l’évolution des sociétés. Prendre en compte l’environnement est crucial pour obtenir une vue d’ensemble de notre histoire. Gwyn Campbell est un pionnier dans ce domaine, en tant qu’auteur de nombreuses études complètes et détaillées sur les droits humains, l’Histoire et l’économie en Asie et en Afrique. Né à Madagascar et élevé au pays de Galles, le professeur Campbell possède des diplômes en histoire économique des universités de Birmingham et du pays de Galles. Il a enseigné en Inde (avec le Service Volontaire Outre-mer) ainsi que dans des universités à Madagascar, en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud, en Belgique et en France. De plus, il a été consultant académique pour le gouvernement sud-africain lors d’une série de réunions intergouvernementales qui ont conduit à la création d’une association régionale de l’océan Indien en 1997. Durant les premières années de sa carrière universitaire, le professeur Campbell s’est spécialisé dans l’histoire de Madagascar, où la population parle le malgache, une langue austronésienne originaire de l’Indonésie. Les Malgaches présentent des gènes à la fois africains et austronésiens, ce qui suppose des échanges séculaires anciens à travers l’océan Indien. Cette découverte l’a incité à explorer l’histoire globale des riverains de l’océan Indien, en se concentrant sur l’histoire économique et environnementale de la région. Ce projet, initié lors de son séjour en Afrique du Sud et en France, s’est concrétisé grâce à la Chaire de recherche financée par l’Université McGill, où il enseigne aujourd’hui.

« La façon de naviguer le monde de l’océan Indien dans ce cours remet au centre l’interconnexion entre notre histoire et notre environnement »

L’océan Indien à McGill

Le professeur Campbell est le directeur-fondateur de l’Indian Ocean World Centre (IOWC, Centre du monde de l’océan Indien, tdlr) à McGill. Fondé en 2007, le Centre a formé de nombreux étudiants devenus professeurs dans d’autres établissements. Il a pour mission de promouvoir l’étude de l’histoire, de l’économie et des cultures des terres et des peuples de l’océan Indien, qui s’étend entre le Moyen-Orient, l’Asie du sud-est et le sud de l’Afrique. Il a accueilli des chercheurs et professeurs invités du monde entier, et organisé des colloques sur des sujets tels que l’esclavage, les maladies, la monnaie et les échanges d’animaux dans cette région. « Dans trois ans, nous célébrerons le 20e anniversaire du Centre. Depuis sa création, il a su se distinguer comme le meilleur au monde pour les études sur l’océan Indien », affirme-t-il. Le Centre publie une revue universitaire : le Journal of Indian Ocean World Studies (JIOWS, Journal des études de l’Océan Indien), en collaboration avec la Presse universitaire Johns Hopkins. « [Le journal JIOWS, ndlr] publie des articles originaux évalués par des pairs et rédigés par des chercheurs établis et émergents dans les sciences sociales, les sciences humaines et les disciplines connexes qui contribuent à une compréhension du monde de l’océan Indien et de ses éléments constitutifs depuis les premiers temps. » Il ajoute que le journal a pour but de réexaminer les paradigmes spatiaux, temporels et thématiques eurocentrés qui ont dominé les perceptions académiques des régions et des sociétés non-européennes, que la plupart considèrent comme les principaux éléments déclencheurs de l’histoire. En effet, les travaux du journal contribuent à la compréhension du monde de l’océan Indien et de ses composantes, des temps anciens à aujourd’hui, selon les interactions humains-environnement.


Partager l’océan

En 2019, l’IOWF lance un balado éponyme intitulé « Indian Ocean World Podcast » (Le balado du monde de l’océan Indien, tdlr). Ce projet s’inscrit dans le partenariat actuel avec le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) nommé « Évaluation des risques », qui implique des partenaires et collaborateurs internationaux d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Afrique, d’Asie et d’Australasie. Le Dr. Campbell affirme que la plupart des intervenants présentent des exposés sur divers aspects de l’histoire environnementale de l’océan Indien, abordant des sujets tels que les relations entre l’homme et l’animal aujourd’hui, les maladies et les voyages océaniques, la science météorologique coloniale du 19e siècle, ainsi que le patrimoine environnemental actuel et les perceptions du passé. « Ils utilisent également les méthodes des Systèmes d’Information Géographique (SIG) dans la gestion des catastrophes », soutient le professeur Campbell. Le Centre a publié un total de 53 épisodes, la plupart diffusés durant les semestres d’automne et d’hiver sur les plateformes de diffusions en ligne et sur le site Internet du centre.

L’influence et la reconnaissance internationale du Centre ont ainsi permis au professeur Campbell de proposer une nouvelle initiative : la Speaker Series. Cette série de conférences permet au centre de transmettre les connaissances de ses chercheurs. « Nous invitons des conférenciers de toutes disciplines et possédant un large éventail d’expériences : anglophones et francophones ; des universitaires et des étudiants établis ; et sur des sujets qui couvrent toutes les régions du monde de l’océan Indien, de l’Afrique de l’Est à la Chine, et sur des sujets divers », ajoute-t-il. Les intervenants de la Speaker Series présentent des versions préliminaires de leurs travaux afin d’obtenir des commentaires constructifs d’un public dynamique. Le professeur Campbell souligne: « Ce sont des discussions savantes, mais dans un environnement amical et solidaire ». Tel que l’indique le site Internet du IOWC, les conférences se tiennent généralement le mercredi après-midi à 15 heures dans le hall Peterson 116. Le programme complet est disponible sur le site du Centre pour tout le monde, dont les novices au sujet, curieux d’en apprendre sur l’océan Indien.

L’article Naviguer sur l’océan Indien depuis McGill est apparu en premier sur Le Délit.

]]>